lundi 9 avril 2018

Mémoires d'une fesseuse


J’ai fait la connaissance de Lisa sur un forum entièrement consacré à la fessée aujourd’hui disparu. On a sympathisé. Et on est entrés en confidences. Elle éprouvait l’impérieux besoin de se raconter. Messages en privé, par mails, nos échanges sont très vite devenus quotidiens, puis, au bout de quelques semaines, multi-quotidiens. Ça a duré. Plusieurs années. Nous ne nous lassions pas. Ni l’un ni l’autre. Tant et si bien que j’ai fini par lui proposer une rencontre. Elle m’a opposé une fin de non-recevoir catégorique. Sans me fournir d’explication vraiment convaincante. J’ai bien tenté, à plusieurs reprises, de revenir à la charge. Sans plus de succès. Et je n’ai pas insisté.

Plus je la lisais, plus je la relisais et plus je regrettais qu’elle ne mette pas ses confidences en forme, qu’elle n’en fasse pas un ouvrage structuré. Elle s’y refusait catégoriquement. À force d’insistance, elle m’a finalement avoué que, non seulement elle ne s’en sentait pas capable, mais, qu’en outre, ce serait, pour elle, une insupportable corvée. Je lui ai alors proposé de me substituer à elle pour écrire ses « Mémoires ». Ce qu’elle a fini par accepter, après bon nombre de rebuffades et de tergiversations. À trois conditions : que je lui garantisse un anonymat absolu. On ne devait pas pouvoir l’identifier. Ça coulait de source. Que je ne fasse aucun profit financier avec ce texte. Ça allait également de soi. Et enfin qu’elle conserve un droit de regard sur ce que j’écrirais. Tout – absolument tout – devait scrupuleusement correspondre à ce qu’elle avait réellement vécu, pensé ou éprouvé. Ce fut la partie du contrat la plus difficile à respecter. J’ai dû reprendre jusqu’à quinze fois certains passages, solliciter des précisions à n’en plus finir, m’efforcer de me mettre dans sa peau. J’avoue avoir été plusieurs tenté, découragé, de tout envoyer promener. Je suis, malgré tout, finalement arrivé à bon port. Et Lisa m’a donné son feu vert. Je peux donc commencer à mettre en ligne. Accrochez-vous ! Ça va être long.


Mémoires d’une fesseuse


1-


Je venais d’avoir mon bac. Avec mention. Et je voulais faire Langues O. J’y tenais absolument. Depuis toute petite. Mes parents, eux, de leur côté, faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour s’efforcer de m’en dissuader. Non pas qu’ils aient quelque préjugé que ce soit à l’encontre de ces études en particulier, mais elles impliquaient que je « monte à Paris ». Ce qui les terrorisait. Ils se représentaient la capitale comme une sorte de Chicago des années trente où je courrais, matin, midi et soir, une multitude de dangers de toute sorte. Où la mort me guetterait à chaque coin de rue.
– Tu te rends pas compte, Lisa, tu te rends vraiment pas compte.
Je campais sur mes positions. Et eux sur les leurs.

C’est la femme d’un notaire du coin, pour laquelle ils éprouvaient la plus grande considération, qui a finalement débloqué la situation. Sa nièce poursuivait, depuis un an déjà, ses études en fac de droit à Paris. Elle n’y avait été ni détroussée ni violée ni égorgée. Elle s’y plaisait même plutôt bien.
– Et d’ailleurs, à ce qu’elle m’a dit, sa colocataire vient de lui faire faux bond. Elle en cherche une autre. Alors peut-être que, dans ces conditions, Lisa…
J’ai sauté sur l’occasion. Oui, oui. Pas de problème. Ça m’irait très bien de faire la colocataire de cette Marie-Clémence.
On est montés la voir à Paris et elle leur a tout de suite plu.
– Elle a l’air très plombée.
– Et très bien élevée.
L’appartement aussi était à leur convenance.
– C’est propre. C’est clair.
– Et calme comme tout.
Quant au quartier…
– Il a pas l’air si mal fréquenté que ça !
– Oui. Et elle a les commerces tout près.

Et, en septembre, je me suis installée avec Marie-Clémence. Qui était, elle le reconnaissait elle-même, plutôt bordélique.
– J’espère que ça va pas te poser problème. Parce que Vanessa, elle, elle supportait pas.
J’étais plutôt du genre ordonné, mais bon, j’étais pas obsessionnelle non plus.
– Alors à nous deux, ça fera une moyenne.
Autre chose aussi dont elle voulait qu’on parle.
– Que, dès le début, les choses soient claires.
C’était les mecs.
– Non, parce que moi, quand j’ai débarqué ici de mon fin fond de province où tout le monde épie tout le monde, où tout le monde juge tout le monde, où on vit en permanence à l’étroit, je me suis senti pousser des ailes. Je savais plus où donner de la tête. Tous ces beaux mecs, partout, qui demandaient que ça. Ah, je peux te dire qu’il en a défilé dans mon lit. Ce qui exaspérait Vanessa. « Tu crois que c’est commode, toi, de dormir quand t’en as deux qui s’envoient en l’air, toute la nuit, juste de l’autre côté de la cloison ? » C’était sans arrêt des réflexions. Que si je croyais que c’était comme ça que j’aurais mes examens. Qu’il faudrait pas que je m’étonne, après, si je passais pour une moins que rien. Etc. Alors ce que je voulais te dire, c’est que tu n’as absolument rien de cet ordre-là à redouter avec moi. Tu vis ta vie comme tu l’entends.
– C’est gentil, mais ça va pas être ma priorité, les mecs.
– Oui, oh, alors ça ! C’est ce qu’on dit au début. Quand on arrive… Mais après, quand on y a mis le nez.
– Mais que ça t’empêche pas toi, hein !
– Oui, oh, moi, ça s’est calmé maintenant. Les mecs, au bout d’un moment, c’est bien toujours un peu pareil…


2-


On menait notre vie chacune de notre côté, tout en passant, malgré tout, beaucoup de temps ensemble. On s’attardait souvent, le soir, à discuter un peu à table. Et, le matin, on partageait la salle de bains.
– Vu le temps qu’on y reste, toi comme moi, si on doit attendre que l’autre ait fini, on n’est pas sorties de l’auberge.
On y bavardait sans relâche en se préparant.
Côté mecs, moi, il y avait eu, très brièvement, Loïc. Un feu de paille. Il ne savait pas ce qu’il voulait. Et il y avait Philibert. Avec qui j’adorais sortir et discuter, mais avec qui il ne se passait strictement rien. Il était homo jusqu’aux yeux.
Elle, elle ramenait de temps à autre quelqu’un. Jamais le même. Avec qui elle allait aussitôt s’enfermer dans sa chambre. Elle n’en parlait pas. Elle haussait les épaules.
– Ils n’en valent pas la peine. C’est juste des coups comme ça.

Et puis il y a eu cette nuit-là.
Une voix de femme, cassante, impérieuse. Qui m’a réveillée en sursaut. Ça venait de sa chambre, à côté.
– Je t’avais prévenue. Je t’avais pas prévenue ?
Et celle de Marie-Clémence. Suppliante.
– Mais si ! Seulement…
– Seulement quoi ? Qu’est-ce que tu vas encore inventer comme excuse bidon ?
– Rien. Mais me le fais pas ! S’il te plaît, me le fais pas !
– Oui, ben alors ça, c’est ce qu’on va voir !
– Elle va entendre à côté.
– Si tu savais ce que je m’en fous !
Le silence. Un long silence. Et puis des claques. Une multitude de claques. Sonores. Déterminées. À plein régime.
J’écoutais. J’écoutais de tout mon être. Interloquée. Sidérée. Marie-Clémence se prenait une fessée. Et ça faisait pas semblant. C’était quoi, cette histoire ? C’était qui, cette femme ? Et elle ne se défendait pas. Pas vraiment. Elle se laissait faire. Parce qu’elle avait barre sur elle ? Pourquoi ? Comment ?
À côté, ça a marqué un temps d’arrêt.
– Tu le feras plus ?
– Je te promets.
– Comme si j’allais te croire…
Et c’est reparti de plus belle. Marie-Clémence a gémi. Elle a crié. Elle a hurlé. Ça a été interminable. Et ça s’est arrêté. D’un coup.
– Là ! C’est tout pour aujourd’hui. Je te laisse. Je te laisse réfléchir.
La porte de la chambre. Puis celle du dehors.

Je suis restée longtemps sans dormir, les mains croisées sous la nuque. Trop de choses. Trop de questions sans réponses. Sur ce qui venait de se passer. Sur elle. Sur moi. Sur le trouble étrange que je ne pouvais m’empêcher de ressentir. À côté, elle reniflait. Des petits reniflements, par saccades, auxquels sont bientôt venus se mêler des gémissements ténus, des plaintes étouffées : elle se donnait du plaisir.

Le lendemain matin, elle ne s’est pas levée.
Je suis allée entrebâiller la porte de sa chambre. J’ai allumé. Elle dormait sur le ventre, nue. Ses fesses étaient rouge tuméfié. Sur toute leur surface.
– Marie-Clémence, tu vas être en retard.
Elle a précipitamment ramené la couverture sur elle.
– J’y vais pas ce matin. Je reste là.


3-


Le soir, à table, on est restées un long moment silencieuses. Sans oser se regarder en face. Tout aussi embarrassées l’une que l’autre. Je me suis jetée à l’eau.
– Si on crevait l’abcès ? Ce serait mieux, non ?
Elle a poussé un immense soupir de soulagement.
– Oh, oui !
– Bon, ben vas-y alors ! Explique ! C’était qui cette femme ?
– Vanessa.
– Vanessa ? Ton ancienne coloc ? Celle qu’était là avant moi ?
– C’est ça, oui.
– Ah, ben d’accord ! Et c’était pas la première fois, j’imagine…
– Oh, ben non, non !
– Et c’était quoi, les raisons ?
– Quand elle était ici ? Parce que j’avais mis un souk pas possible dans l’appart. Ou parce que je l’avais empêchée de dormir en m’envoyant en l’air toute la nuit avec un mec. D’autres trucs aussi…
– Et toi, tu te laissais faire ! Mais t’avais pas à te laisser faire enfin !
– On voit que tu la connais pas ! On peut pas lui tenir tête à Vanessa. C’est pas possible. Personne.
– Tu parles !
– Si, c’est vrai, hein ! Elle sait tellement ce qu’elle veut que tu finis par être obligée de le vouloir avec elle. Par lui donner raison. Par te dire que finalement, tu l’as bien méritée cette fessée.
– Mouais ! Dis que ça te plaisait bien de la recevoir, oui, plutôt  !
– Ah, non ! Non ! Si tu savais comment j’ai horreur de ça. Ça fait un mal de chien. Et après, ça te brûle pendant des heures.
– On aurait pas dit, cette nuit, pourtant. Vu comment tu t’es comportée quand elle a été partie.
– C’est à cause… C’est pas la recevoir que j’aime. C’est l’idée que je la reçois. C’est avoir honte. De l’avoir méritée. De l’avoir reçue. De m’être laissée faire. De voir comment ça la fait jubiler. Tout.

Quand elle est sortie de la douche, le lendemain matin, elle a bien pris soin de ne pas me tourner le dos. Et elle s’est aussitôt, contrairement à son habitude, enroulée dans sa serviette de bains.
– Elles y sont encore ?
Elle a fait celle qui n’entendait pas.
– Hein ? Elles y sont encore ?
– Quoi donc ?
– Ben, les marques, tiens ! Qu’est-ce tu veux d’autre ?
– Un peu.
– Tu fais voir ?
Je n’ai pas attendu la réponse. J’ai tiré sur la serviette de bains. Qu’elle n’a pas vraiment retenue. Juste un peu. Pour la forme. Qui est tombée à ses pieds. Je l’ai prise par le coude, fait pivoter sur elle-même.
– Ah, oui, dis donc ! Elle t’a pas loupé.
Le rouge s’était violacé. Avec, par endroits, des zones jaunies. Noircies. Bleuies.
J’ai avancé la main, effleuré une fesse, tout du long, d’un doigt léger.
– Ça fait mal ?
– Pas trop.
J’ai un peu appuyé. Plus fort. Encore plus fort.
Elle a tressailli. S’est crispée. A réprimé un gémissement, mais n’a pas cherché à m’échapper.
Je l’ai gratifiée d’une petite tape amicale sur le derrière.
– Habille-toi vite ! Tu vas être en retard.


4-


J’ai dû me rendre rapidement à l’évidence : la fessée de Marie-Clémence avait déclenché quelque chose en moi. D’étrange, d’inhabituel et d’inquiétant. J’étais en effet désormais régulièrement assaillie par des images de fessiers meurtris, de croupes se tortillant, impuissantes, sous les claquées. Je me suis d’abord rageusement débattue contre elles. Ça ne me ressemblait pas. Ce n’était pas moi, tout ça. Mais j’avais beau les repousser avec horreur, les chasser avec la dernière énergie, elles ne désarmaient pas. Elles ne s’en montraient, au contraire, que plus déterminées à m’habiter.

Je m’en suis ouverte à Philibert. Je me sentais d’autant plus en confiance avec lui que, sexuellement, il n’était pas le moins du monde attiré par les femmes. Je n’avais donc pas à redouter que ses réactions ne soient pétries d’arrière-pensées intéressées.
– Tu te rends compte, Phil ? De plus en plus souvent ça m’attrape. D’où ça peut venir ?
– Ben, de ce qu’il y a eu avec ta coloc, là. Ça te fait remonter plein de trucs d’avant.
– Mais quels trucs ?
– T’en as jamais reçu des fessées quand t’étais petite ?
– Jamais, non.
– T’en as jamais vu non plus ?
– Mais non ! Je me rappellerais, quand même !
– De films peut-être alors. Ou de livres. Qui t’ont marquée sans que tu t’en rendes compte.
– Je vois pas.
– Qu’est-ce ça peut faire n’importe comment d’où ça vient ? Ça n’a pas d’importance. Va pas te prendre le chou. D’autant que les fantasmes, ça n’a jamais fait de mal à personne. C’est une affaire entre toi et toi.

Il avait raison. Évidemment qu’il avait raison. Et j’ai cessé de résister. Avec un peu d’hésitation au début. Pas mal de réticences. Avant de m’abandonner. Complètement. Avec délectation. De me livrer à de véritables orgies de fessées, toutes plus voluptueuses les unes que les autres. Que je faisais moi-même tomber sur des derrières exclusivement féminins. Ce pouvait être partout. N’importe où. N’importe quand. Mais c’était surtout pendant les cours. Je me choisissais secrètement une patiente, une fille plutôt jolie, à l’apparence plutôt effacée, et je ne la quittais plus des yeux. Je la mettais en situation. Je me l’appropriais. Je lui inventais une histoire, une famille, un copain. Et un lourd secret que je découvrais par hasard. Qu’elle serait morte plutôt que de voir divulgué. Je jouais sur du velours : son petit cul, c’est d’elle-même qu’elle venait gentiment me l’offrir pour échapper à pire. Je ne la ménageais pas. Je lui tambourinais allègrement le derrière. Ah, il en coulerait de l’eau sous les ponts avant qu’elle puisse s’asseoir. Il m’en sourdait aussi, délicieusement chaude, entre les cuisses.
Je m’attardais aussi aux terrasses des cafés où je jetais mon dévolu sur un couple. Il me le fallait jeune. Elle, un peu tête à claques. Lui, beau gosse. C’était mon mec. Il devenait mon mec. Qu’elle essayait de me souffler, l’autre espèce de petite saloperie. En toute connaissance de cause. Je lui tombais dessus comme une furie. Mais c’est qu’elle me tenait tête, le pire ! Qu’elle avait deux airs. Alors là ! Non, mais alors là ! Elle s’en prenait une carabinée de fessée, le cul à l’air, devant tout le monde. Qu’est-ce qu’ils pouvaient rigoler les gens autour ! Ah, elle faisait moins la fière d’un seul coup ! Sûr qu’elle allait pas avoir envie d’y remettre le nez.

Dans mon univers fantasmatique, Marie-Clémence occupait une place à part. Privilégiée. À cause de ce qui s’était passé. De ce que j’avais entendu. À quoi je faisais, de temps à autre, indirectement allusion, d’un air faussement innocent.
– Elle vient plus ta copine ?
Elle rougissait, se troublait,baissait les yeux.
– Je sais pas. J’ai pas de nouvelles.
J’enfonçais le clou.
– Faudra bien que je fasse sa connaissance, un jour, quand même ! Et, ce jour-là, peut-être que…
Elle comprenait à demi-mot.
– Oh, non ! J’aurais bien trop honte.
– Ben, justement ! Raison de plus.
C’était une perspective qui me ravissait. J’y pensais. J’en rêvais. Le soir, dans mon lit, je réentendais ses cris, le bruit des claques qui s’abattaient sur son derrière. Je le revoyais tout rougi, le surlendemain, dans la salle de bains. Et je m’épuisais de plaisir.


5-


Les jours passaient, les semaines passaient et cette Vanessa ne se manifestait toujours pas.
– Va falloir que je me substitue à elle, si ça continue.
Elle ne répondait pas. Elle ne répondait jamais. Elle s’enfuyait.
Je saisissais la moindre occasion d’en rajouter une couche.
– Non, mais t’as vu dans quel état t’as mis l’appart ? Ah, c’est pas avec Vanessa que tu te serais permis une chose pareille.
Et, le soir, quand je rentrais, elle avait tout remis en ordre.
Il lui arrivait aussi de se relever, la nuit, pour manger.
– C’est pas ce que tu fais de mieux, mais c’est toi que ça regarde. Par contre, que tu vides quasiment le frigo, tu crois vraiment que Vanessa aurait accepté ça ?
Et elle refaisait le plein dans la journée.

Elle se couchait de plus en plus tard. Parfois jusqu’à des quatre ou cinq heures du matin.
– Pour faire quoi, si c’est pas indiscret ?
– Mais rien en plus ! C’est ça, le pire. Je tourne. Je vire. Un petit tour sur Facebook. Un autre sur les sites de jeux. Un autre au hasard. De ci, de là. J’arrive pas à me mettre au lit.
Et, évidemment, le lendemain matin, quand il s’agissait de se lever, c’était la croix et la bannière. Mission quasi impossible. Tant et si bien qu’elle séchait de plus en plus souvent les cours. Et de plus en plus de cours.
– Tu déconnes, là. Tu déconnes vraiment.
Elle haussait les épaules.
– Je me rattraperai.
Mais, en novembre, elle a pris peur.
– J’ai eu mes résultats de partiels. C’est un de ces désastres.
– Tu l’as bien un peu cherché aussi, non ?
– Ils vont pas apprécier mes parents, là-haut. Déjà que je redouble. Qu’est-ce que je vais pas entendre !
– Et puis même ! Sans parler de ça. Si c’est pour que tu te retrouves sans rien à la sortie ! Pas le moindre diplôme. À part le bac, mais le bac…
Elle a pris tout un tas de bonnes résolutions. Qu’elle a tenues. Huit jours. Et tout a recommencé comme avant. Exactement comme avant.
– J’y arriverai jamais.
– Mais si !
– Faut que tu me réveilles le matin. Que tu me secoues.
– C’est déjà ce que je fais.
– Oui, mais insiste ! Insiste ! Tant que je suis pas levée, que j’ai pas déboulé dans la salle de bains, tu me lâches pas. Tu me promets, hein !
Ce n’était pas une mince affaire.
– Bon, allez, Marie-Clémence, debout.
– Juste deux minutes.
Qui en devenaient cinq, puis dix. Parfois vingt. Ou davantage encore.
– Tu te lèves, Marie-Clémence ? J’y vais, moi ! Je vais être en retard sinon…
Elle s’y résolvait enfin. Avec force soupirs à fendre l’âme.

Et puis il y a eu ce matin-là. Quatre fois déjà, j’étais venue la secouer. À la cinquième…
– Marie-Clémence !
– Tu me fais chier, pauvre conne ! Laisse-moi dormir.
Furieuse, j’ai rabattu draps et couvertures jusqu’au pied du lit. Elle dormait à poil. Sur le ventre. Ça tombait on ne peut mieux.
– Tu vas voir ce qu’elle va te faire, la pauvre conne !
J’ai calé mon genou au creux de ses reins. Et j’ai tapé. À pleines fesses. À plein régime.
– Ah, tu le prends comme ça ! Ah, tu le prends comme ça !
Mes doigts rebondissaient sur ses fesses, y laissaient leur empreinte, en incrustations rosées qui s’ancraient en profondeur, qui se faisaient peu à peu vermeil rutilant.
Elle, la tête enfouie dans l’oreiller, elle mélopait interminablement, en sourdine.
– Houououououououou…
Là ! C’est tout pour aujourd’hui ! Et maintenant tu te lèves et tu vas te préparer.
Ce qu’elle a fait aussitôt sans demander son reste.


6-


Je me suis précipitée chez Philibert.
– À cette heure-ci ? Mais qu’est-ce qui se passe ?
– Rien. Enfin, si ! Je viens de lui en flanquer une à Marie-Clémence. Et une sacrée !
– Oui, oh, ben, c’est pas la première qu’elle se prend.
– Non, mais moi, c’est la première que je donne.
– Et alors ?
– C’est trop fou ce que tu ressens. Jamais j’aurais cru. C’est mille fois mieux que n’importe quoi. De la folie ! Non, mais pourquoi j’ai pas connu ça plus tôt, moi ?
– Tout vient à son heure.
– Un moment que ça me démangeait de lui faire, mais j’arrivais pas à me décider. Il y avait quelque chose qui me retenait, je sais pas quoi. Mais là, ce matin, elle a vraiment franchi les bornes. Elle a cherché ? Elle a trouvé. Et je peux te dire que c’est pas fini.

Elle est rentrée tard. Beaucoup plus tard que d’habitude.
– Où t’étais passée ? Qu’est-ce tu fabriquais ?
– J’ai traîné. Et j’ai pas vu passer l’heure.
– Bon, mais à part ça, t’as rien à me dire ?
– Si ! Excuse-moi pour ce matin. Je suis désolée.
– Ah, tu peux ! Parce que moi, je me décarcasse pour toi. Je fais tout ce que je peux pour t’aider. Tu crois que ça m’amuse de perdre mon temps à venir vingt fois dans ta chambre, chaque matin, te secouer. Franchement, j’ai mieux à faire.
– Je sais, oui.
– Et tout le remerciement que j’en ai, c’est de me faire traiter de pauvre conne. Avoue quand même que c’est fort de café.
– J’ai abusé.
– C’est le moins qu’on puisse dire. Alors reconnais qu’elle était amplement méritée cette fessée, non ?
– Si !
Du bout des lèvres. Et en baissant les yeux.
– Regarde-moi ! Et remercie-moi ! C’est la moindre des choses, non ?
Elle a relevé la tête.
– Merci.
– De quoi ?
– De me l’avoir donnée.
Et on a repris notre petit train train habituel. Comme si de rien n’était.

J’ai attendu qu’elle soit couchée et j’ai fait irruption dans sa chambre. Je me suis assise au bord de son lit.
– Je voulais te dire… Je viendrai plus te réveiller maintenant le matin.
Elle m’a jeté un regard surpris.
– Hein ? mais pourquoi ?
– Parce que… C’est pas te rendre service. Il est grand temps que tu te prennes toi-même en charge, non, tu crois pas ?
– Je vais m’oublier. Il y a des jours où je m’oublierai. Forcément.
– Et tu le paieras cash.
J’ai tranquillement ramené draps et couvertures au pied du lit. Je n’ai pas eu besoin de le lui demander : c’est d’elle-même qu’elle s’est retournée. Mise sur le ventre. J’ai tiré sur la culotte de pyjama et j’ai longuement contemplé mon œuvre. Qui avait gagné en profondeur. Dont les couleurs s’étaient épanouies. On n’a rien dit. Ni l’une ni l’autre. J’ai remis le pyjama en place et je suis retournée dans ma chambre.
Elle a presque aussitôt passionnément psalmodié son plaisir. En longs sanglots satisfaits.
À mon tour, j’ai fait venir le mien.


7-


Désormais elle se levait le matin. Tous les matins. Dès la première sonnerie. Sans qu’il me soit jamais besoin d’intervenir.
– Tu vois quand tu veux…
Et ce n’était pas tout. Elle prenait grand soin de tenir l’appartement en ordre, de veiller à ce que le frigo soit plein. D’une manière générale, elle faisait en sorte de ne pas me causer le moindre déplaisir. De quelque nature qu’il soit.
Par ailleurs, ses résultats universitaires s’étaient, quant à eux, améliorés de façon spectaculaire.
– Comme quoi une fessée, si elle est administrée à bon escient, peut se révéler particulièrement efficace. Et irradier dans toutes sortes de domaines.
Je ne manquais pas une occasion de lui faire remarquer qu’elle avait impérativement besoin de ça.
– De quelqu’un qui t’ait bien en mains. Qui t’impose sa loi. Et ce, dans ton intérêt.
J’enfonçais le clou.
– Il y a eu Vanessa. Peut-être d’autres avant. Sûrement même. Et maintenant, tu m’as, moi. T’as sacrément de la chance, avoue !
Elle l’admettait sans sourciller.
– C’est vrai ! Je te remercierai jamais assez.

Qu’elle ait changé aussi radicalement de comportement, sur tous les plans, ne faisait pas vraiment mon affaire. Maintenant, en effet, que j’avais goûté au plaisir subtil de donner des fessées, je n’avais plus qu’une idée en tête : recommencer. Ça m’obsédait. J’aurais bien évidemment pu chercher la petite bête, inventer des prétextes quelconques, faire preuve de la mauvaise foi la plus éhontée pour arriver à mes fins et lui tambouriner le derrière. Mais non. Non. C’était de vraies raisons qu’il me fallait. Que ce soit une VRAIE punition. Mon plaisir, j’en avais parfaitement conscience, était à ce prix. J’attendais donc mon heure. Qui ne venait pas. Elle demeurait désespérément irréprochable.

J’ai abordé le sujet avec elle, un soir que nous étions en veine de confidences toutes les deux.
– C’est une véritable métamorphose, toi, dis donc !
– Ben, oui ! J’ai intérêt. Je sais ce qui m’attend sinon.
– Ça te fait si peur que ça ?
– C’est surtout que ça fait mal.
– Et honte.
– Encore plus, oui.
– Tu m’as dit un jour que t’aimais ça, pourtant, avoir honte.
– Oui. Enfin, non. C’est pas vraiment que j’aime avoir honte, c’est que j’aime sentir que j’ai honte. Avoir honte d’avoir honte, en fait, dans un sens.
Elle a soupiré.
C’est encore bien plus compliqué que ça, mais je sais pas expliquer.
– Essaie quand même !
– Ou peut-être que c’est pas vraiment clair dans ma tête.
Elle a marqué un long temps d’arrêt.
– Une fessée, ça me fait honte, mais ce qui me fait encore plus honte, c’est de tout faire pour ne pas l’avoir. D’être prête à tout accepter pour ça.
– À dépendre entièrement de la volonté de quelqu’un d’autre en somme. De son désir. Ou de ce que tu supposes être son désir. Ce que, depuis des semaines maintenant, tu fais avec moi.
– Oui.
– Pour ta plus grande honte. Et ton plus grand plaisir.
Elle n’a pas répondu. Elle a, très vite, croisé mon regard. Baissé aussitôt les yeux.
Je me suis levée. Je suis passée derrière elle. J’ai posé mes mains sur ses épaules.
– Peut-être bien que ça mériterait une bonne leçon, ça…
Elle a imperceptiblement frissonné.
– Donnée, de préférence, devant du monde. Ce n’en serait que plus efficace.
– Oh, non ! Qui ?
– Tu verras bien qui. Et quand. Il y a rien qui presse. On a tout notre temps. Allez, va vite te coucher maintenant. T’as une dure journée demain.

À côté, dans sa chambre, elle a eu un plaisir comme jamais. Et encore dans la nuit.


8-


Je m’étais engagée un peu à la légère. Parce que claquer le derrière de Marie-Clémence devant une rangée de spectateurs subjugués, bien sûr, oui, que l’idée me séduisait. Et que, de son côté, elle la fascinait aussi. Même si c’était, à l’évidence, de façon très ambiguë. Seulement, les trouver où, ces spectateurs ? J’en étais à ma toute première expérience. J’étais entrée comme par effraction dans l’univers de la fessée. C’était un milieu qui m’était totalement étranger. Et je n’y connaissais absolument personne.

Je suis allée fureter sur Internet, du coup, et j’y ai découvert qu’en réalité la fessée passionnait beaucoup de monde. Forums, fils de discussion, blogs, petites annonces… Fessées données. Fessées reçues. Fessées fantasmées. Il y en avait vraiment pour tous les goûts. Je me suis inscrite. Ici ou là. J’ai d’abord prudemment observé. J’ai ensuite participé à quelques échanges sans jamais dévoiler vraiment mes batteries. De temps à autre je recevais des messages en privé. Le plus souvent des hommes. Dont la plupart n’aspiraient qu’à me flanquer de retentissantes fessées. Ce n’était pas ce que je recherchais. Quant aux autres, leurs intentions étaient on ne peut plus claires : la fessée n’était pour eux qu’un prétexte. Ils espéraient m’attirer dans leur lit. Tant et si bien que j’ai fini par ignorer superbement tout ce qui était message d’origine masculine.

Et puis, un jour, il y a eu Hélène avec qui, rapidement, le courant est très bien passé. Qui n’aurait vu absolument aucun inconvénient à me regarder travailler le fessier de Marie-Clémence. Même si ce n’était pas ce à quoi elle aspirait principalement. Ah ! Et elle aspirait à quoi, elle, alors au juste ? À s’en prendre de sévères. Mais, de tout ça, elle préférait, et de loin, qu’on parle de vive voix. En vis à vis.
Et on s’est donné rendez-vous, un soir, dans un café. C’était une femme d’une quarantaine d’années, brune, les yeux bleus, l’air décidé. Qui est venue droit sur moi.
– T’as l’air surprise…
– Oui. Non. C’est-à-dire que je t’imaginais pas comme ça.
– Moi, si !
Elle a voulu qu’on entre tout de suite dans le vif du sujet.
– Bon, alors je t’explique. J’adore ça m’en ramasser. Mais pas n’importe comment. Pas à n’importe quel prix. Il faut qu’un certain nombre de conditions soient impérativement réunies. Et je suis difficile. Très difficile. Si difficile qu’il y a près de quatre mois que ça m’est pas arrivé.
Et c’était quoi, ces conditions ?
Elle a souri.
– Tu serais intéressée ?
Peut-être. Je savais pas. Fallait voir.
– D’abord, la nana doit être plus jeune que moi.
– Ce qui est mon cas.
– C’est clair. J’ai le double de ton âge. À quelque chose près. C’est humiliant. J’aime. Ensuite, il faut que ce soit une débutante. Qu’elle hésite. Qu’elle tâtonne. Ce qui a, pour moi, quelque chose de profondément attendrissant.
– Je le suis plus, débutante.
– Bien sûr que si ! C’est pas parce que t’as donné, en tout et pour tout, une seule et unique fessée dans ta vie… T’en es encore au tout début des commencements.
J’en avais bien conscience.
– Mais surtout, il faut qu’elle dégage quelque chose. De fort. De puissant. De rapace. D’irrésistible. Et ça, tu l’as. Tu l’as même à un point…
– Je m’en rends pas compte.
– Ça n’en a que plus de charme…
On a gardé un long moment le silence, toutes les deux. Un silence qu’elle a fini par rompre.
– Alors ? Tu décides quoi ?
– C’est oui.
Elle s’est levée d’un bond.
– Bon, ben on y va alors, allez !
– Tout de suite ? Là ? Maintenant ?
– Maintenant, oui. Depuis le temps que j’attends…


9-


Chez elle, j’ai aussitôt voulu prendre les choses en mains. Faire preuve de détermination. Qu’elle n’aille pas s’imaginer que je n’étais pas à la hauteur. Et regretter de m’avoir fait confiance. Je me suis donc installée, d’autorité, dans le fauteuil qui trônait, à la place d’honneur, devant la cheminée.
– T’as sûrement un martinet quelque part ?
Elle avait, oui.
– Va me le chercher…
Ce qu’elle s’est empressée de faire.
– Donne !
Je l’ai fait claquer en l’air. Plusieurs fois.
– Là ! Et maintenant désape-toi !
D’un ton sec. Cassant. Elle m’a lancé un bref regard de satisfaction. Et elle a obéi. La robe. Dont elle a fait glisser, dans le dos, en se contorsionnant, la fermeture-éclair. Qu’elle a passée par-dessus la tête. Le soutien-gorge. Dont elle a ramené l’attache devant, sous les seins, après les avoir extirpés des bonnets. Sans se détourner. Elle l’a dégrafé, jeté derrière elle. Et puis elle a attendu. Quelque chose. Un ordre. Ou un encouragement. Que je me suis bien gardé de lui donner. J’ai attendu, moi aussi, impassible, impénétrable, sans la quitter un seul instant des yeux. Il s’est passé du temps, beaucoup de temps, avant qu’elle se résolve enfin à sortir de sa culotte. Une jambe après l’autre. Un pied après l’autre. Et elle est restée là, intégralement nue devant moi, les bras ballants le long du corps, la tête basse.
Je l’ai longuement détaillée. De haut en bas. De bas en haut. En m’attardant longuement ici ou là. Et puis j’ai ri. D’un long rire offensant sur les raisons duquel je lui ai laissé tout loisir de s’interroger.
Je me suis ensuite lentement levée, approchée.
– Tu n’as pas honte ?
Elle a gardé les yeux obstinément baissés.
– Hein ? Tu n’as pas honte ? Eh, bien ? Réponds !
– Si !
D’une toute petite voix.
– Tu vas être punie pour ça…
Je l’ai prise par le bras, menée jusque devant la grande table en chêne.
– Penche-toi !
Je lui ai pesé, de toutes mes forces, sur la nuque, l’ai obligée à s’incliner, à l’équerre, la joue écrasée contre la table.
– Là ! Et on bouge plus.
Je lui ai lentement, très lentement, promené les lanières du martinet tout au long de la colonne vertébrale, puis du sillon entre les fesses.
Elle a frémi. J’ai recommencé. Deux fois. Trois fois. J’ai alors jeté le martinet, à côté d’elle, sur la table.
– C’est tout pour aujourd’hui…
– Oh, non !
– C’est moi qui décide ! C’est pas moi qui décide ?
– Si !
– Alors tu restes là ! Tu restes comme ça… Tu bouges pas… Et je veux pas t’entendre.
Et je me suis mise à errer, tout à loisir, dans son appartement. J’ai visité les pièces, ouvert les placards, les penderies, sorti ce qu’il y avait dans les tiroirs.
– C’est pas mal chez toi, dis donc !
J’ai longuement exploré la bibliothèque.
– Houla ! Zola… Flaubert… Balzac… Comment c’est sérieux, tout ça ! Il y en a d’autres, je suis sûre. Bien planqués quelque part. Tiens, qu’est-ce que je disais ! « Les délices du fouet. » Tout en haut et tout derrière. Je te l’emprunte. Je te le ramènerai.
Et je me suis dirigée vers la porte.
– Bon, ben j’y vais, moi ! Mais t’inquiète pas, je vais revenir ! Dans cinq minutes. Ou dans une heure. Ou dans dix. Ou demain. Mais je reviendrai. Promis. En attendant, toi, interdiction de bouger de là. C’est bien compris ?
– Oui.


10-


Une fois dehors, j’ai hésité. Et maintenant, je procédais comment ? Je remontais, très vite, lui administrer une bonne fouettée ? Ce qui, je dois bien le reconnaître, me démangeait fortement. Ou bien est-ce qu’au contraire je faisais durer ? Est-ce que je la laissais comme ça, penchée sur la table, les fesses à l’air, à attendre indéfiniment mon retour ? À l’espérer et à l’appréhender tout à la fois ? Ce qui, maintenant que je m’étais installée aux commandes, que j’avais pris le pas sur elle, allait très probablement asseoir définitivement mon pouvoir. Perspective enivrante. Très. Non, il n’y avait pas à hésiter le moins du monde.

Et je suis rentrée chez moi. Sans bruit. Pour ne pas réveiller Marie-Clémence. Marie Clémence que j’ai découverte, quand j’ai poussé la porte de ma chambre, installée dans mon lit. Dont elle est sortie en toute hâte. À poil.
– Ben, qu’est-ce tu fous là ?
– Je m’en vais… Je m’en vais…
– Et c’est quoi, tout ça ?
Des photos, des dessins, étalés sur ma couverture, qu’elle s’est empressée de dissimuler à mes regards. Qu’elle a glissés sous son bras. Et elle a voulu s’enfuir.
Je l’ai empêchée de passer.
– Non. D’abord, tu m’expliques…
– T’avais dit que tu rentrerais pas cette nuit.
– Oui. Et alors ?
– Ben…
– T’en as profité pour venir te branler dans mon lit.
Elle a baissé la tête.
– Eh, bien ? Réponds !
– Oui.
– Et ça t’arrive souvent ?
– Oh, non !
– Menteuse ! Chaque fois qu’une occasion se présente, oui, tu veux dire ! Alors là, je suis bien tranquille… Bon, mais c’est quoi, là, tout ça, que tu caches sous ton bras ?
– C’est à moi.
– Je te demande pas si c’est à toi. Je te demande ce que c’est. Donne ! Allez, donne ! Fais attention, Marie-Clémence ! Fais bien attention !
Elle a donné. À contre-cœur.
Des photos. De moi. Une en pied, appuyée à un arbre. Une autre sur la plage, en petit maillot moulant noir. Et trois de mon visage. En gros plan. Des photos qui provenaient de mes albums. Qu’elle avait très probablement discrètement scannées en mon absence.
Et des dessins. Des dessins faits par elle. Une dizaine. Sur toutes, on me voyait en train de la fesser devant des rangées de spectateurs rigolards. Qui se moquaient ouvertement d’elle.
– La honte, hein ? Toujours la honte. En attendant, tu as vraiment un excellent trait de plume.
Elle a tendu la main pour les reprendre.
– Non. Confisqué.
Et je les ai jetés sur mon bureau où je me suis alors aperçu que traînait ma jolie ceinture de cuir jaune.
– Qu’est-ce ça fait là, ça ?
Elle a balbutié, rougi.
– C’est qu’elle…
– Enflammait ton imagination. Je vois… Bon, mais il y a pas que ça qu’elle va enflammer.
Je lui ai indiqué mon lit. De mon bras tendu.
– Retournes-y, puisqu’il te plaît tant.
Elle est allée tout droit s’y allonger. Sans un mot. Sur le ventre. Docilement. A enfoui sa tête dans l’oreiller.
J’ai aussitôt cinglé. Cinq ou six coups très rapprochés qui lui ont arraché des gémissements étouffés. Et puis d’autres, plus espacés, mais plus appuyés, qui la faisaient, chaque fois, se soulever du derrière.
J’ai brusquement cessé.
– Au coin ! Va au coin…
Elle a trottiné jusque là.
– Les mains sur la tête !
Elle a obéi.
Et j’ai longuement photographié son postérieur tuméfié. Barré de longues traînées carminées.
Elle n’a rien dit. Elle n’a pas protesté. Elle n’a rien demandé. Elle ne s’est pas retournée non plus.


11-


C’est le sentiment d’une présence dans ma chambre qui m’a réveillée en sursaut, sur le coup de deux heures du matin. J’ai allumé. Marie-Clémence était toujours au coin. Là où je l’avais envoyée en début de soirée. Elle n’avait pas bougé.
– Qu’est-ce tu fous là ? Va te coucher !
L’image d’Hélène, penchée à poil sur sa table, m’a effleurée. Est-ce qu’elle non plus n’avait pas bougé, attendant patiemment que je vienne la délivrer ? Peut-être. Sûrement même. On verrait ça. Plus tard.
Et je me suis rendormie.

À neuf heures, j’ai déjeuné. Je me suis douchée. Habillée. Ce n’est qu’ensuite, bien après, que je l’ai appelée. Ça a d’abord sonné sept ou huit fois dans le vide avant qu’elle ne finisse par décrocher.
– Hélène ?
– Oui.
– Tu m’as désobéi. Tu n’es pas restée comme je te l’avais dit.
– Ah, mais si ! Si ! Je t’assure.
– Ah, oui ? Et comment t’as fait pour attraper ton téléphone alors ? Il était dans la cuisine.
Il y a eu un long silence.
– Tu vois bien… Non seulement tu me désobéis, mais, en plus, tu me mens. Bon, mais j’arrive. On va régler ça.

Je ne lui ai pas adressé un seul mot. Je me suis emparée du martinet et je l’ai aussitôt fouettée. Les coups de lanière s’abattaient sur sa croupe avec un bruit sec, s’y incrustaient en relief, la faisaient haleter, gémir et trépigner d’une manière dont je ne pouvais pas ne pas reconnaître, quand bien même je l’aurais voulu, qu’elle m’était extrêmement agréable. De plus en plus agréable au fur et à mesure que la correction se poursuivait et que son fessier se couvrait de longues zébrures boursouflées. Elle semblait y prendre, elle aussi, un incontestable plaisir. Ses fesses s’étaient progressivement mises à onduler lascivement d’une façon qui ne pouvait laisser planer aucun doute sur la nature de ce qu’elle ressentait.
Je me suis interrompue. J’ai glissé une main entre ses cuisses. Je suis remontée. Elle était trempée. J’ai un peu séjourné sur les rebords de sa fissure intime. M’y suis brièvement aventurée. Elle a poussé un long râle de satisfaction.
J’ai repris le martinet et j’ai recommencé à cingler. Toujours les fesses, mais très bas. Le plus bas possible. Elle a geint. De plus en plus vite. De plus en plus fort. Et elle a proclamé, à pleins poumons, une jouissance qui l’a fait basculer sur le côté. Dont elle a mis un temps infini à émerger.
– Merci. Oh, merci. Si tu savais !
Si je savais quoi ?

Je l’ai aidée à se redresser. On est allées s’asseoir.
Hein ? Si je savais quoi ?
– Comment c’est fabuleux un pied que tu prends, comme ça, pendant qu’on te corrige. C’est unique. À rien d’autre ça peut se comparer. Et c’est si rare que ça arrive.
Elle m’a lancé un regard tout humide de gratitude.
– Mais ça, c’est parce que comment ça se sentait le plaisir que t’avais à diriger. À avoir les pleins pouvoirs. Et à taper. T’en étais tout enivrée. Toute dilatée. Un vrai bonheur pour moi.
Elle a posé sa main sur la mienne.
– La seule chose… c’est que tu peux lâcher tes coups, tu sais, si tu veux. Encore plus. Complètement. Plus ça fait mal et plus…
Elle n’a pas terminé sa phrase.


12-


Chaque fois que j’avais besoin de faire le point, d’y voir clair, c’était toujours, systématiquement, à Philibert que j’avais recours.
– Je suis un peu perdue, là.
– Parce que ?
– Parce qu’elle a raison, Hélène. J’y prends vraiment du plaisir à tout ça. Et de plus en plus.
– Oui. Et alors ? Il est où le problème ?
– Il est que ça me perturbe complètement. Je me voyais pas comme ça.
– Tu fais connaissance avec toi-même. C’est jamais simple. Pour personne.
– Et puis, en même temps, je le soupçonnais que c’était là, tout au fond de moi. Mais je voulais pas le voir. Si j’avais accepté d’être un tant soit peu lucide…
– Tu as fini par l’être. La preuve…
– Ça me fait peur. Parce que où ça va m’emmener tout ça ? Maintenant que j’ai ouvert la boîte de Pandore…
– Tu fais de mal à personne. Au contraire. Si j’ai bien compris, elles sont très demandeuses. Et elles y trouvent leur compte. Aussi bien l’une que l’autre.
– De manière différente, mais oui… Oui.
– Eh bien, alors !
– Avec Hélène, au moins, je sais où je vais. C’est clair. C’est limpide. Faut que je la dérouille. Ça lui fait prendre son pied. Et comme c’est loin de me déplaire, t’as pas besoin de t’en faire que je vais m’en donner à cœur-joie.
– Peut-être que ça va beaucoup plus loin que ça…
– Oh, ça, c’est sûr. Elle crève d’envie de m’appartenir, Hélène. Corps et âme. De s’engluer à moi. Et je peux te dire que, si je mets le paquet, elle est pas près de pouvoir se désenlacer.
– Je le crois aussi.
– Avec Marie-Clémence, par contre, je vais sans doute tâtonner un moment dans le brouillard.
– Parce qu’elle sait pas vraiment ce qu’elle veut ?
– Oh, si ! Si ! Son truc à elle, c’est la honte. Et je peux lui faire honte tant et plus, c’est pas le problème. Surtout que pour moi ça a aussi son charme. Sauf que ça a ses limites. On peut pas tourner indéfiniment en rond à deux. À un moment ou un autre, faut bien changer de registre. Passer la vitesse supérieure. Ce qui implique de faire intervenir d’autres personnes. Seulement, qui ? J’ai bien prospecté, sur des sites spécialisés, mais sans résultats vraiment probants. À part avoir fait la connaissance d’Hélène…
– Ce qu’est déjà pas si mal.
– Oui, bien sûr ! Mais question recrutement, c’est vraiment pas ça qu’est ça. Les mecs, j’évite. Parce que je suis pas née de la dernière pluie. Je sais bien qu’il y a toutes les chances qu’ils aient des tas d’idées derrière la tête. Et que ça risque d’être des embrouilles à n’en plus finir. Quant aux nanas, elles se bousculent pas au portillon. Si elles sont là, c’est, le plus souvent, dans l’intention plus ou moins avouée de se faire tanner le cul par un type avec qui il finira par se passer autre chose. Alors regarder une fille tambouriner le derrière d’une autre, ça les branche pas vraiment.
– Tu veux que je t’en trouve, moi ?
– Tu pourrais ? Ce serait super sympa.
– Mais des mecs alors… J’ai que ça sous la main.
– Des homos, comme toi ? Je suis partante. Avec eux au moins, je suis tranquille qu’il y aura pas de lézard.
– Il t’en faudrait combien ?
– Quatre ou cinq. Mais alors qui sachent bien lui faire honte. Avec des réflexions. Des moqueries, tout ça.
– Oui, j’ai compris. Dans quelle tranche d’âge tu les voudrais ?
– Plutôt jeunes. Ce sera beaucoup plus efficace.
– Je m’en occupe. Je m’en occupe et je te tiens au courant.
– Merci. T’es un amour. Ah, si je t’avais pas !


13-


– Tu peux pas t’asseoir, Marie-Clémence ? Tu me donnes le tournis.
Ça faisait un quart d’heure qu’elle arpentait de long en large la cuisine.
– Si ! Oui. Mais je voulais te demander… Les photos…
Elle s’est agenouillée sur la chaise.
– Quelles photos ?
– Ben… De l’autre soir…
– De ton derrière tout rouge ? Quand t’étais au coin ?
– Voilà, oui.
– Tu les veux, c’est ça ? Je t’en ferai une copie, c’est pas un problème.
– Non, mais surtout… Ce que j’aimerais savoir… Tu… Tu les as montrées ?
– Évidemment ! Quel intérêt sinon… T’as de ces questions !
– À qui ?
– Tes copains à la fac…
Elle a pris un air horrifié.
– T’as pas fait ça !
– Ben si, pourquoi ? Fallait pas ? Ils étaient enchantés. Ils te découvraient sous un jour complètement différent.
– Oui, oh, ben alors là, je remets pas les pieds là-bas, moi ! C’est hors de question.
– Mais non, idiote, je les ai pas montrées. Mais je le ferai. Pas à eux. À d’autres. Tu perds rien pour attendre.
– À qui ?
– Tu connais pas. Pas encore. Mais ça ne saurait tarder. Tu les as encore les marques ?
– Un peu.
– Fais voir !
Elle s’est exécutée, robe relevée sur les hanches, culotte baissée à mi-cuisses.
– T’appelles ça un peu, toi !
Elles étaient magnifiques. Patinées à souhait. Bien ancrées en profondeur. Avec des coloris subtils et généreux. Une petite merveille. Un vrai délice.
J’en ai voluptueusement redessiné les contours, du bout du doigt. Longtemps.
Et je me suis brusquement ressaisie.
– Va vite enfiler un string.
– Un string ?
– Oui. Qu’on aille faire un peu de shopping.
Quelque chose de radieux et de terrifié tout à la fois est venu, très vite, habiter son regard.

On a virevolté un long moment entre les portants.
– Bon, alors tu te décides ? On va pas passer l’après-midi là !
Deux femmes d’une quarantaine d’années, qui flânaient à proximité, ont levé sur nous un regard amusé.
Après avoir longtemps tergiversé, elle a arrêté son choix sur un pantalon moulant en cachemire blanc.
– Ça devrait m’aller, ça…
– Le meilleur moyen de le savoir, c’est encore d’aller l’enfiler, non, tu crois pas ?
Elle s’est engouffrée dans une cabine, s’y est enfermée. Assises juste en face, en compagnie d’un homme plus âgé, deux jeunes femmes attendaient qu’une troisième ait terminé ses essayages. J’ai laissé passer quelques instants et puis j’ai résolument écarté le rideau.
– Bon, alors ça y est ? T’en es où ?
Ça y était pas, non. Elle avait le pantalon sur les chevilles. Et elle nous tournait le dos.
L’une des femmes s’est esclaffée.
– Oh, la tannée qu’elle s’est prise, la fille !
L’autre a fait chorus.
– Putain, oui ! Elle a dû le sentir passer !
J’ai laissé retomber le rideau.


14-


Philibert n’avait pas perdu de temps.
– J’ai ce qu’il te faut… Ou du moins une première fournée.
– Ça y est ? Déjà ! Chouette ! C’est qui ?
– Trois charmants jeunes gens. Dix-neuf, vingt-deux et vingt-quatre ans. Discrets. Joueurs. Bien de leur personne. Et que la perspective de te voir tambouriner allègrement le fessier de ta colocataire enchante positivement.
Il m’a tendu un numéro de téléphone.
– Tu peux appeler quand tu veux. Ils attendent que ça.
Je l’ai fait le soir même.

– Où on va ?
– Tu verras bien.
– Pourquoi tu veux pas le dire ?
– Pour que t’aies la surprise.
– C’est encore une cabine comme l’autre fois ? Oui, je suis sûre que c’est ça. C’est forcément ça.
– À moins que ce soit encore mieux que ça.
– Encore mieux ?
Elle a fermé les yeux. Un sourire radieux a illuminé son visage.

Ils étaient installés à l’écart, tout au fond du café.
Je l’ai poussée devant moi.
– Je vous présente Marie-Clémence.
– Enchantés.
On s’est assises.
– Marie-Clémence dont, malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à venir à bout.
– Peut-être que vous n’êtes pas assez sévère ?
– Oh, si ! Si ! Je vous assure… Eh bien ? Montre-leur, toi !
Elle m’a regardée sans comprendre.
– Les photos de l’autre soir ! Tu les as bien. Je te les ai envoyées.
– Les… Ah, oui. Oui.
Elle a sorti son portable, l’a allumé, m’a regardée.
– Eh bien, vas-y ! Qu’est-ce que tu attends ?
Elle a un peu hésité et puis le leur a bravement tendu.
– Ah, oui, quand même !
– Pour une déculottée, ça, c’est une déculottée.
– Avec une fessée comme ça, elle a pas dû pouvoir s’asseoir d’un moment.
Ils se sont passé son portable. Ont fait défiler. Redéfiler.
Il y en a un qui, par-dessus la table, lui a soulevé le menton du bout du doigt.
– Pourquoi tu fais ta vilaine comme ça ?
Elle a baissé les yeux.
– Regarde-moi ! Et réponds ! Pourquoi ?
– Je sais pas.
– Si, tu sais ! Tu sais très bien. C’est que tout au fond de toi, tu es une forte tête. Une rebelle. Mais les fortes têtes, ça se mate. Même s’il y faut du temps. Beaucoup de temps. On te rendra docile, tu verras. Très très docile. Bien plus docile encore que tu ne l’imagines.
Ils se sont levés.
Au passage, il lui a ébouriffé les cheveux.
– On est appelés à se revoir. Bientôt. Très bientôt.

– C’était trop ! Non, mais comment c’était trop ! C’était pas vraiment moqueurs qu’ils étaient. Non. Sévères plutôt. Avec un air de reproche. Une espèce de dédain. C’était pire. C’était mieux. Mille fois mieux. Et puis être obligée de leur montrer. Moi-même. Je savais plus où me mettre. Comment j’ai eu honte. Jamais de ma vie j’ai eu honte comme ça.
– Et c’est pas fini ! Parce que la prochaine fois que tu m’obliges à être sévère avec toi, je les fais venir. C’est devant eux que tu la recevras ta fessée.


15-


– Tu étais à la bourre ce matin.
Elle n’a pas répondu. Elle a continué, imperturbable, à éplucher sa pomme.
– Marie-Clémence, je te parle !
– Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– À quelle heure tu t’es levée ?
– Je sais plus. Neuf heures. Quelque chose comme ça.
– Et t’as séché les cours, j’parie !
– Si c’est pour arriver juste quand ça finit…
– Bon, mais t’étais prévenue. Alors tu sais ce qui va se passer.
– Oui.
– Tiens ! Leurs numéros de téléphone. C’est toi qui vas les appeler.
Elle m’a jeté un bref regard affolé.
– Moi !
– Toi, oui !
– Mais je saurai jamais.
– Bien sûr que si ! Tu vas les appeler tous les trois, à tour de rôle, et les inviter à venir assister à la mémorable fessée dont tu vas te voir gratifiée vendredi soir. Et tout de suite tu t’en occupes. Pas dans dix ans.
Elle est allée s’enfermer, sans un mot, dans sa chambre.

Elle n’en est ressortie que deux heures plus tard, la mine ravie.
– Mais c’est qui, ces types ? Où tu les as trouvés ?
– Est-ce que ça a vraiment une importance ?
– En tout cas, comment j’ai discuté avec ! Qu’est-ce qu’ils sont sympas ! Surtout Brian. Plus d’une heure on est restés à parler tous les deux.
– Te fais quand même pas trop d’illusions.
– Oui, oh, ben alors là, il y a pas de risque. Non, la seule chose…
– La seule chose ?
– C’est que ça va être moins facile, maintenant, de recevoir la fessée devant eux. Parce que des types que tu connais pas, que tu reverras jamais, tu t’en fous un peu qu’ils soient là. Enfin non, c’est pas que tu t’en fous, parce que ça te fait quand même sacrément honte, mais ils comptent pas pour toi. Tandis que si t’as commencé à faire vraiment connaissance avec, si le courant est passé, c’est plus du tout pareil. Elle est multipliée par dix, par cent, ta honte. Et c’est…
– Délectable.
– Oh, non !
Elle s’est aussitôt reprise.
– Enfin, si ! Oui. Aussi.
– Bon, mais tu sais pas ce qu’on va faire ? On va annuler pour vendredi. On va la reporter à plus tard, cette fessée.
– Hein ? Mais pourquoi ?
– T’as l’air déçue.
– N’importe quoi ! Alors là, vraiment n’importe quoi ! Quoique… si ! Quand même un peu…
– Oui. On va différer. Que, d’ici là, tu les aies rappelés. Tu les aies éventuellent vus. Que tu aies longuement bavardé avec eux. Que vous ayez fait vraiment connaissance. En profondeur. Tu auras pleinement honte, comme ça, le moment venu.
– Tu es…
– Machiavélique ? Oui, mais ça, c’est ta faute. C’est toi qui me donnes envie de l’être.
– Ce sera quand alors ?
– Dans quinze jours. Dans trois semaines. Dans un mois. On verra…
– Tant que ça !
– Oh, mais t’inquiète ! Je te réserve encore de jolies petites surprises d’ici là.


16-


Elle me posait la question tous les jours. Plusieurs fois par jour.
– Ce sera quand ?
– Quand je jugerai le moment venu.
Elle soupirait.
– C’est d’un long !
Et passait le plus clair de ses soirées au téléphone. Quand ce n’était pas une bonne partie de la nuit.
Le lendemain, j’avais droit à un rapport circonstancié. Qui elle avait eu. Ce qu’il avait dit. Ce qu’elle avait répondu.
– Il est adorable, Brian. J’aimerais vraiment m’en faire un ami.
– Rien ne t’en empêche.
– Non. Bien sûr que non. Mais ça risque quand même d’être compliqué.
Gauvain, lui, arrêtait pas de la tanner pour qu’elle lui envoie les photos qu’on leur avait montrées de son derrière tout rouge.
– Il flashe grave dessus.
– Eh ben, balance-les lui ! Qu’est-ce t’attends ?
– Je sais pas, je…
– Il les a déjà vues. Alors un peu plus un peu moins.
– C’est pas vraiment la même chose.
– Ah, ça, c’est sûr ! Parce qu’il les aura à son entière disposition. Quand il voudra. Comme il voudra. Et ça te déplairait pas, au fond, avoue, de l’imaginer passant le plus clair de son temps penché sur tes petites fesses endolories. S’offrant du plaisir en les regardant. Non ? Sois honnête ! Ah, tu vois ! Bon, ben tu sais ce qui te reste à faire, du coup. Et tiens, envoie-les aux deux autres tant que tu y es. Pas question de faire des jaloux. Allez, attrape ton portable ! Qu’on batte le fer tant qu’il est chaud.
Et elle l’a fait. Elle les leur a expédiées. À tous les trois. D’abord Gauvain. Puis Brian. Et enfin Valentin.
– Lui, par contre, je me demande comment il va réagir. Parce qu’il a une de ces façons de me faire honte quand il s’y met.
– C’est-à-dire ?
– Je sais pas. Les questions qu’il pose. Il veut tout savoir. La façon dont ça se passe quand tu me la donnes. Dont ça se passait avec Vanessa. Il fouille. Il fouille. Il te lâche pas. Il t’oblige à les dire les choses. Même que tu voudrais pas. Et puis alors il y a le ton qu’il prend. Un ton que t’as qu’une envie, c’est de courir te cacher quelque part. De lui échapper. D’envoyer ton portable s’écraser contre le mur. Mais tu restes quand même. Tu peux pas t’empêcher de rester. Lui, je vais mourir si tu me donnes la fessée devant lui. Alors là, ça, c’est sûr…
– C’est pourtant ce qui va se passer.

Philibert confirmait.
– Connaissant Valentin, il doit systématiquement la pousser dans ses derniers retranchements. Il peut être redoutable quand il veut.
– Ce dont, au final, je suis persuadée qu’elle se trouvera très bien.
– En tout cas, que ce soit lui ou les deux autres, je peux te dire qu’ils attendent le jour J avec une impatience ! Tu comptes les tenir en haleine encore longtemps comme ça ?
– Ce que je voudrais avant, c’est qu’elle prenne le temps de les rencontrer. Tous les trois. Un par un. Seule à seul. Elle en crève d’envie en plus. Seulement, en même temps, ça lui fout une trouille monstre. Et si je pousse pas un peu à la roue…
– C’est toi qui vois. Tu es seule juge.
– Ce que je voudrais aussi, c’est impliquer Hélène là-dedans. D’une façon ou d’une autre. Mais je sais pas encore comment. Faut que j’y réfléchisse…


17-


– Hélène ? Viens ! Je t’attends.
– J’arrive.
Un petit quart d’heure plus tard, elle sonnait à ma porte.
– T’étais au boulot, non ?
– Oui, mais ça fait rien. Ça n’a pas d’importance. Je me débrouillerai.
– Déshabille-toi ! Déshabille-toi et, en même temps, raconte-moi ! Qu’est-ce t’as fait depuis la dernière fois qu’on s’est vues ? Je veux tout savoir. Qui t’as rencontré. À quoi t’as pensé. Tout.
Rencontré ? Non. Elle n’avait rencontré personne. Absolument personne. Ce n’était pourtant pas les occasions qui lui avaient manqué.
– Parce que c’est comme si j’irradiais quelque chose maintenant. Depuis… depuis que je te connais. On n’arrête pas de me solliciter. Sur le site, oui, mais pas seulement.
– Et tu ne donnes pas suite ?
– J’aime trop ça quand c’est toi. J’ai pas envie avec d’autres.
– Tu y as pensé ?
– À quoi ? À ce que tu me fouettais ? Bien sûr. Tous les jours, j’y pense.
– Et tu te l’es fait ?
– Non.
– Parce que ?
– Tu ne m’y avais pas autorisée.
– Je ne te l’avais pas interdit non plus.
Je l’ai laissée finir de se déshabiller. Nue. Entièrement nue. Je l’ai prise par le bras, fait pivoter sur elle-même.
C’était vrai. Pas la moindre marque. Pas la moindre trace de quoi que ce soit.
– Et du plaisir ? Tu t’en es donné ?
– Non plus, non. Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Jamais.
– Tu vas me raconter ça. Ça m’intéresse.
– Oh, c’est assez banal, tu sais, mon histoire, finalement. À plein de filles ça arrive d’être déçues la première fois. Tu te dis que t’es mal tombée. Ce que les copines te confirment à qui mieux mieux. « Attends ! Tu verras ça, ce feu d’artifice, quand t’auras trouvé le bon. » T’en essaies un deuxième. Un troisième. D’autres encore. Toujours rien. Alors tu te dis que sûrement ça vient de toi. Que t’as quelque chose qui tourne pas rond. Et les mecs, tu finis par laisser tomber. Tu te demandes si ton truc à toi, après tout, ce serait pas les filles. Tu vas voir de ce côté-là. Sans plus de succès. Alors t’en prends ton parti. T’organises ta vie à côté de ça. En-dehors de ça. Des années et des années ça a duré. Jusqu’à ce que me tombe dessus une petite Aude de vingt ans à peine – j’en avais trente-deux –, sûre d’elle, déterminée, qui n’y est pas allée par quatre chemins. Elle avait envie de moi. Elle l’a dit. Elle l’a montré. Elle m’a emportée dans sa chambre quasiment comme un trophée. Sa chambre où ce fut comme d’habitude. Exactement comme d’habitude. Ce qu’elle a très mal pris. « Dis tout de suite que je sais pas y faire… » « Mais non, mais… » « Mais quoi ? Tu vas me payer ça, ma petite ! Je peux te dire que tu vas me payer ça ! » Et elle s’est mise aussi sec à me flanquer une vigoureuse et retentissante fessée. J’étais tellement estomaquée que je l’ai laissée faire. Sans rien dire. Sans me défendre. Curieusement, ce n’était pas désagréable du tout. C’était même assez agréable. De plus en plus agréable. Elle s’est brusquement interrompue et saisie d’une ceinture dont elle m’a énergiquement cinglée. Et là ! Alors là ! Pour la première fois, un orgasme. D’une intensité ! D’une puissance ! Quand ça a été fini, je me suis réfugiée, émerveillée, dans ses bras. Des bras qu’elle a refermés sur moi. Six mois on est restées ensemble. Six mois de folie. De jouissance éblouie. Et puis elle s’est évanouie dans la nature, un beau matin. Sans crier gare. Sa grande hantise, c’était de s’attacher. Jamais j’ai retrouvé ça. Jamais. Avec personne. Jusqu’à… Jusqu’à toi.
Je l’ai doucement prise par le bras, conduite jusqu’à la table de la cuisine où elle s’est, d’elle-même, inclinée. À l’équerre.
J’ai avancé la main. La lui ai glissée entre les cuisses.
– Tu es trempée. C’est de m’avoir raconté tout ça, hein !
Elle a fait signe que oui. Oui.
J’ai débouclé ma ceinture, l’ai fait claquer en l’air.
Elle a frissonné.
Je me suis penchée à son oreille.
– Mais on va d’abord attendre le retour de Marie-Clémence, ma colocataire. Qu’elle en profite, elle aussi.
Et je lui ai déposé la ceinture entre les omoplates.


18-


Le pas de Marie-Clémence dans l’escalier.
– Action !
Et j’ai lâché un premier coup sur le fessier d’Hélène. Un deuxième. La porte s’est brusquement ouverte.
– Salut ! Je…
Elle s’est statufiée, les yeux écarquillés.
– Je te présente Hélène.
Dont j’ai continué à cingler la croupe.
– Eh bien, approche ! Fais pas ta timide comme ça.
Un pas en avant. Un autre. Un autre encore. Les yeux arrimés aux fesses zébrées d’Hélène. Sur lesquelles elle regardait, fascinée, la ceinture continuer à s’abattre inlassablement.
Hélène a doucement gémi. Un long gémissement de fond de gorge. S’est cabrée. Ouverte. Encore quelque coups. Qui lui ont fait lever haut le derrière.
Et je me suis arrêtée pour contempler mon œuvre. À laquelle, dans un souci d’équilibre esthétique, j’ai apporté quelques retouches. Essentiellement en haut, à gauche.
– Là ! Parfait.
Une œuvre que j’ai longuement parcourue du bout des doigts. Que j’ai arpentée. Que je me suis appropriée. En caresses amoureusement dispensées. Avant de me faufiler lentement de l’autre côté. Avec de brusques avancées, suivies d’interminables périodes de remords. Elle n’y a pas tenu. Ses doigts se sont emparés d’elle. Ont tournoyé. Se sont engouffrés en elle. Les miens les ont rejoints. Se sont emmêlés à eux.
Derrière, Marie-Clémence avait laissé tomber son pantalon et s’activait, la main dans la culotte. Hélène a déferlé son plaisir en grandes vagues retentissantes. Celui de ma colocataire lui a répondu en échos indéfiniment prolongés.

– Il y a quelque chose qui ne va pas, Marie-Clémence ?
– Si… Si !
– On dirait pas.
– Pourquoi elle est partie ?
– Parce que je le lui ai demandé.
– Elle reviendra ?
– Évidemment qu’elle reviendra.
– Qu’est-ce tu lui as mis en attendant ! Beaucoup plus que quand c’est à moi que tu le fais.
– Toi, c’est avoir honte que tu aimes. Elle, c’est avoir mal.
– Elle va pas prendre ma place au moins ? Devant Brian et les autres. Ça va pas être elle au lieu de moi ?
– Eh, mais c’est que tu serais jalouse !
– Jalouse, moi ? Oui, ben alors là, sûrement pas !
– T’inquiète pas ! Elle va pas te le piquer ton Brian.
– Si tu savais ce que j’en ai à fiche de lui !
– J’ai d’autres projets vous concernant toutes les deux.
– Des projets ? Quels projets ? Et puis d’abord, c’est qui cette femme ?
– Ça, tu vas pas tarder à le savoir. Vous allez dîner ensemble, ce soir. Toutes les deux.
– Et toi ? Tu viens pas ?
– Non. Je vous laisse en tête-à-tête. Je suis sûre que vous allez avoir tout un tas de choses à vous dire. Allez, va vite te préparer. La fais pas attendre.


19-


Elle n’est rentrée que le lendemain soir, sur le coup de sept heures, volubile, les yeux brillants d’excitation.
– Elle est trop géniale, cette Hélène ! Comment on a parlé toutes les deux ! Jusqu’à des trois heures du matin ça nous a duré. On n’arrivait pas à s’arrêter.
– Inutile que je te demande, j’imagine, de quoi il a été question.
– Ah, ben non ! Ça a même été notre seul sujet de conversation, tu penses bien. Forcément !
– Et alors ?
– Oh, ben alors c’est parti dans tous les sens. Ce que ça me fait d’avoir honte, mais alors là vraiment honte. Que ça me chamboule que le diable à l’intérieur. Et elle, qu’il faut que ce soit une femme qui la lui flanque la fessée, une jeune. Et qui lui fasse mal. Le plus mal possible. Mais surtout, là où on a été intarissables, c’est sur après, quand tu l’emmènes partout avec toi ta fessée, que t’es obligée d’y penser et d’y repenser parce qu’elle reste là, enfoncée en toi, à te lanciner. Qu’elle irradie dans tous les sens. Que tu l’apprivoises. Que tu la cajoles. Que tu la câlines. À ce propos d’ailleurs, tu sais ce qu’elle m’a dit, Hélène ? Que ramasser sur les fesses, c’est bien, oui. C’est même très bien. Mais qu’il y a encore mieux, c’est de se faire fouetter aussi, en plus, sur les épaules et sur le dos. Parce qu’alors ça t’habite complètement. Partout. Tu peux pas y échapper. Tu n’es plus que ça. Et moi, ce que je me demande, c’est si, finalement, j’aurais pas encore plus honte comme ça.
– Pourquoi plus honte ?
– Parce que c’est la façon dont on punissait les prostituées au Moyen-Âge ou, à d’autres époques, les esclaves qui s’enfuyaient. Il y a plein de bouquins là-dessus. En tout cas, ce qu’il y a de sûr, c’est qu’on va se revoir toutes les deux. On a encore plein de choses à se dire. C’est vraiment trop bien de pouvoir échanger avec quelqu’un qui vit la même chose que toi. Même si c’est pas vraiment tout-à-fait pareil.
– Bon, mais je suppose que vous n’êtes pas restées au restaurant jusqu’à trois heures du matin. On a dû vous mettre dehors avant.
– Oh, oui. Oui. On était les dernières. Alors ils se sont mis à éteindre les lumière, les unes après les autres. Mais nous, on était tellement dans notre truc qu’on n’y faisait pas attention. Il a fallu que le patron vienne nous demander de partir.
– Et vous êtes allées où, alors, du coup ?
– Chez elle.
– Où vous n’avez pas fait que parler, j’imagine !
– On a surtout parlé.
– Et ?
– Et, à un moment, elle m’a refait voir la fessée que tu lui as donnée hier.
– C’est toi qui lui as demandé ou c’est elle qui te l’a proposé ?
– Je sais plus au juste.
– Tu crois quand même pas que je vais gober ça ?
– Si ! Non. C’est-à-dire qu’à force d’en parler, ça s’est fait tout seul. Tout naturellement.
– Et t’as regardé…
– Ben, oui.
– Seulement regardé ?
– Un long moment, en tout cas.
– Avant d’aller toucher. Eh bien, réponds !
– C’était encore tout chaud, n’empêche. Et drôlement sensible.
– Si bien que tu lui as donné du plaisir.
– Presque tout de suite ça lui est venu. J’ai à peine eu le temps. Faut dire que d’avoir discuté de ça pendant des heures aussi…
– Et toi ?
– De voir comment elle prenait son pied, j’ai pas pu m’empêcher. Personne aurait pu.
– Vous vous êtes bien amusées, toutes les deux, à ce que je vois. Je vous y avais autorisées ?
– Ben non, mais…
– Il y a pas de mais qui tienne. Vous allez être punies pour ça.


20-


Hélène est arrivée la première.
– Ben, assieds-toi ! Reste pas plantée bêtement là.
Suivie, une vingtaine de minutes plus tard, par Marie-Clémence qui, sans même retirer son manteau, s’est affalée à côté d’elle sur le canapé.
– Hou là là ! Je sais pas ce qui se passe, ce soir, mais il y a un de ces mondes partout. On peut pas circuler. C’est de la folie.
– Tu te fiches de moi ?
Elle a levé de grands yeux innocents.
– Ben, non ! Pourquoi tu dis ça ?
– Comme si je savais pas que vous avez passé la journée ensemble, Hélène et toi, et que vous ne vous êtes séparées qu’en bas pour me donner le change.
– Hein ? Mais non, je t’assure.
– Arrête de mentir ! Et jette un petit coup d’œil sur la table basse, plutôt. Il y a un cadeau pour toi.
– Un cadeau ? Qu’est-ce que c’est ?
– Eh bien, regarde ! Déballe !
Ce qu’elle s’est empressée de faire.
– C’est ce qui se fait de mieux en matière de martinet à l’heure actuelle. Il te plaît ? Non. Ça a pas l’air. On pourra le changer, si tu veux.
– Non, non. C’est pas la peine. Il est très bien.
– Mais si ! Si ! On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Demain on ira.
Elle a voulu dire quelque chose, s’est finalement abstenue.
– Bon, mais on a un petit compte à régler, là, toutes les trois. Alors, allez ! Vous vous déhabillez.
Ce à quoi elles se sont aussitôt résolues, leurs vêtements jetés en vrac sur le canapé, s’y entremêlant à l’envi.
Et elles ont patiemment attendu mon bon vouloir, les yeux baissés, les bras ballants.
– Parfait ! Bon, eh bien, puisque vous aimez tant être ensemble, c’est ensemble que vous allez être corrigées. Côte à côte. Allez, en position !
Elles se sont, d’un même mouvement, dirigées vers la table, s’y sont inclinées, bien calées, flanc contre flanc, hanche contre hanche.
J’ai attrapé mon iphone.
– Tu regardes devant toi, s’il te plaît, Marie-Clémence.
Et je les ai mitraillées. Ensemble. En mode rafale. Leurs deux derrières bien accolés l’un à l’autre. Celui d’Hélène, ample, aux formes généreusement déployées, un peu ambrées. Où il ne restait plus la moindre trace de la correction de la semaine précédente. Et celui de Marie-Clémence, tout blanc, fragile, légèrement pommelé, avec encore les marques du maillot.
– Là ! Et maintenant feu à volonté.
Le martinet s’est abattu. Sur l’une. Sur l’autre. À tour de rôle. Et puis, sur elles deux. En même temps. Simultanément sur la fesse gauche de l’une et la fesse droite de l’autre. Hélène ponctuait chaque cinglée d’un petit grognement de satisfaction. Marie-Clémence, elle, lançait, chaque fois, sa jambe gauche en arrière. De plus en plus haut. De plus en plus loin.
Je suis insensiblement remontée. Le creux des reins. Le bas du dos. Plus haut. Les grognements d’Hélène se sont faits plus radieux encore. Encore plus haut. Marie-Clémence a gémi. Les omoplates. Elles se sont pris la main. Les épaules. Leurs cris se sont enlacés. Je suis redescendue. Lentement. Très lentement. Leurs fesses. Hélène s’est mise à onduler et à psalmodier son plaisir. Elle l’a clamé. À pleins poumons.
Marie-Clémence s’est glissé sa main libre entre les cuisses.
– J’aime trop ça, quand tu jouis.
Elle a geint et déferlé à son tour.
– Ne bougez pas ! Restez comme ça !
J’ai repris mon iphone.
– Comme dans les pubs. Avant. Après.
Je les ai longuement remitraillées.
– Là ! Et maintenant je vous laisse. Vous avez encore certainement beaucoup de choses à vous dire toutes les deux.


21-


– On va quand même pas entrer là-dedans ?
– Ben, si ! Pourquoi ?
– Mais c’est un sex-shop !
– Ça, je sais bien.
– Tu veux y faire quoi ?
– Y échanger le martinet que je t’ai offert puisqu’il te plaît pas.
– Si ! Si ! Il me va très bien.
– Vu la tête que tu faisais quand tu l’as déballé…
– Oui. Non. Mais c’était que…
– Bon, allez, tu te dépêches ? On n’a pas que ça à faire !
– Je vais mourir de honte, moi, dans ce truc !
– T’adores ça ! T’adores pas ça peut-être ? Allez, entre !

Il n’y avait pas grand monde. Trois hommes, la soixantaine bien sonnée, le nez plongé dans les bacs. Qui n’ont pas levé la tête. Derrière la caisse, c’était le même jeune type, en marcel, avec des tatouages de monstres sur les avant-bras.
On s’est approchées. J’ai brandi le martinet.
– Je vous ai pris ça, l’autre jour.
– Je me souviens, oui.
– On pourrait pas le changer ? Il lui plaît pas à ma copine.
– Elle l’a essayé ?
– Oui. Avant-hier.
Il a cherché les yeux de Marie-Clémence. Qui a rougi, baissé les siens.
– Voilà pourquoi elle est en robe. Un pantalon, quand le cul vous brûle, c’est pas vraiment ce qu’il y a de mieux.
Je lui ai tendu le martinet.
– Alors ? C’est possible ?
Il l’a pris. A joué avec les lanières. Qu’il a fait courir le long de ses avant-bras. Sur lesquelles il a refermé la main.
– Il est pourtant d’excellente qualité. En général, les clients en sont contents.
– Personnellement, je trouve qu’il manque un peu de mordant.
Il a paru surpris.
– Ah, oui ?
– Oui. Vous voulez voir ?
– C’est pas de refus. Parce que vous m’étonnez, là ! Vous m’étonnez vraiment.
J’ai poussé Marie-Clémence vers lui.
– Va montrer au monsieur, ma chérie. C’est un professionnel. Il a l’habitude.
Elle a fait un pas dans sa direction. Un autre. S’est arrêtée. A jeté un coup d’œil, derrière elle, sur les trois types qui faisaient mine d’être profondément absorbés par le contenu des bacs.
– Passe derrière la caisse, si tu préfères.
Je l’y ai accompagnée.
– Ben, allez ! Qu’est-ce t’attends ?
Elle lui a tourné le dos, a relevé sa robe jusqu’à mi-cuisses.
– Non, mais plus haut ! Comment veux-tu qu’il se rende compte sinon ?
Plus haut. Jusqu’à la taille. Au-dessus de la taille. Ses yeux dans les miens. Des yeux remplis tout à la fois de honte, de défi et d’excitation.
Il s’est penché. A minutieusement observé. Longuement contemplé. S’est redressé.
– Venez !
Nous a entraînées jusqu’au présentoir à martinets.
– Celui-là devrait faire l’affaire.
Un grand, à manche rouge, avec trois nœuds par lanière.
– Hein ? Qu’est-ce qu’elle en pense, la jeune fille ?
Je l’ai pris en mains. Fait claquer en l’air.
– Ça devrait effectivement la rendre sage. Très très sage.
– Si ce n’est pas le cas, revenez ! On essaiera de trouver d’autres solutions.


22-


Au dehors, la porte à peine refermée, elle a constaté…
– T’as quand même gardé l’autre.
– Tu y es habituée. Le nouveau, ce sera pour les grandes occasions.
– Et ce sera quand les grandes occasions ?
– Tu verras bien.
On a marché silencieusement. Un long moment.
– Ils faisaient quoi, les trois vieux, pendant ce temps-là ?
– Ils regardaient, j’imagine. Ils écoutaient. J’ai pas fait particulièrement attention à eux, mais sans doute. Sûrement.
– Il y en a un, à un moment, je me suis demandé s’il allait pas dire quelque chose.
– Ah, t’aurais aimé, hein !
– Tu sais bien. Je t’ai expliqué.
– Oh, mais on y retournera.
– Ils y seront plus.
– Il y en aura d’autres. Leurs copies conformes. Auxquels on tendra la perche. Pour qu’ils se mêlent de ce qui les regarde pas.
– Et il y aura le vendeur.
– Il y aura aussi le vendeur, oui.

Elle avait une autre question. Qu’elle n’a posée, le soir, qu’à la toute fin du repas.
– Et Hélène ?
– Quoi, Hélène ?
– Il sera aussi pour elle ce martinet-là ?
– Bien sûr ! Chaque fois que toi, tu l’auras mérité. Et réciproquement.
– Comment ça ?
– C’est pourtant simple… Que j’aie quoi que ce soit à te reprocher à toi et c’est elle qui trinquera. Mais que, par contre, j’aie quoi que ce soit à lui reprocher à elle, et ce sont tes fesses à toi qui ramasseront. Qu’est-ce t’en dis ? Elle est pas bonne, mon idée ?
– Je sais pas.
– Bien sûr que si ! C’est le meilleur moyen de t’empêcher de faire n’importe quoi. Comme tu y as un peu trop fâcheusement tendance. Tu voudrais quand même pas que ta petite camarade soit punie à ta place. Si ?
– Mais alors ça veut dire… Ça veut dire que si j’en mérite plus, elle, elle en recevra plus jamais ?
– Voilà. T’as tout compris.
– Et pareil pour moi, si elle fait rien pour que j’en aie ?
– Ce qui te pose problème ?
– Un peu quand même, oui ! Parce que elle, c’est jamais qu’elle mérite, c’est juste qu’elle aime ça en recevoir.
– Et t’as peur d’être en manque, du coup. Oh, mais maintenant que vous êtes cul et chemise, elle et toi, vous pouvez voir ça ensemble, non ? En discuter. Je suis sûre que vous trouverez très vite un terrain d’entente. Pour votre plus grande satisfaction à toutes les deux.

Elle a regagné sa chambre. D’où elle l’a presque aussitôt appelée.
– C’est moi, oui ! Non, rien. C’est juste que j’avais envie de t’entendre. Enfin, si ! Il y a un truc qu’elle a décidé pour nous deux. Je te dirai. Et faudra qu’on en parle. Quand on se verra. Demain, tu pourrais ? Chouette ! Comme d’habitude alors… Quoi ? Mon dos ? Oh, ça va, mon dos. Enfin, non, j’y ai mal. Mais c’est exactement ce que tu disais. Tu te sens tellement enveloppée dedans, tu te sens tellement tout entière devenue ça que t’en éprouves une véritable jubilation. Et puis savoir que toi, t’es dans la même situation, que tu ressens exactement la même chose… Hein ? Ah, oui, oui, moi aussi. À demain.


23-


Philibert voulait me voir.
– Ben alors ! Tu fais la gueule ou quoi ?
– Hein ? Ah, mais non. Non. Pas du tout. Bien sûr que non. Mais je suis tellement prise avec les deux autres, là…
– Que tu nous en oublies complètement.
– Je suis désolée…
– Ah, tu peux ! Parce que voilà trois garçons à qui tu présentes une jeune femme au demeurant charmante. Tu les allèches en leur jurant tes grands dieux que tu vas lui flanquer devant eux une retentissante fessée. Que ça ne saurait tarder. Que c’est imminent. Mais les jours passent, les jours passent et… il ne se passe rien.
– Oui, mais je t’ai dit… C’est histoire de mettre Marie-Clémence sous pression. Qu’elle ait le temps de faire plus ample connaissance avec eux. Qu’elle ait beaucoup plus honte, comme ça, le jour où ça aura lieu. Beaucoup plus honte que s’ils étaient restés pour elle de quasi inconnus.
– Et c’est le cas ? Elle les voit ?
– Pas trop, non ! Pas du tout, même. On peut même dire que depuis qu’elle leur a envoyé les photos, tout est au point mort. Elle les appelle plus. Elle en parle plus. Silence radio. C’est un peu de ma faute aussi. Parce que Marie-Clémence, si on n’est pas constamment derrière elle, si on la pousse pas au cul… Mais t’as bien fait d’aborder le sujet, je vais la remettre sur les rails.
– Ce ne sera pas nécessaire. Parce qu’apparemment, elle a pas attendu après toi.
– Comment ça ?
– Avant-hier encore, elle était chez Gauvain. Devant qui elle exhibait complaisamment son petit derrière rougi.
– C’est pas vrai ! Tu es sûr ?
– Je le tiens du principal intéressé lui-même.
– Quelle garce ! Non, mais alors là, quelle garce ! Derrière mon dos. Sans même m’en toucher un traître mot. Ah, elle veut se la jouer perso ! Elle va voir ce qu’elle va voir ! Si elle croit qu’elle peut, comme ça, n’en faire qu’à sa tête…
– Ce n’est d’ailleurs pas la première fois. Si j’ai bien compris, elle se précipite systématiquement chez lui, dès qu’elle y a attrapé.
– Et je suppose que…
– Que quoi ? Qu’ils couchent ensemble ? Absolument pas. Il préfère, et de loin, se masturber sur ses fesses en les contemplant avidement et l’écoutant raconter, bien en détail, comment s’est déroulée la correction que tu lui as administrée. Et ce qui l’a motivée. Ce qu’elle ne rechigne absolument pas à faire.
– Je vois. Bon, mais dès ce soir, le problème sera réglé.
Il a froncé les sourcils.
– Réagir à chaud n’est pas forcément la meilleure des solutions.
– Tu voudrais quand même pas que je laisse passer un truc pareil sans réagir ?
– Non. Bien sûr que non. Mais attends ! Te précipite pas ! Tu es en position de force : tu sais et elle ne sait pas que tu sais. Laisse-la continuer à s’enfoncer. Tu séviras au moment opportun…
–  Tu crois ?
– Mais bien sûr ! D’autant qu’avec Brian et Valentin aussi, je suis convaincu qu’il y a anguille sous roche.
– Ah, ben d’accord ! De mieux en mieux.
– Seulement autant Gauvain n’hésite pas à se livrer, et il le fait même avec une certaine jubilation, autant les deux autres sont beaucoup plus réservés. Je ne désespère pourtant pas de finir par leur tirer les vers du nez. À condition que tu ne flanques pas tout par terre en t’en prenant dès à présent à elle au sujet de Gauvain.
– Vu sous cet angle…


24-


En ce qui concernait Marie-Clémence, Philibert avait assurément raison : mieux valait, pour le moment, faire mine de tout ignorer. Mais elle ne perdait rien pour attendre. Il y en avait une, par contre, qui était très vraisemblablement au courant, qui s’était bien gardée de s’en vanter et qui allait devoir me rendre des comptes.
– Allô… Hélène ? Je t’attends. Immédiatement.
– Je préfèrerais, si ça t’ennuie pas, que…
– J’ai dit immédiatement.
Et j’ai raccroché.

Un quart d’heure plus tard, elle était là. En nage. Essoufflée. Manifestement inquiète.
– Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui se passe ?
– T’oublies pas quelque chose, là ?
– Ah, si ! Oui.
Et elle s’est déshabillée. En toute hâte.
– Toujours tu dois être à poil en ma présence. Toujours. Et tu le sais très bien. Alors tâche dorénavant de ne pas m’obliger à te le rappeler.
Et je l’ai plantée là, debout près du canapé. Je suis allée vaquer à mes occupations. Sans plus me préoccuper d’elle. Plus de deux heures durant. Histoire de bien la mettre en condition.

Et puis je suis venue confortablement m’installer.
– Là ! Et maintenant je t’écoute.
– Tu m’écoutes ?
– Je t’écoute, oui. Vide ton sac !
Elle m’a jeté un regard interloqué.
– Mais au sujet de quoi ? À propos de quoi ?
– De Marie-Clémence.
– De Marie-Clémence !
– Oui. Eh bien ? J’attends.
– Mais je sais pas, moi !
– Joue bien les imbéciles ! Je te préviens, Hélène, ou tu me dis ce que tu sais ou tu repasses cette porte pour la dernière fois. C’est à prendre ou à laisser.
– C’est pas chez ses parents qu’elle sera le week-end prochain.
– Ah ! Et elle sera où alors ?
– Chez Brian.
– Elle couche avec ?
– Oh, non, non ! C’est pas son truc, les nanas, Brian. Non.
– Elle va y faire quoi alors ?
– Le regarder avec Valentin. Tous les deux. Elle adore ça, voir des types ensemble.
– Et en échange ?
– Elle leur montre ses fesses quand elle en a reçu une.
– Décidément ! C’est une manie. Et pourquoi elle m’en a pas parlé ?
– Elle savait pas comment tu le prendrais.
– Et toi ? Pourquoi tu m’as rien dit ? Tu dois tout me dire. Tout. T’as pas encore compris ça depuis le temps ?
– Si, mais…
– Il y a pas de mais qui tienne. Bon, ben tu sais pas ? On va aller participer aux festivités, nous aussi. Toutes les deux. Il y a pas de raison. Tu m’accompagnes. Et d’ici là, pas un mot. À personne. C’est bien compris ?


25-


C’est Marie-Clémence qui a répondu à l’interphone.
– Oui ?
– C’est moi, Hélène !
– Hélène ! Chouette ! Monte ! Je t’ouvre.
Elle l’attendait, en petite culotte, sur le pas de la porte.
Quand elle a m’a aperçue, elle a eu un léger mouvement de recul, très vite réprimé.
– Ah, toi aussi, tu es là… Eh bien, entrez !
Les deux garçons, allongés sur la moquette, venaient manifestement de dissimuler en toute hâte leur nudité.
– Salut !
– On a pas l’air de s’ennuyer ici, dites donc !
– Ben, c’est toi qu’avais dit, hein ! Tu voulais qu’on fasse connaissance avant. Tout ça !
– Il y a faire connaissance et faire connaissance. Et il y a surtout que t’étais pas obligée de faire tes petits coups en douce. Tu sais que j’ai horreur de ça…
Brian a voulu prendre sa défense.
– Elle savait pas trop au juste ce que vous vouliez et ce que vous vouliez pas. À quoi elle avait droit et à quoi elle avait pas droit.
– Et alors ? Elle a une langue, non ?
Valentin a levé des yeux pleins d’espoir.
– Vous allez la punir du coup ?
– Elle l’a amplement mérité. Mais non ! Pas aujourd’hui.
– Oh, ben pourquoi ?
– Parce qu’il manque Gauvain. C’est devant vous trois qu’on avait décidé qu’elle le serait. Non, mais par contre…
Je me suis tournée vers Hélène.
– Combien de fois faudra te le répéter à toi ? Dès l’instant où tu te trouves dans un lieu clos en ma présence…
Elle a jeté un rapide coup d’œil en direction des deux garçons.
– Ben oui, mais…
– Mais quoi ? Qu’est-ce qui te dérange ? Que ce soit des mecs ? Que ce soit la première fois que tu les voies ? Qu’ils aient vingt ans de moins que toi ? T’en es plus là, j’espère.
Elle n’a pas répondu. Elle a docilement entrepris de se déshabiller.
– Leur tourne pas le dos !
Elle a obéi. Elle leur a fait face. Elle a tout retiré. Et elle est restée là, bras ballants devant eux, les yeux à terre.
– Bon, mais en ce qui te concerne toi, par contre, il n’y a aucune espèce de raison d’attendre qui que ce soit. Alors c’est toi qui vas être punie. À sa place.
Je l’ai poussée vers la table. Sur laquelle je l’ai fait se pencher, bras tendus au maximum.
– Et tu les laisses comme ça. Pas question, aujourd’hui, que tes mains aillent se balader là où tu sais. Il y a du monde.
L’un des deux garçons s’est esclaffé.
– Quelqu’un a une ceinture ?
Valentin s’est précipité dans la chambre, en a ramené une, longue et large, en cuir épais, qu’il m’a tendue. Il bandait.
Je l’ai fait claquer deux ou trois fois en l’air et je l’ai abattue. Elle a sursauté, poussé un petit cri de surprise. Un second coup. Un troisième. À rythme lent, mais régulier et soutenu. Les lanières s’inscrivaient, à pleines fesses, en longues traînées rosâtres. Derrière, les yeux rivés à sa croupe, les deux garçons s’étaient empoigné la queue et s’élançaient à la conquête de leur plaisir. Marie-Clémence les regardait faire, fascinée. Hélène a gémi, ondulé.
– Non, non ! Tu laisses tes mains là-haut.
Elle a joui quand même. Les garçons aussi. Presque en même temps.


26-


J’ai laissé Hélène chez elle au passage et je suis rentrée avec la seule Marie-Clémence. Qui n’en menait pas large. Qui a voulu se précipiter dans sa chambre, à peine la porte d’entrée refermée.
– Non, non, tu restes là. Et tu me racontes.
– Je te raconte quoi ?
– Tout. J’ai manqué tout un tas d’épisodes, on dirait. Et un conseil, entre nous, n’oublie rien.
– Par quoi faut que je commence ?
– Par le commencement.
– C’est la faute de Gauvain.
– Évidemment, ça, fallait s’y attendre. Ça va pas être de la tienne.
– Mais non, mais c’est parce que la première fois qu’on s’est retrouvés que tous les deux au café, il a sorti son portable avec les photos de mon derrière et il se l’est fait sous la table en les regardant. T’aurais vu ses yeux ! Surtout quand c’est venu. Et du coup, après, il a voulu que ce soit pour de bon. En me les regardant en vrai. Et alors je lui ai promis qu’à chaque fois que tu me le ferais, je viendrais lui montrer.
– Sans m’en parler…
– C’est lui qu’a voulu… Que ce soit juste à nous, ça. Sans que personne d’autre sache.
– Il a pourtant pas tenu sa langue.
– Je sais, oui.
– Et les deux autres ? Ça s’est passé comment ?
– Par hasard. Si, c’est vrai, hein ! Ça m’a attrapée comme ça, un jour, en passant dans son quartier à Brian, de monter lui faire un petit coucou. Je suis mal tombée. Ou très bien, plutôt, au contraire. Parce qu’il y avait Valentin avec lui. Et qu’ils étaient en train tous les deux. Quand ils ont entendu que c’était moi, ils m’ont crié d’entrer, mais ils se sont pas arrêtés pour autant. Ils étaient trop bien lancés. Et moi, comment j’en ai profité, tu parles ! Parce que j’en avais jamais vu des types ensemble. Enfin, si ! En vidéo. Mais c’est pas pareil. Ça n’a rien à voir. Ils s’étaient pris dans la bouche l’un de l’autre et ils y mettaient tout leur cœur, t’aurais vu ça !
– Et ?
– Et ils se sont tout avalé. En même temps ça leur est venu. Presque en même temps.
– Non, mais ce que je veux dire. Et toi ? Tu t’es caressée en les regardant ?
– Oh, ben oui, attends ! Oui. Le moyen de faire autrement ? Et puis après, on est restés un long moment, comme ça, à discuter. On aurait dit que ça faisait des années et des années qu’on se connaissait. Je me sentais bien. Il y a longtemps que je m’étais pas sentie bien comme ça. On a dîné ensemble et, quand on a eu fini, ils ont encore eu envie. Sauf que, cette fois, ils ont voulu que je leur montre la fessée que tu m’avais donnée la veille. Et ils ont été l’un dans l’autre en la regardant. Brian dans Valentin. Même qu’à un moment, Brian m’a enfoncé un doigt dans le derrière. Et que c’est ça qui l’a fait venir.
– T’oublies rien ?
– Non. Je vois pas.
– T’es sûre ?
– Ah, oui, si ! Ils ont parlé de m’en remettre une par-dessus la tienne, à un moment. Mais ça s’est pas fait.
– Parce que ?
– Parce que j’avais peur que tu t’en aperçoives.
– Mais t’en crevais d’envie… Réponds !
– Oui.
– Bien. On règlera ça, le moment venu. Tu perds rien pour attendre.


27-


On a sonné. Un petit coup timide. On a laissé passer du temps. Une bonne minute. Et puis on a recommencé.
C’était une fille derrière la porte. Une jeune, châtain clair. Aux yeux verts. À peu près mon âge. Qui se dandinait d’une jambe sur l’autre.
– Excusez-moi… C’est bien vous, Lisa ?
– En effet, oui.
– Bonjour. Moi, c’est Ernesta. Et c’est Philibert qui m’envoie.
– Eh bien, entre ! Assieds-toi !
– Vous êtes toute seule ?
– Pour le moment, oui. Pourquoi ?
– Non. Pour rien. Comme ça. Parce qu’il m’a dit qu’il y aurait peut-être une autre fille avec vous.
– Bon, mais alors, c’est quoi, au juste, l’objet de ta visite.
Elle a croisé les jambes. Les a décroisées. Recroisées.
– C’est pas facile à dire.
– Essaie quand même !
– Il s’occupe de mon éducation, votre ami.
– Et alors ?
– Alors ça va pas comme il veut. Il trouve que j’y mets beaucoup de mauvaise volonté. Que non seulement je fais pas de progrès, mais que même, je régresse. Et il m’a menacée. Que si ça continuait comme ça, j’aurais qu’à me débrouiller toute seule. Qu’il voudrait plus jamais entendre parler de moi. Et c’est pas possible, ça ! Parce que qu’est-ce que je deviendrais sans lui ? Je suis complètement paumée comme fille dans ma tête.
– Et j’ai quoi à voir, moi, là-dedans ?
– Que j’ai fait un truc qui lui a pas plu du tout. Et qu’il veut que vous me punissiez. Vous ! Parce que je vous connais pas. Et qu’il pense que, comme ça, ce sera beaucoup plus vexant pour moi. Et donc beaucoup plus efficace.
– Ce qui est vrai ?
– Il me sait par cœur. Non. Et puis, en plus, on a le même âge toutes les deux. Et c’est ça le pire pour moi.
– Bon. Eh bien allez, alors ! Je peux rien refuser à Philibert. Et tiens, tu m’es sympathique. Alors je vais te laisser le choix des armes. Main ? Martinet ? Paddle ? Brosse à cheveux ?
– Comme vous voulez. N’importe. Mais pas le martinet.
– Alors ce sera le martinet. Déshabille-toi !
Elle a soupiré, s’est levée, m’a tourné le dos. A commencé à déboutonner sa robe.
– Regarde-moi !
Elle m’a fait face. L’a laissée tomber à ses pieds. Le soutien-gorge. Qu’elle a rejeté derrière elle, libérant deux adorables petits seins tout pommelés. Et puis elle a marqué un long temps d’arrêt.
– Eh bien ? Qu’est-ce t’attends ? Ta culotte !
Elle s’est tournée de trois-quarts, l’a fait glisser, abandonnée sur la moquette.
J’ai lancé une première cinglée. À pleines fesses.
– Je t’ai dit de me regarder. Je te l’ai pas dit ?
– Si ! Oui !
Et elle l’a fait.
– Hein ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Elle avait une queue. Et une paire de couilles.
– Je t’ai posé une question. Qu’est-ce que c’est que ça ?
– Ben…
– T’aurais pu prévenir ! J’ai horreur de ça qu’on me prenne en traître.
– C’est pas ma faute…
– Non, c’est celle du pape. Bon, mais là, je peux te dire qu’il va sautiller ton petit matériel. Et pas qu’un peu ! On va faire ce qu’il faut pour…
Et je lui ai abattu le martinet sur les cuisses. Il a tourné, comme une toupie, sur lui-même. Les cuisses. Les fesses. Les cuisses. Les fesses.


28-


Philibert a hoché la tête, souri.
– Il bandait, je suis sûr. Non ?
– Ah, pour ça, oui ! Et il faisait pas semblant.
– Il adore ça qu’une femme lui martyrise son petit derrière.
– J’ai vu, oui.
– Surtout si elle le prend pour une fille. Qu’elle se rend pas compte qu’il y a quelque chose qui lui ballotte entre les jambes.
– Faut vraiment pas avoir les yeux en face des trous pour pas s’en apercevoir.
– Ça peut quand même arriver. Si le contexte et les circonstances s’y prêtent. C’est rarement le cas, mais ça arrive.
– Voilà pourquoi il s’est bien gardé de me dire quoi que ce soit. Parce qu’avec un peu de chance…
– Et pourquoi je t’ai rien dit non plus. Pour pas lui casser le coup.
– Oui, enfin, moi, ce qui m’estomaque surtout dans tout ça, c’est que toi, Philibert, tu te sois aventuré sur un terrain comme celui-là.
– À force de te voir faire, de t’entendre en parler avec autant de passion, il fallait bien que je finisse par être tenté.
– Quoique, finalement, tout bien réfléchi, je me demande si je l’ai pas toujours su, au fond, que c’était en toi aussi ce truc.
– Ben oui, c’est sûrement pas un hasard si on s’entend si bien tous les deux. Et depuis tant d’années.
– Bon, mais raconte ! Moi, je te dis tout et toi, de ton côté, tu me dis rien de ce que tu fais.
– C’est tout récent. J’ai pas encore eu l’occasion.
– Mais maintenant tu l’as.
– Si je te dis qu’il y a que les mecs qu’il m’intéresse de prendre en mains…
– J’aurai aucun mal à te croire.
– Mais pas n’importe quels mecs. Et pas dans n’importe quelles conditions. Il faut que je sente une personnalité en face. Qu’on me résiste. Pied à pied. Il faut que ce soit une VRAIE victoire.
– Oui, alors, évidemment, c’est pas quelqu’un comme Ernesta qui peut répondre à tes attentes.
– Pas vraiment, non. Ernesta, elle est docile par nature. Se soumettre à la volonté de quelqu’un d’autre la ravit.
– Donc, il y a eu erreur d’aiguillage, là.
– C’est bien pour ça que je te l’ai adressé à toi. Il peut pas tomber entre de meilleures mains.
– Tu l’as déniché où ?
– C’est le frère d’un type sur lequel j’avais des vues extrêmement précises. Elle m’a beaucoup aidé à arriver à mes fins.
– C’est un prêté pour un rendu en somme.
– En quelque sorte. En tout cas, je peux te dire qu’il a été positivement ravi des moments qu’il a passés avec toi.
– Qui n’avaient pourtant rien d’extraordinaire.
– À ses yeux, si ! Et il ne rêve que d’une chose, c’est de remettre le couvert.
– Il vit seul ?
– Avec son frère, mais bon…
– Alors je vais le prendre en coloc avec nous. Histoire de l’avoir constamment sous la main.
– Il sera enchanté. Mais Marie-Clémence ?
– Jusqu’à preuve du contraire, c’est moi qui décide. Et Marie-Clémence n’a pas son mot à dire. De toute façon, elle y trouvera aussi son compte. J’ai ma petite idée.
– Qui est ?
– En train de prendre forme. Laisse-lui le temps. Et dis à Ernesta que je l’attends là-bas, demain, à la première heure, avec armes et bagages.
– Il y sera. Alors là, pas besoin de t’en faire qu’il y sera…


29-


Marie-Clémence a ouvert de grands yeux stupéfaits.
– Une fille ? Qui va venir vivre ici, avec nous ?
– Oui. Ernesta.
– Quand ?
– Oh, elle va pas tarder.
– Elle sort d’où ?
– Si on te le demande…
– Elle va dormir avec toi ?
– Certainement pas, non. Elle s’installera sur le canapé du séjour. Dans un premier temps. Après, on avisera. Elle est très sympathique, tu verras. Je suis sûre que vous allez très bien vous entendre, toutes les deux.
– On pourra quand même, toi et moi ?
– Quoi donc ?
– Ben, nos trucs à nous. Les fessées. Tout ça…
– Elle y aura droit aussi.
– Elle en a déjà eu ? Tu lui en as déjà donné ?
– Pas plus tard qu’hier.
– Ici ?
– Ici, oui.
– Et avec mon martinet, j’parie ! Celui que tu te sers avec moi.
– C’est celui-là qui m’est tombé sous la main. Mais si ça te pose vraiment problème, cet après-midi je l’emmènerai en acheter un autre.
– Où ça ? Au sex shop de l’autre fois ?
– Ben oui. Oui. Comme tu as pu le constater par toi-même, le vendeur est très serviable. Et très compétent. Au vu du derrière d’Ernesta et de l’état dans lequel il se trouve, il saura me conseiller le matériel approprié.
– Ça devait être nous qu’on y retournerait, on avait dit.
– Tu pourras nous accompagner.
– Ce sera pas la même chose.
– Mais dis-moi, tu serais pas en train de me faire une bonne petite crise de jalousie, là ?
– Pas du tout. Oh, alors là, pas du tout.
– J’ai horreur de ça. Et tu le sais très bien. Déshabille-toi, Marie-Clémence ! Et installe-toi ! Au bord de la table. Comme d’habitude.
Et j’ai vaqué à mes occupations sans plus m’occuper d’elle.
– Tu me la donnes pas ?
– Tout-à-l’heure. Quand Ernesta sera là. Je suis sûre qu’elle sera ravie de faire la connaissance de ton derrière avant même celle de ta petite frimousse.
– Mais je vais mourir de honte !
– Pour ton plus grand plaisir.
Elle s’est tue.

– Entre, Ernesta, entre ! Je te présente Marie-Clémence.
Sur les fesses de laquelle son regard s’est posé. Longuement attardé.
– Enchanté !
Elle a vaguement bredouillé quelque chose.
– Marie-Clémence que je t’attendais pour punir.
Il a dégluti. S’est approché. Tout près.
– Tu es prête, toi ?
Ses fesses se sont crispées.
Le premier coup est tombé.


30-


– Bon, allez, les filles, vous êtes prêtes ? On y va…
– Où ça ?
– Au sex shop dont tu gardes un si agréable souvenir, Marie-Clémence. Y montrer au vendeur le gentil petit derrière d’Ernesta. Qu’il puisse déterminer quel est, dans son cas, le matériel le plus approprié.
– Et moi ?
– Oh, mais quant au tien, puisque tu tiens tant à le montrer, on trouvera une solution sur place.

Quand il nous a aperçues, son visage s’est éclairé.
– Je vous amène une nouvelle recrue.
– Je vois ça, oui.
– Vous avez été d’excellent conseil pour la première. Alors, pour celle-ci aussi, je vous fais entièrement confiance.
Il a souri, nous a entraînées toutes les trois…
– Venez !
Jusqu’au tourniquet à martinets.
– Est-ce qu’à première vue, comme ça, il y en a qui tente tout particulièrement la jeune fille ?
Il y en avait un, oui. Avec tout un tas d’incrustations et de fausses pierres précieuses.
– Si je puis me permettre, il est très tape-à-l’œil, mais finalement pas très fonctionnel.
Je suis intervenue.
– Mais montre au monsieur, Ernesta, qu’il puisse juger sur pièces.
Elle a jeté un rapide coup d’œil, derrière elle, sur les trois ou quatre clients, tous des hommes, qui déambulaient entre les rayons.
– Si la demoiselle se recule un peu, à l’abri de cet autre présentoir, là, personne ne pourra la voir.
Sauf lui. Qui ne s’en est pas privé. Qui l’a regardée baisser culotte et pantalon. Qui s’est penché. A poussé un sifflement admiratif.
– Hou là ! Ça, c’était de la correction ou je m’y connais pas.
Il s’est longuement attardé, sourcils froncés, à contempler l’état des lieux. A finalement rendu son verdict.
– Vu la texture de la peau, sa couleur, la forme du fessier, sa consistance – qu’il a éprouvée, du bout des doigts – le doute n’est pas permis. C’est celui-ci qu’il lui faut absolument. Il lui a laissé le temps de se reculotter, le lui a tendu.
– Merci.
– Et pour Marie-Clémence, ce serait possible d’avoir un suivi. Histoire qu’on soit sûres que tout est pour le mieux ?
– Oh, mais certainement !
Elle ne s’est pas fait prier. Elle s’est un peu reculée derrière le présentoir, mais pas vraiment. Pas complètement. Et elle a soulevé sa robe, descendu sa culotte à mi-fesses.
– La jeune fille a été punie bien après sa petite camarade.
– Monsieur est connaisseur.
– C’est mon métier. Vous permettez ?
Il a baissé plus franchement la culotte.
De l’air de qui est complètement absorbé par autre chose, l’un des clients, la cinquantaine, s’est approché, a cherché, mine de rien, le meilleur angle de vue.
Le vendeur a pris tout son temps, palpé ici, effleuré là, fini par se redresser.
– Non. Tout m’a l’air parfait. Vous utilisez à la perfection le matériel que je vous ai fourni.
On s’est tous les quatre dirigés vers la caisse. Le client s’est incliné au passage de Marie-Clémence.
– Vous avez un cul ravissant, Mademoiselle. Et qui arbore, de plus, de très jolies couleurs.
Elle a feint de l’ignorer.

Au-dehors, sur le trottoir, Ernesta a sauté de joie.
– Il s’est pas rendu compte, vous avez vu ? J’adore ça quand ils se rendent pas compte.
Marie-Clémence lui a lancé un regard interloqué.
– Rendu compte de quoi ?
Je l’ai attrapée par le bras.
– Avance ! On verra ça à la maison.


31-





– Tu n’as pas honte, Marie-Clémence ?
– De quoi donc ? Qu’on ait vu mes fesses ? Oh, ben si ! Si ! Tu sais bien. Ça lui a plu, en tout cas, au vieux. T’as entendu ce qu’il a dit ? Et puis rien que ses yeux ! Ah, il a pas fini d’y repenser. J’adore l’idée qu’un type il va pas arrêter de penser à moi. Que ça va le mettre dans tous ses états. Les trois autres, par contre, ils en avaient strictement rien à battre.
– En es-tu si sûre ?
– Je suis pas allée les regarder sous le nez non plus, mais ils ont pas cherché à s’approcher. Rien.
– Il y en avait un, c’est clair qu’il était coincé, mais les deux autres, je peux t’assurer qu’ils en perdaient pas une miette. Même de loin.
– J’aime trop ça. On recommencera, hein ? En mieux, même, si on peut.
– En mieux ? C’est-à-dire ?
– Ailleurs. Avec plus de monde. Plein de gens. Qui regardent. Qui font des tas de réflexions. Qui se moquent. J’y pense, souvent. Par exemple, que je suis sur la plage en mini-maillot. Tout le monde voit que j’en ai pris une. Ils passent les gens. Ils repassent. Exprès pour regarder. Et pour commenter. De plus en plus fort. Exprès pour que j’entende. Il y a surtout des hommes, mais il y a aussi des femmes. Et puis alors elles, je peux te dire qu’elles me ménagent pas. D’autres fois, c’est à l’hôpital que ça se passe. J’ai fait un malaise. On m’a gardée en observation. Et, évidemment, tout le monde s’est rendu compe. Les infirmières, Les médecins. Ils disent rien, mais ça se voit ce qu’ils pensent. Et c’est encore pire. Il y a plein d’autres trucs. La fois où je descends, avec un copain, dans les gorges de Galamus. On est tout seuls. Il y a personne. On en profite: On se met à poil. Et, de fil en aiguille, il me donne une grosse fessée. Sauf qu’au moment de repartir, on s’aperçoit qu’on nous a piqué nos vêtements. Tous nos vêtements. Pas d’autre solution que de remonter comme ça jusqu’à notre voiture. Dont on nous a évidemment volé les clefs avec le reste. On s’abrite comme on peut derrière tout en faisant, avec les bras, de grands gestes désespérés. Un automobiliste compatissant, accompagné de sa femme, finit par s’arrêter et accepte de nous ramener chez nous. Je vous dis pas tout ce qu’on entend tout au long du trajet.
– T’es bien en verve, toi, aujourd’hui, dis donc !
– Il y a aussi les fois où c’est devant tout un tas de gens que je la reçois la fessée.
– Gauvain et ses petits camarades n’attendent que ça.
– Oui, oh, mais eux !
– Ça te tente plus ?
– Pas vraiment, non. Je les connais trop, finalement. Et puis on a déjà fait des trucs ensemble. Alors ce serait pas pareil. J’aimerais mille fois mieux devant des inconnus.
– Ils vont être déçus. Depuis le temps qu’on leur promet.
– Oui, oh, on peut bien quand même. S’il y a que ça pour leur faire plaisir.
– Et toi, Ernesta ? C’est quoi, ton truc ?
– Oh, moi, vous savez bien. C’est qu’on me voit les fesses, mais qu’on se rende pas compte.
Marie-Clémence s’est plantée devant elle.
– Qu’on se rende pas compte de quoi ? C’est quoi tous ces mystères que vous faites toutes les deux ?
– Montre-lui, Ernesta !
Elle a baissé son pantalon.
– Ben, quoi ? C’est ses fesses. Comme tout-à-l’heure.
S’est retournée.
– Oh, la vache ! Elle a une bite ! Non, mais j’y crois pas ! Elle a une bite. Jamais, au grand jamais, à la voir, on irait s’imaginer un truc pareil. Quand on voit comment elle fait fille. Elle peut pas rester un peu à poil ? Le temps que je m’habitue ?
À la fin de la soirée, elle n’était toujours pas vraiment habituée.
– Non, mais j’hallucine, là. J’hallucine complètement. Oh, mais je vais voir tout ça d’un autre œil, moi, maintenant, quand on ira ensemble toutes les trois au sex shop. Ou ailleurs.

32-




Ça m’est tombé dessus d’un coup, comme ça, sans prévenir. L’amour fou. Ravageur. Pour Ophélie, une petite nouvelle, qui est venue, s’asseoir, un beau matin, à côté de moi, au tout début du cours de cambodgien. On s’est regardées et on a tout de suite su que, nous, ça ne ressemblerait à rien d’autre. On a fait l’amour le soir même. On a dormi enlacées. On s’est réveillées heureuses. Je n’avais plus envie que d’une chose : être avec elle. La voir. L’entendre. La toucher. L’aimer. Je suis restée dormir chez elle. De plus en plus souvent. J’y ai amené des affaires. De plus en plus d’affaires. Je me suis progressivement désinvestie de ma vie d’avant. De mes passions d’avant. Marie-Clémence et Ernesta n’ont pas vraiment posé de questions. Elles ont instinctivement senti que j’étais désormais ailleurs. Qu’il était inutile d’essayer de me retenir. De toute façon, elles vivaient, elles aussi, de leur côté, sur un petit nuage. Elles s’apprenaient. Elles se découvraient. Et passaient le plus clair de leur temps à écumer les cabines d’essayage, les piscines, les plages, bref, d’une manière générale, tous les lieux qui leur permettaient de se montrer peu ou prou. Quant aux fessées, même si elles restaient très évasives sur le sujet – après tout, désormais, cela ne me regardait plus – j’avais cru comprendre que, dans ce domaine, elles se rendaient mutuellement service et n’hésitaient pas à avoir parfois recours à des bonnes volontés extérieures.
Sans doute aurais-je pu rester en contact plus étroit avec elles, si Ophélie avait été à même de partager notre passion. Or, ce n’était absolument pas le cas. J’avais lancé quelques ballons d’essai. Elle avait réagi avec une extrême virulence. C’était un univers qui la révulsait profondément. J’étais amoureuse. Je ne voulais pas la perdre. Et j’ai définitivement tiré un trait sur Marie-Clémence, Ernesta et tout ce qui gravitait autour.
Avec Hélène, les choses s’avérèrent beaucoup plus compliquées. Non pas qu’elle se soit montrée particulièrement insistante ou vindicatives. Au contraire : elle faisait profil bas. Se montrait tristement résignée. Ce qui avait le don de me culpabiliser. Tant et si bien que je suis restée, près de trois mois, plus ou moins en contact avec elle. Derrière le dos d’Ophélie dont je redoutais qu’elle ne finisse, un jour ou l’autre, par l’apprendre. Et par se poser des questions auxquelles j’aurais été incapable d’apporter des réponses qui la satisfassent. J’ai donc fini par couper franchement les ponts avec Hélène. C’était préférable. Pour tout le monde.

Restait Philibert. Qui me prêtait une oreille attentive. Qui m’a écoutée chanter, des heures durant, les éloges d’Élodie. Vers lequel je continuais à systématiquement me tourner dès que j’avais besoin d’un conseil, d’un avis. Et qui m’a soutenue, à de bras, trois ans plus tard, quand Ophélie m’a brusquement laissée tomber. Pour une autre. Il m’a fallu de longs mois pour m’en remettre. Pour sortir enfin la tête de l’eau. Je me suis efforcée de renouer avec Hélène. Qui m’a clairement fait comprendre qu’elle ne le souhaitait pas.
– Qui me dit que dans un mois, dans six mois, dans un an, tu ne vas pas encore me jeter sans autre forme de procès ? N’importe comment ma vie est ailleurs maintenant.
– Ah, oui ? Où ça ?
– Ça ne te regarde pas. Ça ne te regarde plus.
Marie-Clémence – je l’ai appris de la bouche de sa mère, sollicitée – était au Canada.
– Pour au moins un an. Peut-être davantage. On ne sait pas.
Ce fut plus.
J’ai vivoté. Je me suis lancée à la recherche de partenaires de fessées. J’ai erré de désillusion en désillusion. Ce n’était pas ça. Ce n’était plus ça. Des années ont passé. Je suis retombée amoureuse ou, du moins, j’ai essayé de me le faire croire. Sans véritable conviction.
D’autres années ont passé. Que j’ai traversées avec toujours les mêmes envies sans pouvoir vraiment les assouvir. Ce n’était pas faute d’essayer pourtant. Mais les fessées qu’il m’arrivait parfois de donner n’étaient que la caricature de ce que j’avais jadis connu. De ce que j’aspirais à retrouver.
J’ai eu trente-cinq ans.
Et la solution est venue, une fois de plus, de mon bon ange Philibert.