samedi 23 octobre 2010

Escobarines: Dimanche soir





- Tu as passé un bon week end ?
- Oui, oh, tu sais, les dimanches en famille ça n’a rien de particulièrement exaltant… Surtout quand il y a ma sœur avec son mari… Et toi ?… Qu’est-ce que tu as fait ?…
- J’ai lu… Avec le temps qu’il faisait il y avait pas grand chose d’autre à faire… J’ai dévoré même…
- C’était si passionnant que ça ?…
- Franchement il y a longtemps que j’avais pas lu quelque chose d’aussi prenant…
- Ah oui ?!… Tu me le passeras ?… Comment ça s’appelle ?…
- « Fessées et autres délices… »
- T’as fouillé dans mes affaires !… T’as pas le droit… T’avais pas le droit…
- J’ai pas fouillé dans tes affaires… J’ai fait ta chambre qui – soit dit en passant – en avait sacrément besoin… Ca traînait sur ton bureau… Au-dessus de la pile…
- C’est pas une raison…
- T’as un sacré beau brin de plume en tout cas…
- J’ai toujours aimé inventer des histoires… Depuis toute petite…
- Et pas n’importe quelles histoires apparemment !…
- Oh, mais j’écris pas que ça !… Faut pas croire…
- Mais « ça » t’éprouves manifestement beaucoup de plaisir à l’écrire… Et comment c’est transparent !… C’est toujours le même personnage… Quarante ans… Comme toi… Blond vénitien… Comme toi… Les yeux bleus… Comme toi… Toujours la même femme… Qui, à deux lettres près, porte le même prénom que toi… Qui partage son appartement, en colocation, tout comme toi, avec une fille de vingt ans… Laquelle, comme par hasard, me ressemble comme deux gouttes d’eau… Et laquelle lui flanque des fessées carabinées… Comment je dois le prendre, moi, ça ?…
- C’est une histoire… C’est juste une histoire… C’est inventé…
- Oui, j’avais compris, merci… Je suis pas complètement idiote… C’est une histoire… Une histoire pour t’exciter… Quand tu as bien imaginé – en long, en large et en travers, avec force descriptions et détails complaisants – que je te tambourinais allègrement le derrière tu t’amuses comme une petite folle avec ce que tu as entre les jambes… C’est pas vrai peut-être ?… Ne réponds pas… Ca vaut mieux… Mais est-ce que tu t’es seulement demandé ce que j’en pensais, moi, de tout ça ?… Si j’étais d’accord pour que tu m’utilises, comme ça, à mon insu, selon ton bon vouloir et ton bon plaisir… Sans m’avoir à aucun moment demandé mon avis…
- Mais…
- Il n’y a pas de « mais » qui tienne !… Tu sais ce que tu mériterais ?… Hein ?… Tu le sais ?… C’est que je t’en colle une pour la peine… Une vraie… Dont tu te souviennes longtemps… Ce que je vais d’ailleurs faire… Tu l’auras pas volée… Reconnais que tu l’auras pas volée…
Elle a soutenu mon regard…
- Non… Je l’aurai pas volée… Non…

- Viens ici !…
Elle a obéi. Sans un mot. Tête basse. Jusqu’au pied du fauteuil…
- Plus près !… Encore !…
Je l’ai attirée, jusqu’à hauteur de mon visage, par le bouton de son jean. J’ai joué avec. Je l’ai fait tourner, rouler entre mes doigts. Longtemps…
- Demande-le !… Allez, demande !… Tu en crèves d’envie…
- Déculotte-moi !…
- Pour quoi faire ?…
- Pour me donner une fessée…
- Pour quelle raison une fessée ?…
- Parce que je l’ai méritée… Que je t’ai fait vivre toutes sortes de choses monstrueuses derrière ton dos… Que j’ai voulu une colocataire uniquement pour ça… Pour avoir quelqu’un à mes côtés sur qui rêver… Que je t’ai choisie, toi, parce que tu es beaucoup plus jeune que moi… Que tu es brune… Et que tu as des expressions tellement dures quelquefois que j’en suis complètement bouleversée…
Elle s’est tue. J’ai fait sauter le bouton. Résolument descendu le pantalon sur les chevilles. Puis la culotte…
- Va là-bas… Devant la porte…
A petits pas ridiculement entravés…
- Là… A genoux !… Mets-toi à genoux !…
J’ai pris un livre et je me suis absorbée dans ma lecture sans plus me préoccuper d’elle…

- Regarde devant toi !…
- Ca fait longtemps…
- Et ça durera aussi longtemps que je le jugerai bon… Regarde devant toi, j’ai dit !… D’ailleurs, si je me souviens bien, dans l’une de tes histoires c’est une nuit entière que je te laisse comme ça en attente… On a encore de la marge…
- Oui, mais…
- Oui, mais quoi ?…
- Si ta copine…
- Valérie ?… Si elle passe ?… Ca la fera beaucoup rire… Aucun doute là-dessus… Mais il vaudrait encore mieux que ce soit Cyrille… Rappelle-toi comme tu as aimé qu’il débarque à l’improviste dans une autre de tes histoires… Comment il s’est moqué de toi… Et comment tu as adoré…
Je me suis levée. J’ai disparu un long moment à côté…

Au retour elle n’avait pas bougé. Je me suis rassise…
- A ton avis je vais me servir de quoi ?… La main ?… Un martinet ?… Une cravache ?… Une brosse à cheveux ?… Une ceinture ?… Un paddle ?… Autre chose ?
- Je sais pas…
- Tu sais pas, non… Tu peux pas savoir… Tout est possible… Parce que tout ça tu me l’as fait utiliser à un moment ou à un autre… Je n’ai que l’embarras du choix… D’après toi où vont mes préférences ?…
- Le martinet ?…
- Ca aurait pu… Mais non !… Non… Pour cette toute première fois « en vrai » ce sera la brosse à cheveux… Parce que j’aime beaucoup la façon dont tu décris la sensation de brûlure très particulière et très intense qu’elle procure quand on l’utilise à bon escient… Et puis il y a une autre raison… Tu sais très bien laquelle…
- Me la fais pas dire… S’il te plaît, m’oblige pas à la dire…
- Laquelle ?
- C’est que… C’est que ça a un manche une brosse à cheveux…
- Voilà… Et que le manche, après, quand on a le derrière tout chaud et tout griffé…

Je me suis lentement approchée. Ses fesses se sont crispées. Durcies…
- Détends-toi !… Ca fait beaucoup plus mal sinon…
- Je sais…
J’ai lancé le premier coup. Elle y a répondu par un sanglot de bonheur…

Escobarines: Princesse de lumière





« … pratique malheureusement fort courante à l’époque. C’est ainsi que le célèbre écrivain espagnol Cervantes, capturé en mer sur la galère Sol, fut attribué, en tant qu’esclave, au renégat grec Dali Mami. Il ne dut sa libération, cinq longues années plus tard, après quatre tentatives d’évasion et diverses péripéties, qu’au versement d’une rançon réunie par l’ordre religieux des Trinitaires qui s’était fait une spécialité de l’élargissement des captifs.
On ne se contentait d’ailleurs pas d’aller « se servir » en mer : de véritables raids étaient organisés sur les côtes espagnoles ou italiennes dans le but clairement avoué de se procurer des esclaves : les hommes capturés étaient vendus pour constituer une main-d’œuvre gratuite. Quant aux femmes les sultans les acquéraient pour s’en faire des concubines ou pour les mettre au service de leurs épouses. Nur-Banu ( Princesse de lumière ), de son vrai nom Cecilia Venier-Baffo, la nièce du doge de Venise, enlevée à Paros, devint, après avoir été intégrée au harem de Topkapi, la favorite de Selim II auquel elle offrit une descendance… »

Elle a fermé le livre… Puis les yeux… Et elle l’a vue… Nur-Banu… Mollement alanguie sur un sofa. Entourée de femmes prévenant, avec empressement, ses moindres désirs. D’eunuques qui l’éventaient, la rafraîchissaient et lui présentaient toutes sortes de friandises sur des coussins de velours ornés de pierres précieuses… On a annoncé, à son de trompes, la venue du sultan. Tout le monde s’est éclipsé…

« - Ils arrivent !… Sauvez-vous !… Cachez-vous !… »… Elle a tranquillement continué à cheminer vers la plage, croisant des groupes d’hommes et de femmes affolés qui couraient à perdre haleine, la bousculaient au passage sans la voir ou l’exhortaient à fuir… « - Mais va-t-en, espèce de folle !… Retourne !… »… Ils étaient une quinzaine. Ils ont fondu sur elle. Elle n’a pas opposé le moindre semblant de résistance. On l’a ligotée, enchaînée, à fond de cale, en compagnie de dizaines d’autres captives et captifs qui gémissaient et pleuraient à qui mieux mieux…

Nue sur une estrade. Entièrement nue sous un soleil brûlant. Autour on allait et on venait. Autour d’eux. Autour d’elle. On l’a examinée. A l’intérieur de la bouche. Sous la plante des pieds. On lui a tâté les cuisses. On les lui a fait écarter. On a voulu voir. On lui a soupesé les seins. On a essayé d’en faire dresser les pointes. On lui a mis un doigt entre les fesses. Un autre. Quelqu’un a compté des pièces. Qui ont changé de mains. Qu’on a recomptées. On lui a passé une corde autour du cou. On l’a emmenée…

Le luxe. Le grand luxe. Du marbre. De l’or. Des tentures. D’immenses cours intérieures fleuries. Des pépiements d’oiseaux. Le babillage ininterrompu des femmes dans une langue inconnue. Leur course effrénée soudain. Elle a suivi. Tout s’est arrêté. Tout s’est tu. Agenouillées, elles ont silencieusement regardé approcher le sultan. Qui s’est arrêté. Qui a posé les yeux sur elle. Qui a dit quelque chose qu’elle n’a pas compris. On l’a poussée. Jusque devant lui. Jusqu’à ses pieds. Il a encore dit quelque chose. Elle a fait signe qu’elle ne comprenait pas. Il a souri. Il lui a posé la main sur la tête. Il s’est éloigné…

Elles l’ont entourée, volubiles. Se sont emparées d’elle. L’ont conduite au bain. Lavée. Ointe d’huile d’aloès. Parfumée. Coiffée. Habillée. Parée de bijoux magnifiques. Elles se sont reculées, ont contemplé leur œuvre, l’ont fait allonger, satisfaites, sur un divan dans lequel elle s’est voluptueusement enfoncée…

Un eunuque est venu la chercher, l’a guidée, à travers un dédale de couloirs, jusqu’au pied d’un luxueux sofa sur l’occupant duquel elle ne s’est pas permis de poser le regard…
- C’est donc toi !…
Surprise, elle a levé la tête. Nur-Banu l’examinait d’un œil inquisiteur…
- Qui es-tu ?… Que fais-tu là ?…
- Je… Mais rien… On m’a enlevée… Capturée… Vendue…
- Et pour une bouchée de pain, m’a-t-on dit… Une somme vraiment dérisoire… Pourquoi ?…
- Je ne sais pas…
- Mets-toi nue !…Tourne-toi !… Approche !… Tourne-toi encore !… Oui… Tu as été très largement sous-évaluée… C’est incontestable… Il y a forcément une raison à cela… Une raison que tu connais…
- Non !… Je vous jure que…
- Ne fais pas l’innocente !… Il y a à peine vingt-quatre heures que tu es arrivée et tu as déjà joué des pieds et des mains pour essayer de t’insinuer dans les bonnes grâces du sultan… Ca aussi pourquoi ?…
- Hein ?!… Mais je n’ai jamais…
- J’ai mes informateurs… Tout a été prémédité… Minutieusement préparé… Mes ennemis t’ont recrutée – et, je suppose, grassement payée – pour que tu me supplantes… Pour définitivement m’évincer… Ose dire le contraire !… Seulement ce qu’ils n’avaient pas prévu… Bon, mais je m’occuperai d’eux en temps voulu… Pour le moment toi, tu vas être punie…

Un signe de la main et trois vigoureux eunuques sont venus se saisir d’elle, l’ont allongée à plat ventre sur le tapis. L’un lui a solidement maintenu les jambes, l’autre les bras. Sorties de partout et de nulle part des femmes se sont approchées, ont fait cercle, la mine gourmande, sur deux rangs. Le premier coup de fouet, appliqué avec vigueur, l’a cueillie par surprise, lui a arraché un hurlement strident. Quelque part quelqu’un a ri. Et c’est tombé. Ca a continué à tomber. Ca a sifflé, claqué, mordu. Comme si ça ne devait jamais s’arrêter…

- Relève-toi !… Relève-toi et viens là !…
Chancelante… Pantelante…
- Plus près !… Et à genoux !…
Elle l’a agrippée par les cheveux, lui a attiré la tête, a plongé ses yeux dans les siens…
- Que je révèle au sultan que tu as comploté contre moi, que tu as voulu attenter à ma vie et je ne donne pas cher de ce gentil petit minois…
Elle lui a passé un doigt tout au long du cou…
- Couic…
Un tremblement lui a secoué tout le corps…
- Oui, ce n’est pas une perspective très exaltante, hein ?!… Mais j’ai mieux pour toi… Beaucoup mieux… J’obtiens tout ce que je veux de lui… Et il m’a fait cadeau de toi… Alors j’ai décidé de te mettre au service de mes servantes… Avec toute latitude de te traiter, pour se faire obéir, comme elles l’entendent… Et tu verras qu’elles ne manquent pas d’imagination…

Elle a dit quelque chose et elles se sont toutes mises à parler en même temps. Elles l’ont entourée, voulu l’entraîner…

Des coups à la porte. Elle a prestement dissimulé ses doigts luisants de mouille sous l’oreiller…
- Qu’est-ce que c’est ?
- Dis, t’as vu l’heure ?… Si tu ne te dépêches pas tu vas encore arriver en retard au boulot… Une fois de plus…

Escobarines: Le grenier





- Qu’est-ce que vous avez ?… Vous en faites une tête !…
- Rien !… J’ai rien…
- Oh si !… Si, vous avez quelque chose… Et je sais même ce que c’est… Elle vous a plaqué Laurence… C’est ça, hein ?…
- Comment tu le sais ?
- Parce que… Parce que c’est de ma faute… Non, mais comment je peux être conne des fois !
- Explique-toi !…
- Il y a rien à expliquer… Sauf que je suis nulle !… Mais nulle d’une force !… Non, mais pourquoi je suis allé inventer ça ?… Pourquoi ?…
- Inventer quoi ?…
- Je lui ai raconté qu’on couchait ensemble tous les deux…
- T’as pas été faire une chose pareille ?!
- Si !…
- Mais t’es une vraie petite saloperie !…
- Je sais…
- Mais qu’est-ce qu’on t’a fait ?… Qu’est-ce que je t’ai fait ?…
- Rien… Je sais pas ce qui m’a pris… Engueulez-moi !… Allez-y !… Insultez-moi !… Je dirai rien… Je le mérite…
- Bon, mais tout n’est peut-être pas perdu… Alors tu sais pas ?… Tu vas aller la trouver et tu vas lui expliquer… Lui dire que tu as menti… Que tu as tout inventé…
- C’est déjà fait… J’y suis retournée… Elle a pas voulu me croire… Elle a dit que je voulais vous couvrir… Et elle m’a foutue dehors…
- Et elle a eu raison !… Dégage, tiens !… Fous le camp !… Moi non plus je veux plus te voir… Remets jamais les pieds ici !…

Le surlendemain elle est venue gratter timidement à la porte. A passé la tête…
- C’est que moi !… Vous êtes encore fâché ?…
- On le serait à moins, non ?…
- Moi aussi je suis fâchée… Je m’en veux, mais je m’en veux… Vous pouvez pas savoir à quel point je m’en veux…
- Ca me fait une belle jambe !…
- Punissez-moi !… Je l’ai mérité…
- Ca, c’est le moins qu’on puisse dire…
- Eh bien alors ?!… Allez-y !… Qu’est-ce que vous attendez ?
- Vaut mieux pas, non… Parce que je risquerais de taper beaucoup trop fort… Tu m’as fait tellement de mal !…
- Eh ben justement raison de plus !…
- Allez, file !… Dépêche-toi !… J’ai du travail…
- J’m’en fiche !… Si vous voulez pas me le faire je me le ferai moi-même alors !… Et je taperai encore plus fort que si c’était vous qui le faisiez…
- Allez, allez, va vite !… Rentre chez toi…

- Vous m’avez bien dit que vous avez plein de vieux bouquins au grenier ?
- Oui…
- Il y a quoi ?…
- Je me souviens plus au juste…
- Je peux pas y monter voir ?… Parce qu’au club de théâtre, à la fac, on voudrait trouver de trucs un peu originaux… Des pièces que personne connaît…

Elle a marché au-dessus. Dans un sens. Dans l’autre. Ca s’est arrêté. Ca a recommencé. Le silence. Et puis ça a claqué. Doucement d’abord. Hésitant. Avec de longs moments d’interruption. Ca s’est élancé. De plus en plus vite. De plus en plus fort. De plus en plus intense. Ca a gémi. Ca a crié. Ca s’est plaint. Lamenté…
- C’est qu’elle est bien fichue de s’estropier cette petite dinde !…
Je suis monté. Ca s’est arrêté. Un genou sur la vieille chaise haute de ma grand mère, agrippée des deux mains au dossier, elle m’a regardé escalader, l’un après l’autre, les barreaux de l’échelle. Le derrière à l’air. A l’air et cramoisi…
- Je vous avais bien dit que je le ferais…
J’ai pris pied sur le plancher du grenier…
- A votre tour !… Punissez-moi !…
- Bon, allez, tu descends de là !… Ca suffit maintenant…
- Non… Non… Parce que vous m’en voulez encore… Je le vois bien… A votre air… A votre ton… A plein de choses… Vous êtes plus comme avant avec moi… Plus du tout… Tant que vous m’aurez pas punie…
- Il n’en est pas question…
- J’m’en fous… Si vous voulez pas je me continue toute seule… Jusqu’à ce que vous vouliez…
- Non, mais ça va pas ?… T’es pas bien ?… T’as vu dans quel état t’as le derrière ?…
- Ce sera bien pire tout à l’heure… Et ça m’est complètement égal… Tout m’est égal… Sauf d’être réconciliée avec vous… Et que vous soyez exactement comme avant avec moi… Vous voulez pas ?… Très bien…
Et elle a repris de plus belle. De toutes ses forces…
- Donne-moi ça !…
- Non !…
On a lutté tous les deux. Je le lui ai arraché. Jeté par le vasistas…
- J’m’en moque !… Chez moi je vais aller me le faire… Vous pourrez pas m’empêcher chez moi… Et tout sera de votre faute…
- Ecoute-moi !…
- J’écoute rien du tout…
- Tu peux pas… Dans l’état où tu t’es mis les fesses tu peux pas continuer… C’est beaucoup trop dangereux…
- Tant mieux !…
- Attends au moins un peu !… Quelques jours… Que tout soit revenu à peu près à la normale…
- Si j’attends c’est vous qui me le ferez ?
- On verra…
- Non, on verra pas… Il faut que vous promettiez… Tout de suite… Que vous juriez… Sinon… Vous jurez ?…
- Oui, oui… Allez, rhabille-toi !…

Elle s’est déculottée…
- Regardez !… Vous voyez ?… Il y a plus rien… Presque plus rien… Vous pouvez me le faire maintenant…
- Tu crois vraiment que c’est nécessaire ?
- Je crois pas… Je suis sûre… Vous allez pas vous défiler au moins ?… Parce que alors là si vous vous défilez en sang je me le mets…
- Je vais pas me défiler, non…
- Super !… Au grenier on monte ?… On sera mieux là-haut…

Escobarines: Chambre d'étudiante






- C’est qui ?…
- Laurence…
- Qu’est-ce qu’il y a ?… Qu’est-ce tu veux ?… Je dors…
- T’auras tout le temps de dormir après… J’ai deux mots à te dire… T’es allé lui raconter quoi à Philippe ?…
- A Philippe ?… Rien du tout… Il y a une éternité que je l’ai pas vu…
- C’est pas ce qu’il m’a dit… Et il prétend que tu m’aurais raconté que vous avez couché ensemble… Tu sais très bien que si tu étais allé inventer une salade pareille j’en aurais pas cru un seul mot…
- On s’est pas compris… Je lui ai juste demandé si vous vous sépariez parce que tu croyais qu’il y avait eu quelque chose entre nous…
- Tu le sais très bien pourquoi on s’est séparés… Alors je vois pas pourquoi tu éprouves le besoin d’aller mettre ta pagaille comme ça…
- J’ai pas mis la pagaille…
- Ah non ?… Je sais pas ce qu’il te faut… De toute façon c’est toujours la même chose avec toi : il faut que tu fasses ton intéressante… Quoi qu’il se passe, quoi qu’il arrive il faut que tu occupes le devant de la scène… Que tu tires la couverture à toi… Tu ferais battre des montagnes… Bon, mais je sais ce qu’il me reste à faire…
- Quoi ?…
- Tu tires la route de ton côté et moi du mien… Moins on se voit et mieux on se porte…
- Tu peux pas faire ça !
- Je vais me gêner !…
- Non, Laurence, non, attends, écoute !… Après tout ce qu’on a traversé ensemble… Tout ce qu’on a vécu… Tu es comme une grande sœur pour moi… A qui je pourrai parler, moi, aller tout raconter si tu n’es plus là pour m’écouter ?…
- Pour le remerciement que j’en ai !… Tu me crées des complications sans arrêt avec tout le monde…
- Je le ferai plus, j’te promets !…
- Oui, oh, si je faisais le compte de toutes les promesses que tu m’as faites et que tu n’as jamais tenues…
- Parce que tu m’as pas obligée… Si tu m’avais obligée…
- Ben voyons !…
- Si, c’est vrai, hein !… Tu m’as jamais comprise là-dessus… S’il y a pas quelqu’un pour me forcer à les faire les choses je les fais jamais… C’était ça que j’attendais de toi… Depuis le jour où on s’est rencontrées… Parce que t’es plus âgée que moi… Parce que tu as un caractère fort… Pas moi… Je suis comme une girouette… Toujours dans le sens du vent… C’est le dernier qu’a parlé qu’a raison… Quand je prends de bonnes résolutions je sais déjà que je ne les tiendrai pas… Je suis nulle… Rien de ce que j’entreprends ne réussit…
- Tu peux quand même pas dire ça…
- Bien sûr que si !… Et tu le sais très bien… Elle est rien du tout ma vie… Alors si je vis pas un peu de celle des autres, si je m’implique pas un peu dedans, même si je le fais mal, même si je le fais de travers, même si j’y fous le bordel, je suis rien… J’existe pas… Et ce sera toujours comme ça… Je suis en train de foirer complètement mes études… Parce que j’ai aucune volonté… Ma vie sentimentale ?… C’est du grand n’importe quoi… Et quand j’en aurai bien marre j’épouserai le premier con venu et j’irai achever de m’étioler au fin fond d’une province quelconque… Tant pis !… Ou tant mieux !… Mais c’est quand même un sacré gâchis, avoue !… Parce qu’il suffirait de pas grand chose pour que tout se passe autrement… Juste que quelqu’un me prenne en mains… Décide pour moi… Sans que j’aie à réfléchir ni à me poser de questions… Juste faire ce qu’on me dit… Parce que c’est pour mon bien… Que quelqu’un me punisse quand je n’écoute pas ou que je n’obéis pas… C’est immature ?… Evidemment que je suis immature… Et je le resterai… Sauf si on m’oblige à ne plus l’être… Si toi tu t’occupes de moi… Parce qu’il n’y a qu’à toi que je peux demander une chose pareille… Il n’y a qu’en toi que je peux avoir vraiment confiance…
- Et en Philippe…
- Philippe ?… Oh non, non !… C’est un homme Philippe… C’est trop compliqué avec un homme… Et puis ils savent pas…
- Tu le lui as pourtant demandé…
- Moi ?… Je lui ai jamais demandé ça !…
- D’après lui pourtant…
- Oh non, non, c’est pas vrai !… J’ai juste voulu qu’il me mette une fessée…
- Ah ben bravo !… Bravo!… Une fessée… De mieux en mieux… On aura tout vu… Et pourquoi donc s’il te plaît ?… T’avais quoi derrière la tête ?…
- Mais rien du tout !…
- Arrête de me prendre pour une imbécile, veux-tu !?… A 23 ans on va pas coller son derrière sous le nez d’un type qui en a le double sans avoir des intentions bien précises… Un homme, c’est un homme… Lui aussi… Comme les autres… Ils n’ont tous qu’une seule chose en tête… Toujours la même… T’imagines s’il avait voulu après ?…
- Oui, mais non… Il a rien voulu du tout…
- Ca aurait pu…
- Vous étiez plus ensemble…
- Depuis deux jours… Et toi, tu te précipites… Tu sautes dessus… A croire que t’attendais que ça, hein ?… Qu’on se casse la figure tous les deux… Peut-être même que tu as poussé à la roue… Oui, sûrement !… C’est minable !… Tu es minable… Tu sais ce que tu mériterais ?… C’est que moi j’t’en colle une, tiens !… Et une bonne…
- Si ça peut te faire du bien…
- Il est pas question de ça… Il est question de…
Elle n’a pas fini sa phrase. Elle s’est résolument emparée de la brosse à cheveux sur la coiffeuse, est venue s’asseoir sur le lit, l’a renversée sur ses genoux et a tiré sur la culotte de pyjama qu’elle a descendue jusqu’à mi-cuisses. Et elle a tapé…
- Tu vas t’en souvenir… Je peux te dire que tu vas t’en souvenir…

- J’ai fait fort quand même !… Je t’ai mis les fesses dans un état !
- Ca fait rien… C’est pas grave…
Elle a posé la main dessus, l’y a laissée…
- Comment elles sont chaudes !…
Elle les a doucement caressées, s’est penchée pour y déposer un baiser…
- Tu m’en veux pas trop ?
- Tu sais bien que non…
Elle a cheminé entre elles…
- Tu es toute…
- Mouillée, oui !… Enlève-la moi ma culotte !… Enlève-la moi… Complètement…
Elle s’est mise sur le dos, a croisé les mains sous la nuque, fermé les yeux…

- Comment c’était bon !… Mais dis !… Tu vas t’occuper de moi maintenant, hein?!… Me donner des ordres… Tout ce qu’il faut que je fasse… M’obliger… Et me punir chaque fois que je serai pas sage… Ou que je désobéirai… Oui ?… Tu me promets, hein ?

Escobarines: Le château






- Tu m’emmènes où ?… Depuis le temps qu’on roule…
- Je te l’ai dit : c’est une surprise…
- On va chez un couple, hein ?… Des échangistes… C’est ça ?!… Franchement j’en ai un peu marre… Parce que c’est toujours la même chose finalement… Chaque fois tu te dis que ça va être différent… Inattendu… Surprenant… Et chaque fois t’es déçue… A croire qu’ils sont tous tristement façonnés sur le même modèle… Ou qu’ils se donnent le mot… Hé !… Tu vas où par là ?…
- Là-haut…
- Mais c’est un château !…
- Toi qui voulais de l’inattendu…
- Et un vrai en plus… Pas un qui fait semblant… Non, mais regarde-moi ça !… C’est de la folie… Tu sais ce que tu fais, Pierre ?… T’es sûr de toi ?… Tu vas pas nous entraîner dans une galère ?…
- Il n’y a aucun risque… Aucun danger… Par contre tu te laisses faire… Tu t’abandonnes… Tu ne poses pas de questions… Si tu veux y trouver ton compte… Je sais ce que tu aimes depuis le temps…

Ils ont contourné la façade brillamment illuminée, frappé à une petite porte latérale. Un valet en livrée est venu leur ouvrir, l’a cérémonieusement débarrassée de son manteau qu’il a suspendu, avec précaution, dans un grand placard mural…
- Si Madame veut bien me confier sa robe…
Elle lui a jeté un regard stupéfait. Un autre à Pierre qui, d’un clignement de paupières, lui a fait signe d’accepter. Elle a haussé les épaules, obtempéré. Sans un mot le valet a encore tendu la main. Et sans un mot elle lui a tendu sa culotte et son soutien-gorge…
- Ce que tu me fais pas faire !…
- Tu adores !… Ose dire le contraire…

- Madame et Monsieur Delmont !…
Claironné d’une voix de stentor. Et il s’est effacé pour les laisser passer. Toutes les conversations se sont interrompues. Tous les regards ont convergé vers eux. Un homme entre deux âges, en costume d’époque, s’est précipité, penché pour lui baiser la main…
- C’est un véritable bonheur, chère Madame, de vous compter enfin parmi nous… Depuis le temps que je suppliais votre mari de nous faire faire votre connaissance…
Il lui a tendu une coupe de champagne. La salle était immense, uniquement éclairée par des dizaines et des dizaines de candélabres disposés sur les meubles ou fichés dans les murs…
- Vous vivez dans un cadre magnifique !…
- N’est-ce pas ?… Venez !… Je vais vous présenter…
A une multitude de barons poudrés inclinés. De marquises à éventail tout sourire. Elle ne s’est pas départie du sien…
- Vous vous sortez remarquablement bien de cette première épreuve… Il n’est jamais simple d’être nue au cœur d’une société de gens habillés…
- Première épreuve ?… C’est donc… qu’il y en aura d’autres ?
- Bien sûr !… Votre mari ne vous a pas dit ?… C’est le protocole classique d’initiation… Entrer dans notre groupe se mérite… Mais une fois qu’on en fait partie… Vous dansez ?… Le menuet… Vous savez le danser ?… On vous apprendra… C’est indispensable…
Il s’est éloigné.

- S’il vous plaît…
Il a réclamé le silence…
- S’il vous plaît… Nous comptons aujourd’hui – vous l’aurez tous remarqué – un nouveau couple d’amis… Mais vous aurez également remarqué que la tenue dans laquelle Madame Delmont s’est présentée devant nous est, à proprement parler, inacceptable…
Tout le monde a bruyamment approuvé…
- En conséquence il s’avère indispensable, avant de l’accueillir définitivement parmi nous, de sanctionner tout d’abord comme il se doit un tel manquement aux règles de la bienséance… Je propose donc qu’on applique la procédure habituelle et qu’on lui administre une fessée amplement méritée… Qui est pour ?
Une forêt de mains s’est levée…
- Qui est contre ?
Personne…
- Et vous, Madame Delmont, quel est votre sentiment ?… C’est parfaitement justifié, non, vous ne trouvez pas ?…
Elle a acquiescé. D’un hochement de tête…
- Parfait !… Venez !…

En travers de ses genoux. Quelqu’un s’est emparé de ses mains qu’il a emprisonnées. Tout le monde a fait cercle autour d’eux. Il s’est montré méthodique. Scrupuleux. D’abord à cœur de fesses. Energiquement. A grandes claques espacées. Et puis le pourtour. En rond. En commençant par la gauche. En remontant. Au-dessus. En redescendant par la droite. En-dessous. Et puis à nouveau au centre. A nouveau sur le pourtour. Interminablement. Elle n’a gigoté qu’à la fin. Et crié. Beaucoup crié…

Des femmes l’ont emmenée, fait étendre sur un lit gigantesque…
- Tu es des nôtres maintenant… Tu es des nôtres… Et quand on est des nôtres le premier soir… Mais tu vas voir… Tu verras…
Elles se sont éloignées avec des mines de conspiratrices, ont refermé la porte, l’ont laissée seule. Elle a fermé les yeux. Ca irradiait délicieusement partout. Dans les cuisses. Dans le bas-ventre. Dans les reins. Jusque dans les seins. Dans la nuque. Elle était bien. Si bien…

Il y a eu tout un remue-ménage dans le couloir. On est entré. L’une des femmes de tout à l’heure. Avec des hommes. Plein d’hommes. Tous les hommes. Qui se sont rangés en cercle autour du lit. Elle s’est penchée sur elle…
- Tu choisis… Ceux que tu veux… Tous ceux que tu veux… Pour en faire ce que tu veux…
Celui-ci. Celui-là. L’autre. Non. A droite. Pas le blond. Le frisé tout mignon. Et puis le rugbyman. Allez, encore un !… Ce sera tout. Non, merci, ce sera tout. Elle a emmené les autres.

Cinq. Elle en avait retenu cinq. Qui, sur un signe d’elle, se sont prestement déshabillés. Rangés autour d’elle…
- Plus près… Venez plus près… Tout au bord…
Ils ont obéi. Elle a touché – caressé – des torses. Laissé glisser ses mains contre des fesses. Posé ses lèvres sur des cuisses. Plus haut…
- Venez !… Venez tous !… Occupez-vous de moi…
Ils l’ont rejointe sur le lit. Elle s’est abandonnée…

Escobarines: Les campeuses






- Tiens !… Je vois que tu rames… Prends le mien si tu veux…
Son liquide vaisselle…
- Merci… C’est gentil… On vient que d’arriver… On n’a pas encore eu le temps d’aller faire les grosses courses…
- Oui… J’ai vu… Juste à droite de nous vous vous êtes installées… C’est qui qu’est avec toi ?… Ta mère ?…
- Non… Ma tante…
- Moi, je suis avec ma sœur… Et son mec… Ils ont absolument voulu m’emmener… Pour que je profite un peu de la mer… C’est gentil, mais bon… Je me fais un peu chier… Beaucoup même… Mais maintenant que t’es là peut-être que ça va aller mieux… Qu’on va pouvoir faire des trucs ensemble…
- Si tu veux, oui… Parce que ma tante elle est pas trop marrante non plus…

On a remonté l’allée côte à côte, nos cuvettes sous le bras…
- Ceux-là, là, les deux vieux assis devant leur tente à droite de la tienne ils quittent jamais le camping… Ils restent là toute la journée à rien faire… Enfin, si !… A boire je sais pas quoi en surveillant ce qui se passe… T’as intérêt à te méfier d’eux comme de la peste… Ils sont au courant de tout… Absolument tout… Le mieux, c’est de les ignorer… Sinon t’as pas fini… Ils vont te harponner chaque fois que tu vas passer pour te tirer les vers du nez… Par contre les deux canadiennes qu’on a juste en face, là, de l’autre côté de l’allée, alors ceux-là si t’arrives à engager la conversation t’hésites surtout pas… Parce que c’est quatre mecs, des jeunes – ils sont pas là pour le moment… ils ont dû filer à la plage – dont il y en a deux je te dis pas comment ils sont mignons…

Ils l’étaient…
- Chiche qu’on va leur parler ?…
- Pour leur dire quoi ?… Ca craint…
- N’importe… Leur demander s’ils connaissent pas une boîte de nuit dans le coin… Par exemple…

Ils connaissaient…
- Ca fait trois ans qu’on vient en vacances ici… Alors vous pensez !…
- Oui, oui… Il y a ce qu’il faut… Avec un DJ qui tient la route…
- C’est loin ?… Parce qu’on a de bagnole ni l’une ni l’autre…
- Encore assez… Mais ça c’est pas un problème… On vous y emmène si vous voulez…

- Estelle ?!…
- Oui ?!… Quoi encore ?…
- Tu rentres pas trop tard, hein ?!… Tu sais ce que je t’ai dit…
- Mais oui, oh !…
- Deux heures… Pas plus…
- Deux heures ?!… Mais c’est nul !… Il commence à peine à y avoir de l’ambiance à deux heures…
- Ne commence pas à discuter… Tu sais que j’ai horreur de ça… J’ai dit deux heures… Ce sera deux heures… C’est compris ?…
- Ouais !… Ouais !…

- Eh ben dis donc !… Quelle chieuse ça a l’air d’être ta tante !…
- C’est rien de le dire…
- Mais quel âge t’as ?…
- 18… Presque 19…
- Ben alors !… T’as bien le droit de faire ce que tu veux… Envoie-la promener…
- Je vais me gêner…

Ca n’a pas été celui que j’aurais vraiment voulu, mais, au petit matin, Bertrand, le grand brun qui riait tout le temps… Qui m’a entraînée à l’écart, sérieux brusquement, presque grave… Qui m’a déshabillée avec mille précautions… Pénétrée avec impatience… Qui a voulu presque aussitôt recommencer… Et puis encore un peu plus tard… Et encore…

Quand on est rentrés, tous les six, le camping avait déjà commencé à reprendre vie… Dans les allées on allait vers les sanitaires, la serviette sur l’épaule. On en revenait. Ca sentait le café et le pain grillé…

- Tu sais ce qui t’attend ?…
Je savais, oui !…
- Quand on veut jouer les petites désobéissantes…
Et je me suis retrouvée le derrière à l’air, solidement maintenue, sa cuisse coincée entre les miennes…
- Pas trop fort, hein !… Qu’on n’entende pas !…
- Je me fiche pas mal qu’on entende ou pas…
Et on a entendu. Les claques tambourinées sur mon derrière…
- Ah, tu veux le prendre comme ça !… Ah, tu veux le prendre comme ça !…
Mes gémissements. Mes plaintes. Mes cris. Mes supplications…

- Eh ben voilà !… Ca y est !… C’est fait… Depuis le temps que tu en rêvais que je te donne la fessée sur un camping…
- Wouah !… Et la porte de la tente !… Elle était pas complètement fermée…
- Je sais, oui…
- Il y a peut-être des gens qui sont passés…
- Oh, sûrement !…
Une femme a arpégé son plaisir en sourdine… L’a étouffé…
- C’est à côté… C’est la sœur de Mathilde…
- Ca l’a mise en appétit on dirait… Et maintenant ?… Tu vas faire quoi ?…
- Ce que j’ai toujours dit que je ferais si ça arrivait… Ca va être maintenant le meilleur moment…
Et je suis sortie…

Les deux vieux étaient déjà attablés devant leur tente…
- Eh ben dis donc, ma fifille, comment tu l’as chantée la chanson !… Voilà ce que c’est que de pas être sage et de pas vouloir écouter les grandes personnes…
Sa femme a surenchéri aussi fort qu’elle l’a pu…
- De toute façon avec ce genre de petite dévergondée il y a pas trente-six solutions… Il y a que ça qu’elles comprennent…

On m’a suivie des yeux jusqu’à l’entrée des sanitaires. Sur mon passage les gestes se suspendaient, les conversations s’arrêtaient, les sourires s’épanouissaient, ironiques, sur les figures… Un type d’une quarantaine d’années m’a menacée, en riant, du plat de la main…
- Panpan cucul…

Quand j’ai été sous la douche on est venu tambouriner contre la porte de la cabine…
- Comment ça doit être rouge !… On veut voir… Allez, ouvre, quoi !… Montre-nous ça !…
Ca a insisté. Ca a fini par s’éloigner avec des grands « Aïe ! » et des grands « Ouille ! » moqueurs qui ont résonné à travers tout le camping…

Au retour Mathilde et Bertrand discutaient tous les deux, avec animation, devant les tentes des garçons. Je me suis dirigée résolument vers eux…

Escobarines: La plage





- On va où en Vacances ?…
- Où t’aurais envie, toi ?…
- Un camping ?…
- J’en étais sûre !… Je l’aurais parié… Un camping où je passerais, comme l’année dernière, pour la vilaine tante à principes et préjugés éculés qui donne encore la fessée, pour un oui ou pour un non, à sa grande nièce de 20 ans(*)… Non, c’est pas ça ?…
- Un peu si… Ca t’ennuie ?…
- Oh non !… Non… Entre bonnes copines faut savoir se rendre service… Et puis, pour être franche, je finirais presque par y trouver, moi aussi, un certain plaisir…
- Bon, ben alors on y va… Le même ou un autre ?…
- Comme tu veux… Tu choisis…
- Un autre alors !… Un autre… Ca changera…

- En douce… En douce heureusement que t’as dix ans de plus que moi et que – le prends pas mal ! – tu fais nettement plus vieux… sinon personne le croirait que t’es ma tante !… Tandis que là…
- T’as fait quoi de ta journée ?…
- J’ai discuté… A droite… A gauche…
- T’as fait des connaissances ?…
- Pas vraiment… Pas encore… Mais on vient que d’arriver…
- Moi si !…
- Ah oui ?… Qui ça ?…
- Un couple très sympa avec une grande fille de ton âge… Une tente de l’autre côté là-bas près des sanitaires… Je suis même allée à la plage avec eux… Ils m’ont fait découvrir une ravissante petite crique un peu à l’écart où ils pratiquent le naturisme avec une douzaine d’autres personnes…
- Et toi aussi tu t’es ?…
- Non, mais tu me prends vraiment pour un dinosaure, hein !…

- C’est vrai qu’il y a pas photo… Qu’est-ce qu’on se sent mieux à poil !… Et puis quand on est dans l’eau… Ca a rien de comparable…
- Je te le fais pas dire…
- Ils sont sympas en plus les gens… Même si… il y a un vieux, là, il a pas arrêté de me reluquer…
- Dans un sens c’est plutôt bon signe, non ?…
- Oui… Bien sûr… Oui… Mais là où ça me gêne c’est par rapport à sa bonne femme… Parce qu’on peut pas dire qu’il soit vraiment discret…

- Tu voudrais pas t’arrêter ?…
- Pourquoi ?… T’as envie de faire pipi ?…
- Non… Non… Mais on va y arriver à la plage…
- Oui… Et alors ?…
- Et alors ce qui serait pas mal c’est que tu m’en mettes une maintenant… Juste avant… Que tout le monde se rende compte…
- S’il y a que ça pour te faire plaisir…
- Mais tu tapes, hein !… Même que je te crie d’arrêter tu continues… Faut que ça marque vraiment…
- Compte sur moi !… Tu vas pas être déçue…

- Là !…
- Ouche !… Hou !… La vache !… T’y es pas allée avec le dos de la cuillère…
- Faut savoir ce que tu veux…
- Oui… Non, mais ça fait rien… Ca va… Dis ?!…
- Oui ?…
- Quand on va y arriver à la plage je vais faire celle qui veut pas le quitter son maillot… Qui a bien trop honte qu’on voie qu’elle vient de la recevoir la fessée… Mais tu insistes, hein ?!… Tu m’obliges !…

- Cesse donc ces enfantillages, Estelle !… A quoi ça rime ?… De toute façon tout le monde le voit que tu t’es pris une fessée… Ca déborde de partout du maillot…
- Apparemment elle vous cause bien du tracas cette grande fille…
- Ca !… Vous pouvez le dire…
- Elle court, je suis sûre !… Rien qu’à la voir…
- Oh, si c’était que ça !… Si vous saviez !… Si vous saviez tout ce qu’elle est capable d’inventer… Elle me rendra folle, mais folle !…
- Les jeunes d’aujourd’hui on leur laisse passer beaucoup trop de choses… Beaucoup trop…
- Regardez-la !… Regardez-la qui file là-bas…
- Mais c’est pas possible ça !… Dès que je la quitte des yeux trente secondes…

- Ben alors !… Tu l’as pas retirée la culotte !…
- Demain !… Quand on cède après avoir beaucoup résisté on a tellement plus honte !…

Escobarines: Le pique-nique




- Encore deux jours et puis c’est fini pour nous… On rentre…
- Déjà !…
- Déjà, oui !…
- Nous aussi… On va pas tarder à repartir… Va falloir…
- Dommage !… On formait un bon petit groupe…
- Tout a une fin…
- Ah, on peut dire qu’on en aura passé des heures à la plage…
- Oh, mais on se retrouvera… Suffit de poser nos vacances de l’an prochain au même moment…
- Et si, en attendant, on s’organisait un petit quelque chose tous ensemble avant de se séparer ?… Une sortie… Un pique-nique…
- Un pique-nique… Oui… Un pique-nique… C’est une excellente idée…

- Et si nous on leur terminait ça en apothéose ?… C’est pour le coup qu’ils s’en souviendraient de leurs vacances…
- En apothéose ?… C’est-à-dire ?…
- Leur montrer – soi-disant à ton corps défendant – ton derrière rougi sur la plage(*) c’était bien… Ils ont beaucoup apprécié… Fallait voir les regards qui se posaient sur toi… Entendre les commentaires…
- Moi aussi j’ai apprécié… Surtout ça j’ai apprécié… Comment ça te met la honte les réflexions… T’arrêtes pas d’y repenser pendant des jours et des jours après… Tu peux pas t’empêcher…
- Et si maintenant je te la flanquais devant eux ?…
- Wouaaaah !… Déjà devant des inconnus qu’est-ce ça doit être !… Mais alors devant des gens que tu connais tous… A qui t’as parlé…

La première voiture s’est arrêtée…
- On s’installe là ?… C’est calme… C’est tranquille… Personne viendra nous déranger…
Les coffres se sont vidés, des tables dépliées. On a sorti des paniers, des glacières, des pliants, des chaises longues…
- On a une chance, mais une chance !… Il fait un temps magnifique !…
Tout le monde s’est installé. Bernard Lépanthe a distribué des verres. Les a remplis…
- Bon, ben à la nôtre…

- Tiens-toi correctement, Estelle !…
- Oh, mais on est en Vacances… Si je peux même plus boire un coup…
- Un, oui… Mais tu t’en es déjà enfilé sept ou huit… Les uns derrière les autres…
- Je peux jamais rien faire alors !… Rien… J’en ai plein le cul…
- Vous la laissez vous parler sur ce ton-là ?…
- Certainement pas, non… Tu vas me présenter immédiatement tes excuses, Estelle !…
- Oui, ben alors là !…
- Tu entends ce que je te dis ?…
- J’en ai marre, mais marre !…
- Fais attention !… Fais bien attention !…
- Tu me fais pas peur !… Et qu’est-ce qu’ils ont à me regarder comme ça tous ces cons ?…
- Cette fois ça suffit !… Viens ici !… Tu l’as assez cherchée… Tu vas t’en prendre une…
- Oh non, Tatie, non !… Tu vas pas me faire ça ?!… Je le ferai plus… Je te promets… Je serai sage… Je boirai plus… Tiens, regarde !… Je le rends à monsieur Lépanthe le verre… Tu vois ?!…
- Arrête tes simagrées, veux-tu !… Tu aggraves ton cas… Viens ici !… Tu entends ce que je te dis ?… Viens ici, Estelle !… Je le répéterai pas…

- En tout cas elle a pas été bien courageuse la demoiselle…
- C’est le moins qu’on puisse dire…
- Jouer les fortes têtes ça elle sait faire…
- Mais dès qu’il s’agit d’assumer les conséquences de ses actes…
- Oui… Parce que qu’est-ce qu’elle aura braillé !…
- Comme un cochon qu’on égorge…
- Et gigoté…
- Elle aurait quand même pu prendre sur elle… Si elle avait un minimum de pudeur…
- C’est clair que c’est pas ça qui l’étouffe…
- Heureusement que sa tante…
- Oui… Lui coincer les jambes comme ça c’était la seule solution pour l’obliger à un peu de décence…
- Trop gentille elle a été… Moi, je te lui en aurais collé une beaucoup plus longue… Et beaucoup plus forte…Pour lui apprendre à savoir se tenir…
- En tout cas ça l’a calmée on dirait…
- Oui… Elle est toute sage d’un seul coup…
- Comme quoi…

- Elle veut boire un petit quelque chose la grande fille ?…
- Mais oui !… Qu’elle en profite !… Tantine est en pleine discussion là-bas… Elle ne s’apercevra de rien…
- Tiens, prends !… dépêche-toi !… Elle a le dos tourné…
- Non, merci, monsieur Lépanthe, merci…

samedi 9 octobre 2010

Visites médicales

Sa gynécologue semblait beaucoup y tenir…
- J’aimerais quand même que vous voyiez un dermato… Qu’il nous donne son avis sur une éruption aussi soudaine…
Un dermato ?… Mais elle en connaissait pas !…
- Madame Saulnier, au CHU, est quelqu’un de très bien… De très compétent… A qui on peut faire une confiance aveugle…

La secrétaire n’avait pas de rendez-vous à lui proposer avant trois mois…
- Ou alors mardi en huit… Si vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que ce soit dans le cadre des cours de Madame Saulnier…
Elle n’y voyait pas d’inconvénient, non… Elle ne voyait pas du tout en quoi ça consistait. Ce que ça changeait. Et elle n’a pas posé la question…

C’était une femme d’à peu près son âge. Peut-être un peu plus. Quarante-cinq ans. Tout juste a-t-elle jeté un œil sur la lettre de la gynéco…
- Oui… Bon… On va voir ça… Vous vous déshabillez et vous me rejoignez à côté dans la salle d’examen…
Ce qu’elle a fait… Pour se trouver aussitôt nez à nez avec une quinzaine d’étudiants – garçons et filles – alignés en rangs d’oignons… Elle n’a pas pu retenir un petit cri de stupéfaction… Elle a esquissé un mouvement de repli instinctif vers la porte salvatrice… Avant de très vite se reprendre… Elle n’allait tout de même pas se donner le ridicule, à son âge, de jouer, les vierges effarouchées… De toute façon c’étaient des étudiants… En fin d’études… Ou en spécialisation sûrement… Ils en avaient vu d’autres…

Madame Saulnier ne s’était aperçue de rien. Ou faisait mine de ne s’être aperçue de rien…
- Tenez, allez vous allonger là-bas… On arrive…
Et elle s’est lancée dans un savant exposé technique totalement incompréhensible pour elle…

Ils se sont enfin approchés. L’ont entourée. Cernée. Un mur. Une muraille d’étudiants…
Elle a posé sa main. Entrouvert avec ses doigts. Ouvert plus largement. Maintenu…
- Vous voyez ?… Tout le monde voit ?… Là-bas aussi derrière ?… Eh bien venez plus près !…
On s’est penché. Des têtes. Des bouclées. Des frisées. Des rasées. Des brunes. Des blondes. On est resté penché…
- Vous avez vu ?… Tout le monde a vu ?… Oui ?… Vous conviendrez avec moi que poser un diagnostic, dans ce cas précis, ne présente pas de véritable difficulté…
Ils ont tous bruyamment approuvé…
- Bien… Vous pouvez aller vous rhabiller… Cela ne revêt pas le moindre caractère de gravité… Je vais vous faire une ordonnance… Dans huit jours il n’y paraîtra plus…




- Bonjour… Vous me reconnaissez pas ?…
Une petite brune tout sourire à l’arrêt du car… Non… Non… Sa tête lui disait rien… Rien du tout… Non… Elle voyait pas…
- L’autre jour… En dermato… A la fac…
- Ah… Ah oui…
- On était tellement nombreux… Vous pouvez pas vous rappeler… C’est pas possible… Vous habitez dans le coin que vous attendez le car ici ?…
- L’immeuble qu’on voit là-bas juste derrière…
- C’est pas vrai !… Moi aussi… Quel étage ?…
- Quatrième…
- Et moi sixième… C’est trop quand même ça comme coïncidence… Et qu’on s’en soit seulemement jamais aperçues…

Dans le car elles se sont assises face à face…
- Vous retournez quand même pas en consultation là-bas ?…
- Oh non… Non… Je vais travailler… Je m’arrête bien avant…
- Ca a disparu ?…
- Quoi donc ?…
- Ben !…
- Ah oui !… Non… Pas encore, non… Mais presque…
- Il y en a beaucoup qui la critiquent, mais c’est une excellente toubib Madame Saulnier… Et une excellente prof… C’est pas parce qu’elle est froide et distante au premier abord comme ça que…

Le car a ralenti. S’est arrêté. Elle a fait signe à travers la vitre…
- C’est Romain et Emilien… Venez là !… Il y a de la place…
Ils se sont assis en face d’elles…
- C’est la femme de l’autre jour avec Madame Saulnier… Vous vous rappelez ?…
Emilien a plongé ses yeux droit dans les siens…
- Comme si on pouvait oublier !…
Elle est devenue écarlate…




- C’est moi !… Je vous dérange pas ?…
- Non… Entrez !…
- C’est marrant ces apparts !… Ils sont tous faits sur le même modèle finalement… La déco mise à part j’ai l’impression d’être chez moi… Bon… Mais c’est pas tout ça… Je voulais vous demander… J’ai un rapport à faire sur la façon dont les patients ils perçoivent la médecine… les soins… tout ça… Ca vous ennuierait de m’aider ?… Ce serait juste quelques questions à vous poser comme ça… Il y en aurait pas pour longtemps… Et comme vous habitez juste à côté…
- Si ça peut vous rendre service…
- Merci… C’est sympa… Je l’aménerai le questionnaire… Mais vous pouvez me tutoyer, hein !… En attendant je peux vous demander un truc ?…
- Vas-y !…
- Pourquoi vous avez choisi de venir à la consultation du mardi ?… Le mardi on est là, nous, les étudiants… Un autre jour vous auriez été toute seule avec Madame Saulnier… Et vu l’endroit où vous l’avez votre problème…
- C’est que… Oh, c’est tout simple comme explication… C’est que c’était le rendez-vous le plus proche… Et puis… Tu vas rire… Mais je n’avais pas la moindre idée de ce que ça pouvait signifier « dans le cadre des cours de Madame Saulnier »…
- Ah oui !… Ben je peux vous dire que c’est pas du tout ce qu’ils s’imaginent les autres… Mais alors là pas du tout… Ils pensent que vous l’avez fait exprès de choisir le mardi… Pour qu’il y ait plein de monde à vous regarder…
- Oui, ben tu pourras leur dire…
- Je leur dirai rien du tout… Parce que quand ils ont une idée en tête pour les en faire démordre… De toute façon qu’est-ce que ça peut faire ce qu’ils pensent… Vous vous en fichez… Vous les reverrez pas… N’empêche… N’empêche qu’ils ont quand même pas complètement tort non plus…
- Hein ?!… Mais pas du tout !…
- Non, mais je parle pour vous !… Mais c’est vrai qu’il y en a des fois !… On voit trop pour quoi elles sont venues… Surtout celles de votre âge… Il y en a même une un jour ça l’avait mise dans un état d’être toute nue comme ça devant tous ces étudiants, mais dans un état !… Oh, mais je critique pas, hein, je juge pas… Je constate… C’est tout…




Elle l’a ignoré. Elle s’est ostensiblement passionnée pour la lecture de sa revue. Il la fixait. Elle a nerveusement décroisé, recroisé, redécroisé les jambes. Il ne cessait pas de la fixer…
- De quoi ça parle ?…
- Pardon ?… Ah, mais c’est vous… C’est vous qui…
- C’est moi… Emilien… Oui…
- Excusez-moi !… J’étais tellement absorbée par…
- De quoi ça parle ?…
- Oh, ça n’a pas beaucoup d’intérêt…
- En somme, si je comprends bien, ce qui vous passionne, c’est ce qui n’a pas d’intérêt…
- Mais non, mais…
- C’est pareil pour les gens ?…
Il a éclaté de rire…
- Oh, mais faites pas cette tête-là… Je plaisantais… En tout cas c’est gentil de m’accompagner jusqu’à la fac comme ça…
- Hein ?… Mais pas du tout !… Je vais travailler…
- A la banque… Place Jean Jaurès… Je sais… Sauf que ça fait un bon moment qu’on l’a dépassée la place Jean Jaurès… Et qu’on va arriver au CHU…
- Oh la la !… Mon Dieu !… Mais c’est pas vrai !…
- Ben si !…
Elle s’est levée d’un bond. Il l’a fermement rattrapée par le bras…
- Qu’est-ce que vous faites ?… Vous êtes folle… Vous allez quand même pas sauter en marche ?…
Forcée à se rasseoir…
- Allons !… Soyez raisonnable…
- Mais je vais être en retard !…
- Et alors ?… C’est pas une raison pour aller vous fracasser la tête sur le trottoir… Et finir aux urgences… Remarquez… Ce serait pas forcément désagréable… Pour moi en tout cas… Je vous accompagnerais là-bas… Je prendrais soin de vous… Je vous ferais donner une des meilleures chambres… Je viendrais vous rendre visite… Tous les jours… Plusieurs fois par jour… Oui… J’aurais dû vous laisser sauter finalement…

- Et voilà… Vous n’avez plus qu’à reprendre le car dans l’autre sens… Mais avant on se boirait bien un petit café, non ?… Vous me devez bien ça : je vous ai sauvé la vie…
- Je suis déjà terriblement en retard…
- Justement… Raison de plus… Vous n’êtes plus à cinq minutes près…




- Me v’là !… Avec mon questionnaire…
- Deux secondes… Je finis ça et je suis à toi…
- Oh, prenez votre temps… Je suis pas pressée… En tout cas un truc qu’est sûr, c’est que vous lui avez tapé dans l’œil à Emilien… Et pas qu’un peu…
- Oui, oh…
- Ah si, si !… Je peux vous dire que si… Il arrête pas de nous bassiner avec vous… Que vous êtes ci… Que vous êtes ça… Que vous avez de ces yeux… Que c’est d’une femme comme vous qu’il a toujours rêvé… Que…
- Grand bien lui fasse…
- Il vous plaît pas ?…
- Il a pas à me plaire ou à pas me plaire… J’ai le double de son âge… A quoi veux-tu que ça rime ?… Où veux-tu que ça nous mène ?…
- Au moins à passer des bons moments…
- De ce côté-là j’ai ce qu’il me faut, merci…
- C’est vrai ?… Vous avez quelqu’un ?… En tout cas vous vivez pas avec… Ca se voit tout de suite qu’il y pas d’homme qui habite ici…
- C’est pas parce que je vis pas avec que…
- Ouais… Je vois ce que c’est… Il est marié, hein ?…
- Non… Enfin oui… Mais c’est pas important ça qu’il soit marié…
- Ben voyons !… Vous le voyez tous les combien ?…
- Ca dépend…
- En moyenne ?… Tous les mois ?… Tous les deux mois ?… Si ça vous suffit…
- Mais non, mais…
- Et vous attendez quoi ?… Ce que vous savez très bien qui n’arrivera jamais… Et lui pendant ce temps-là il a sa femme… Et peut-être deux ou trois autres en plus…
- Oh non… Non… Ca m’étonnerait beaucoup… C’est pas le genre…
- Oh, alors ça !… Il serait pas le premier… Il y en a ils sont doués quand il s’agit de cacher leur jeu… Et pendant ce temps-là vous, vous lui restez obstinément fidèle… Pas question de regarder ailleurs… Pas question du moindre petit écart… Si c’est pas être amoureuse ça… Sauf que vous vivez pas… Mais après tout c’est peut-être ça que vous voulez ?… C’est peut-être ça qui vous arrange ?… Oh, mais vous faites ce que vous voulez, hein !… C’est votre vie… Moi, ce que j’en dis…




- Qu’est-ce que vous faites ?…
- Je descends avec vous…
- Oui, ben ça je vois bien… Mais pour quoi faire ?…
- Peut-être que j’ai l’intention d’ouvrir un compte ?…
- Pas de problème… L’une de mes collègues se fera un plaisir de s’occuper de vous…
- Non… En fait vous m’avez eu l’autre jour… Il y a pas eu moyen que je les paye nos cafés… Alors je veux ma revanche…
- Mais j’ai pas le temps !… J’embauche dans deux minutes…
- Eh bien ce soir alors !… Je vous attendrai…
- Mais non !… C’est pas la peine… Une autre fois… Il y aura d’autres occasions…
- Si !… Si !… A ce soir…
Et il s’est enfui…

- Parlez-moi un peu de vous…
- De moi ?… Oh, il y a pas grand chose à dire, vous savez… Il y a même rien à dire… Je suis quelqu’un de simple… Qui mène une vie tranquille…
- Qui ne s’ennuie jamais ?…
- Pour être franche, si… Un peu… Quelquefois…
- Ce qui veut dire… Beaucoup… Souvent…
Elle a souri…
- C’est pas complètement faux…
- Quand vous êtes pas au boulot… le soir… le week end… vous faites quoi ?…
- Rien de spécial… Je lis… Je regarde un peu la télé…
- Wouah !… Ce que vous devez vous éclater… C’est de la folie…
- Vous moquez pas !…
- Je me moque pas, mais enfin !… Vous parlez d’une vie !… Vous sortez jamais ?…
- Rarement…
- Vous n’avez pas d’amis ?…
- Si… Si… Quand même… Mais vous savez les femmes quand elles sont en couple les femmes seules elles se méfient… Elles les tiennent à distance… On sait jamais…
- Oui… Alors en fait, si je comprends bien, vous passez votre vie chez vous sans jamais rien faire et sans jamais voir personne… Mais c’est un coup à devenir complètement neurasthénique ça !…
- On s’habitue… On fait avec…
- Ouais… Jusqu’au jour où on craque complètement… Vous imaginez tout de même pas que je vais vous laisser vous enfoncer comme ça…
- Ah oui ?!… Et vous allez faire quoi ?…
- Vous sortir… Vous faire voir des trucs… Et pour commencer je vous emmène au restaurant…
- Comme ça ?!… Mais je suis pas habillée… Rien…
- Qu’est-ce que ça peut faire ?…
- Oh si, si !… Faut que je passe chez moi d’abord…




- Ah, c’est vous… Je me demandais…
- C’est mignon chez toi…
- Oh, c’est pas vraiment chez moi… C’est chez mes parents… Alors à part ma chambre… Vous voulez que je vous la montre ?…

- Elle te ressemble… C’est bien comme ça que je me la serais imaginée…
- Eh bien asseyez-vous… Vous voulez boire quoi ?…
- N’importe… Ce que tu veux… Ce que tu as… Mais dis-moi… Emilien…
- Je croyais qu’il vous intéressait pas…
- Oui… Non… Mais quel genre de garçon c’est ?…
- Dans quel sens ?…
- Avec les filles… C’est plutôt le style « J’te prends j’te jette » ?… Ou bien le genre à ce que ça dure ?…
- Pourquoi vous me demandez ça ?…
- Comme ça…
- Il y a bien une raison… Ca y est, je parie !… Ca y est !… Vous avez couché avec… Eh ben ça a pas perdu de temps, dis donc !… Je pensais bien que ça finirait par se faire… Mais pas que ça irait aussi vite… C’était quand ?…
- Hier… Hier soir… Il m’a emmenée au restaurant et… Mais tu lui répètes pas que je te l’ai dit, hein !…
- Comment vous avez dû vous éclater !… Parce que c’est pas le genre à se démultiplier partout Emilien, mais toutes celles qui sont allées avec elles disent la même chose… Que pour savoir s’y prendre il sait s’y prendre… Qu’avec lui t’es sûre de monter… Et de monter haut…
- Faut reconnaître que…
- Que vous aviez encore jamais connu ça avant…
- On peut dire ça comme ça, oui…
- A votre âge ça a dû vous faire drôle quand même…
- Oui… Enfin… C’était pas la première fois non plus que ça se passait plutôt bien, mais faut reconnaître qu’à ce point-là…
- Et du coup vous avez pas envie de le lâcher… Ca peut se comprendre… Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?… Ca fait quatre-cinq ans que je le connais Emilien… Je l’ai vu avec des filles, oui… Mais pas tant que ça finalement… Avec certaines ça durait… Plusieurs mois… Avec d’autres pas du tout… Il y avait aucune logique apparente là-dedans… Je suppose que ça dépendait pas mal de la nana… De comment elle était intéressante… Et de s’ils avaient des choses à se dire… Mais à votre place, moi, je me poserais pas tant de questions… Je prendrais les choses comme elles viennent… Je lui montrerais que je prends mon pied avec lui – ils adorent ça les mecs – …Je lui dirais que je le trouve exceptionnel – ils adorent encore plus ça – et je me laisserais aller… Parce que plus vous allez compliquer les choses…
- Oui… Tu as raison… Tu as sûrement raison…
- Evidemment que j’ai raison… Et pour l’autre, là, dont vous m’avez parlé… Vous allez faire quoi ?…
- Oh, lui !… Depuis le temps qu’il s’est pas manifesté… Et puis de toute façon…




Le lendemain soir il était là. A l’arrêt du car. Il attendait. Il a souri, s’est levé, l’a prise dans ses bras… Le désir dansait dans ses yeux… Elle s’est blottie contre lui… Il s’est penché à son oreille…
- T’as envie qu’on fasse quoi ?…
- Ce que tu veux… Ca m’est égal… Décide, toi…
- Alors viens !…
L’hôtel juste en face…

Il l’a déshabillée. Dépouillée de ses vêtements. De tous ses vêtements. Et il l’a prise, là, par terre, sur la moquette… Elle lui a offert son plaisir en longs sanglots hoquetés…

- Comment tu donnes envie !… Non, mais comment tu donnes envie !… C’est de la folie !…
Et encore… Presque aussitôt… Sur le lit cette fois…
Ils sont restés noués l’un à l’autre… Elle s’est assoupie de bien-être… Endormie…

C’est un picotis de petits baisers qui l’a tirée du sommeil… Au-dehors il faisait nuit noire…
- Hein ?!… Mais fallait me réveiller !…
- Pourquoi ?… Quelqu’un t’attend ?…
- Non… Non… Personne…
- Eh bien alors !…
Il a posé sa tête sur ses seins…
- Ca m’a donné faim tout ça !… Pas toi ?…
- Un peu…
- On se fait un petit resto ?… Comme hier… Et puis on revient passer la nuit là ?… Allez… Vite… Habille-toi !…




- Il t’a parlé ?… Il t’a dit quelque chose ?…
- A propos de quoi ?…
- De moi… Ce qu’il en pense… S’il a envie que ça dure… Tout ça…
- Oh, vous savez, Emilien et moi on est d’excellents copains… On a toujours été d’excellents copains, mais de là à ce qu’il me fasse ses confidences…
- De toute façon je me fais pas beaucoup d’illusions…
- Qu’est-ce que vous en savez ?…
- Il y a tant d’autres filles plus belles, plus jeunes et plus intéressantes que moi…
- Ce que vous pouvez être négative quand vous vous y mettez !…
- Mais non, mais… Il a vingt ans…
- Nous y voilà !… L’âge, vous faites une sacrée fixation là-dessus, hein !…
- Mets-toi à ma place… Non… Le plus vraisemblable, c’est que ça l’amuse d’inscrire une « vieille » à son tableau de chasse, qu’il en fait des gorges chaudes avec ses copains et que d’ici quinze jours…
- Vous êtes trop, vous, dans votre genre…
- Oh, mais je lui en veux pas… Je suis rentrée dans le jeu… Et s’il faut absolument un coupable…
- Vous avez une sacrée bonne opinion de lui, on peut pas dire…
- J’ai déjà été tellement échaudée…
- Que vous avez encore envie de l’être…
- Mais non, mais…
- Eh ben on dirait pas… Non… Vous savez où c’est que ça va pas votre truc ?… C’est que vous avez encore des idées du Moyen-Age… L’amour éternel et tout le tintouin… On n’en est plus là aujourd’hui… Un homme… Une femme… Ca se plaît… Ca a envie de faire des choses ensemble… Ca les fait… Sans se poser toutes ces questions… Ca dure parce que les deux ils en ont envie ?… Tant mieux !… Ca dure pas ?… Tant pis !… On fait pas tant d’histoires… Et vous voulez que je vous dise ?… Le meilleur moyen pour que ça dure c’est de pas faire des pieds et des mains pour… C’est d’être tout légers l’un pour l’autre… De rien demander… De rien exiger… De rien vouloir… De pas le gonfler l’autre…




- Pourquoi tu ris ?…
- Je ris pas… Je souris…
- Pourquoi tu souris alors ?…
- Parce que je repense à la première fois que je t’ai vue… Comment t’as eu envie de fuir d’un seul coup… Et comment tu t’es vite reprise…
- Reconnnais que c’était vraiment pas facile comme situation…
- Comme quoi… Même quelque chose dont on a très envie… Dont on rêve depuis très longtemps que ça se produise… Quand on passe enfin à l’acte et qu’on se trouve au pied du mur c’est pas forcément si simple…
- Hein ?… Mais pas du tout… C’est pas ça… Je savais pas…
- Tu savais pas quoi ?…
- Que vous seriez là… Qu’il y aurait des étudiants…
- C’était un mardi… Et le mardi…
- Personne m’avait dit…
- Elle le spécifie toujours la secrétaire…
- Ben pas là… Je te jure que…
- Je te crois… Je te crois, mais…
- Qu’est-ce qu’il y a ?… T’as l’air tout bizarre d’un seul coup… J’ai dit quelque chose qui t’a fâché ?…
- Oh non… Non… Mais je m’étais mis des trucs en tête… Que c’était ton fantasme secret ça une visite médicale devant des étudiants… Que tu le réalisais enfin… Mais bon… Ca fait rien…
- Si, ça fait !… Si !… Je le vois bien…

- Finalement… si t’y revenais maintenant, un mardi, à la consultation de Madame Saulnier tu pourrais pas dire que tu sais pas…
- Ca, c’est sûr… Mais j’ai aucune raison d’y retourner… C’est complètement guéri…
- Alors ça ce serait vraiment pas un problème… J’ai les moyens de te provoquer une éruption de petits boutons qui serait absolument sans danger…
- T’as de ces idées !… Mais on peut pas faire ça enfin Emilien !…
- Ben pourquoi ?…
- Ben parce que… Non, mais tu te rends compte ?…
- Oui, je me rends compte… Oui… Je me rends compte que ce serait absolument génial… Rien que d’y penser…
- Je vois vraiment pas ce que tu peux trouver de génial là-dedans…
- Mais tout !… Tout… Que tu y ailles sans vraie raison… Que tu fasses ça pour moi… Qu’ils sachent pas qu’on est ensemble tous les deux… Plein de choses…
- Non, mais pour quoi je passerais, moi ?… Qu’est-ce qu’ils iraient s’imaginer ?…
- Mais rien du tout !… Ils penseront que tu es très satisfaite de la façon dont Madame Saulnier t’a soignée… Que c’est pour ça que tu fais à nouveau appel à elle…
- Oui, mais de ce que je revienne un mardi ?…
- Que tu es suffisamment décoincée pour n’en avoir rien à foutre…




- Oui, ben alors là !… Il se plante complètement… Ou plutôt non… Il vous raconte ce qui l’arrange… Parce qu’il le sait très bien ce qu’ils disent les autres… Qu’une femme qui vient consulter le mardi en dermato pour des endroits intimes comme ça elle sait très bien ce qu’elle fait… C’est qu’elle a envie d’avoir des tas de spectateurs… Jeunes de préférence… Alors vous pensez bien que si vous revenez une deuxième fois !…
- Mais pourquoi il veut me faire faire ça ?…
- Parce que ça l’excite de penser qu’ils vont penser que ça vous excite d’avoir leurs regards sur vous…
- Il est hors de question que je me prête à ça…
- Vous faites bien comme vous voulez… C’est vous que ça regarde…
- Il va m’en vouloir, tu crois ?…
- Ca… Le connaissant il y a des chances…
- Au point de ?… De me plaquer ?…
- Qu’est-ce que vous voulez que j’en sache ?… Je suis pas dans sa tête, moi…




- C’est moi, Emilien !… Moi, Sophie…
- Ah oui… Ca va ?…
- Bien… Et toi ?…
- Ca pourrait être pire...
- T’es pas venu hier… T’as eu un empêchement ?…
- Oui… Oui… Avec les examens qui approchent… Tout ça…
- On se verra ce soir ?
- Je sais pas… Demain plutôt… Je te dirai… Je t’appellerai…

- A quoi tu penses ?…
- A rien…
- T’es pas avec moi…
- Mais si !…
- Tu m’en veux ?… Tu m’en veux parce que je veux pas retourner en visite au CHU, c’est ça ?…
- Mais non, je t’en veux pas, non… Même si j’aurais préféré…
- Il y a autre chose alors ?… C’est quoi ?…
- Mais rien !… Il y a rien…
- Dis-moi !… S’il te plaît, dis-moi !…
- Rien, j’te dis !… Mais je crois que je vais rentrer… Ca vaut mieux…




- Excuse-moi… Tu étais à table ?… Je vais pas te déranger longtemps… C’est au sujet d’Emilien…
- Ca… Je m’en doutais un peu…
- Il me bat froid… A cause de cette histoire de visite médicale… Il me dit que non, que c’est pas à cause de ça, mais moi je suis sûre que si…
- Probable, oui !…
- C’est moche, Clarisse !… C’est vraiment moche… On est en train de se perdre… On est déjà en train de se perdre… Et tout ça pour un truc idiot…
- Si vous êtes sûre que c’est pour ça et si vous voulez pas le perdre vous savez ce qui vous reste à faire…
- Oui, mais je peux quand même pas…
- Ben pourquoi ?… Pourquoi ?… Vous faites des complications pour pas grand chose, moi, je trouve…
- Je fais pas des complications, mais…
- Ah ben si !… Si !… Qu’est-ce que vous attendez pour y retourner à cette visite médicale puisqu’il y tient tant ?…
- Si c’est pour que tout le monde s’imagine que je viens là pour me faire reluquer…
- Qu’est-ce que vous en avez à foutre de ce qu’ils vont penser ?!… A part lui et moi vous connaissez personne… Vous les reverrez jamais… Alors !…
- Oui, mais quand même !… Quand même !…
- Si vous préférez reprendre votre petite vie d’avant… Passer vos week end à attendre un type qui vous fait l’aumône de sa présence une fois tous les trois mois et qui se fiche carrément de vous c’est votre problème…
- Oui, ben alors ça il en est pas question !…
- Eh ben alors !… Qu’est-ce qui vous fait peur ?…
- Mais rien… Rien…
- Moi, je crois que si !… Je crois que ce que vous avez peur de découvrir en y retournant c’est que finalement ça vous est pas si désagréable que ça de vous retrouver à poil devant plein de monde… Et alors ?… Même si ça devait finir par vous plaire qu’est-ce que ça peut bien faire ?!… Au contraire…




Madame Saulnier a repris place derrière son bureau…
- Ce n’est toujours pas passé ?…
- Si !… Enfin non… C’est-à-dire que c’est pas tout à fait la même chose… Ni exactement au même endroit…
- Bon… Eh bien on va voir ça… Je vous attends à côté…

Face à eux. Ils étaient plus près de la porte que la fois précédente. Beaucoup plus près. Elle n’a regardé personne. Elle a fixé un point sur le mur. Très loin. Au-delà du mur…
- Allez vous installer là-bas… Je vais vous examiner…
Hein ?!… Ah oui !… Oui… Elle s’est précipitée. Quelqu’un a murmuré quelque chose qu’elle n’a pas compris… Il y a eu des rires étouffés. Madame Saulnier déroulait des mots. Une ribambelle de mots ponctués parfois d’un silence que la voix d’un étudiant venait aussitôt combler…

Ca s’est mis en marche. C’est venu. Ca a encore entouré…
Elle a croisé un regard. Un autre. Un troisième. Sans trouver celui d’Emilien. Un petit étudiant au visage poupin lui a fait un clin d’oeil lourd de sous-entendus. Elle a rougi, baissé les yeux…
- Voyons ça !…
Et encore la main de Madame Saulnier. Encore ses doigts. Plus pressants. Plus précis. Plus intrusifs. En pleine lumière…
- Quelqu’un peut me dire ?…
Quelqu’un pouvait. Plusieurs. Emilien aussi. Et Clarisse. Un mot compliqué. Qu’elle n’avait jamais entendu…
Madame Saulnier a acquiescé…
- En effet… Oui… En effet…
S’est tournée vers elle…
- Un produit agressif… Auquel vous êtes allergique… Un savon sans doute… Ou une lessive…
Elle s’est éloignée. Les étudiants lui ont emboîté le pas. Une fille s’est retournée. Qui l’a toisée. D’un air de profond mépris… L’étudiant poupin est revenu sur ses pas ramasser quelque chose… Il a cherché ses yeux, franchement rigolard…

Elle n’avait pas fait trois pas en dehors du CHU qu’Emilien l’avait rattrapée. Prise par les mains…
- Merci…
Serrée contre lui… Elle a jeté les bras autour de son cou…
- Viens !…
Il l’a entraînée dans une petite rue latérale. Une porte cochère. Un escalier. Un couloir sombre…
- Tu m’emmènes où ?…
- Chez un copain… Il n’est pas là…

Ils sont restés enlacés…
- Comment tu as crié !… C’est de la folie… Tout l’immeuble a dû en profiter…
- C’est vrai ?… A ce point ?… Je me suis pas rendu compte…
- Ah, pour en être tu en étais… Tu vois finalement… Tu vois que ça te met en appétit ces petites visites médicales… Tous ces regards sur toi… Tous ces regards rien que pour toi…
- Mais c’est pas ça, Emilien, c’est pas ça…
- Ah non ?!… C’est quoi alors ?…
- C’est toi… C’est l’idée que ça te plaît à toi… Que c’est important pour toi…
- Ce qui revient un peu au même au bout du compte, non ?…




- Pas du tout… J’ai pas voulu discuter, mais ça revient pas du tout au même… Absolument pas…
- Comment vous vous débattez contre ça, hein !…
- Je me débats pas, mais j’aime pas ça qu’on croie ce qui est pas vrai…
- Ca n’aurait rien de déshonorant, vous savez…
- Peut-être… Mais c’est pas vrai… Et j’ai horreur de ça…
- Vous l’empêcherez pas… Ni lui ni les autres…
- Ils en parlent ?…
- Evidemment qu’ils en parlent… Qu’on en parle… Qu’est-ce que vous croyez ?…
- Qu’est-ce qu’il se dit ?…
- Qu’est-ce que vous voulez qui se dise ?… Vous devez bien l’imaginer, non ?…
- Pour quoi je dois passer !…
- Ah, il y en a qui vous font pas de cadeaux… Ca, c’est sûr… Mais dans l’ensemble…
- Dans l’ensemble ?…
- Les types ils sont plutôt admiratifs… Ils vous trouvent super bien roulée pour dire que vous avez l’âge que vous avez…
- Et lui ?… Il dit quoi ?… Il fait quoi ?…
- Lui ?… Il écoute… Il dit rien… Et il boit du petit lait… Personne sait qu’il sort avec vous… Personne…




II




- Si on partait ?…
- Où ça ?…
- On s’en fout où ça… N’importe où… Deux jours… Trois jours… Pour être ensemble ailleurs… Pour profiter l’un de l’autre…

Ce fut Rocamadour… Un hôtel au cœur de la Cité… Avec une table en terrasse, sous les tilleuls, surplombant la vallée…
- C’est magnifique…
- Tu peux le dire…
- Et qu’est-ce que c’est calme…
- En cette saison…

- T’es venu souvent ici ?…
- Oh, oui…
- C’est là que t’emmènes systématiquement tes petites amies ?…
- Tu es la première… Non… Tous les ans mes grands-parents venaient me chercher pour les vacances… Ils me ramenaient… C’est toujours ici qu’on s’arrêtait… A l’aller comme au retour… C’était devenu une tradition…
- Tu aimais ça les Vacances chez eux ?…
- J’adorais… Surtout qu’il y avait ma cousine…
- Avec qui tu jouais au docteur…
- Idiote !…

Ils se sont attardés longtemps… Ont marché, main dans la main… Se sont assis au pied de l’interminable escalier que les pélerins gravissaient jadis sur les genoux…
- T’es toute songeuse… A quoi tu penses ?…
- Que tout peut tellement vite changer… Il y a une semaine je croyais t’avoir perdu – j’en étais même persuadée – et ce soir on est là, tous les deux, tellement bien… Comme si rien jamais ne pouvait venir se mettre en travers… Comme si on devait être heureux jusqu’à la fin des temps…
- On le sera peut-être…
- Non… Bien sûr que non… Et tu le sais très bien… Forcément un jour ou l’autre il se passera quelque chose… Tu en aimeras une autre… Ou bien tu te lasseras… On a vingt ans d’écart… Non, tais-toi, s’il te plaît !… Ne dis rien… Embrasse-moi plutôt… Il faut qu’on profite de tous les instants… Tous… Tous… Tu me promets, hein ?!…
Et ils sont rentrés à l’hôtel…




- Il s’en parle toujours ?…
- De quoi donc ?…
- De l’autre mardi…
- Ah… Oui… Oui… Forcément… Un peu…
- Qui c’est qu’en parle ?…
- Ca vous dirait rien… Vous les connaissez pas…
- Il y avait un blond avec un air poupin qui me regardait d’une façon, mais alors là d’une façon !…
- C’est Récamier… A tous les coups c’est Récamier… Oui, oh ben lui… C’est le genre de type convaincu que les femmes – toutes les femmes – ne pensent qu’à ça… Partout et toujours… Pourquoi c’est jamais avec lui qu’elles ont envie alors ?… La question il se la pose pas… Il devrait… Il est lourd, mais lourd…
- Et une brune… Qui m’a fusillée du regard…
- Oui, oh ça !… C’était Emilie Chaudard… Forcément… C’est une fille qui appartient à un groupe de recherches spirituelles de je sais pas trop quoi… Elle a des idées très arrêtées. Sur tout… Ca l’embête d’avoir un corps… Si elle pouvait s’en passer… Ca l’embête qu’on ait des corps… On se demande vraiment ce qu’elle est venue fabriquer en médecine…




La tête posée sur son épaule, il lui caressait distraitement la hanche…
- Tu sais où j’aimerais qu’on le fasse un jour ?…
- Dis…
- Là-bas… Sur la table d’examen…
Elle a éclaté de rire…
- Ben voyons !… Et puis quoi encore ?…
- Ce serait possible…
- C’est ça !… Avec tous tes petits camarades autour et Madame Saulnier qui battrait la mesure pour nous donner le rythme… T’as fumé quoi ?…
- Non, mais c’est vrai que ce serait possible… Un soir… Il y a personne dans cette aile du bâtiment le soir… C’est désert… Et je peux avoir les clefs si je veux… Ca te dirait pas ?…
- Il y aurait que nous, c’est sûr ?
- Certain…
- Et on pourrait pas nous surprendre ?…
- Il y a absolument aucun risque…




Il a jeté un coup d’œil à droite… un coup d’œil à gauche… A glissé la clé dans la serrure…
- T’es vraiment sûr qu’on peut ?…
- Mais oui, j’te dis…
Le couloir. La porte du bureau de Madame Saulnier. Il s’est laissé tomber dans son fauteuil…
- Bon… Donc… Qu’est-ce qui vous amène ?…
Elle est aussitôt entrée dans le jeu…
- Ca me brûle, là, en bas…
- Oui… Je vois… Vous avez très vraisemblablement vos chaleurs… On va vérifier ça… Et y remédier… Vous vous déshabillez… Complètement… Et vous me rejoignez à côté dans la salle d’examen…

Il avait tiré les rideaux, allumé toutes les lumières…
- Installez-vous !… Passez les pieds dans les étriers… Là… Oui… Bon… Voyons ça… Ne bougez pas… Laissez-moi faire… Oui… Oui… C’est bien ce que je pensais… Vous avez tous les symptomes… Vous êtes en chaleur… Mais ça va s’arranger, vous allez voir… Dans un quart d’heure il n’y paraîtra plus…

- Waouh !… Eh ben dis donc !…
- Ca a dû s’entendre, Emilien, non ?…
- Non… Aucun risque… Il y a personne dans ce bâtiment le soir… Mais comment j’ai trouvé ça excitant de faire ça là, moi, tu peux pas savoir… Maintenant chaque fois qu’on aura cours ici avec Madame Saulnier je pourrai pas m’empêcher d’y repenser… De vous revoir, toi et ton plaisir… Et toi, tu as aimé ?… Oui, hein !… De toute façon tu me dirais le contraire j’aurais du mal à te croire… Tu y as pensé ?… A ce que tu avais été là avec tout le monde autour qui te regardait tu y as pensé pendant qu’on le faisait ?… Oui… Forcément… Et comment c’était bon pour toi d’y penser, hein !… Tu sais ce qu’il faudrait qu’on fasse ?… C’est qu’on revienne ici un soir et que la visite médicale ce soit moi qui te la fasse passer… Devant eux…
- Hein ?!… Non, mais ça va pas Emilien !… On peut pas faire une chose pareille…
- Oui… Non… Mais pas devant tous… Quelques-uns… Que j’aurais choisis…




- Ah, il t’en a parlé… Déjà !… Il perd pas de temps… Comme de toute façon il est hors de question que je me prête à ça…
- Ben pourquoi ?… Il y compte drôlement, vous savez !…
- Il peut bien y compter tant qu’il veut…
- Il va être déçu…
- Ca m’est complètement égal…
- Si vous le perdez faudra pas venir vous plaindre… Vous pourrez vous en prendre qu’à vous-même…
- C’est quand même pas parce que…
- Oh, alors ça !… Avec lui on peut s’attendre à tout…
- Tu crois qu’il me quitterait ?… Qu’il me quittera si je veux pas ?…
- C’est pas qu’il vous quittera pour ça… C’est qu’il y en a d’autres qui, elles, ne demanderaient pas mieux… J’en connais… Et que si elles lui apportent ce que vous, vous voulez pas lui apporter…
- Non, mais tu te rends compte de ce qu’il me demande ?…
- Rien de bien exceptionnel… Vous vous faites une montagne de pas grand chose… Parce que pour des étudiants en médecine, vous savez… Surtout que là il y en aura pas beaucoup… Quatre ou cinq au grand maximum… Et qu’il va les choisir… Il va pas prendre n’importe qui…




Et encore Rocamadour…
- C’est maintenant qu’il faut y venir… Avant que ce soit envahi de touristes… Tu aimes au moins ?…
- Oh oui !… Oui… Beaucoup… Mais tu sais, l’essentiel pour moi c’est d’être avec toi… Que ce soit ici ou ailleurs…
- Pour moi, ici, c’est comme si on était beaucoup plus ensemble que n’importe où ailleurs… Comme si tu étais reliée à tout ce que j’ai connu avant… A tous les bons moments que j’ai vécus… Comme si tu avais participé à ma vie depuis toujours…
- Elle était plus jeune ou plus âgée que toi ta cousine ?…
- Elle a quatre ans de plus que moi… Pourquoi tu me demandes ça ?…
- Non… Comme ça… Pour rien… Tu la vois toujours ?…
- Presque pas… Presque plus…
- Pourquoi ?…
- Parce que… Parce que elle est mariée maintenant… Avec un con… Qui peut pas me voir… Et c’est réciproque… Ca finirait mal, je crois… On se foutrait sur la gueule…
- Tu étais amoureux d’elle, hein ?!…
- Peut-être un peu… Oui… Sûrement…
- Un peu ?… Follement tu veux dire, oui…




Elle n’a rencontré personne…
- Oui ?… Entrez !…
Il jouait avec le stylo rouge de Madame Saulnier qu’il faisait tourner entre ses doigts…
- Encore vous !… Décidément… Bon… Mais vous savez comment ça se passe… Vous commencez à avoir l’habitude… Je vous attends à côté…

Ils étaient cinq… Trois garçons et deux filles… Clarisse exceptée, elle ne se souvenait avec précision d’aucun d’entre eux…
- Allez vous installer…
Et, sans plus se préoccuper d’elle, il s’est lancé, en empruntant à Madame Saulnier ses gestes et ses intonations, dans un discours abscons qui leur a arraché d’abord des sourires, puis de francs éclats de rire…

- Bon… Alors…
Il s’est emparé d’elle. Il l’a crûment exposée aux regards. Elle n’a pas protesté. Elle n’a pas bougé. Elle est restée offerte…
- Vous en pensez quoi ?…
- Que c’est un beau petit brin de femelle…
- Oui, mais à part ça ?…
Il y a eu à nouveau ses doigts…
Des têtes sur elle. Tout près. Des têtes au-dessus d’elle… Des têtes…
- Hein ?… Vous en pensez quoi ?…
- Qu’elle mouille… Et pas qu’un peu…
Il est venu s’accroupir derrière elle, la bouche à la hauteur de son oreille…
- C’est bon, hein ?!… C’est tellement bon… Comment tu aimes ça qu’on te regarde !…
Les têtes. Toujours sur elle les têtes…
- Tu veux qu’ils t’auscultent eux aussi ?…
Elle n’a pas répondu. Elle a fermé les yeux…
- Hein ?… Tu as envie ?…
Oui. D’un signe de tête. Oui… Oui…
Et alors des mains. Plusieurs. Des mains à l’investir. Des mains à l’habiter. Des mains… Une surtout… Précise… Savante… Elle s’est cabrée… Elle a plongé les siennes dans une chevelure… Au hasard… S’y est agrippée… Ca a déferlé…



- Tu regrettes ?…
- Non… Non… Bien sûr que non… T’as bien vu…
- Et je vois encore… Faut pas t’en promettre… T’es insatiable ce soir… Ah, ça t’a fait de l’effet on peut pas dire…
- J’aurais jamais cru…
- Moi, si !… Dès le premier jour j’ai su… Dès que tu as franchi la porte… J’étais sûr qu’il suffirait d’un petit coup de pouce… D’un tout petit coup de pouce…
- C’est ta faute tout ça…
- Ben voyons !… Faut forcément un coupable…
- J’étais pas comme ça… J’y pensais même pas… C’est toi… Tu m’as manœuvrée… T’as tout fait pour m’amener là où t’avais décidé de me faire aller…
- Ah non !… Non !… J’ai juste un peu brassé pour faire remonter en surface ce qui stagnait par en dessous… Pour ton plus grand bonheur…
- Je sais pas… Il y a des moments où je me dis quand même que j’aurais préféré pas savoir… Que ça aurait mieux valu…




- Je peux te demander un truc…
- Allez-y !…
- C’est qui qui m’a ?…
- Qui vous a ?…
- Ben qui m’a…
- Branlée ?… Faut pas avoir peur des mots… Vous avez pas vu ?…
- Non… Ils me cachaient avec leurs têtes…
- Et Emilien vous a pas dit ?…
- Il a pas vu non plus… Il était derrière moi…
- Et vous avez pas une petite idée ?…
- Si !… Bien sûr… Si !… Mais pour être sûre…
- C’est quoi votre idée ?…
- Que c’est forcément une fille… Un type jamais il aurait su s’y prendre comme ça…
- Ben c’est facile alors !… Il y avait qu’Emilie et moi…
- C’est toi, hein ?!…
- Fallait bien que quelqu’un se dévoue… Vous en creviez d’envie, mais vous osiez pas vous le faire…
- Tu te rends compte ?… Non, mais tu te rends compte ?… Qu’est-ce qu’ils ont dû penser les autres ?…
- Ils ont rien pensé du tout… Ils avaient beaucoup mieux à faire qu’à penser…




- Les oreilles ont dû te siffler… Parce que je peux te dire qu’elle fait parler notre petite soirée…
- Parler ?… Comment ça parler ?…
- Tout le monde a été absolument enchanté… Ravi… T’es devenue une vraie star… Et je peux te dire que ceux qui n’étaient pas là ils font drôlement la gueule… Quand ils entendent comment les autres chantent tes louanges !… Oh, mais comme je leur dis… Il y aura d’autres occasions… On recommencera…
- Je sais pas…
- Comment ça tu sais pas ?… T’as plus envie ?…
- Si !… C’est pas ça… Mais ça prend trop d’ampleur… Trop d’envergure… J’ai l’impression que j’existe plus que pour ça… Qu’à travers ça… Que tout le monde est en train de m’enfermer là-dedans… Que je suis plus rien d’autre… Pour personne…
- Tu sais bien que c’est pas vrai…
- Je me demande…
- C’est maintenant qu’il faut les saisir les occasions… Quand elles sont là… Ce sera peut-être pas toujours le cas…
- Oui, Emilien, oui… Mais j’ai envie de vivre aussi d’autres choses… Pas que ça… Tu comprends ?…
- Evidemment que je comprends… Mais l’un n’empêche pas l’autre…
- Si, ça empêche, si, dans un sens ça empêche…




- Non, il comprend pas… Il comprend pas que ce que je veux lui dire c’est que j’ai vraiment l’impression – et de plus en plus – que s’il y avait pas ça j’aurais strictement aucun intérêt pour lui…
- Vous croyez ?…
- C’est pas que je crois, c’est que j’en suis sûre… Et j’ai pas envie… J’ai pas envie qu’il me saute que quand je viens de montrer mon cul, sur une table d’examen, à tous ses copains… Ou que quand il vient d’en parler pendant une heure et que ça l’a excité… C’est pas franchement gratifiant, avoue…
- Vous attendez quoi alors au juste de lui ?…
- Autre chose… Qu’il s’intéresse à ce que je suis… A ce que je vis… Qu’il ait envie qu’on partage plein de trucs…
- Le grand amour, quoi…
- Non, c’est pas ça, non, mais…
- Bien sûr que si… Vous êtes presque toutes comme ça celles de votre âge… Dès que vous êtes avec un type faut tout de suite que vous compliquiez tout… Que vous ayez tout un tas d’exigences…
- Il y a quand même un minimum…
- Non, mais attendez !… Vous étiez toute seule… Vous vous faisiez chier comme un rat mort… Il y a un type jeune, bien foutu, sympa, qui vous tombe du ciel… Vous vous éclatez avec comme c’est pas permis… Vous faites des trucs ensemble que c’est franchement pas courant de pouvoir les faire eh ben non ça vous va pas quand même…
- C’est pas que ça me va pas, c’est que ça pourrait être mieux…
- Mieux ?… En quoi mieux ?… Il passe plein de temps avec vous… Vous partez en week end à Rocamadour ensemble… Il est aux petits soins pour vous… Attentif à votre plaisir… Vous voulez quoi de plus ?…
- Ca s’explique pas… Ca se sent…
- Ce que vous voulez en fait c’est qu’il rentre dans la case que vous lui avez préparée quand vous aviez treize ans… Quand vous rêviez au Prince Charmant… Dont vous avez décidé qu’il serait comme ci et comme ça… Vous avez fait une belle image… Que vous avez décalquée ensuite sur chacun des hommes que vous avez rencontrés… Sans que ça aille jamais… Evidemment… Ca pouvait pas aller… Ca pourra jamais aller… Et heureusement… Quand bien même il le voudrait personne ne peut réussir à être une image… Emilien pas plus que les autres… Vous perdrez toujours tout à faire comme vous faites… Mais c’est peut-être ce que vous voulez après tout ?…




- C’est toi ?… A cette heure-ci ?… Mais qu’est-ce qu’il y a ?… Qu’est-ce qui se passe ?…
- Rien… Fallait que je te voie… Fallait que je te parle… J’ai fait un cauchemar… C’était horrible… J’étais tombée dans un précipice… Je m’accrochais tant bien que mal aux ronces, aux broussailles… Tu étais au-dessus… Tu me tendais la main… Chaque fois que j’allais l’attraper je dégringolais un peu plus bas… Toujours plus bas…
- Ma pauvre chérie…
- Je suis idiote… Excuse-moi !… Mais j’avais besoin… Je repars… Je te laisse travailler… Faut que tu l’aies ton examen… Faut absolument que tu l’aies…
- Mais non, reste !… Reste dormir… Maintenant que t’es là…
- Tu crois ?…
- Mais oui !… Allez, couche-toi !… J’arrive…




- Comment tu as été doux cette fois- ci !… C’est de la folie…
- Parce que je le suis pas d’habitude ?!…
- Si !… Bien sûr que si… Mais pas pareil… C’est peut-être parce qu’on est chez toi… C’est la première fois qu’on le fait chez toi… Faut faire un vœu… Moi, ça y est…
- Moi aussi…
- Dis, Emilien, pour ce que je t’ai dit l’autre jour… Que je savais pas si je voulais qu’on les continue les visites médicales et tout ça… Tu oublies… Tu fais comme si j’avais rien dit…
- Faut pas que tu te sentes forcée…
- Je me sens pas forcée, non… Je sais pas ce qui m’a pris… Mais j’ai envie… Tu le sais bien… T’as bien vu…
- Tu es sûre ?…
- Certaine…
- Benjamin a proposé quelque chose…
- Qui c’est Benjamin ?…
- Il était là les deux fois que Madame Saulnier t’a auscultée… Mais t’as pas dû faire attention à lui… C’est pas quelqu’un qu’on remarque Benjamin… Il a proposé – son père est médecin – il a proposé qu’on aille à son cabinet une nuit… Il peut avoir les clés… C’est sans risque… Il y a personne qu’habite au-dessus… Ni à côté… Pour peu qu’on fasse pas trop de bruit et qu’on dérange rien… Qu’est-ce que tu en dis ?… Ca nous changerait un peu du CHU…
- Eh bien on y va si tu veux, Emilien… On y va…




- Benjamin ?… Vous aurez que des mecs alors… Il y aura pas une fille…
- Hein ?… Mais pourquoi ?…
- Il est très gentil Benjamin, mais – comment dire ? – il a gardé la mentalité vestiaire ado… Il ne se sent bien qu’entre mecs… Et comme c’est vraisemblablement lui qui va choisir les participants vu que ça se passe chez son père…
- Il y aura bien que des étudiants en médecine au moins ?…
- Oh oui… Oui… Ca oui… Par contre pas une seule fille… J’en donnerais ma main à couper… Mais pour vous ce sera pas forcément plus mal finalement… Etre la seule femme au milieu de tous ces jeunes types…
- Ca risque pas de poser un problème ?…
- De quel genre ?…
- Ben…
- Oh non, non… Ce sont pas des sauvages… Et puis Emilien sera là… Non… Ce qu’il y a pour nous, les filles, c’est qu’on se sent exclues… Et c’est jamais très agréable… Ce qu’ils mériteraient, tiens, c’est qu’on leur rende la pareille… Qu’on s’organise quelque chose sans eux…
- Ce serait possible, ça ?…
- Evidemment que ce serait possible… Si vous me donnez le feu vert en trois jours je vous ai tout mis sur pied…
- Et il y aurait même pas Emilien ?…
- Si on veut que ce soit vraiment entre nous vaudrait mieux qu’il y ait même pas Emilien…




Il ne lui a pas lâché la main…
Des ombres dans la nuit. Silencieuses. Furtives. Cinq. Six…
- Tout le monde est là ?… On y va alors… Mais vous déconnez pas, hein !… Vous vous faites pas remarquer… Je joue gros, moi…

Elle leur a tourné le dos pour se déshabiller. A escaladé la table d’examen. S’y est allongée. Aveuglante la lumière. Elle a fermé les yeux. Quelqu’un lui a fait passer les pieds dans les étriers, s’est mis à parler, à mi-voix… Sans s’interrompre il lui a posé une main sur un sein, est lentement descendu, s’est arrêté en bas, y a un peu séjourné. Il est remonté, tout en continuant imperturbablement à parler, est revenu, s’y est définitivement arrêté. En surface…

C’en est à droite qui a commencé. Vite. Très vite. Avec un petit chuintement de fond de gorge. Un autre. Un troisième… Des halètements… Des souffles qui s’affolent… On a giclé… Sur sa cuisse. Sur son sein. Sur sa cheville…




- Et ?…
- Et quoi ?…
- Et il n’y en a pas un qui a pensé à vous donner du plaisir à vous ?…
- Non…
- Si j’avais été là… Vous avez aimé comment je vous l’ai fait le jour où je vous l’ai fait ?…
- Oui… Jamais j’aurais pensé, mais oui…
- Vous voyez bien… Vous voyez bien qu’il faut qu’on se fasse quelque chose uniquement entre nous…




- Comment ça leur a plu à tous l’autre soir chez Bourdin !… T’entendrais comment ils en parlent…
- J’m’en fiche un peu, tu sais, Emilien, que ça leur ait plu ou pas… L’important pour moi, c’est que ça t’ait plu à toi… C’est pour toi que je l’ai fait… Et que pour toi…
- Bien sûr que ça m’a plu… Je serais difficile… Et ça m’a plu parce que je voyais que ça te plaisait à toi… Et si ça te plaisait à toi c’était parce que tu voyais que ça leur plaisait à eux, non ?…



- C’est vrai ?…
- Quoi donc ?…
- Que ça fait trois jours qu’on parle que de ça à la fac… Que de moi l’autre soir… C’est ce qu’il dit en tout cas Emilien…
- Ca !… Pour en parler on en parle… Comme les autres fois… Comme à chaque fois…
- Qui c’est qu’en parle ?…
- Tout le monde… Plein de types… Xavier Travers… Célestin Gardebois… Sylvain Périer…
- Je vois pas…
- Ben non… Evidemment !… Vous pouvez pas… Vous connaissez pas… Vous voulez que je les invite ?… Je vous dis quand et vous, vous déboulez par hasard… Vous verrez qui c’est comme ça…
- Qu’est-ce qu’ils disent ?…
- Qu’est-ce que vous voulez qu’ils disent ?… Toujours la même chose… Que vous êtes sacrément bien foutue pour dire que vous avez quarante ans… Plus de quarante ans… Et qu’il faut vraiment que ça vous tienne pour vous foutre à poil comme ça et vous laisser reluquer tant et plus…
- C’est pas si simple…
- Pour eux, si !… Mettez-vous à leur place… Vous déboulez un mardi… Vous vous faites examiner… Soi-disant que vous n’étiez pas au courant qu’ils seraient là… Il y a pas grand monde qui y croit, mais bon, passons… Ca sauvegarde les apparences… Un deuxième mardi… Difficile de prétendre cette fois que vous n’étiez pas au courant… Là-dessus vous acceptez de revenir en pleine nuit vous prêter à une visite médicale bidon sous prétexte de ne pas perdre Emilien… Ca vous excite comme c’est pas possible et vous me laissez vous faire jouir devant tout le monde… Par là-dessus encore, toujours avec Emilien comme prétexte, vous vous pointez chez le père de Bourdin avec des types que vous connaissez ni d’Eve ni d’Adam… Vous vous laissez tripoter par vous savez pas trop qui pendant que tous les autres se branlent autour de vous… Et vous voulez qu’on croie sérieusement que vous ne prenez aucun plaisir à tout ça ?… Non, mais franchement est-ce que vous y croyez vous-même ?…
- Tu l’as dit toi-même… S’il y avait pas eu Emilien… Si j’avais pas eu peur de le perdre…
- Il a bon dos, Emilien, non ?… Il vous évite de vous poser les bonnes questions…
- Parce que tu crois suffisamment idiote pour ne pas m’en être posé des questions ?… Ca fait même un sacré moment…
- Et vous y avez répondu quoi sans indiscrétion ?…
- Que j’étais pas comme ça… Que je le suis devenu… Que c’est tout ça qui me l’a fait devenir…
- Ce qui peut se discuter… Bon, mais en attendant, maintenant que vous êtes au clair avec tout ça vous croyez pas qu’il vaudrait mieux jouer carrément franc jeu plutôt que de vous abriter derrière des faux-fuyants qui ne peuvent tromper personne ?…
- Oui, mais…
- A nier comme ça perpétuellement l’évidence vous allez finir par vous couvrir de ridicule… C’est tout ce que vous allez gagner…





- A quoi tu penses ?…
- Si je te le disais !…
- Dis !…
- Tu vas trouver ça idiot…
- Mais non !… Dis !…
- A force de venir ici avec toi je finis par me mettre des trucs dans la tête… Le paysage, les bâtiments me paraissent tellement familiers que j’en arriverais presque à m’imaginer que j’ai vécu ou séjourné jadis ici, à Rocamadour… Et il n’en faudrait pas beaucoup pour que je me persuade que j’y ai des souvenirs… Comme quoi dès qu’on laisse la bride sur le cou à l’imagination…
- Ca fait ça à tout le monde, à beaucoup de monde en tout cas, je suppose, dans un environnement comme celui-ci…
- A toi aussi ?…
- Oh, moi !… Mon imagination à moi elle a beaucoup trop à faire avec toi pour s’en aller, en plus, explorer le passé…
- C’est-à-dire ?…
- C’est-à-dire que tu ne me laisses plus le moindre répit… Je passe mon temps à te faire courir de visite médicale en visite médicale… A t’imaginer dans des amphis géants livrée sans défense aux regards profondément attentifs de centaines d’étudiants… A te placer dans les situations les plus folles… A te faire vivre les choses les plus invraisemblables…




- Allo !… Sophie ?… C’est moi, Clarisse… Oui… Dites… Vous me rendriez pas un service ?… Je peux pas quitter la fac et j’ai impérativement besoin d’un dossier qui est resté sur mon bureau dans ma chambre… J’ai pensé à vous… Vous bossez pas comme on est lundi et que le lundi les banques sont fermées… Ca vous ennuie pas, c’est vrai ?… A la cafet vous me l’amenez… Elle est chez la voisine la clé… Je la préviens… Il y aura pas de problème…

- Tiens, ton dossier…
- Merci… Je vous présente Célestin… Célestin Gardebois…
Qui a tranquillement posé sa tasse… Qui a pris sa main…
- On a déjà fait connaissance… Mais c’était un peu… A sens unique…
Elle a rougi. Retiré sa main…
- En tout cas Emilien a beaucoup de chance… Vraiment beaucoup de chance…
- Et Sylvain Périer…
Qui a plongé ses yeux au fond des siens… L’a obligée à les baisser…
- Ca va mieux ?…
- Quoi donc ?… Ah oui… Très bien… Très très bien…
- J’ai pas de conseil à vous donner, mais vous devriez quand même vous soumettre à une visite de contrôle… C’est très récidivant ce type de pathologie quand il n’y a pas eu éradication complète…
- Oui… Je verrai… Merci…
- Moi, ce que j’en dis, vous savez !… C’est pour vous…

- Vous prenez un café avec nous ?…
- Non… Non… Faut que j’y aille…
- Trop tard !… Je vous l’ai lancé… De toute façon il y a rien qui vous presse aujourd’hui… Vous êtes de repos…
- Oui, mais…
- Eh bien alors !… Prenez le temps de vivre un peu…

- Qu’est-ce que vous en avez pensé ?…
- De quoi donc ?…
- Ben d’eux, tiens !… Célestin… Sylvain… Les autres qui sonr arrivés après…
- Rien!… Rien!… Qu’est-ce que tu veux que j’en pense?…
- Ben je sais pas, moi !… Comment vous les avez trouvés…
- T’avais bien préparé ton coup, hein ?…
- Non… Enfin si !… Un peu…
- Dans quel but ?…
- Pour que vous parliez un peu avec eux… Que vous fassiez connaissance… Comme ça la prochaine fois que vous referez quelque chose vous saurez qui c’est… Vous mettrez un nom dessus… C’est pas plus mal, non ?…
- Je crois pas…
- Bien sûr que si !… On en reparlera, vous verrez… En attendant reconnaissez qu’ils ont tous été extrêmement corrects…
- Manquerait plus que ça !… De la part d’étudiants en médecine c’est quand même la moindre des choses…
- Oh, alors ça !… Ca veut rien dire du tout… Au contraire des fois… Non, mais là ils sont pas idiots… Ils ont tout intérêt à vous ménager… A rester dans vos bonnes grâces… La prochaine fois sinon…
- Ils sont si sûrs que ça que ça va recommencer ?…
- Ils n’ont aucun doute là-dessus… La seule question qu’ils se posent c’est de savoir où ce sera, quand et comment… Il y a trois écoles… Si on peut dire… Il y a ceux qui voudraient que ça se refasse une nuit chez le père de Bourdin… Mais là il y a des filles elles sont pas d’accord du tout… Elles disent qu’il y en aurait encore que pour les garçons dont certains qui sont même pas de notre groupe… Elles, elles voudraient que ce soit un mardi pendant le cours de Madame Saulnier… Elles trouvent que c’est beaucoup plus réaliste… A mon avis elles ont pas forcément tort… Quant aux autres ils préféreraient que ce soit là, dans la salle d’examen, oui, mais de nuit… Comme l’autre fois… Histoire que tout le monde se sente beaucoup plus libre…
- Comme de toute façon c’est pas eux qui décideront…
- C’est Emilien, je suppose…
- Non, c’est moi…
- Ah !… Eh ben dites donc !… Il y a du changement…
- Il aura la surprise Emilien… Comme tout le monde…
- Et… on peut savoir ?…
- Si tu me promets que personne – absolument personne – ne sera au courant…
- Ca coule de source…
- Ce sera mardi prochain… Avec Madame Saulnier… Le rendez-vous est pris…
- Je l’aurais parié…




Madame Saulnier ne lui a pas jeté un regard. Elle n’a pas pris place non plus derrière son bureau…
- Bon… Vous vous déshabillez et vous nous rejoignez à côté… Vous devez commencer à savoir comment ça se passe depuis le temps…
Sur un ton glacial…

Leurs regards – leurs vingt regards – se sont emparés d’elle. Madame Saulnier s’était absorbée dans la lecture d’une liasse de feuillets verts. Elle a toussé. Madame Saulnier n’a pas levé la tête. Elle a encore toussé. Toujours pas. D’une jambe sur l’autre. Il y avait Emilien. Et Clarisse. Et Célestin. Et Sylvain. Et…
- Ca vous amuse ?…
Madame Saulnier s’est levée. S’est approchée…
- Hein ?… Ca vous amuse de me faire perdre mon temps ?…
- Mais…
- Je suis là pour soigner de VRAIS malades et pas pour faire joujou avec des simulatrices qui, à ce qu’on m’a rapporté, feignent, en s’aidant de différentes substances, des pathologies dont elles ne sont pas le moins du monde affectées… J’aurai la charité de ne pas chercher à approfondir les raisons pour lesquelles vous éprouvez le besoin d’organiser ces petites mises en scène… Je vous demanderai simplement d’éviter à l’avenir de vous présenter à mes consultations… C’est tout… Vous pouvez aller vous rhabiller…

Derrière la porte il y a eu encore la voix de Madame Saulnier. Et puis un immense éclat de rire… Un deuxième…




- Si je tenais l’enfant de salaud qui a vendu la mèche !… Je peux te jurer qu’il passerait un sale quart d’heure… Oh, mais je le saurai… Je le saurai… Et quand je le saurai…
- Laisse tomber, Emilien… Ca n’a pas d’importance…
- Si, ça en a !… Si !… Non, mais t’as vu ce petit air souverainement méprisant qu’elle avait pour te parler ?… Et ce ton !… Et t’avoir fait déshabiller !… Pour quoi ?… Pour rien !… Puisqu’elle ne t’a pas examinée… Puisqu’elle n’en avait pas le moins du monde l’intention… Non… Il fallait t’humilier… Voilà ce qu’il fallait… Mais elle me paiera ça… Je peux te dire qu’elle aussi elle me paiera ça…




- Je lui en veux… Tu peux pas savoir comme je lui en veux…
- Je comprends ça… Non, mais comment elle vous a traitée !…
- Oh, elle !… Non… A lui j’en veux… Il n’a pas levé le petit doigt pour me défendre… Il n’a pas protesté… Rien…
- Personne l’a fait… Moi non plus je l’ai pas fait…
- C’était à lui de le faire… A lui et à personne d’autre…




- C’est foutu, hein, maintenant ?…
- C’est foutu ?… Qu’est-ce qu’est foutu ?…
- Tu voudras plus jamais…
- Me présenter à la consultation de Madame Saulnier, non, ça, c’est sûr…
- Mais même le reste…
- Dans l’immédiat je n’en ai pas la moindre envie…
- Oh, mais ça reviendra… Hein ?!… Sûrement que ça reviendra…
- Je sais pas, Emilien… Je sais pas… Je crois pas… Non, je crois vraiment pas…




- Et qu’est-ce qui va se passer maintenant ?… Je vais plus avoir de nouvelles de lui… Ou pratiquement plus… Tu paries ?… Je suis plus intéressante… Enfin si !… Il se manifestera de temps à autre… Pour voir où j’en suis… Si je ne serais pas revenue par hasard à de meilleures dispositions… Qui nous permettraient de reprendre nos petits jeux médicaux… Comme si rien ne s’était passé…




Son répondeur…
- Rappelle-moi !… Tu me rappelles ?…
Seulement le surlendemain…
- Qu’est-ce tu voulais ?…
- Rien… Rien de spécial… T’entendre… Te parler…
- C’est gentil…
- On se voit ?…
- Je te ferai signe… Parce que là franchement… Avec les partiels… Je sais plus où donner de la tête…




- Ce serait bien Emilie Chaudard qui vous aurait dénoncée… Comme tout le monde le pensait depuis le début…
- Non… C’est pas elle…
- Comment vous le savez ?…
- Parce que c’est moi…
- Vous ?… J’en crois pas un mot…
- Et pourtant…
- Pourquoi vous auriez fait ça ?…
- Faut croire que j’avais mes raisons…
- Lesquelles ?… C’était pour mettre Emilien à l’épreuve, c’est ça ?…
- C’était pas mon intention première… Même si, de ce côté-là, ça s’est finalement révélé très fructueux…
- Pourquoi alors ?… Parce que vous en aviez assez de tout ça et que vous avez trouvé que, finalement, c’était le meilleur moyen d’en sortir définitivement…
- Non plus, non…
- Je vous comprends pas…
- T’as deux minutes ?…
- Plus même… J’ai tout mon temps…
- Alors assieds-toi !… Ca risque d’être long… Tu te rappelles la soirée dans le cabinet du Docteur Bourdin ?…
- Oui… Enfin non… J’y étais pas… Mais j’en ai assez entendu parler…
- J’y suis retournée… Toute seule… En plein jour… Le lendemain…
- Quoi faire ?…
- En consultation… J’avais envie… D’une vraie consultation… Avec un vrai médecin… Là où ça s’était passé… Au même endroit… Sauf qu’il a pas été dupe le père Bourdin… Sans connaître les tenants et les aboutissants il m’a parfaitement percée à jour… Il a vite compris que son diagnostic c’était le cadet de mes soucis… C’était pas bien sorcier non plus de s’en rendre compte… Me retrouver là avec tous les souvenirs de la nuit d’avant ça m’avait mise dans un état, mais dans un état…
- Et il en a profité…
- Pas du tout… Non… Pire que ça… Il m’a fait honte… Mais honte comme tu peux pas avoir idée… Je me rappelle pas ses mots… Pas exactement… Mais ce que je me rappelle c’est qu’il m’a laissée debout toute nue devant lui… Et qu’il a parlé… parlé… parlé… Que c’était interminable… Qu’il me grondait exactement comme si j’avais dix ans et que j’avais fait une énorme bêtise…
- Je vois… Nous y voilà… Enfin…
- Et quand je suis sortie de là-dedans tu sais ce que j’ai fait ?… J’ai pris une chambre dans l’hôtel juste en face et je m’y suis affolée de plaisir sans quitter sa fenêtre des yeux… Dans ma tête j’étais toujours dans son cabinet avec lui et il continuait à me faire honte… J’ai fini par m’endormir, épuisée…
- Eh ben dites donc !… Et vous y êtes retournée ?…
- A l’hôtel, oui… Souvent… Chez Bourdin, non… Jamais…
- Ca vous faisait peur ?…
- Ce qui me faisait peur c’est d’être déçue si j’y retournais…
- Et vous avez préféré en rêver…
- Oui… Et imaginer qu’on me faisait honte… Dans toutes sortes d’endroits… Dans toutes sortes de situations… Honte comme c’est pas possible… Et tu te doutes bien…
- Que la consultation de Madame Saulnier vous vous êtes imaginé y avoir honte plus souvent qu’à votre tour… Jusqu’à vouloir que ça ait vraiment lieu… Jusqu’à ne plus penser qu’à ça…
- Avec Bourdin j’étais seule… En tête à tête… Tandis que là…
- Vous vous y êtes pris comment ?…
- Le plus simplement du monde… J’ai envoyé une lettre anonyme à Madame Saulnier en me dénonçant nommément et en lui donnant le nom des produits que j’utilisais pour simuler…
- Elle aurait pu se contenter d’annuler le rendez-vous…
- Ce n’est pas ce qu’elle a fait…
- Et alors ?… Ca vous a satisfaite la façon dont ça s’est passé ?…
- Oui et non… Oui parce qu’elle m’a fait vraiment honte devant tout le monde… Et non parce qu’elle me l’a pas fait assez… Parce qu’elle a pas assez appuyé là où il aurait fallu…
- Eh ben dis donc !… On peut pas dire… Comment vous avez changé, vous, en quelques semaines !…




III





- Ah, c’est toi !… Je me demandais qui pouvait bien…
- J’étais sûre de vous trouver là… Il y en a pas trente-six des hôtels en face du cabinet du docteur Bourdin… J’étais sûre de vous trouver là… Et très occupée…
- Mais non, je…
- Tu parles !… Ca sent le sexe dans toute la chambre… C’est laquelle sa fenêtre ?…
- La deuxième à gauche… Au troisième étage…
- On voit strictement rien…
- Le but c’est pas de voir, c’est de penser à ce qui s’y est passé…
- Vous savez ce que vous pourriez faire la prochaine fois que vous venez là ?… C’est me prévenir et oublier de fermer la porte à clé… Je viendrais vous surprendre en pleine action… Avec quelqu’un…
- Avec quelqu’un ?… Avec qui ?…
- Ca… C’est la surprise…




Elle a poussé un petit cri, a précipitamment ramené le drap sur elle. Il a ri…
- C’est pas la première fois que je vous vois à poil, vous savez…
- Oui, mais…
- Mais vous étiez en train de vous amuser… Ce ne serait pas la première fois non plus que je vous verrais perdre pied… Et le prendre… Rappelez-vous la nuit au CHU quand Clarisse vous a…
- Elle est pas là ?… C’est pas ce qu’était prévu…
- Elle ne devrait pas tarder… Quel délicieux moment on avait passé… Souvent j’y repense… Pas vous ?…
- Si… Non… Quelquefois…
- Vous vous souvenez de moi au moins ?…
- Oui… Vous êtes… Tu es…
- Le fils du docteur Bourdin… Avec qui vous avez aussi fait connaissance… Vous êtes trop, vous, dans votre genre, d’être allée inventer un truc pareil… Parce que mon père c’est vraiment pas le style à apprécier ce genre de plaisanterie à sa juste valeur… Mais alors là vraiment pas… Il vous a fait honte à ce qu’il paraît ?… Je le vois bien dans le rôle… Et je vous imagine bien, vous, dans vos petits souliers…
Il a encore ri. De bon cœur…
- J’aurais trop aimé voir ça…
Son portable a sonné…
- Excusez-moi… Oui… Oui… Parfait… A tout à l’heure… Ca y est !… Elle va y être Clarisse… C’est son tour…
- Elle va y être ?… Où ça ?…
- Dans le cabinet de mon père… Là… Juste en face…
- Qu’est-ce qu’elle a ?… Elle est malade ?…
- Peut-être bien que oui… Et puis peut-être bien que non… Peut-être qu’elle a tout simplement voulu faire comme vous… Histoire de savoir si elle la joue mieux que vous la comédie et si, cette fois, il va se laisser prendre au piège… A moins encore qu’elle n’ait pensé que ça allait délicieusement vous émoustiller de la savoir là, à son tour, jambes ouvertes… Tout vous ramener. Par bouffées. Ce qui, à l’évidence, est le cas… C’est pas facile, hein ?…
- Quoi donc ?…
- De se le faire sans faire bouger les couvertures… Allons, Sophie, jouez franc jeu !… Vous y trouverez beaucoup mieux votre compte, vous verrez… A tout point de vue… Ah ben voilà !… Voilà !… Tu vois que tu peux te montrer raisonnable quand tu veux…
Elle n’a pas quitté la fenêtre des yeux. Son souffle s’est fait court. Il a rabattu draps et couvertures jusqu’au pied du lit. Elle n’a pas cherché à les retenir. Ni à les ramener. Elle ne s’est pas interrompue…




- Alors ?…
- Alors il a beaucoup hésité… C’était du lard ou du cochon ?… Finalement il a opté pour la version « malade non imaginaire »… Mais je crois que c’est passé fin… Et ici ?…
- Ici… Sophie a fait sa petite branleuse… Elle y a mis beaucoup de cœur et de conviction…
- Tu lui as fait honte, j’espère ?…
- Comme convenu…
- Et ?…
- Espérons que ça lui aura servi de leçon…




- Ca vous a plu, hein, ma petite mise en scène !… J’en étais sûre… Oh, mais vous verrez… Vous verrez toutes les idées que je peux avoir maintenant que vous avez arrêté de faire l’autruche…
- Quelles idées ?…
- Je vous dirai… Au fur et à mesure… Faut que ça reste des surprises… C’est pas la peine sinon… Mais vous serez pas déçue… Ah non alors !… Et Benjamin ?… Vous avez aimé la façon dont il vous a fait honte ?… Oui, hein ?!… Ca aussi j’en étais sûre… Parce que c’est un truc chez lui qu’il y a longtemps que j’ai remarqué… Il est très gentil, mais faut pas le chercher… Il peut être redoutable… Surtout avec les femmes… Il sait toujours exactement là où il faut taper… Et comme je lui ai un peu expliqué les choses sur vous faut vous attendre à ce qu’il vous loupe pas… Surtout quand il vous connaîtra un peu mieux… Là aussi comment vous allez y trouver votre compte !…
- Et Emilien ?… Tu lui as dit quelque chose ?…
- Sur ?…
- Sur le docteur Bourdin… L’hôtel… Tout ça…
- Non… Oh, non !… De toute façon Emilien c’est bonjour-bonsoir en ce moment… Ca va pas plus loin…
- Lui dis rien… Je veux pas qu’il sache… Je veux qu’il continue à croire que j’ai définitivement fait une croix sur tout ça… S’il me revient – ce que je ne crois pas – faut que ce soit pour moi… Pas pour autre chose…




A la cafeteria des étudiants allaient. Venaient. On l’a frôlée. On l’a contournée. On l’a ignorée. Et puis des rires derrière elle. Jeunes. Masculins. Elle ne s’est pas retournée. Ca a insisté. Ca a parlé fort. De plus en plus fort…
- Vous pariez qu’elle vient encore montrer son cul…
- Elle veut plus d’elle la mère Saulnier…
- Il y a pas que la mère Saulnier… Le père Grandjean, lui, il demanderait pas mieux…
- Oh, alors là !… Avec Grandjean elle serait entre de bonnes mains… De très bonnes mains…
Encore des rires. Ca s’est levé. Ca s’est éloigné…
Une fille inconnue est venue se planter devant elle, les yeux étincelants…
- Vous n’avez rien à faire ici… Rien… Foutez le camp !… Vous entendez ce que je vous dis ?… Foutez le camp !…




- Et vous avez filé comme une voleuse sans demander votre reste je suis sûre… Oui, je vous vois bien dans le rôle… Quand je pense que j’ai raté ça… Vous auriez pu prévenir…
- Ca m’a prise d’un coup…
- Et en repartant ?… Vous êtes allée où en repartant ?… A l’hôtel en face de chez Bourdin… C’est ça, hein ?… Vous y avez ramené votre honte et fixé la fenêtre du cabinet médical… En espérant secrètement que Benjamin viendrait vous surprendre… Comme l’autre fois… Et vous fasse la morale… Il n’est pas venu : il faut bien qu’il assiste aux cours de temps en temps quand même !… Mais vous pouvez être tranquille que s’il avait su que vous étiez là il aurait tout laissé tomber et il aurait débarqué… Vous savez ce qui le désole en ce moment ? – il arrête pas de m’en parler – c’est qu’on ne puisse pas envisager une nouvelle petite visite médicale nocturne avec vous devant quelques copains dans le cabinet de son père…
- Pourquoi on pourrait pas ?…
- Parce que – c’est ce que je lui ai expliqué – vous tenez absolument à ce qu’Emilien soit persuadé que vous n’éprouvez plus le moindre intérêt pour ça…
- On n’a qu’à le laisser en dehors…
- On peut organiser quelque chose sans lui… Oui… Ca, c’est sûr… Sauf que c’est quand même risqué… Dans ce genre de situation il y en a toujours un qui finit, même involontairement, par vendre la mèche…
- Ce serait quand même pas un drame… Je sais à peu près à quoi m’en tenir maintenant avec Emilien… Et je me fais plus guère d’illusions…
- Je lui en parle alors ?… Je lui dis qu’il nous organise quelque chose ?…
- Si tu veux…
- Il va être ravi…




- Vous savez ce qu’il propose ?… C’est que cette fois ce soit devant des spectateurs qui seraient pas étudiants en médecine qu’on vous le fasse… Aucun risque qu’Emilien soit au courant du coup…
- Ce serait qui ces gens ?…
- Je les connais pas… Mais apparemment il est sûr de lui…
- Ca change complètement la donne quand même s’ils sont pas étudiants en médecine…
- Vous trouvez ?…
- Ca fait plus aussi vrai…
- Il y aurait quand même examen… Et en cabinet médical…
- Oui… Mais personne n’y croirait vraiment… Moi encore moins que les autres… Tandis qu’avec de vrais étudiants en médecine, même si tout le monde sait bien de quoi il retourne en réalité, on peut au moins s’imaginer…
- Ah oui ?… Non, moi, si je me lançais dans un truc pareil je préférerais qu’ils le soient pas au contraire… Parce que – je suis bien placée pour le savoir – des étudiants en médecine c’est quand même un peu blasé… A force d’en voir… Tandis que si c’est pas du milieu médical…
- Si tu te lançais tu dis… Et pourquoi tu le ferais pas ?…
- Oh, ben parce que…
- Ca te tente pas ?
- A force de baigner sans arrêt là-dedans avec vous ça finirait presque, si…
- Et ben alors !… C’est l’occasion ou jamais… Je te laisse ma place si tu veux…
- Oh non !… Non…
- Pourquoi ?… C’est à cause de Benjamin ?… T’as peur qu’il sache pas tenir sa langue ?…
- Oh, Benjamin !… Ca a pas toujours été le cas, mais maintenant j’ai une totale confiance en lui… Il se doute en plus… Je suis sûr qu’il se doute… Deux ou trois fois il m’a fait des allusions…
- Et puis il y a eu la consultation chez son père…
- Aussi oui… J’ai eu beau vous mettre vous en avant il est pas né de la dernière pluie…
- Alors je vois vraiment pas ce qui te retient… A moins que tu préfères vivre les choses à travers moi… Par procuration… C’est vrai que c’est beaucoup plus facile…
- Mais non, mais… Et vous ?…
- Moi ?… Je regarderai… Ca changera pour une fois…




Elles se sont installées côte à côte sur le lit. Elles ont fixé toutes les deux, par la fenêtre, le cabinet du docteur Bourdin…
- Ca a pas été aussi simple que ça, hein, finalement !…
- Oh, que non !… Et vous savez pourquoi ?… Ca paraît invraisemblable, mais c’est que jusque là… jusqu’à ce que j’entre dans le cabinet de son père je n’avais pas réalisé que c’était Benjamin qui allait m’examiner… Que ça ne pouvait évidemment être que lui… Parce que qui d’autre ?… Quand j’ai capté ça tout, d’un seul coup, est devenu extrêmement compliqué… Presque impossible… Quelqu’un que je côtoie tous les jours… En amphi… A la cafet… A la bibliothèque…
- Je l’ai vu tout de suite qu’il y avait quelque chose… Une éternité t’as mis pour l’enlever la culotte… J’ai cru que tu y arriverais jamais… Que t’allais tout planter là…
- C’était à deux doigts… Ils s’en sont rendu compte les types ?…
- Pour pas s’en rendre compte…
- Qu’est-ce qu’ils ont pensé à votre avis ?…
- Qu’est-ce que tu veux qu’ils aient pensé ?… Probablement que tu étais quelqu’un de très pudique qui n’avait accepté de se prêter à ce petit jeu que par défi… Ou pour se prouver quelque chose… Et tu les as très probablement confortés dans cette idée par la suite en te dissimulant pendant l’examen, comme tu l’as fait, à trois reprises avec tes mains…
- Oh la la oui !… Jamais j’aurais imaginé qu’il allait m’exposer comme ça Benjamin… A ce point-là…
- Faut reconnaître qu’il a fait fort… Mais personne s’en est vraiment plaint… Et toi non plus, je suis sûre, au bout du compte…
Elle n’a pas répondu. Elle a fermé les yeux. Laissé reposer sa main sur sa cuisse…
- Il y en a un surtout – un monsieur très distingué, d’un certain âge – on peut dire que tu lui faisais de l’effet… Il était rouge, mais rouge !… Et il transpirait à grosses gouttes… Il ne t’a pas quittée un seul instant des yeux tout en se caressant discrètement à travers son pantalon…
Elle a poussé un long soupir. Glissé sa main sous sa robe…
- Il a joui ?…
- Au moins une fois… Peut-être même deux…
Et puis sous la culotte…
- Mais ce qu’il aurait fallu surtout que tu voies – tu pouvais pas : la lumière t’aveuglait et ils étaient dans l’ombre – c’était la tête du petit jeune… Ces yeux de fou qu’il faisait !…
Elle l’a enlevée la culotte…
- Comment il s’approchait… de plus en plus… pour mieux voir… Le nez carrément sur toi il avait à un moment… J’ai même cru que…
Sans pudeur. Sans retenue. Le souffle court. Rauque. Et elle aussi. Toutes les deux. Côte à côte. Elles sont venues ensemble. Sont retombées. Silencieuses. Immobiles…




La porte de la chambre… Benjamin…
- Alors, les filles, on s’est bien amusées ?… Oui, hein ?!…
Elles ont ramené le drap sur elles…
- Allons !… Vous allez pas me faire ça !… Pas à moi quand même !… Avec tout ce qu’on a vécu ensemble maintenant tous les trois…
Et il l’a tiré jusqu’au pied du lit. Sans qu’elles s’y opposent. Sans qu’elles protestent...
- C’est beau une femme qui vient d’avoir son plaisir… Pour quelques précieux instants encore plus rien d’autre n’a d’importance pour elle… Plus rien d’autre n’existe…
Il s’est tranquillement absorbé dans sa contemplation. De l’une à l’autre. De leurs yeux à leurs seins. De leurs bouches à leurs sexes…
- Vous savez que j’ai bien cru que vous alliez le faire ?…
- Quoi donc ?…
- Vous toucher… Vous caresser tout à l’heure…
- Comment ça tu as bien cru ?… Tu nous as vues ?…
- Evidemment… Regardez là-haut… Tout là-haut… Non… Encore plus haut… Au dernier étage… C’est ma chambre… D’où on a une vue imprenable sur le lit de celle-ci… Une vue d’autant plus imprenable que vous aviez tiré les rideaux très au large pour bien voir la fenêtre du cabinet de papa-docteur où il s’est passé tant de choses si agréables pour vous deux… Du coup j’étais aux premières loges… Surtout avec une bonne paire de jumelles… Vous venez de passer un excellent moment, là… Moi aussi… Grâce surtout à Clarisse que je voyais pour la première fois à l’œuvre… Qui a mis beaucoup de cœur à l’ouvrage… Et fait preuve d’un incontestable enthousiasme… Le spectacle était de toute beauté… Et profondément émouvant…
- T’étais tout seul au moins ?…
- Oui… T’aurais préféré que je le sois pas, hein !…
- Mais non, mais…
- Si !… Bien sûr que si !… Oh, mais je comprends ça !… Je comprends… La prochaine fois…
- Il y aura pas de prochaine fois…
- La prochaine fois on sera trois ou quatre… Et ce qui serait bien la prochaine fois c’est que Sophie y mette un peu plus du sien… Elle se caresse avec un de ces petits airs absent… J’avais déjà remarqué l’autre jour… On a l’impression qu’elle s’ennuie par moments… Ou qu’elle ne se branle que par obligation… Parce que ça se fait… Que c’est chaudement recommandé, pour l’hygiène, par les magazines féminins…




- Tu trouves, toi ?…
- Je trouve quoi ?…
- Que je me le fais d’un air dégoûté…
- C’est pas vraiment ce qu’il a dit…
- Non, mais c’est à ça que ça revient…
- J’ai pas vraiment fait attention, vous savez… Vous étiez là, à côté… C’était bien… Ca m’alimentait… Mais quand je suis dans mon truc je suis dans mon truc…
- Tu voudras pas regarder un jour ?… Et me dire…
- Si vous voulez… Mais c’est perso ça… Ca a pas tellement d’importance ce qu’ils en pensent les autres… Du moment que ça vous plaît à vous comme vous vous le faites…
- T’as eu bien plus de plaisir que moi… T’as gémi… T’as gigoté dans tous les sens…
- Ca veut rien dire ça…
- Oh, si !… Si !… J’ai bien vu… Et j’ai bien senti au CHU le soir où c’est toi qui me l’as fait… Ca avait rien à voir…
- C’est toujours différent – forcément – quand c’est quelqu’un d’autre…
- Oui, mais quand même !… Quand même…
- Peut-être que vous osez pas vous laisser vraiment aller quand c’est vous… Que c’est à cause de l’éducation de votre époque… Quand vous avez commencé au début vous arrêtiez pas de vous sentir coupable, je suis sûre… Parce qu’on vous avait répété sur tous les tons que c’était pas bien… Que c’était un truc de détraquée… Vous le faisiez, oui, bien sûr… Vous pouviez pas vous empêcher – personne peut s’en empêcher – mais comment vous aviez honte !… Vous avez toujours eu honte… C’est peut-être pour ça finalement que vous l’aimez tellement la honte…
- Je peux pas m’en passer…
- Et vous en avez honte…




- Allo… Sophie ?… Ben alors tu me laisses tomber !…
- Quoi ?… Tu crois pas que t’exagères, Emilien ?… Ca fait combien de temps que tu m’as pas donné de nouvelles ?…
- Toi non plus !… Pourquoi moi ?… Toi aussi tu aurais pu… Bon, mais on va pas se disputer pour ça… Qu’est-ce tu deviens ?…
- Le traintrain… Et toi ?…
- Moi aussi… Je bosse… Je bosse… Et je bosse… Tu y penses de temps en temps ?…
- A quoi ?…
- Tu le sais bien… A ce qui s’est passé… Au CHU… Ailleurs…
- Non…
- Jamais ?…
- Pratiquement jamais, non…
- Ce qui signifie que t’as toujours pas envie de recommencer…
- Pas le moins du monde… Mais ça nous empêche pas de nous voir… Si ça te dit… Evidemment…
- Bien sûr que ça me dit… Bien sûr… Je te ferai signe… Dès que j’ai un petit moment je t’appelle et on se retrouve quelque part… D’accord ?…




- Il insiste et insiste Benjamin… Il dit que c’est votre tour maintenant, une nuit, dans le cabinet de son père…
- Mouais… Mouais…
- Vous avez pas l’air très enthousiaste…
- Si…
- Non… Qu’est-ce qui vous va pas ?… Si vous préférez que ce soit des étudiants, comme les autres fois, il va vous arranger ça…
- J’aimerais mieux, oui… Mais ce que j’aimerais encore mieux c’est une vraie visite dans ce cabinet… En plein jour… Avec le docteur en personne… En attendant mon tour… Comme tout le monde… Seulement ça c’est plus possible maintenant… Après la soufflée qu’il m’a mise l’autre fois… Il me foutrait direct dehors…
- Il y en a d’autres des toubibs…
- Oui… Mais ce serait pas lui…
- Ca, c’est sûr…
- Il me ferait pas honte pareil…
- Peut-être mieux… Qu’est-ce que vous en savez ?… Tant que vous aurez pas essayé…
- J’en connais pas… A part le mien… Mais lui pas question…
- Il y en a plein les pages jaunes…
- Oui, mais lequel ?…
- N’importe… Au hasard…
- Ca va me foutre une de ces trouilles !…
- Vous voulez que je vienne avec vous ?… Je viens avec vous si vous voulez… Et même… vous savez pas ce qu’on pourrait faire ?… Attendez !… Je vais vous expliquer…




C’était un petit vieux au visage tout rond, à la peau toute rose, au crâne tout chauve… Avec de petits yeux d’un gris métallique… Il s’est rassis derrière son bureau…
- Qu’est-ce qui vous amène ?…
- C’est pour ma tante, docteur… Elle a tout un tas de petits boutons qui lui ont poussé et elle veut pas voir de gynécologue… Elle en a jamais vu… Elle a peur qu’il l’engueule du coup…
- Il aurait pas forcément tort…
- A son époque ça se faisait pas…
- Oh, quand même !… Bon, mais on va voir ça… Déshabillez-vous !…

Il a écarté… fouillé… haussé les épaules…
- Je vois… Oui… Je vois…
Il a cherché son regard… Est retourné en bas… S’y est attardé… A encore haussé les épaules…
- Vous en pensez quoi, docteur ?…
- Que c’est pas aux vieux singes qu’on apprend à faire la grimace… Tu peux te rhabiller… Et toi, à ton tour…
- Moi ?…
- Ben oui, toi !… C’est bien beau de prendre soin comme ça de la santé de sa tante… Mais faut aussi que tu penses à la tienne… Allons, déshabille-toi !…
Elle n’a pas protesté. Elle s’est dévêtue et il l’a regardée faire…
- Gentille petite chatte… Et qui a su rester naturelle… C’est rare auhourd’hui… Bon, mais on va voir ça de plus près… Va t’allonger là-bas…

- Alors ?!… Raconte… C’est pas ta tante, hein !… Bien sûr que non… C’est ta copine… Et ta copine t’adores ça la voir à poil sur une table d’examen… Tu prends ton pied… Et elle, elle se laisse faire pour te faire plaisir… Ou pour pas te perdre… Et t’en profites… Tu lui fais courir tous les cabinets médicaux de France et de Navarre, je suis sûr… Mais elle ?… Est-ce que tu lui as seulement demandé si elle aimerait ça, elle, intervertir un peu les rôles de temps en temps ?… Je parie que non… Et pourtant !… Comment elle te dévore des yeux !… Approche, ma chérie, approche !… Viens voir de plus près… Penche-toi !… Comme ça… oui… Et toi, ne bouge pas !… Reste bien ouverte… Je vais t’ausculter… N’aie pas peur… Ca fait pas mal du tout…




- Quand je pense qu’il nous a fait payer ce salaud !… Et deux consultations en plus !…
- C’est de bonne guerre… Et c’est pas plus mal si on y réfléchit bien… Ca t’a un petit côté humiliant… J’aime…
- Oui… Dans un sens… Oui…
- Ca t’a fait de l’effet en tout cas… Tu mouillais d’une force !… J’ai cru que t’allais jouir à un moment…
- C’était à deux doigts… S’il avait un tout petit peu insisté…
- Il a pas osé…
- Ou il l’a fait exprès…
- Pourquoi il aurait fait ça ?…
- Je sais pas… Peut-être pour me laisser sur ma faim… Que j’aie envie de revenir… Ou pour des raisons auxquelles on pense même pas… Parce que c’est un malin… C’est un sacré malin…
- On y retournera ?… T’as envie d’y retourner ?…
- Pourquoi pas ?… On pourra, oui… Même si… c’est pas ça qui manque les toubibs… Faudra aussi en essayer d’autres…
- Où tu vas par là ?…
- A notre hôtel… En face de chez Bourdin… J’ai trop envie…




- Comment il a eu vite fait de nous percer à jour !…
- Tout de suite… Presque tout de suite…
- Peut-être qu’on porte ça sur nous ?… Que dès qu’on nous voit c’est évident pour tout le monde…
- Peut-être… Sûrement…
- Tu crois qu’il y est Benjamin à nous regarder de là-haut ?…
- J’en sais rien… J’m’en fous… Qu’il regarde s’il veut…
- Il y a toutes les chances qu’il y soit… Et même… Pas tout seul… Il l’a dit l’autre fois qu’il amènerait du monde…
- J’m’en fous, j’vous dis !… Qu’il regarde !… Que tout le monde regarde !… La France entière si ça lui fait plaisir… Regardez !… Regardez tous !… Je me branle… Vous voyez ?… A fond je suis… A fond… Mais pourquoi il m’a pas fait jouir ce crétin de toubib ?… Pourquoi ?… Je demandais que ça… Il l’a bien vu que je demandais que ça… Mais tu vas me payer ça, mon coco… Je te jure que tu me paieras ça… On n’en a pas fini tous les deux… Ah non alors !…




- On y retourne ?…
- Déjà !?… Si vite ?…
- J’ai trop envie… Pas vous ?…
- Moyen… Je préfèrerais qu’on en essaie un autre plutôt…
- Ca vous a pas vraiment plu avec lui, hein ?!…
- Si, mais…
- Non… J’ai bien vu… Vous vous êtes même pas caressée à l’hôtel après… C’est quoi qui vous a pas plu ?…
- Rien… Mais sauf en nous demandant de payer il nous a pas fait vraiment honte… Et puis…
- Et puis ?…
- Et puis il y en a eu que pour toi… Dès qu’il a eu compris ce qu’on était venues faire là il y a plus eu que ça qui l’a intéressé… Te faire mettre à poil, toi… Et s’occuper de toi… Oh, mais je comprends ça !… J’ai deux fois ton âge et, physiquement, je t’arrive pas à la cheville… Alors !…
- Oui, oh alors ça !… C’est question de goût, hein !… La preuve : Emilien…
- Tu parles d’une preuve !… C’est pas moi qui l’intéressais Emilien… C’est…
- Ou Benjamin… Vous entendriez comment il arrête pas de parler de vous… Encore ce matin… « - Quand est-ce qu’on fait quelque chose une nuit avec elle dans le cabinet de mon père ?… Essaie de la décider… Et dis-lui bien… Dis-lui bien que ce sera avec des étudiants puisque c’est ça qu’elle préfère… »
- Quand il veut… Ca, c’est quand il veut… Ce sera pas Bourdin, mais au moins ce sera son cabinet…
- Il va être ravi… Bon, mais pour l’autre, là, on fait quoi ?…
- J’en sais rien…
- Faut pas vous sentir obligée, hein !… Je peux y aller toute seule…
- Non… Non… Je vais venir…




- Bien… Ne perdons pas de temps… Déshabillez-vous !… Vous êtes venues pour ça, non ?…
Elles l’ont fait…
- Là… Et asseyez-vous…
Côte à côte. Il les a longuement fixées l’une après l’autre. A recommencé…
- Bon… Soyons clairs… Vous avez eu l’autre jour, l’une comme l’autre, ce que vous étiez venues chercher… C’est du moins l’impression que vous avez donnée… Et que vous soyez aussi rapidement revenues en constitue la plus éclatante des confirmations… Il ne m’a pas été spécialement désagréable – disons-le – de vous rendre service, mais cela ne doit pas – et ne peut pas : j’ai des choses beaucoup plus importantes à faire – devenir une habitude… Or ça risque, à l’évidence, d’être le cas si je n’y mets pas dès à présent bon ordre… Aussi vais-je vous donner une lettre de recommandation pour l’un de mes collègues – un oto-rhino – qui devrait, lui, vous donner entière satisfaction…
Il a écrit. Recto verso. Leur a tendu la lettre…
- Voilà… Vous pouvez vous rhabiller…
Il les a regardées faire sans un mot…




- Quel pauvre type !… Non, mais quel pauvre type !… Vous avez vu ça ?… Parce que en gros ce qu’il nous a dit c’est qu’il en avait rien à foutre de nous… Que l’autre fois on lui avait fait ni chaud ni froid… Qu’on est les seules à avoir trouvé ça agréable…
- C’est peut-être vrai…
- Tu parles !… Quel mufle, oui !… Et nous faire déshabiller comme ça !… Pour rien… Juste pour nous dire que c’était pas la peine qu’on revienne…
- Moi, ça m’a pas déplu… J’ai bien aimé même… Son ton… Son air… Son regard… Tout… Tu veux pas tirer le rideau… Que je voie la fenêtre de Bourdin…
- Et qu’éventuellement, s’il est là, Benjamin vous voie…
- T’as pas envie de te le faire, toi ?…
- Non… Il m’a trop agacée…
- Il lui raconte quoi à l’oto-rhino ?…
- C’est cacheté…
- On mettra une autre enveloppe…
- « Mon cher ami… Je t’adresse là deux patientes qui se portent comme des charmes… Leur seule maladie, c’est d’apprécier qu’on aille voir, tout autant avec les mains qu’avec les yeux, comment elles sont faites… Je te connais suffisamment pour savoir que même si elles sont, à mon goût, assez quelconques… »… Quel salaud !… Non, mais quel salaud !… Vous vous rendez compte ?…
- Continue !… Continue !…
- « …assez quelconques tu auras à cœur de leur faire ce plaisir, voire même d’en retirer, de ton côté, quelque menue satisfaction… »… Menue ?… Non, mais il est immonde ce type… « Un conseil toutefois… Ne les laisse pas trop s’incruster… C’est le genre à ça… T’aurais un mal fou à t’en débarrasser… Confraternellement… »… Je sais pas vous, mais moi pas question que j’aille chez ce type… Ah non alors !…
- On verra… Relis-la moi la lettre… Relis-la moi… En boucle…




Benjamin était en bas. Devant la porte de l’hôtel…
- Ca y est ?… Vous avez fini ?…
Clarisse a haussé les épaules…
- Oh, elle… Parce que moi…
- J’ai vu… T’en étais pas bien toi aujourd’hui…
- C’est un con ce toubib…
- Mais Sophie par contre… Et elle fait de sacrés progrès… On en parlait encore tout à l’heure avec Cedric et Antoine…
- Vous en parliez ?…
- Ben oui… Oui… On la regardait faire… On se passait les jumelles à tour de rôle… Et on se disait que c’est spectaculaire comme ça a changé… Comme elle y met du cœur maintenant… Ca fait vraiment plaisir à voir…
- Vous me regardiez ?!…
- Comme si vous le saviez pas !… C’est pas faute de vous avoir prévenue…
- Non, mais…
- Mais non, oh !… J’étais tout seul… Pour cette fois… C’est la dernière… Le prochain coup vous n’y coupez pas… Venez…
- Où ça ?!…
- Venez, j’vous dis…
Au fin fond du bar du coin de l’avenue…
- Je vous présente Antoine… Et Cedric… Elles, ce sont les petites branleuses dont je vous ai si souvent parlé… Et que vous aurez bientôt l’occasion de voir à l’œuvre…
- Benjamin nous a beaucoup parlé de vous…
Elle est devenue écarlate. A tendu la joue. Les deux joues. A l’un. A l’autre. Jeunes. Tous les deux. Encore sûrement des étudiants…
- C’est quand même mieux de faire un peu connaissance avant, non ?… Si tout le monde veut pouvoir en profiter à plein le moment venu…
Ils lui ont fait place entre eux. La chaleur de leurs cuisses contre la sienne. Il y en a un qui s’est penché à son oreille…
- Vous savez que vous m’avez beaucoup fait rêver… Beaucoup…
Et l’autre, de l’autre côté…
- Quel joli spectacle tu vas m’offrir…




- Alors ?!… Qu’est-ce que vous en pensez ?… Comment vous les trouvez ?…
- Ca m’est un peu égal, tu sais !… Ceux-là ou d’autres…
- D’après Benjamin on leur a tapé dans l’œil… Et pas qu’un peu… Vous surtout d’ailleurs…
- Oui, oh, c’est pas moi qui les intéresse, c’est la perspective de voir une femme de mon âge en train de se faire plaisir…
- En tout cas ils sont très impatients, il paraît… Et Benjamin est fin prêt. Il n’attend que votre feu vert pour une petite séance, une nuit, dans le cabinet de son père…
- Ils y seront ceux-là ?…
- Ah ben non… Non… Ils attendront en haut… Ils sont pas en médecine… Que des étudiants en médecine vous aviez dit que vous vouliez…
- Ils font quoi ?…
- Un truc d’ingénieur en informatique… Dans ces eaux-là…
- C’est qui qu’il y aura alors ?…
- Ca vous dirait pas grand chose les noms… D’autant que c’est la première fois qu’ils viennent… Et qu’ils n’étaient pas aux cours de Madame Saulnier… Il l’a fait exprès Benjamin… Pour qu’il y ait le moins de chances possible qu’ils connaissent Emilien… Et qu’ils lui en parlent…
- Délicate attention… Même si Emilien maintenant pour moi… Et toi, tu seras là ?…
- Evidemment que je serai là…




Nue. Nue et ouverte. Nue et offerte. Sous la lumière crue de la lampe qui lui brûlait les yeux. Dans la pénombre un discours à voix basse plein de termes médicaux qui n’en finissait pas. Une main. Une autre. Des souffles qui se sont faits courts. Des halètements… Quelqu’un qui a murmuré à son oreille…
- Non, mais quelle cochonne !… Quelle cochonne tu fais…
Et puis, d’un seul coup, la porte. Et les lumières. Toutes les lumières. En grand…
- Non, mais faut pas se gêner…
Bourdin. Le docteur Bourdin. Et tout le monde s’est enfui. A détalé. En cavalcade dans l’escalier…
- Attends, papa… Attends… Je vais t’expliquer…
- Tu vas rien m’expliquer du tout… Tu dégages… Comme les autres… Allez, ouste…
Ce qu’il a fait sans demander son reste…
- Et toi ?… Tu n’as pas honte ?… Une grande fille comme toi ?… Allez, file !…
Clarisse aussi est descendue. Plus lentement. Plus posément…
Seule. Seule avec lui…
- Bon… Et maintenant à nous deux…




Il l’a complètement ignorée. Il a déplacé des objets . Ouvert des tiroirs. Consulté des dossiers…
- Vous allez rester là longtemps ?…
Hein ?!… Ah non !… Non… Elle partait… Voilà… Elle se levait… Elle allait aller se rhabiller… Elle en avait pour deux minutes…
- Pas si vite…
Il ne l’a pas laissé arriver jusqu’à ses vêtements… Il lui a pris le menton dans la main… L’a obligée à lever les yeux vers lui…
- Non, mais à quoi vous jouez ?…
A rien… Elle savait pas… Elle…
- Mais si vous savez !… Vous savez même très bien… Hein que vous savez !?…
- Oui…
- Ah… Vous voyez… Alors ?!… A quoi vous jouez ?… Eh bien ?!… J’attends…
Elle a fondu en larmes…
- Inutile de chialer… J’ai horreur de ça… Non, mais quel âge vous avez ?…
- 44…
- Et, à 44 ans, vous ne croyez pas que vous avez passé l’âge de jouer au docteur comme une gamine de huit ans ?…
- Si…
- Il serait peut-être temps – grand temps – que vous acquériez enfin un peu de maturité, non ?… Vous savez ce que vous mériteriez ?… Que je vous flanque une bonne fessée pour vous faire passer l’envie de vous comporter en gamine écervelée… C’est peut-être ce que je vais faire d’ailleurs… Oui… C’est ce que je vais faire… Venez là !…
Il a tiré sa chaise, l’a couchée en travers de ses genoux, a posé une main sur ses fesses, s’est brusquement ravisé…
- Foutez-moi le camp !… Circulez !… Vous n’avez rien à faire ici… Et n’y revenez pas !… Que je n’entende plus parler de vous… Parce que cette fois… Alors là cette fois…
Il lui a jeté toutes ses affaires dans les bras et il l’a poussée dehors…





- Ils sont là-haut… Ils sont forcément là-haut en face… Tous les trois…
Elle n’a pas répondu. Elle s’est tournée un peu plus encore vers la fenêtre, les jambes grandes ouvertes…
- Vous imaginez s’il vous l’avait vraiment mise la fessée ?… Ca leur ferait un sacré spectacle !… A quoi vous pensez ?… A ça ?… Oui, hein ?… Vu comment vous êtes excitée, dans votre tête il est en train de vous la mettre devant plein de monde, je suis sûre… Devant eux ?… Ou bien devant ceux de tout à l’heure ?… Oui… Devant ceux de tout à l’heure plutôt… Au lieu de jeter tout le monde dehors, comme il a fait, il fonce droit sur vous… Il vous fait retourner et il vous la flanque là sur la table d’examen… Une fessée carabinée… Vous allez jouir… Tu vas jouir… Tu jouis… Et ils regardent, eux, là-haut… Ils regardent… Et en même temps…




- Ils y étaient pas l’autre soir en fait…
- Comment ça ils y étaient pas ?…
- Ben non… Parce que Benjamin il a eu la trouille que son père monte lui passer un savon… Alors si en plus il les avait trouvés là en train de mater par la fenêtre… C’était pas le moment… Il les a expédiés du coup…
- Il est monté ?…
- Non… Mais par contre le lendemain il s’est pris une de ces engueulées… Et il a plus les clés…
- Maintenant de toute façon…
- Oui… Faudra trouver une autre solution… Il y tient Benjamin… Il a déjà une idée, il paraît…
- Oui, ben ça… On verra…
- Vous avez plus envie ?…
- Si… Non… Je sais pas en fait… Il y a des moments oui… Et puis il y a des moments non…
- C’est parce qu’on s’est fait prendre ?… Vous trouvez que c’est trop dangereux ?… Vous avez peur que ça recommence ?…
- Non, mais…
- En attendant je me demande quand même qui c’est qui l’a prévenu Bourdin…
- Peut-être qu’il dormait pas… Qu’il a entendu du bruit…
- Sauf qu’il habite pas là… Il y a personne dans l’immeuble à part Benjamin…
- Ah oui, c’est vrai, il me l’avait dit Emilien… Peut-être que quelqu’un, de la rue, aura vu de la lumière… Se sera dit qu’on cambriolait son cabinet… L’aura prévenu…
- Peut-être… Oui… Peut-être…




- Tu n’as pas fait ça, Emilien !?…
- Je me suis gêné…
- Mais c’est dégueulasse !…
- Parce que c’est pas dégueulasse ce que tu as fait, toi, peut-être ?… Prétendre que ça t’intéressait plus, que tu voulais plus en entendre parler et te précipiter aussi sec pour faire ça derrière mon dos !…
- Je me suis pas précipitée…
- Ah non ?!… T’appelles ça comment alors ?…
- De toute façon j’ai pas du tout l’intention de discuter avec toi… Quand on se comporte comme tu t’es comporté…
- Mais oui !… C’est ça… C’est ça… Rira bien qui rira le dernier…
- Ce qui veut dire ?…
- Rien… Oh, rien…
- Si tu comptes recommencer un de tes petits coups en douce tu vas en être pour tes frais… Parce qu’il y a pas le moindre risque maintenant que je fasse quoi que ce soit de cet ordre avec qui que ce soit…
- J’ai déjà entendu ça quelque part…
- Oui, mais cette fois…
- On verra…
- On verra quoi ?…
- On verra, j’te dis…




- Quel espèce de petit salopard !… Non , mais je tombe des nues là… C’est le dernier dont je serais allé imaginer qu’il pouvait faire une chose pareille…
- Oui, ben pas moi !… Alors là…
- Non, mais tu te rends compte les conséquences que ça aurait pu avoir ?… Que Bourdin il porte plainte pour violation de domicile… Par exemple… J’aurais eu bonne mine moi après à la banque… En tout cas je me demande bien ce qu’il a encore l’intention de manigancer…
- A mon avis rien… Il veut juste vous faire peur… Pour que vous alliez pas faire avec d’autres ce que vous voulez plus faire avec lui…
- Oui, ben alors là !… C’est sûrement pas lui qui va m’empêcher de quoi que ce soit… Qu’il y compte pas !… Et d’ailleurs… Tu l’as toujours la lettre pour l’oto-rhino ?…
- Oui…
- Donne !… J’y vais de ce pas… Si tu veux venir tu viens… Si tu veux pas j’y vais toute seule…




Il a lu la lettre. L’a relue. Leur a jeté un rapide coup d’œil. L’a encore relue…
- Oui… Oui… Mon confrère me signale que vous présenteriez, toutes les deux, des symptômes faisant sérieusement soupçonner une implication de l’oreille interne… Ca peut venir de n’importe où… De n’importe quel autre organe… On va donc procéder – c’est la seule solution pour parvenir à un diagnostic fiable – à un examen complet… Si vous voulez vous déshabiller…

Posément. Tranquillement. En prenant tout son temps. La tête. Il a exploré. Les oreilles. Le nez. La bouche. Il a palpé le cou. La nuque. Il est descendu. Les seins. Sur lesquels il s’est longtemps attardé. Les seins dont il a fait dresser les pointes…
- Ah, là… Oui… Là on tient probablement quelque chose…
Le ventre. L’aine. Les aines. Les cuisses. Les genoux. Les mollets. Les pieds. Qu’il a longuement parcourus. Palpés. Caressés. Il est remonté. A doigts lents. Patiemment. Encore les cuisses. Encore l’aine. Il a effleuré. Il s’est éloigné. Il est revenu. S’est montré plus précis. Elle s’est ouverte… Elle s’est abandonnée…

Et puis Clarisse… Clarisse qui s’est cabrée sous ses mains. Qui a ondulé. Qui a ondoyé. Qui a débridé son plaisir. Qui l’a psalmodié…

Il les a regardées se rhabiller en souriant. Sans rien dire… Les a raccompagnées jusqu’à la porte…
- Vous reviendrez ?…
Clarisse a fait signe que oui. D’un bref hochement de tête…
- Toi aussi ?…
C’était implorant dans ses yeux…
- Hein ?… Toi aussi ?…
- Oui…
Il a posé la main sur son épaule…
- Merci…

En bas Clarisse a constaté…
- Vous lui avez tapé dans l’œil… Ah, si, si !… Alors ça ça fait pas l’ombre d’un doute… Vous lui avez tapé dans l’œil…





IV





Elle s’est levée, elle s’est douchée, elle s’est maquillée, elle s’est coiffée et elle a appelé la banque…
- Je ne viendrai pas ce matin… Ni non plus peut-être cet après-midi… Tout dépendra de la façon dont je me sentirai…
Et elle a pris la direction de là-bas… La salle d’attente était vide à l’exception de… Clarisse… Elles se sont regardées, éberluées, et elles ont éclaté de rire… D’un interminable fou rire…
- Petite cachottière !…
- Vous pouvez parler, vous !…
- Qu’est-ce qu’on fait ?… On y va ensemble ?… Comme hier ?…
- Ah ben non, non !… On est venues toutes les deux pour être toutes seules avec… Je vous laisse la place… Je reviendrai demain… Et on se racontera…




- J’espérais bien que vous reviendriez… Mais je n’espérais quand même pas que ce serait aussi vite… Tenez, asseyez-vous !… Qu’on cause un peu d’abord… Vous savez que vous me fascinez ?…
- Moi ?… Et pourquoi ça ?…
- Beaucoup de femmes fantasment sur l’univers médical, mais très peu acceptent de le reconnaître et encore moins d’en tirer les conséquences qui s’imposent… Comment ça vous est venu à vous, ça ?…
- Ca a été complètement par hasard la première fois… A la consultation de Madame Saulnier… Au CHU…
- Racontez !…
Il l’a écoutée avec avidité…
- Et vous ne soupçonniez vraiment pas que vous alliez vous retrouver toute nue devant deux dizaines d’étudiants ?…
- A aucun moment ça ne m’a effleuré l’esprit…
- Ca a dû vous faire un choc !…
- J’ai failli m’enfuir…
- Mais vous êtes finalement restée…
- Oui…
- Et vous vous êtes sentie incroyablement excitée quand ils se sont penchés sur vous et que le docteur Saulnier…
- Oh non, non !… Pas à ce moment-là, non !… C’est après… Bien plus tard… En y repensant… Après qu’Emilien…
- Après qu’Emilien ?… Dites… Et puis non… Non… Ne dites rien… Petit à petit vous me raconterez… Une autre fois… Un autre jour… On a tout notre temps… Que je puisse savourer… Et vous aussi… Parce que je suppose que ça ne vous laisse pas complètement indifférente d’en parler…
Elle n’a pas répondu…
- Déshabille-toi !… Mais lentement… Le plus lentement que tu pourras…

Il s’est approché…
- C’était parfait… Absolument parfait… Va vite t’allonger là-bas maintenant… J’arrive…




- Alors ?…
- Ben alors il y a pas grand chose à raconter, tu sais… A peu près comme hier ça s’est passé… Sauf qu’il a pris un peu plus son temps… Beaucoup plus même…
- Ben… Qu’est-ce ça a dû être !… Ils devaient faire la gueule les clients dans la salle d’attente !…
- Ca avait pas l’air de le préoccuper plus que ça…
- Et… vous avez joui ?…
- Oh oui, alors !…
- Vous m’auriez dit le contraire que j’aurais eu du mal à vous croire… Parce que vous avez les yeux cernés d’une force !… Vous avez couché, hein ?!… C’est pour ça que vous vouliez être toute seule avec…
- Non… On n’a pas couché, non…
- Ah, non ?… Et vous avez pas envie ?…
- Dans un sens, si !… Et dans un autre pas du tout…
- Je sais pas comment vous faites… Parce que moi quand j’ai envie j’ai envie… Et quand j’ai pas envie j’ai pas envie…
- C’est pas que j’aie pas envie… C’est que ça changerait complètement de registre… Et que ça pourrait plus faire vraiment visite médicale quand j’y retournerais après…
- Et alors ?… Qu’est-ce que ça peut faire ?… Il y en a des milliers des toubibs… On peut parfaitement coucher avec celui-là et en trouver d’autres pour nous ausculter… Moi, en tout cas, je préfère vous dire les choses franchement : si, quand je vais y aller demain, ça se passe pareil qu’hier et qu’il a l’air d’avoir envie je vais sûrement pas faire semblant de résister… Enfin si !… Juste ce qu’il faut pour qu’il ait un peu plus envie encore…




- Eh ben dites donc !… Quand je disais que vous lui aviez tapé dans l’œil… Parce que… une demi-heure il m’a parlé de vous… Plus d’une demi-heure… A ce qu’il paraît que vous êtes pleine de subtilité… Que vous comprenez tout sans qu’il y ait besoin de vous expliquer quoi que ce soit… Que vous avez un corps de rêve… Que c’est une femme comme vous qu’il a toujours souhaité rencontrer… Sans tabous… Sans préjugés… Bref… Vous êtes parfaite…
- T’en rajoutes pas un peu ?…
- Ah non, non !… Fallait l’entendre… Enthousiaste il était… Il y en avait que pour vous… Et il y en a eu que pour vous d’ailleurs…
- Il ne t’a pas auscultée ?…
- Ben vous savez, j’ai beau avoir beaucoup d’estime et d’amitié pour vous, entendre chanter comme ça, sur tous les tons, juste avant, les louanges d’une autre c’est pas franchement motivant… Lui non plus d’ailleurs il avait pas vraiment envie… Ca se voyait… Il m’a quand même proposé… Du bout des lèvres… Mais il a pas vraiment insisté… Il m’a même paru soulagé que je refuse…
- Tu dois être déçue… Toi, qui t’en faisais une telle fête… Qui espérais même que…
- Non… Oh, non… Il me plaisait bien, oui… Mais juste comme ça… Pour passer un bon moment… Sans plus… J’en trouverai d’autres des types… C’est pas un problème… Et des médecins aussi… Mais vous, qu’est-ce que vous comptez faire maintenant ?…
- Comment ça ?…
- Ben… Il est accro… Vous êtes toute seule… Et lui aussi il est libre…
- Ca… T’en sais rien du tout…
- Si !… En redescendant j’ai demandé aux voisins… Il a personne…
- T’es gonflée, toi, dans ton genre…
- Des occasions comme ça vous en aurez pas tous les jours… Et si vous la laissez passer…
- Oui, mais…
- Oui, mais quoi ?… Il vous plaît pas ?…
- Si !… C’est pas ça… Mais je le connais à peine…
- Et alors ?!… C’est pas un argument, ça !… Quand une chance se présente on l’attrape… On fonce… Vous aurez tout le temps de faire connaissance après… Si ça le fait ça le fera… Et si ça le fait pas ben tant pis… Chacun repart de son côté et puis voilà… Au moins vous n’aurez rien à regretter… Et vous vous demanderez pas toute votre vie ce que ça aurait bien pu donner si vous aviez tenté le coup… Et… Ah oui… A propos… Je lui ai donné votre numéro de téléphone… Il me l’a demandé… J’espère que vous y voyez pas d’inconvénient ?…




- Merci…
- De quoi donc ?…
- D’avoir accepté mon invitation… Et de raconter aussi bien… J’avais l’impression d’être avec vous, cette nuit-là, dans les locaux du CHU… D’entendre battre votre cœur… De sentir – presque physiquement – le souffle court des étudiants penchés sur vous… Leur excitation à voir votre amie vous « ausculter »… Votre délicieuse appréhension à tous… Parce que, même si le risque d’être surpris était très faible, il existait malgré tout… En tout cas j’espère que vous avez encore beaucoup – mais alors là beaucoup – d’autres épisodes comme celui-là à me raconter…
- Il y en a, oui…
- Mais là, maintenant, vous savez ce que j’aimerais ?…
- Dites…
- C’est qu’on y aille tous les deux au CHU… Là où s’est passé ce que vous venez de me raconter…




- Et alors ?…
- On y est allés…
- Oui, ben ça je m’en doute… Et ?…
- Et c’était bien…
- Sans plus ?…
- Oh si, si !…
- Mais ?…
- Mais ça faisait bizarre… C’était bien, oui, mais en même temps j’étais mal à l’aise, mais mal à l’aise !… Un peu comme si on était en train de singer ce qu’on avait fait cette fois-là tous ensemble… Presque de s’en moquer…
- Vous compliquez trop les choses… Vous les prenez pas assez comme elles viennent…
- Peut-être… Je sais pas… Mais en tout cas c’est en train de prendre une drôle de tournure…
- Comment ça ?…
- Ca fait deux fois que je le vois toute seule et ça fait deux fois qu’il faut que je lui raconte en long, en large et en travers un des trucs que j’ai faits avant… Il y a que ça qui l’intéresse on dirait… Ca risque de devenir lourd à force…
- Oh, mais ça va pas durer… C’est juste qu’il veut se faire une idée de ce que vous aimez… Pour être dans le ton juste… Pour pas commettre d’impair…
- J’espère… Je vais vite m’ennuyer sinon…




- Alors ?!… Laquelle c’est la fenêtre de son cabinet ?…
- Celle avec les gros rideaux blancs, là, juste en-dessous… Qu’on voit rien à travers…
- C’est donc là… C’est là qu’il vous a surprise, une nuit, en train de vous faire soi-disant ausculter par une ribambelle d’étudiants…
- Ils étaient pas une ribambelle et ils m’ont pas tous auscultée…
- Parce que le docteur Bourdin est arrivé… Sinon…
- Oh non… Non… Les autres fois…
- Oh, alors ça !… Avec ce genre de petit jeu… On sait où ça commence… On sait jamais où ça finit… Et c’est aussi là qu’il vous a menacée d’une bonne fessée… Que vous aviez amplement méritée, avouez, non ?… Non ?… Regardez-moi… Non ?…
- Si !…
- Et qu’il ne vous a pas administrée… Je le regrette profondément, croyez-le bien… C’aurait été un tel plaisir pour moi que de vous l’entendre raconter d’une petite voix contrite, les yeux baissés… Comme vous savez si bien faire… Oh, mais ce n’est peut-être que partie remise… Que je me mette en relation avec le docteur Bourdin, que je lui signale que vous persistez à écumer les cabinets médicaux avec des intentions on ne peut plus claires et je ne doute pas qu’il aura à cœur de vous punir comme vous le méritez… Et comme vous regrettez qu’il ne l’ait pas fait… Non ?… Je me trompe ?… Regardez-moi !… Je me trompe ?…
- Non…
- Pour ça aussi vous devriez être punie… Mais ça viendra… Chaque chose en son temps…




- Tu crois qu’il va le faire ?… Qu’il va contacter Bourdin ?…
- Ca me paraît évident… Vous qui aimez avoir honte vous allez être servie ce coup-ci…
- Oui, mais ce que je voudrais pas…
- Vous allez quand même pas vous plaindre !…
- Evidemment non… Mais de lui je m’attendais vraiment pas à une initiative pareille…
- Peut-être que quelqu’un l’a un peu poussé… Lui a expliqué qu’il n’était pas forcément judicieux de seulement mettre ses pas dans vos pas… De se contenter de vous ausculter et vous faire raconter… Qu’il fallait faire arriver des choses… Des choses prévisibles… Et d’autres qui le seraient beaucoup moins…
- Je vois… T’aurais pu me demander quand même…
- Pas sûr que vous auriez voulu… Vous auriez trouvé tout un tas de bonnes raisons… Et coupé les cheveux en quatre pendant des semaines et des semaines… Jusqu’à ce qu’à force de tourner en rond tous les deux vous vous soyez lassée… Ou bien lui… Je commence à vous connaître, vous savez… Si on vous bouscule pas un peu… Et quand je dis un peu…




- Ca y est, je suppose…
- Ca y est, oui…
- Vous faites voir ?… Faites voir…
Sans un mot elle a baissé sa culotte… Et relevé sa robe…
- Ah, quand même !… Il ne vous a pas ménagée, dites donc !… C’est le moins qu’on puisse dire…
Il a effleuré… Du bout du doigt… En a dessiné les contours…
- Il a tapé large… Et profond… Vous avez dû le sentir passer… Et pas qu’un peu… Non ?…
- Si !…
- Tant mieux… J’en suis ravi pour vous…
Il a lissé du plat de la main… L’y a posée… Laissée…
- C’est brûlant…
Il a approché ses lèvres… Lui a piqueté les fesses de petits baisers… Les a mordillées… Elle a frémi… Ils se sont laissé tomber ensemble sur le lit…




- Et après ?… Ben dites-moi, quoi !…
- Tu te doutes bien…
- Alors ça y est… Ca y est enfin… Eh ben c’est pas trop tôt… Il doit savoir y faire, je suis sûre… Non ?…
- Je sais pas… C’était complètement tout fou… Comme des gamins de seize ans on était…
- En tout cas il y en a, s’ils étaient là-haut, au-dessus, ils devaient être à la noce… Votre derrière tout rouge plus… ce qu’il y a eu après…
- Ils y étaient peut-être pas…
- Mais ils y étaient peut-être…
- Tu sais ce qui m’étonne ?… C’est qu’il m’ait pas demandé de raconter… Parce que c’est quelque chose ça avant il aurait fallu que je commence par là…




Ils avaient eu encore une fois leur plaisir. Elle était blottie contre lui. Il lui caressait doucement – tendrement – les cheveux…
- T’as pas envie que je te raconte comment ça s’est passé chez Bourdin ?…
- Si… Bien sûr que si…
- T’en parles pas…
- Et toi ?… Tu as envie de raconter ?…
- Seulement si ça te fait plaisir à toi…
- Tu le sais bien… Mais tu sais ce qui me ferait surtout plaisir ?…
- Dis…
- C’est que tu le racontes devant des gens… Toute nue… Qu’en même temps ils voient ce que ça a donné…
- C’est pas possible, ça…
- Pourquoi pas possible ?…
- T’en trouverais où, toi, des gens pour une chose pareille ?…
- Oh, alors là !… Ce serait pas vraiment un problème…
- T’y as déjà pensé !… Oui, hein ?!… T’as même déjà prospecté, je parie…
- Ca t’ennuie ?…
- C’est qui ?…
- Tu connais pas…
- Ils sont beaucoup ?…
- Sept ou huit…
- Des amis à toi ?…
- Disons des connaissances…
- Ca se passerait comment au juste ?…
- Je te présenterais… J’expliquerais que tu passes ton temps à écumer les cabinets médicaux pour t’offrir aux regards des différents praticiens et, accessoirement, à ceux des étudiants en médecine… Qu’il a été décidé de te punir pour ça…
- Et de m’obliger à montrer et à raconter pour me guérir de cette mauvaise habitude…
- Voilà… T’as tout compris… Tu en penses quoi ?…
- Que pour rien au monde je ne voudrais être exposée à un truc pareil… Mais, en même temps, que si on m’y obligeait… Que si on faisait croire qu’on m’y oblige…
- Tu y prendrais un plaisir subtilement raffiné…
- Je crois, oui…
- Tu crois ou tu es sûre ?…
- Je crois que je suis sûre…





Huit… Ils étaient huit… Sans le compter lui… Quatre hommes… Quatre femmes… Dont deux couples… Tous très bien habillés… Deux très vieux… Autour de 80 sûrement… Deux très jeunes… Tout juste un peu plus de 20 ans… Et les autres au milieu… L’apéritif s’est éternisé… Ils lui parlaient les gens… De tout… Sauf de ça… Comme si ils étaient au courant de rien… Et peut-être qu’ils étaient vraiment au courant de rien… Qu’il lui avait fait croire… Juste pour lui donner des montées d’adrénaline… De tout le repas non plus il ne s’est rien passé… A la fin c’est arrivé … Au dessert… Quand elle ne s’y attendait plus… Il s’est levé et il a raconté… Tout… Le CHU… Les étudiants… Le cabinet du docteur Bourdin la nuit… Les autres médecins… Tout… Tout le monde la regardait… Il s’est tu… Et une femme d’une voix forte…
- C’est une honte !… Une honte une femme comme ça !… »…
Ils ont approuvé… Tous en chœur… Quelqu’un a dit quelque chose qu’elle n’a pas compris… Ca a ri… Et lui…
- Vous croyez pas si bien dire…
La plus jeune s’est esclaffée en la regardant droit dans les yeux…
- C’est vrai ?… Oh, ben alors là… Je voudrais bien voir ça !…
- Mais tu vas le voir !… Tu vas le voir !…
Et il l’a fait lever… Pivoter pour leur tourner le dos…
- Montre-leur !…
Elle a baissé sa culotte… Relevé sa robe… Ca a encore ri… Fort… Longtemps…
- En tout cas celui qui lui a fait il l’a pas loupée…
- Faut dire qu’elle l’avait pas volée…
Des chuchotements… Encore des rires… Toujours des rires… Et quelqu’un…
- Elle en mériterait une autre, tiens !… Parce qu’attendez !… Vous avez vu ça comment elle s’est précipitée pour montrer son derrière ?… Ah, il y a pas eu besoin de lui demander deux fois, va !…
- A croire qu’elle attendait que ça…
- Evidemment qu’elle attendait que ça, qu’est-ce que vous croyez ?!…




- Et ça s’est fini comment ?…
- Que tout le monde est parti à force… Les uns après les autres… Et qu’après… Une fois qu’on a été tous les deux tout seuls… Mais tu te doutes bien…
- Je me doute, oui… Je me doute que ça avait dû vous mettre dans un état !…
- Et pas que moi !… Lui aussi… Si tu savais !… De mieux en mieux c’est tous les deux… Si je m’étais attendue à ça !…
- Je vous l’avais dit !… Je vous l’avais pas dit ?… Reconnaissez quand même que j’ai bien fait de pousser à la roue… Sinon vous en seriez encore désespérément au même point… Et pour un moment…
- Probable, oui !…
- En attendant il vous a pas fait raconter chez Bourdin… C’est drôle… Il paraissait tellement y tenir…
- Oh, de toute façon, tu sais, il y a vraiment pas grand chose à raconter en fin de compte…
- Il a pas su s’y prendre ?…
- Non, c’est pas ça, non… Mais ça se sent ces choses-là… Ca se raconte pas… Vu de l’extérieur il y a rien qui ressemble plus à une fessée qu’une autre fessée… De toute façon il a une autre idée que de me faire raconter… Bien meilleure il paraît…
- C’est quoi ?…
- Il a pas voulu me dire… Pas encore…
- Peut-être qu’il veut que Bourdin vous la donne devant eux ?…
- Peut-être… ou alors c’est quelque chose à quoi je pense pas du tout… Je verrai bien…




- Tu sais ce qu’il faudrait ?… Ce que j’aimerais ?…
- Non… Dis !…
- C’est qu’on recommence tout à zéro tous les deux… Comme s’il y avait jamais rien eu avant…
- Comment ça « Rien » ?…
- Pas de CHU… Pas de Madame Saulnier… Pas d’Emilien… Pas de Bourdin… Pas de Benjamin… Rien… Personne… Ce serait la toute première fois… Et personne saurait au début… Absolument personne… Que nous deux…
- On peut si on veut… C’est pas trop difficile ça… Suffit de trouver de nouveaux médecins… De pas en parler à qui que ce soit… Et de pas remettre les pieds dans tout ce qu’il y a eu avant…
- On reviendra forcément buter dessus… A un moment ou à un autre… On peut pas tout effacer comme ça… D’un trait de plume… Ils viendront te solliciter… Te proposer ceci… Ou cela… Insisteront…
- En somme ce que tu voudrais c’est m’avoir pour toi tout seul, quoi !… Me mettre sous cloche et établir un périmètre de sécurité… C’est plutôt gratifiant dans un sens, mais dans un autre…
- Non… Ce que je voudrais c’est te suivre pas à pas… Depuis le début… Pas venir m’inscrire dans quelque chose qui est déjà en cours… Qui a commencé sans moi…
- Et tu proposes quoi alors ?…
- Habille-toi !… Je t’emmène au restaurant… Je t’expliquerai là-bas…




- Je pars…
- Comment ça vous partez ?… Vous allez où ?…
- A l’autre bout de la France… Avec lui…
- C’est quoi cette histoire ?…
- C’est pas une histoire… Il a obtenu un poste dans un hôpital et il m’emmène avec lui…
- Comme ça… De but en blanc… Du jour au lendemain…
- C’est pas toi qui disais qu’il fallait foncer ?…
- Oui, mais quand même !… Il y a foncer et foncer… Ca fait à peine quinze jours que vous le connaissez…
- A nos âges on se rend vite compte où on met les pieds…
- Oui… Oh, alors ça !… Et vous allez habiter avec ?…
- Evidemment !… Tu imagines tout de même pas…
- J’hallucine, là… J’hallucine complètement… Et pour votre boulot vous allez faire quoi ?…
- Voir si je peux obtenir ma mutation là-bas…
- Et si c’est pas possible ?…
- Je démissionne…
- Vous êtes folle… Cette fois vous êtes complètement folle… Et vous partez quand ?…
- Le 1er Novembre…
- Mais c’est dans…
- Trois semaines, oui…
- Et moi ?… Vous y avez pensé à moi ?…
- On s’écrira… On viendra se voir…
- Oui, oh alors ça !… C’est toujours ce qu’on dit dans ces cas-là… Et on le fait jamais…
- Mais si, tu verras !…
- Non… Non… Et vous le savez aussi bien que moi…