mercredi 11 décembre 2019

Sévères voisines


SÉVÈRES VOISINES

1-




Avec madame Beauchêne, notre nouvelle voisine, ma mère avait tout de suite sympathisé.
– C’est quelqu’un de très intéressant. Et puis, avoir élevé ses deux filles, comme ça, toute seule, elle a bien du mérite, la pauvre femme !
Ses deux filles, c’était d’abord Emma, une petite brune toute potelée, aux yeux noirs, au sourire mutin, à la poitrine conquérante. Qui avait toujours le mot pour rire. Et qui devait fêter ses vingt-deux ans en octobre.
– Comme toi, Raphaël ! Tout comme toi ! Vous êtes pour ainsi dire jumeaux.
Et Manon, de deux ans sa cadette. Brune aussi, mais à la poitrine plus sage, au regard plus velouté, à l’attitude plus réservée.
Elles ne me laissaient pas indifférent. Ni l’une ni l’autre. Elles me laissaient d’autant moins indifférent qu’elles me tenaient délibérément à distance. Rapports de bon voisinage, oui. Elles n’avaient rien contre. Mais c’était tout. Pas question de me laisser m’immiscer vraiment dans leurs vies. De quelque façon que ce soit. Ni de manifester un quelconque intérêt pour la mienne. C’était d’un irritant…

Célestine, ma petite amie de l’époque, les dénigrait tant et plus.
– Je les sens pas, ces filles ! Elles ont quelque chose de faux.
Emma surtout lui sortait par les yeux.
– Je suis sûre qu’elle saute sur tout ce qui bouge, celle-là. Et puis pour qui elle se prend ? C’est pas parce qu’elle travaille dans une parfumerie… C’est à la portée de n’importe qui de faire la vendeuse. Il y a vraiment pas de quoi pavoiser.
Quant à Manon…
– Ce genre de pseudo intello qui se la pète ! Études de psycho, tu parles ! Il y a longtemps que tout le monde sait que c’est du vent, la psycho. Et que ça mène à rien. En plus !
Elle pressentait un danger. À juste titre. Parce qu’elles m’émoustillaient, ces deux filles. De plus en plus. Un danger d’autant plus redoutable à ses yeux qu’elle poursuivait ses études à Paris, que c’était loin Paris, qu’on ne se voyait que le week-end tous les deux… Et encore pas toujours ! Elles avaient donc le champ libre, ces voisines. Et Célestine craignait le pire.
– Ce serait bien le style à vouloir te mettre le grappin dessus, ces deux-là !
C’était aussi l’avis de ma petite sœur, Camille, qui, du haut de ses dix-huit ans, a tranché.
– C’est des nids à histoires n’importe comment, ces filles… C’est à fuir comme la peste.

En août, elles sont allées toutes les trois, la mère et ses deux filles, passer une semaine de vacances au Grau-du-roi.
– Si ça vous ennuyait pas, si c’était pas trop vous demander d’aller nourrir le chat ? Et de m’arroser les plantes vertes ?
– Bien sûr ! Bien sûr ! Raphaël ira. Ça l’occupera. Il est en vacances.
Et je me suis, avec la bénédiction de madame Beauchêne, faufilé le cœur battant dans leur univers.
J’ai poussé la porte de la chambre d’Emma. Sur le lit une peluche de Minnie était profondément endormie. Les murs étaient tapissés de photos. Photos d’elle. Riant aux éclats. Plongeant debout, en se pinçant le nez, dans une piscine. Photos d’inconnus. Photos de boîte de nuit. Photos. Photos. Des centaines de photos. Sur une étagère trônaient toutes sortes de bibelots que j’ai examinés, les uns après les autres, avec curiosité.
Chez Manon, c’était plus austère. Des livres. Beaucoup de livres. Des revues, jetées en vrac un peu partout. Un grand poster de Freud. Et une vitrine tout entière consacrée aux États-Unis. Drapeaux. Cartes. Statue de la Liberté. Taxi modèle réduit.

Les jours suivants, je me suis enhardi. J’ai ouvert leurs placards, visité leur dressing, voluptueusement plongé les mains dans leurs tiroirs à sous-vêtements que j’ai laissés interminablement couler entre mes doigts.
Je me suis longuement attardé dans la salle de bains. Elles y avaient été nues. Elles y seraient encore nues. J’ai fermé les yeux. J’ai imaginé l’eau ruisselant sur leurs corps, leurs mains dessus, leurs fesses, leurs seins. Je me suis éternisé en leur compagnie.
Quand j’en suis sorti, mon regard s’est machinalement porté sur la fenêtre. Et sur le store. Qui était baissé. Je suis revenu sur mes pas. Je l’ai relevé. Examiné. Il aurait suffi de deux petits bouts de règle glissés, de chaque côté, dans la rainure pour l’empêcher de descendre tout-à-fait. Deux centimètres. Deux tout petits centimètres à peine. Et j’aurais une vue imprenable sur tout ce qui se passait dans cette salle de bains.

Le lendemain, c’était fait.


2-


Ce fut Manon la première. Le soir même de leur retour.
La nuit venait de tomber. J’attendais, fébrile, le cœur dans les tempes, au fond du jardin. La fenêtre de la salle de bains s’est enfin éclairée. D’un bond, j’ai sauté la clôture et j’ai gagné, le plus silencieusement possible, mon poste d’observation.
Manon… Elle était nue, debout dans la baignoire. Elle me tournait le dos. Et j’ai pu me repaître tout à loisir de deux amours de petites fesses bien fermes, bien musclées, sur lesquelles et entre lesquelles le gant de toilette a longuement couru. Elle ne s’est pas retournée. Elle a enjambé le rebord de la baignoire et elle a disparu de mon champ de vision. Éteint. C’était fini.
Je suis rentré la tête – et le reste – en feu. Ravi de ce que j’avais vu, mais, en même temps, profondément frustré de ne pas avoir pu en voir davantage.

Son tendre minou, jalousement refermé sur ses secrets, recouvert d’une fine résille bouclée, ses jolis seins menus, aux larges aréoles foncées, je n’ai pu, les jours suivants, les apercevoir que furtivement, rapidement, trop rapidement, à deux ou trois reprises. Elle se douchait en effet systématiquement dos à la fenêtre. Ces rares moments tant espérés, où elle me livrait enfin brièvement davantage, n’en étaient que plus précieux.

Emma, elle, se tournait et retournait, dans un sens, dans l’autre, sous le jet. Tant et si bien qu’elle m’offrait généreusement, les uns après les autres, tous ses trésors. Ses seins lourds, amples, veinés de bleu, aux pointes arrogantes, dodelinant et oscillant doucement. Son encoche toute lisse qui laissait d’adorables et tendres morceaux de chair pointer délibérément le nez au-dehors. Ses fesses replètes, joliment rebondies qui s’offraient délicieusement et longuement à mes regards.

Il y avait aussi Madame Beauchêne. J’avais eu scrupule, au début, à lui faire subir le même traitement qu’à ses filles, mais j’avais fini par m’enhardir et par prendre infiniment de plaisir à la contempler, elle aussi. De façon beaucoup plus cérébrale. Elle avait certes la cinquantaine extrêmement alléchante, mais ce qui me séduisait surtout, c’était l’idée que je me repaissais des charmes d’une femme qui avait le double de mon âge. Et même un peu plus.

On s’enfonçait dans l’automne. Ce qui signifiait que la nuit tombait de plus en plus tôt et que le jour se levait de plus en plus tard. L’obscurité me dérobait à d’éventuels regards extérieurs. J’avais donc du temps. De plus en plus de temps. Du temps pour les voir nues, oui, bien sûr, mais aussi pour les voir se livrer, avec ravissement, à toutes les activités auxquelles une femme s’adonne dans le secret d’une salle de bains.

Et puis, il y a eu ce soir-là. Le dix-huit octobre. La soirée était d’une douceur exceptionnelle. Je venais d’assister à la toilette d’Emma. Manon lui avait aussitôt succédé. Je la regardais. De tous mes yeux. Et j’espérais. Comme chaque fois que c’était elle. J’espérais qu’elle allait enfin s’offrir à moi longuement de face. Oh, s’il te plaît ! S’il te plaît !
Une main s’est brusquement abattue sur mon épaule. J’ai sursauté. Je me suis retourné, terrifié. C’était Madame Beauchêne.
– Non, mais faut pas te gêner !
– Oui… Non… Mais c’est parce que… C’est-à-dire que…
– Que quoi ?
Que rien. Rien. Qu’est-ce que je pouvais dire ? Quelle excuse invoquer ? Je suis resté piteusement silencieux, tête basse.
– Ah, elle va être contente, ta mère, quand elle va apprendre ça…
Ma mère ?
Je le suis fait suppliant.
– Oh, non, non ! S’il vous plaît ! Pas ma mère !
Elle a coupé court.
– Passe chez moi demain matin. On réglera ça. Et tâche de pas oublier.
Je suis rentré à la maison anéanti.


3-


J’ai sonné. Et attendu. Longtemps.
– Ah, c’est toi… Eh bien entre ! Assieds-toi !
Ce que j’ai fait, du bout des fesses, tout au bord du fauteuil.
– Tu veux du café ?
– Non. Non. Je vous remercie.
Elle s’est installée en face de moi, a croisé les jambes, tourné longuement sa cuiller dans sa tasse, relevé enfin la tête.
– Tu fais quoi au juste comme études ?
– Droit.
– Et pour devenir quoi, si c’est pas indiscret ?
– Je sais pas encore trop au juste. J’aimerais bien juge, si je peux.
– Juge ? C’est bien, ça ! C’est même très bien. Tu vas peut-être pouvoir me renseigner, du coup. Les petits vicieux qui s’introduisent dans les propriétés privées pour surprendre les jeunes filles sous la douche, ils encourent quoi comme sanction ?
J’ai rougi. Je me suis troublé. J’ai lamentablement bafouillé.
– Je… C’est-à-dire… En fait… Je m’excuse… Je le ferai plus, je vous promets…
– Oui, t’en sais rien, quoi ! Je demanderai à ta mère. Sûrement qu’elle doit être au courant, elle. De toute façon, il va bien falloir que je lui dise à quoi son grand fils, qu’elle porte aux nues, passe ses soirées.
– Faites pas ça ! Je vous en supplie.
– Il fallait y réfléchir avant. Ta petite amie aussi d’ailleurs. Comment elle s’appelle déjà ?
– Célestine.
– Célestine, c’est ça, oui. Célestine aussi, il va bien falloir qu’elle apprenne à quelles activités tu te livres en son absence. Ah, ben si, si ! Normal qu’elle sache, avant de s’engager plus avant avec toi, quel genre d’individu tu es exactement. Non ? Tu ne crois pas ?
– Elle me quittera, si elle sait ça. Elle va me quitter.
– Il y aura aussi ta sœur à prévenir. Qu’elle sache que t’as les yeux qui traînent. Un peu partout. Et en permanence. Ah, elle va avoir bonne opinion de son grand frère, ta sœur ! Et tes petites camarades à la fac, elles aussi, il va falloir les mettre en garde. C’est la moindre des choses. Qu’elles se méfient. Qu’elles se protègent. Oh, mais ça, Manon s’en occupera. Elle a des copines qui font droit, elles aussi. En attendant, ça va en faire du monde à prévenir, dis donc ! Ta mère, ta petite amie, ta sœur, tes camarades de fac… À moins… À moins qu’on ne trouve un arrangement tous les deux. Entre nous.
Un arrangement ? Oh, oui, oui ! Tout ce qu’elle voulait. Absolument tout ! Pourvu qu’elle ne dise rien. Qu’elle n’en parle pas. À personne.
– Dans ces conditions… Une bonne fessée. C’est largement mérité, avoue ! Une bonne fessée et on n’en parle plus.
Hein ? Une fessée !
– Mais j’ai vingt-deux ans !
– Oui. Et alors ? C’est pas une raison. Au contraire. Ce n’en sera que plus mortifiant. Et donc plus profitable. Bon, mais allez ! Assez perdu de temps. J’ai pas que ça à faire. Alors tu te déculottes. Et tu te dépêches. Sinon, avant midi, ta mère est au courant. Et ce ne sera qu’un début.
Est-ce que j’avais le choix ? Non. Et je me suis résolu, la mort dans l’âme, à en passer par où elle voulait. Je me suis déshabillé. En lui tournant le dos. Le pantalon. Le boxer.
– Bon, ben viens là maintenant.
Elle m’a regardé approcher avec un petit sourire en coin.
– Allez !
M’a fait basculer en travers de ses genoux, m’a calé.
– Accroche-toi ! Ça va être long.
Ça a été long. Très. Pas très fort au début, mais méthodique. Une fesse après l’autre.
– Là ! Et maintenant que le terrain est réceptif…
Maintenant ? À plein régime. À plein volume. À toute allure.
Ça a crépité. Ça m’a piqué. Ça m’a cuit. Ça m’a brûlé.
– Oh, tu peux gigoter. Tant que tu veux. Si tu crois que ça va m’apitoyer.
Et c’est tombé de plus belle.
– Braille ! Braille ! Tant que tu veux. Personne peut t’entendre.

Ça s’est enfin arrêté.
– Là ! Tu peux te reculotter. C’est tout. Pour le moment. Mais passe ce soir…
– Ce soir ?
– Ce soir, oui. Prends pas cet air idiot. Et tâche de pas oublier parce que sinon…


4-


J’ai passé une journée épouvantable. D’abord parce que mon derrière était un véritable brasier. Il me lançait en permanence. Et il était sensible d’une force ! Le moindre frottement de vêtements constituait une véritable torture. Et m’asseoir était un calvaire.
Mais il y avait pire. Il y avait ce sentiment de honte profond, ravageur, qui ne me lâchait pas. Qui m’habitait, lancinant. Qui m’a accompagné toute la matinée. Et toute l’après-midi. J’avais été fessé, cul nu, par cette madame Beauchêne. Je revoyais la scène. Je la revivais. En boucle. J’avais été puni comme un gamin infernal. Et j’avais gémi. Et j’avais crié. Et j’avais pleuré. Quelle humiliation ! Je lui en voulais de me l’avoir imposée. Je m’en voulais de l’avoir méritée. J’en voulais à ses filles de m’avoir donné la folle envie de les voir nues. Et d’en avoir subi les conséquences. J’en voulais à la terre entière.

Elle m’avait fixé rendez-vous. Pour le soir même. « Et tâche de pas oublier parce que sinon… » Sinon quoi ? Plus les heures passaient et plus mon inquiétude grandissait. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien me vouloir ? Qu’est-ce qu’elle me voulait ? Elle n’allait tout de même pas me remettre une autre fessée par-dessus la première ? Ah non, non ! Il n’en était pas question. Je ne le supporterais pas. Et je m’offrais à moi-même le spectacle de ma rébellion. Je lui tenais tête à cette madame Beauchêne. Je lui disais ma façon de penser. Je la mettais plus bas que terre. Je triomphais d’elle. Avant de hausser intérieurement les épaules. Quel idiot tu es ! Tu feras ce qu’elle voudra. Tout ce qu’elle voudra. Et tu le sais très bien. Tu n’as pas d’autre solution. Tu es pieds et poings liés entre ses mains.

* *
*

– Entre ! C’est ouvert.
Elle a posé son livre sur ses genoux.
– Alors ? Pas trop mal ?
J’ai esquissé une grimace.
– Oui, hein ! Mais c’était le but. Histoire que ça te serve de leçon. Une bonne fois pour toutes.
Elle s’est levée.
– Fais voir !
Je n’ai pas discuté. Je n’ai pas résisté. À quoi bon ? Elle aurait de toute façon fini par m’y contraindre. Elle disposait des arguments qu’il fallait.
Et j’ai baissé mon pantalon. Puis mon boxer.
– Hou là, oui ! Comment tu dois déguster !
Elle a passé un doigt. Sur tout le pourtour. Au milieu. Encore le pourtour. Encore le milieu. Elle l’y a enfoncé.
J’ai étouffé un gémissement.
– Viens ! Viens prendre une douche. Ça te soulagera.

Et on s’est retrouvés tous les deux dans la salle de bains.
Je me suis déshabillé. J’ai enjambé le rebord de la baignoire. En lui tournant le dos. Et je me suis aspergé. Là où ça me brûlait. Toujours en lui tournant le dos. C’est vrai que ça faisait du bien. Un bien fou.
Quelque chose a tapé sur le carreau. Ça a recommencé. Une deuxième fois. Plus fort.
– Qu’est-ce que c’est que ça ?
– Quoi donc ?
Un troisième fois.
– Ah, ça ? C’est mes filles. Manon. Et Emma. Chacun son tour de se rincer l’œil. C’est normal, non, tu crois pas ?
Je me suis précipitamment retourné.
Elle a éclaté de rire.
– Oui, oh, c’est pas la première fois qu’elles voient une queue, tu sais. Et la tienne, il y a vraiment pas de quoi crier au miracle. Mais t’as raison. Montre-leur ton joufflu. Qu’elles voient comment je te l’ai joliment arrangé.


5-


J’étais au resto U, le nez plongé dans un bouquin.
– Je peux ?
Elle n’a pas attendu la réponse, la fille. Elle a posé son plateau.
J’ai levé la tête, je l’ai regardée et je suis devenu écarlate. C’était Manon.
Manon qui a pris tout son temps pour s’installer en face de moi.
– Alors ?
Ben alors, elle, en psycho, je savais pas, mais moi, en droit, c’était franchement pas intéressant. Que du par cœur. Ou pratiquement.
Elle m’a fixé droit dans les yeux.
– Ça te brûle ?
Inutile de faire semblant de ne pas comprendre. Inutile. Et ridicule.
J’ai bredouillé.
– Un peu, oui.
– Un peu ? Tu parles que, vu l’état dans lequel tu l’avais encore hier soir, je suis bien tranquille que ça doit te cramer un max. Une fessée comme ça, il va bien te falloir trois ou quatre jours pour t’en débarrasser.
J’ai jeté des regards affolés tout autour de moi.
– T’inquiète ! Ils font pas attention. Ils s’occupent pas de nous. En attendant, reconnais quand même que tu l’as pas volée. Non ?
Je l’ai admis. Du bout des lèvres.
– Ah, si ! Si ! Et même que c’est pas cher payé. Parce que c’est dégoûtant ce que t’as fait. Vraiment dégueulasse.
J’ai fui son regard.
– Et ça faisait combien de temps que tu nous reluquais comme ça en douce ?
– Oh, pas beaucoup.
– Combien ?
– Une semaine. Peut-être un peu plus.
– Menteur ! C’est forcément au mois d’aôut que tu l’as trafiqué le store. Quand on n’était pas là. Donc, ça fait deux mois. Plus de deux mois. T’es vraiment une enflure, toi, hein !
Elle a chiffonné sa serviette, l’a jetée dans son assiette.
– Oh, mais ça va pas se passer comme ça ! On en parlait encore hier soir, Emma et moi. Parce que ma mère, c’est une chose. Elle a réglé ses comptes avec toi. Bon, mais pas nous. Et tu sais ce qu’elle pense, ma sœur ? C’est que nous aussi, on devrait t’en flanquer une de fessée. Que ce serait la moindre des choses. Pas tout de suite. Que ça s’estompe sur ton derrière. Et que ça te laisse le temps de mariner. Mais on le fera. Ça, c’est sûr qu’on le fera.
Une fille l’a hélée, près de la fenêtre, à droite.
– Manon !
– J’arrive !
Elle s’est levée.
– De toute façon, ça vaut beaucoup mieux, pour toi, qu’on s’occupe de ton cas que si on allait clabauder à droite et à gauche. Surtout maintenant qu’en plus de raconter que tu fais le voyeur, on pourrait aussi chanter sur les toits que tu t’es pris une fessée. Et une bonne ! Avec tous les détails.
Elle m’a fait un petit signe de la main.
Et elle est allée rejoindre l’autre fille.
Elles se sont éloignées bras dessus bras dessous, dans un grand éclat de rire.


6-


Ma sœur est venue me chercher dans ma chambre.
– Elles t’attendent à côté.
J’ai respiré un grand coup. Ça y était. J’allais y avoir droit. Ça y était. Une semaine… Plus d’une semaine que je le redoutais, ce moment-là.
– J’y vais.
L’air faussement indifférent.
– Et t’as pas intérêt à traîner à ce qu’il paraît.
– Oui, ben j’y vais, j’te dis !
– Qu’est-ce qu’elles te veulent ?
– J’en sais rien…
– Elles avaient pourtant l’air de penser que si. Que tu savais…
– Eh bien, non, tu vois.
– Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi tu veux pas le dire ?
– Mais rien. Il se passe rien.
– Si ! Je suis sûre que si !
– Oh, tu m’agaces, Camille, à la fin ! Fous-moi la paix !

* *
*

C’est Manon qui m’a ouvert.
– Tiens, le voisin ! Qu’est-ce tu fais là ? Tu passais dans le coin ? Eh ben, entre ! Reste pas planté avec cet air idiot…
Madame Beauchêne a constaté
– Oh, mais t’as couru ! T’es tout essoufflé. Fallait pas. C’était pas à deux minutes près non plus. Bon, mais tu sais ce qui t’attend, j’imagine…
J’ai fait signe que oui. Oui.
Elle m’a pris par le bras, entraîné dans la salle de séjour.
– À genoux !
J’ai marqué un long temps d’hésitation.
– Ah, tu vas pas recommencer, écoute ! J’ai pas de temps à perdre. Et pas envie de répéter dix mille fois la même chose. Alors ou tu en passes docilement, sans murmurer ni tergiverser, par nos exigences, à mes filles et à moi, ou bien, dans le quart d’heure qui suit, je mets mes menaces à exécution. À tes risques et périls.
Je me suis agenouillé.
– Eh bien voilà ! Tu vois quand tu veux… Bon. Maintenant tu te déculottes. Allez !
Je me suis exécuté. Devant les deux filles qui me considéraient d’un air goguenard. Et qui cherchaient mes yeux.
– Le haut aussi. Il te cache les fesses.
Le haut aussi.
– Et maintenant tu vas demander pardon à mes filles de ton inadmissible comportement à leur égard.
– Pardon !
– Pardon, qui ?
– Pardon, Manon ! Pardon, Emma !
– Parfait !
Elles sont passées toutes les trois derrière moi. Il y a eu des chuchotements. Des rires. Encore des chuchotements.
Et puis ça m’a cinglé. D’un coup. Un martinet. J’ai poussé un cri. Sous l’effet de la surprise. Il y a eu d’autres coups. Aussitôt. Forts. À rythme irrégulier. Imprévisible. Ça tombait. En haut des fesses. En bas. Au milieu. Sur toute la surface. Partout. Ça a continué. Longtemps. C’est revenu. Mordant. Cuisant. Aux mêmes endroits. Douloureux. Tellement. Insupportable. J’ai gémi. J’ai crié. Sans retenue. Sans pudeur. Je suis tombé sur les coudes, les fesses pointées vers elles. Encore quatre ou cinq coups. Vigoureux. En bouquet final.
Et puis la voix de Madame Beauchêne.
– Là ! C’est fini. C’est tout. Pour aujourd’hui.


7-


Camille m’attendait.
– Alors ?
– Alors quoi ?
– Qu’est-ce qu’elles te voulaient ?
– Oh, rien ! Des conneries.
– Quelles conneries ?
– J’ai pas envie d’en parler.
– Oui, mais moi, j’ai envie de savoir.
C’était vraiment pas le moment.
– Lâche-moi ! Mais lâche-moi, putain ! Tu vas me lâcher ?
Et j’ai pris la direction de ma chambre.
Elle m’a crié, d’en bas.
– Oh, mais je saurai. N’importe comment je saurai.

Aussitôt la porte refermée, je me suis déshabillé. Enfermée, compressée dans mon boxer, ma fessée s’y débattait, y bouillonnait. J’en suis précipitamment sorti et je me suis jeté à plat ventre sur mon lit.
Les garces ! Non, mais quelles garces ! Oh, mais ça allait pas se passer comme ça ! Sûrement pas ! J’allais… J’allais quoi ? Je savais pas, mais j’allais… Ça c’est sûr que j’allais leur faire payer cette humiliation. Au centuple. Comment ? Je l’ignorais, mais je trouverais bien. D’une façon ou d’une autre, je trouverais…
J’ai fini par hausser intérieurement les épaules. Pauvre idiot ! Tu ne ferais rien d’autre qu’aggraver ton cas, que leur fournir des armes supplémentaires contre toi. Tu es pieds et poings liés entre leurs mains. Par ta faute. Prends-en une bonne fois pour toutes ton parti. Et fais profil bas si tu ne veux pas qu’elles te martyrisent à qui mieux mieux le popotin.

Ça me battait dans les fesses. Ça me lançait. Ça me cuisait. Elle n’y était vraiment pas allée de main morte, celle qui avait manié le martinet. Laquelle c’était d’ailleurs ? Manon ? Emma ? Leur mère ? Je n’en avais pas la moindre idée. Je n’avais pas le moindre indice. Ça pouvait être n’importe laquelle d’entre elles. Tout le temps que ça avait duré, elles étaient restées toutes les trois derrière moi. Alors laquelle ? Est-ce que ça avait une importance finalement laquelle ? Aucune. De toute façon, le résultat était là. Oui, mais quand même ! Quand même ! Il y avait quelque chose, en moi, qui voulait savoir. Qui tenait absolument à savoir. Qui s’y est essayé. En vain.

J’ai fini par vaguement m’assoupir.
C’est un petit sifflement stupéfait, derrière moi, qui m’a tiré d’un semi-sommeil dans lequel j’avais finalement sombré.
Camille. C’était Camille.
– Oh, la vache ! Dans quel état elles te l’ont mis !
Et elle s’est absorbée dans la contemplation de mon postérieur tuméfié.
Me retourner ? Je ne gagnais pas forcément au change.
Elle n’en revenait pas.
– Oh, dis donc ! Non, mais dis donc ! Cette tannée !
– Oui, bon ben ça va !
– C’est elles à côté, hein ?
– Si on te le demande…
– Si, c’est elles ! Je suis sûre que c’est madame Beauchêne. C’est à cause de quoi ? Tu veux pas le dire ? Je le sais n’importe comment ce qui s’est passé. C’est cet été. Quand t’allais chez elles pour le chat. Et les plantes. T’en as profité pour piquer des trucs. C’est ça, hein ?
– Mais jamais de la vie !
– Bien sûr que si que c’est ça. Qu’est-ce ça peut être d’autre ? Et elles t’ont laissé le choix. Ou bien elles t’en collaient une ou bien elles portaient plainte. Oh, mais t’as bien fait. Parce qu’une plainte, ça t’aurait suivi toute ta vie. Ça t’aurait collé à la peau. Tandis que là… Un mauvais moment à passer. Et puis voilà…
Elle s’est éloignée. Retournée sur le pas de la porte.
– T’inquiète pas ! Je dirai rien.
C’était l’essentiel.


8-


Encore elle !
Manon.
Venue s’installer en face de moi, au resto U, avec un grand sourire.
– Ça baigne ?
Ça allait, oui. Je lui ai dit que ça allait. Du bout des lèvres.
– On dirait pas…
– Oh, si, si !
– Tu te demandes, je suis sûre qui c’était, hier, avec le martinet. Non ?
– Un peu.
– Et alors ? À ton avis, c’était qui ?
Je n’en avais pas la moindre idée.
– Dis toujours !
– Toi ?
– Non. C’était pas l’envie qui m’en manquait, vu la façon inqualifiable dont tu t’es comporté, mais non ! C’était pas moi. C’était Emma. Tu peux t’attendre, d’ailleurs, à ce qu’elle remette ça incessamment sous peu. D’abord parce qu’elle est hyper remontée contre toi ! « Quand je pense que cet espèce de petit salaud, il m’a matée pendant des semaines et des semaines dans la salle de bains ! Il va me le payer ! Ah, ça, je peux vous dire qu’il va me le payer » Et ensuite, et peut-être surtout, parce que ça l’a beaucoup amusée de te tanner le cuir. « Comment il gigotait du croupion, vous avez vu ça ! Et comment il le crispait, son petit cul, en attendant que ça tombe. Sans compter tous ces couinements qu’il nous poussait. Oh, non, non, il était trop drôle ! » Et faut reconnaître que tu payais. Ça, difficile de dire le contraire.
J’ai piqué du nez dans mon assiette.

Une fille a longé notre table et lui a adressé un petit clin d’œil au passage.
– C’est Jasmine, elle ! Je lui ai raconté.
– Tu lui as raconté… Mais tu lui as raconté quoi ?
– Ben, pour hier, tiens !
– Mais…
– Mais quoi ?
– Elle avait dit, ta mère…
– Qu’on en parlerait pas. Je sais, oui ! On n’en parle pas. À personne. Oh, mais fais pas cette tête-là ! Jasmine, c’est pas pareil. Ça n’a rien à voir, Jasmine. On peut avoir confiance. Elle dira rien. J’en réponds comme de moi-même.
Elle a fait rouler une boulette de mie de pain entre ses doigts.
– En douce qu’elle a trop aimé que je lui raconte. Elle arrêtait pas de me demander des tas de détails. C’est pour ça, je lui ai promis. Je lui ai promis que le jour où je t’en donnerai une, on lui fera voir le résultat après. Juste après. Quand c’est encore tout chaud. Tout neuf. Elle arrivait pas à y croire. « Il voudra peut-être pas. » J’ai été très claire. « Il a pas à vouloir ou à pas vouloir. Il a à accepter. Point. Barre. Sinon… Tout le monde sera aussi sec au courant. Et alors là ! » Elle a hâte du coup. Mais pas moi. Moi, je suis pas pressée. Au contraire. J’aime bien savourer l’idée avant. Y penser. M’imaginer comment ça va se passer. Une chose est sûre en tout cas. Ce sera pas le martinet. Ce sera à la main. Et en travers de mes genoux. Comme un gamin. Et c’est moi qui te déculotterai. Ce sera bien plus vexant pour toi.
Elle a jeté la boulette dans mon assiette.
– Et ça durera. Je peux te dire que ça durera. Que ça montera tout du long en puissance. Et que tu pourras pas t’asseoir d’un moment.
Elle s’est levée.
– Faut dire que t’as cherché aussi ! Et pas qu’un peu !
A repoussé sa chaise.
– À bientôt. Passe une bonne journée !


9-


Je vivais en permanence sous la menace. L’envie de me coller une fessée pouvait s’emparer à n’importe quel moment de n’importe laquelle d’entre elles. Emma qui, aux dires de Manon, était tout particulièrement remontée contre moi et n’avait pas le moins du monde l’intention de passer dès à présent l’éponge. Ou bien Manon elle-même qui prenait tout son temps, mais qui m’avait clairement laissé entendre que je ne perdais rien pour attendre. Ou bien encore Madame Beauchêne qui ne s’était pas gênée pour me dire qu’elle me tenait pour un gamin vicieux avec lequel il fallait se montrer résolument intraitable. Faute de quoi mes mauvais penchants reprendraient le dessus et je récidiverais inéluctablement à la première occasion.

Je passais donc chacune de mes journées dans l’appréhension que ce soit celle-là, qu’elle ne se termine pas sans que j’aie eu droit à une correction. Ah, il me coûtait cher, très cher, le plaisir que j’avais pris à me gorger de la nudité de mes voisines des semaines durant. Est-ce que je regrettais ? Je regrettais, oui. De m’être fait prendre. De m’être exposé à recevoir, sans pouvoir m’y soustraire, de retentissantes et humiliantes fessées. De ne plus pouvoir profiter de leurs charmes dont je caressais encore et encore le souvenir, le soir, dans mon lit, avec infiniment de nostalgie.

Ce fut un jeudi. En début d’après-midi. Je rentrais de la fac. Il neigeait à plein temps. Madame Beauchêne m’a hélé par dessus le grillage.
– Eh bien alors ! On te voit plus.
C’était que…
– Tu es très occupé, oui, j’imagine ! La fac, tout ça ! Mais tu sais que les filles arrêtent pas de réclamer après toi ? Alors passe ce soir ! Ça leur fera plaisir.
Elle s’est retournée au bas de l’escalier.
– Tâche de pas oublier…
Voilà, ça y était. J’allais y avoir, une nouvelle fois, droit. Je me suis réfugié dans ma chambre, le cœur au bord des lèvres, mais, en même temps, paradoxalement, soulagé : c’était arrivé. Je n’allais donc plus avoir à appréhender que cela arrive.

Elles étaient là. Toutes les trois.
Et Emma a presque aussitôt attaqué.
– Je t’ai vu mardi.
Elle m’avait vu ? Ah, oui ? Où ça ? Moi, je l’avais pas vue.
– Et pour cause ! T’étais très occupé. Occupé à reluquer les fesses de toutes les nanas qui passaient à ta portée.
J’ai rougi. Et Madame Beauchêne a secoué la tête d’un air affligé.
– Ça te passera donc jamais ! Bon, allez ! Tu te déculottes…
– Mais…
– Il n’y a pas de mais qui tienne. Tu te déculottes, j’ai dit ! Et plus vite que ça !
Je l’ai fait. Je savais que si je renâclais, que si je faisais preuve de mauvaise volonté, la correction serait beaucoup plus appuyée encore.
J’ai retiré le bas. Tout en faisant remarquer…
– Va y avoir Célestine.
– Ah, elle vient, ta copine ?
– Demain soir elle arrive. Il y aura encore les marques. Forcément. Elle va s’apercevoir. Et vous aviez dit…
– Que si tu acceptais d’être puni, elle ne serait pas au courant. Exact, oui. Et je n’ai qu’une parole. Tu peux te rhabiller. Mais ce n’est que partie remise.
Emma a maugréé.
– Il est pas obligé de baiser non plus. S’ils baisent pas, elle se rendra compte de rien.
Sa mère a fait mine de ne pas entendre.


10-


Célestine était désolée. Vraiment.
– Mais je vais pas pouvoir venir. Parce que je sais pas vous, mais nous, on a de la neige comme de la neige.
– Ici aussi, oui.
– C’est impraticable. Je tiens pas à casser la voiture. Et moi avec.
– Fais pas d’imprudence ! Surtout fais pas d’imprudence !
– En plus, j’ai tout un tas de partiels la semaine prochaine. Faut que je bosse. Faut vraiment que je bosse.
Et on a remis à la semaine suivante.

Le samedi matin, Camille a surgi dans ma chambre avec, au coin des lèvres, un petit sourire ironique.
– Elles veulent encore te voir à côté.
– Tout de suite ?
– Ben oui, tout de suite. Pas dans six mois. Elles vont te flanquer une fessée, c’est ça, hein ?
Je n’ai pas répondu.
Elle a haussé les épaules.
– Mais si que c’est ça ! Bien sûr que c’est ça.

Madame Beauchêne était furieuse.
– Et menteur en plus !
– Mais non, mais…
– Mais si ! Tu le savais pertinemment qu’elle viendrait pas, ta copine. Seulement t’as voulu retarder les échéances.
J’ai eu beau protester de ma bonne foi. Elle devait venir. C’était prévu. Seulement la neige… Ses partiels…
Elle n’a rien voulu savoir.
– Tu as menti. Bon, mais tu te déculottes, mon garçon ! Et celle-là, je peux te dire que tu vas t’en souvenir.
C’est Manon qui a officié.
– Oh, ben oui, attendez ! C’est mon tour. Il y a que moi qui lui ai pas fait.
– Oui, mais alors tu tapes, hein ! Tu fais pas semblant.
– Ayez pas peur ! Il va pas être déçu du voyage.
Elle s’est assise.
– Viens là, toi !
En travers de ses genoux. Elle m’y a calé. Elle m’a posé une main sur les fesses.
– T’en as bien profité, hein, petit saligaud ! Tu m’as matée en douce sous toutes les coutures. Tu vas me le payer. Je peux te dire que tu vas me le payer !
Et elle a tapé. À plein régime. D’emblée. De grandes claques qui tombaient de haut. Puissantes. Sonores. Régulières.
Debout juste en face de moi, tout près, Emma suivait avec beaucoup d’attention le déroulé des opérations. Elle a cherché mes yeux. Je les ai détournés. Baissés. Elle m’a empoigné par les cheveux, obligé à relever la tête, à les lui donner.
Manon a encore accentué l’intensité des coups. Et le rythme.
Je m’étais juré de supporter stoïquement la correction. Elle ne m’arracherait pas un cri. Pas une larme. Je n’y ai pas tenu. Ça faisait mal. Trop mal. Tellement ! J’ai gémi. Je me suis lamenté. J’ai fini par crier. À pleins poumons. Et j’ai battu désespérément des jambes.
Une dernière cascade de coups. À toute volée. À pleine puissance.
– Là ! T’as cherché. T’as trouvé.
Et elle m’a laissé me relever.
Emma arborait un sourire moqueur.
– Oh, il a mal, le grand garçon ?

Madame Beauchêne a absolument tenu à ce que je reste boire un café avec elles.
– Mais si, t’as bien le temps !
Et elle a conseillé.
– Vaut mieux pas que tu t’asseois. Parce que dans l’état où il est, tu vas le sentir passer.


11-


Et, évidemment, au retour, Camille m’attendait, ça ! Dans le couloir.
– Tu t’en es pris une, hein ? Oh, si ! Si, t’en es pris une ! Rien qu’à voir ta tête !
– Chut ! Moins fort ! Maman…
– Elle peut pas entendre. La télé gueule.
J’ai filé dans ma chambre. Elle m’y a suivi.
– C’est quoi qui se passe au juste ?
– Mais rien ! Qu’est-ce tu veux qu’il se passe ?
– Je sais pas. Il y a bien un truc. C’est sans arrêt qu’elles veulent te voir à côté. Et à chaque fois tu te ramasses une fessée.
– Pas à chaque fois.
– T’en as pas eu une, là, peut-être ?
– Mais non !
– Menteur ! Fais voir !
– Non, mais ça va pas ? Et puis quoi encore ?
– Alors c’est que c’est vrai. Si tu veux pas montrer, c’est que c’est vrai.
– Tu penses ce que tu veux.
– Si tu fais pas voir, je descends lui dire à maman que t’en as eu une l’autre jour. Et sûrement aujourd’hui aussi. Tu t’expliqueras avec elle.
– T’es vraiment une sale petite peste.
– Fais voir ! Non ? Bon !
Et elle s’est dirigée vers la porte.
Mais c’est qu’elle en était capable, cette garce !
– Attends ! Attends !
Je lui ai tourné le dos. Et j’ai un peu baissé mon pantalon.
– Plus bas ! Je vois rien.
Plus bas.
– Encore ! Encore ou bien…
J’ai complètement dégagé les fesses.
– Là ! Voilà ! T’es contente ?
– Wouah ! C’est dingue comment elles sont rouges ! Tu dois déguster un max, non ?
Elle s’est penchée. Tout près.
– Comment j’aurais pas aimé, moi, en recevoir une comme ça !
– Bon. Ça y est ?
Et j’ai voulu me reculotter.
– Non ! Attends ! Attends ! J’ai pas fini de regarder. Qui c’est qui te l’a donné ? Madame Beauchêne ? Oui. Sûrement ! Eh ben dis donc ! Elle y est pas allée de main morte.
Elle s’est absorbée dans sa contemplation.
– Elle y étaient, les deux autres ? Elles ont assisté ?
– Non.
– Oui, oh, alors là, je suis bien tranquille. Bien sûr qu’elle y étaient. Et qu’elles ont tout vu.
Elle m’a laissé me reculotter.
– Elle est au courant, Célestine ?
J’ai hurlé.
– Tu vas pas lui dire ?
– En principe, non. En principe. Parce qu’on sait jamais à l’avance de quoi demain sera fait.
Elle a posé la main sur la poignée de la porte.
– Et tout ça, c’est parce que tu leur as piqué des trucs cet été ?
– Voilà, oui.
– Je n’en crois pas un mot. Il y a autre chose. Que tu veux pas dire. Oh, mais je saurai. Alors là, t’inquiète pas que je saurai.


12-


Je m’y attendais. J’en étais sûr. Sûr que Manon ne manquerait pas de venir s’installer, le lundi suivant, en face de moi au resto U.
Ce qui n’a pas loupé.
– Alors ? Qu’est-ce t’en penses de tout ça ?
Qu’est-ce que je pensais de quoi ?
– Fais bien l’imbécile ! Tu sais très bien de quoi je veux parler. Tu t’attendais pas à ce que la frêle petite Manon tape aussi fort, hein, avoue ! Et de façon aussi convaincue. Ben si, tu vois ! Même Emma elle en revenait pas. « Comment tu l’as soigné ! » Ma mère non plus. « Tu m’as impressionnée ! » Et c’est pas fini ! Quoi ! Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?
– Non. Pour rien.
– Parfaitement, c’est pas fini. T’as encore rien vu. La prochaine fois, ce sera pire. Je suis hyper motivée, là. Et de plus en plus. Non, parce qu’au début je trouvais qu’elle exagérait Emma, qu’il y avait quand même pas de quoi en faire tout un fromage. T’avais fait une connerie. Oui, bon, ben voilà. On marquait le coup et on passait à autre chose. Mais finalement, à force d’en parler avec elle et d’y réfléchir, j’ai fini par me dire qu’elle avait raison, tout compte fait. C’est absolument insupportable de penser que pendant des semaines et des semaines on a été surveillées, épiées, fliquées, qu’on n’avait plus le moindre moment d’intimité. Et ça passe pas. Ça passe vraiment pas. Je t’en veux. Tu peux pas imaginer à quel point je t’en veux.

Elle a repoussé son plateau.
– Bon, allez ! Tu finis ton assiette et on y va ?
– On va où ?
– Chez Jasmine, tiens ! Tu sais bien…
Je savais, oui. Je savais qu’elle avait promis à Jasmine que, quand elle aurait elle-même procédé à l’exécution, elle lui en montrerait le résultat. Je savais, mais j’espérais, en mon for intérieur, qu’elle avait oublié. Ou changé d’avis. Ce que je savais aussi, c’est que j’avais tout intérêt à en passer docilement par tout ce qu’elles auraient décidé, toutes les trois, si je ne voulais pas qu’elles mettent ma mère et surtout Célestine au courant. Ce que je ne voulais à aucun prix. Quant à ma sœur, elle, c’était fait. Sans qu’elles y soient pour rien.

Jasmine m’a examiné, des pieds à la tête, avec un petit sourire ironique.
– Il a pas l’air à l’aise.
– Et il va l’être encore moins.
Manon a dégrafé ma ceinture et m’a tout baissé, tranquillement, jusqu’aux chevilles.
– Tourne-toi !
Ce que j’ai fait.
Jasmine s’est esclaffée.
– Oh, la tête de la bavure ! Eh ben dis donc, si, après ça, il y remet le nez, à moi la peur !
– Avec les mecs, on peut s’attendre à tout.
– Ah, ça ! À qui le dis-tu !
– Mais enfin, lui, quand même, je pense qu’il est vacciné pour un bon petit moment.
– Surtout si vous multipliez les piqûres de rappel.
– On va pas s’en priver.
– Il y a que si… Il aime peut-être ça, va savoir, qu’on lui martyrise le popotin.
– Ah non, il aime pas ça, non !
– T’es bien sûr de toi !
– Oui, parce qu’un mec qu’aime ça, tu le vois. Et tu le sens quand tu l’as en travers de tes genoux. Mais là, la bêbête, elle était toute recroquevillée d’appréhension. Toute peureuse.
– Vu comme ça !
Manon m’a fait signe de me rhabiller.
– On y va.
Jasmine a protesté.
– Oh, non ! Pas déjà !
– Il a cours. Et moi aussi. Oh, mais je te le ramènerai la prochaine fois. Et on restera plus longtemps. Promis.


13-


Quand je suis rentré, ce vendredi soir-là, Madame Beauchêne était installée, en compagnie de maman, sur le canapé du salon.
– Ah, ben tiens, le voilà justement, votre grand garçon !
J’ai craint un instant le pire.
Mais non. Elles étaient tout sourire, toutes les deux.
– Notre voisine nous propose très gentiment de venir dîner demain soir chez elle…
– Demain soir ? Mais il y aura Célestine demain soir.
– Elle est également la bienvenue. Bien entendu.
– Oui, mais je la voyais pas beaucoup Célestine. Pas souvent. Et…
Elle ne m’a pas laissé terminer.
– Ah, ces amoureux ! Oh, mais ce sera le juste le temps d’une soirée. Vous aurez tout le reste du week-end pour roucouler.
Mieux valait ne pas insister. Mieux valait, dans ma situation, ne pas indisposer madame Beauchêne à mon égard. C’était beaucoup plus prudent. À tous points de vue.

Et on s’est tous retrouvés chez elle le lendemain soir. Devant un coq au vin.
La conversation a roulé un peu sur tout. La rue. Qui, il fallait bien le dire, était très calme. Comme le quartier, d’une manière générale. Non, vraiment, il y avait pas à se plaindre. Le seul point noir, c’était les commerces. Qu’étaient un peu loin. Et pas toujours bien achalandés. Mais enfin, globalement ça allait. Il y avait rien à dire.
– Et puis pour nos enfants, pour leurs études, ce sont des conditions de travail idéales.
Maman ne pouvait qu’approuver.
– Ah, pour ça, oui, il faut bien reconnaître que ce sont des privilégiés.
Madame Beauchêne a soupiré.
– À qui le dites-vous ! Quand on est entassés les uns sur les autres…
– Sûr que ça ne facilite pas les choses.
– Surtout quand les garçons ont décidé d’empoisonner la vie des filles. Non, Si vous saviez ce qu’elles me racontent quelquefois, là, toutes les deux ! C’est à n’y pas croire. Ils ont vraiment le vice dans la peau, certains. Tenez, par exemple, Manon a une petite camarade qui s’est récemment aperçue que le locataire du dessus, un étudiant comme elle, avait fait un trou dans le plafond de sa salle de bains pour l’épier sous la douche. Depuis des mois ça durait.
Elles se sont toutes récriées.
– Quel salopard !
– Quelle petite ordure !
Mon sang s’est glacé dans mes veines. Pourvu qu’elles n’aillent pas… Ah, non, hein ! Elles avaient promis.
Camille a claironné.
– Des mecs comme ça, faudrait leur couper les couilles, tiens !
Emma a hoché la tête.
– T’es carrément expéditive, toi, dis donc !
– Non, mais attends ! Il y a pas de raison de se laisser emmerder par des vicieux pareils.
– T’as pas tort. T’as pas forcément tort.
Ce qu’elle arrivait pas à comprendre, Madame Beauchêne, elle, c’était qu’il avait une petite amie…
– Et que, malgré tout…
– Ah, mais ça, il y en a, il y a rien qui les arrête.
Célestine est brusquement sortie de son silence.
– Oui, ben moi, mon mec, il me ferait un coup comme ça, ce serait fini entre nous. Et bien fini. Sans espoir de retour. Alors là !
Maman m’a posé la main sur le bras.
– De ce côté-là, avec Raphaël, tu n’as rigoureusement rien à craindre. C’est vraiment pas le genre à ça.
Elles ont toutes fait chorus.
– Oh, oui, c’est quelqu’un de bien, Raphaël, ça se voit tout de suite.
Emma et Manon se sont détournées pour rire.


14-


Le lundi matin, à huit heures et demi, j’avais un texto. De Manon.
– Arrive !
– Mais j’ai cours !
– On s’en fout. Arrive, j’te dis !

Elle était seule avec Emma.
– Maman a dû s’absenter. On va t’avoir que pour nous deux ce matin. Ça te fait plaisir ?
Oui. Enfin, non. Si ! Seulement…
Elles ont éclaté de rire.
– En tout cas, qu’est-ce qu’on s’est amusées l’autre soir ! T’aurais vu ta tête ! Ah, t’étais dans tes petits souliers, hein !
– Ça, faut reconnaître qu’il payait.
– Avoue que t’as cru qu’on allait le dire à un moment.
– Vous aviez promis.
– Ben oui, on avait promis, oui. Mais si ça nous avait toquées, d’un coup, de pas tenir notre promesse ? On aurait pu si on avait voulu.
– Et t’aurais été dans de sacrés beaux draps. J’imagine ta mère.
– Et ta copine.
– Ah, sûr qu’elles auraient été ravies d’apprendre que t’es une saloperie de petit pervers qui mate dans les salles de bains.
– Oh, mais t’inquiète pas, on le dira pas…
– À condition, bien sûr, que tu continues à te laisser bien gentiment punir. Aussi souvent et aussi longtemps qu’on le voudra.
– Comme maintenant, par exemple.
Et Emma s’est mise à jouer avec la boucle de ma ceinture.
– Te crispe pas comme ça ! À quoi ça t’avance, hein, tu peux me dire ?
Qu’elle a fait glisser le long des passants.
– Avec elle, je vais te le faire. Tu la verras d’un tout autre œil après, je suis sûre. Elle te rappellera des souvenirs.
Elle a déboutonné mon pantalon, fait glisser la fermeture Éclair et elle m’a tout descendu, en même temps, jusque sur les chevilles.
– Là ! Et maintenant tu te retournes. Tu me donnes ton derrière.
Ce que j’ai fait, à petits pas entravés.
– Et tu t’agenouilles, mains derrière la nuque.
J’ai obéi.
– Tu sais que ça te va très bien, cette position ? Très très bien…
Manon a abondé dans son sens.
– Oh, oui, alors !
– Prêt ?
J’ai gardé le silence.
– Je t’ai posé une question. Prêt ?
– Oui.
D’une toute petite voix.
– Plus fort !
– Prêt, oui.
Elle a cinglé d’un coup. À toute volée.
J’ai crié.
Un autre. Presque aussitôt. Un autre encore. Une multitude d’autres. À intervalles de plus en plus rapprochés.
Ça brûlait. Ça mordait. Ça déchirait. Ça faisait mal. Tellement.
J’ai hurlé. Tout du long. Sans la moindre retenue. Sans la moindre pudeur.
Elle s’est arrêtée.
– Tu commences une carrière de chanteur ?
Elles ont ri. De bon cœur.
– Tu bouges pas de là. Tu restes comme ça. Que je puisse contempler mon œuvre !
Et elles se sont installées derrière moi, sur le canapé. À chuchoter. À commenter. À être prises de grandes crises de fou rire.
Quand elles m’ont enfin libéré, il était midi.


15-


Camille est entrée en trombe dans ma chambre. En terrain conquis.
– Tu pourrais frapper quand même !
– Parce que ? Tu pourrais être à poil ? Oh, tu parles, je l’ai déjà vu, ton cul ! Et même… bien rouge.
Je me suis agacé.
– Bon, qu’est-ce tu veux ?
Elle s’est laissée tomber de tout son long sur mon lit.
– Rien. Rien de spécial. Juste discuter un peu. Entre frère et sœur. Tu faisais quoi, là ?
– Je bossais. Enfin, j’essayais.
– Oui, oh, t’as bien le temps. Eh ben moi, tu sais avec qui j’ai passé l’après-midi ? Devine…
– Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ?
– Manon.
– Ah…
– Elle est super sympa comme fille en fait. Qu’est-ce qu’on a parlé ! Et rigolé. Elle m’a dit pour ce matin. Que tu t’en étais encore pris une. Et sévère. T’as mal ?
– Ça va.
– Oh, alors là, ça m’étonnerait. À mon avis, tu dois déguster. Vu ce qu’elle m’a raconté. Comment elle t’a cinglé Emma. Et vu les grimaces que tu fais dès que tu bouges… Oh, mais je te plains pas, hein ! C’est largement mérité. Parce que toutes les histoires que t’es allé inventer, là, de soi-disant trucs que t’aurais piqués chez elles, cet été. Eh ben, elle m’a dit qu’il y a rien de vrai là-dedans. Que c’est du pipeau. Non, en fait t’es un gros cochon, mais ça, je m’en doutais. Rien qu’à la façon dont tu regardes les filles sur la plage. D’autres trucs aussi. Je suis sûre qu’au camping, l’an dernier, quand t’arrêtais pas de disparaître dans le petit bois derrière, t’allais mater quelque part. Il y a plein de choses qui me reviennent maintenant. Et mes copines ! Il y en a certaines, c’est clair qu’elles y ont attrapé. C’est dégueulasse. T’es vraiment dégueulasse. Mais putain, vous pouvez pas leur foutre la paix, vous, les mecs, au nanas ? Faut que vous soyez sans arrêt à baver derrière. C’est pas possible, ça ! Ah, non, elles ont mille fois raison, les voisines ! Qu’elles t’en mettent des branlées ! Qu’elles t’en mettent ! Tant et plus. Que ça te fasse passer l’envie d’aller emmerder le monde. Une bonne fois pour toutes. Si c’est possible. Parce que ça, c’est pas gagné. En tout cas, elles sont gentilles, j’trouve. Parce que moi, à leur place, j’aurais mis la mère et Célestine au courant.
Je me suis dressé d’un bond.
– Tu vas pas le faire ?
– Je suis pas une balance. Mais j’en pense pas moins.
Elle s’est relevée, approchée de la fenêtre, penchée.
– C’est sûr ? Tu vas pas le faire ?
– T’y retournes ?
– Où ça ?
– Ben, les mater, tiens ! Par la fenêtre de leur salle de bains.
– Oh, non, non ! Je pourrais pas n’importe comment. Elles l’ont arrangé, le store.
– Et comment tu le sais ?
– Je me doute. C’est ce que n’importe qui, à leur place…
– Mouais… Et d’autres filles, ailleurs ?
– Non plus, non.
– C’est ça… je vais te croire.
– Ah, si, si ! Je t’assure…
– Tu sais ce qu’elles pensent à côté ? C’est que, tant qu’elles vont te maintenir la pression, t’en coller comme t’en coller, tu vas filer droit. Par trouille. Qu’elles mettent la mère au courant. Et Célestine. Et plein d’autres gens avec. Mais que, par contre, le jour où elles lâcheraient l’affaire, où elles te laisseraient la bride sur le cou, tu recommencerais exactement comme avant. Pareil. Tu pourrais pas t’empêcher. Parce que c’est plus fort que toi. C’est pour ça : tu peux t’attendre à les avoir un sacré moment sur le dos… Et on peut pas leur donner tort.


16-


On m’a appelé sur le campus.
– Hou ! Hou ! Raphaël !
C’était Manon.
– Écoute ! Viens voir là !
Il y avait une autre fille avec elle.
– C’est Johanna. Une copine. Dis-lui !
Je l’ai regardée, interloqué.
Que je lui dise ? Mais que je lui dise quoi ?
– Ce qu’on te fait, Emma et moi. Elle veut pas me croire.
Je me suis dandiné, d’une jambe sur l’autre.
Que je…
– Ben alors ? Qu’est-ce t’attends ? Grouille !
J’ai baissé la tête.
– Elles me mettent des fessées.
– Ah, tu vois, Johanna ! Tu vois que c’est pas des mythos.
La fille a éclaté d’un rire moqueur. Offensant.
– Non, mais j’hallucine, là ! J’hallucine complètement.
– Et je peux te dire que pour être de la fessée, c’est de la fessée…
 Et il se laisse faire ?
– Bien obligé, tiens ! Il a pas le choix. S’il veut pas que ça s’ébruite ce qu’il a fait…
 Eh ben, dis donc !
Elle a encore ri.
Et elles se sont éloignées.

Au resto U, à midi, elle est venue, Manon, comme souvent, s’installer à ma table.
– Comment ça l’a impressionnée, Johanna, tout à l’heure ! Et toi, comment t’avais honte !
J’ai piqué du nez dans mon assiette.
– Regarde-moi ! Allez, regarde-moi !
J’ai relevé la tête.
Elle m’a fixé droit dans les yeux.
– J’adore ça quand t’as honte… Comme là encore, en ce moment.
Elle a croqué un radis. Un autre.
– Et il faut que t’aies honte. C’est le seul moyen pour te faire passer, une bonne fois pour toutes, tes sales habitudes. Il y a que ça qui marche avec un mec. La honte. Vous êtes tellement fiers. Tellement imbus de vous-mêmes. Et alors quand ça vient d’une nana. En plus! Oh, mais là, je peux te dire que je vais te la coller, la honte. Tant et plus. Tant et si bien que t’auras plus envie d’aller reluquer qui que ce soit dans les salles de bain. Ni ailleurs. Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Non. Rien.
– Mais si ! Il y a quelque chose. Je le vois bien. Alors accouche !
– Cette fille, là…
– Johanna.
– Oui.
– De quoi t’as peur ? Qu’elle sache pas tenir sa langue ? Mais non ! Tu penses bien que s’il y avait le moindre danger de ce côté-là… Non. J’ai une absolue confiance en elle. Tu verras par toi-même, d’ailleurs. Quand tu la connaîtras mieux.
– Comment ça, quand je la connaîtrai mieux ?
 Ah, ben oui ! C’est vrai, je t’ai pas dit. Je vais t’en coller une devant elle. Bientôt… Je lui ai promis, là, tout à l’heure, quand on s’est quittés. Je te dis pas comment elle a hâte. Elle s’en fait une de ces fêtes ! Et elle est moqueuse, Johanna, mais moqueuse d’une force ! Je sens qu’on va bien s’amuser.


17-


C’est un texto qui m’a tiré du sommeil. Un texto d’Emma.
 Amène-toi !
J’ai soupiré.
Ça n’en finirait donc jamais ? Évidemment, non. Ça n’en finirait pas. Il fallait que j’en prenne mon parti, une bonne fois pour toutes.
Le temps que je me lève, que je m’habille, que j’avale un café et j’en avais un autre.
– Grouille !

Elle m’a accueilli avec un large sourire.
– Alors ? Tout baigne ce matin, mon petit Raphaël ?
Elle était seule.
–  Je vais pouvoir profiter de toi tout mon saoul comme ça. C’est génial, non, tu trouves pas ? Bon, mais tu connais la musique. Tu te désapes. T’enlèves tout. Allez, action !
Elle m’a regardé faire et m’a jeté, à la fin, quand j’ai été tout nu, un long regard satisfait.
– Bon, ben voilà ! Mais assieds-toi ! Qu’on discute un peu. Qu’on prenne notre temps. Il y a pas le feu.
On a pris place. Face à face. Elle a croisé les jambes.
– T’appréhendes pas trop ?
– Ça va.
Elle a éclaté de rire.
– Menteur ! Ça se voit comme le nez au milieu de la figure que t’as la trouille ! Et pas qu’un peu. Chacun son tour, tu vois, d’avoir l’autre à sa merci. T’en as bien profité quand on était sans défense dans la salle de bains, bien obligées, malgré nous, sans le savoir, de subir tes sales regards sur nous. T’as aimé ça, nous reluquer. T’as pris ton pied. Eh bien c’est moi maintenant qu’adore ça t’avoir là, le zob à l’air, réduit à l’impuissance, en train de te demander quand ça va tomber, avec quoi, si ça va être long, si je vais taper fort et, surtout, de te dire que, quoi qu’il arrive, tu es absolument obligé d’en passer par où j’ai décidé. Par tout ce qui pourrait me toquer.
Un éclair métallique, d’un gris intense, est passé dans son regard.
– Lève-toi !
Je lui ai aussitôt obéi.
– Tourne-toi ! À genoux. Allez !
Elle a quitté la pièce. Est revenue. Repartie. Encore revenue. S’est approchée, tout près, est restée un long moment immobile derrière moi.
Et elle a cinglé, d’un coup, sans prévenir. Les lanières se sont abattues cinq ou six fois très vite, avec force. Je n’ai pas pu retenir mes cris.
– Ah, oui, c’est efficace le martinet, hein ? Très. Et puis alors qu’est-ce que ça imprime bien. Des traces de toute beauté, ça laisse. Vraiment… Bon, mais qu’est-ce que je fais maintenant ? Je retape systématiquement au même endroit ? Que ça pénètre bien. Que ça s’incruste. Ou bien je te le repartis sur tout le cul ? Que ça te chauffe sur toute la surface. Qu’est-ce tu préfères ? Dis-moi !
Ce que je préférais ?
– Oui. Tu t’en fous, quoi ! Eh bien allez, alors !
Et elle s’est déchaînée. Des cinglées. Une multitude de cinglées. À la volée. Sans interruption. Les une derrière les autres. Des cinglées qui m’ont mordu. Qui m’ont brûlé. Qui m’ont déchiré. Qui m’ont fait tomber sur le ventre. Et arraché d’interminables cris.

Elle m’a fait relever, tenu fermement par le bras tandis qu’elle contemplait l’état de mon derrière.
– Pas mal ! Pas mal du tout. Je suis fière de moi.
Elle m’a lâché.
– Tu sais quoi ? Jamais j’aurais cru ça de moi avant. Mais j’adore ça, en fait, fouetter. J’adore vraiment. Et ça m’émoustille. En plus.
Elle m’a lancé une petite claque sur la fesse.
– Rhabille-toi vite. Et file ! La suite ne te regarde pas.



18-


Camille me cherchait.
– Ah, t’es là !
Sous la douche.
– Je suis là, oui. Qu’est-ce tu veux encore ?
– Rien. Enfin, si ! C’est maman. Elle se demande. Elle s’inquiète pour toi. Et pour Célestine. « Parce qu’il y est sans arrêt fourré à côté, chez ces filles, là. Tu saurais rien, toi, Camille par hasard ? » Ben non, non. Qu’est-ce qu’elle voulait que je sache ? « Il me fait pas ses confidences. » Bref, tout ça pour dire qu’elle est persuadée qu’il y en a une qu’essaie de te prendre dans ses filets. Que ça la désole pour Célestine. « Elle est adorable, cette fille. Et puis ils vont tellement bien ensemble tous les deux… » Et qu’elle soupçonne que c’est Manon. « Ce serait bien le genre à ça. » Ce qui la fait beaucoup rire, Manon. « Moi ? Avec ton frère ? Oui, ben alors ça, il y a pas de risque. Pour plein de raisons. » Attends ! Attends ! Fais voir !
– Quoi ?
– Tu t’en es pris une sévère, on dirait. Fais voir ! Tourne-toi !
– Oh, c’est bon !
– Mais si, tourne-toi !
– Tu vas me fiche la paix, oui ? Tu vas me fiche la paix ?
– Je me demande ce qu’elle dirait, maman, si elle le savait ça, qu’elles te flanquent des fessées. Et pourquoi. Bon, alors, tu te tournes ?
Si elle l’apprenait maman… Mais c’est qu’elle était capable d’aller lui dire, cette garce !
Et je me suis tourné, la rage au ventre.
 Cette branlée ! T’as dû la sentir passer, celle-là, dis donc ! En tout cas c’est tout récent. C’était quand ? Hier, sûrement. Vu les couleurs et comment ça boursoufle par endroits. Oui, c’était hier. Non ?
– Ben oui, c’était hier, oui.
– Et c’était qui ? Pas Manon. On s’est vues tout à l’heure. Elle me l’aurait dit. Madame Beauchêne non plus. C’est à la main, elle, plutôt, qu’elle le fait. Reste Emma. D’autant qu’Emma, le martinet, c’est son truc, à ce qu’elle m’a dit, Manon. Oui, c’est Emma. C’est forcément Emma. Qu’est-ce t’avais fait ?
– Mais rien du tout, enfin !
– Ben, voyons ! T’as jamais rien fait, toi, si on t’écoute. Tu parles qu’elle t’a flanqué une correction, comme ça, pour rien. Mais bien sûr ! Je vais te croire. Non, t’avais encore dû laisser traîner les yeux où il fallait pas. Si c’est pas les mains. Elle t’a pris sur le fait. Et puis voilà. Pourquoi tu veux pas le dire ?
– Mais parce que c’est pas vrai !
– Et il insiste en plus ! T’as beaucoup crié ?
– Crié ? Mais j’ai pas crié !
– Alors là, je suis bien tranquille. Chaque fois tu cries. Comme un cochon qu’on égorge. Et tu gigotes tant et plus du derrière. Tu vas pas dire le contraire. Parce qu’on en a parlé, hier, avec Manon. Et ses copines.
– Comment ça, vous en avez parlé ? Avec quelles copines ?
– Ben, celles de la fac, tiens, tu sais bien ! Tu les connais. Jasmine. Johanna. Et puis une autre. Clémence qu’elle s’appelle. Elle était pas au courant, elle. Et elle en revenait pas. « Des fessées ? Des vraies fessées ? Cul nu ? » « Eh, oui ! » Et elle lui a raconté, Manon, du coup, avec plein de détails, comment tu fais bien la danse de la croupe. Et le Pavarotti. Ce qu’elle lui a dit aussi, c’est pourquoi elles t’en flanquent toutes les trois. Ce que t’as fait, là, à la fenêtre de la salle de bains. Sans compter sûrement tout le reste qu’on sait pas. Elle a trouvé, elle aussi, Clémence, comme les autres, que c’était largement mérité. Et même, vraiment pas cher payé. Parce que c’est insupportable les mecs dans ton genre, toujours derrière le cul des filles, à les emmerder, d’une façon ou d’une autre. Plus d’une heure on en a parlé de tout ça. Et je peux te dire que t’en as pris plein la tête, mais alors là, vraiment plein la tête. Ce que je peux te dire aussi, c’est que ce qu’elle leur a promis, là, de t’en flanquer une devant elles, elles attendent ça avec une impatience ! Et que c’est pour bientôt.
– Quand ? Tu sais quand ?
– Tu verras bien.


19-


Madame Beauchêne voulait me voir.
Décidément ! J’allais finir par passer ma vie à côté, moi ! Et par avoir le cul en permanence tuméfié.
Mais bon ! Est-ce que j’avais vraiment le choix ?

– Assieds-toi, mon garçon ! Il faut qu’on cause tous les deux. Qu’on fasse le point.
Elle était souriante, détendue. Presque amicale.
 Dis-moi ! Est-ce que tu continues ?
J’ai froncé les sourcils. Cherché à gagner du temps. Fait mine de ne pas comprendre. Est-ce que je continuais, mais est-ce que je continuais quoi ?
– Tu sais très bien de quoi je veux parler.
– Votre salle de bains ? Oh, non, non !
– Et ailleurs ? D’autres filles ? D’autres femmes ?
J’ai répondu très vite.
– Non plus, non.
– Ce qui veut dire que, dans ton cas, la fessée s’avère tout particulièrement efficace. Ce dont je me félicite. Parce que je sais, de source sûre, qu’avant ce malheureux épisode, tu traînais plus souvent qu’à ton tour dans un certain endroit où tu pouvais espérer surprendre de jeunes femmes, ou de moins jeunes d’ailleurs, dans le plus simple appareil. Et tu sais très bien de quoi je veux parler. Non ?
Je me suis dandiné sur ma chaise.
– Eh bien ? Réponds !
– Si ! Oui.
– Et de quoi ?
J’ai hésité.
– Des… Des douches de la piscine ?
– Ah, parce que là aussi ! Mais non. Non. Ailleurs !
C’était quoi ? Qu’est-ce qu’elle savait ?
– J’attends !
J’ai hasardé.
– Les vestiaires de la salle de sport ?
– Non plus, non. T’es un grand voyageur, toi, dis donc ! Non. Encore ailleurs.
Il ne restait plus que…
– Les cabines d’essayage, au rayon lingerie ?
– Ah, ça te tient, hein ! Tu passes ta vie à ça en fait ! C’est quasiment devenu un métier à temps plein pour toi. Bon, mais en attendant tu m’as menti tout à l’heure. Tu continues. Tu y retournes.
– Non, je vous assure…
– Regarde-moi ! Dans les yeux. Regarde-moi et réponds-moi ! Tu y retournes ?
– Presque pas. Moins souvent. Presque plus.
– Mais tu y retournes ! Il faut absolument qu’on te débarrasse de cette sale manie. Dans l’intérêt, d’abord, de ces pauvres femmes que tu espionnes de façon éhontée et qui ont droit à leur tranquillité. Dans l’intérêt, ensuite, de ta copine Célestine à qui tu ne peux pas imposer de vivre avec quelqu’un qui passera son temps plongé dans la contemplation de la nudité des autres femmes. Et dans ton intérêt à toi, enfin. Que tu puisses te consacrer à d’autres activités beaucoup plus enrichissantes. Oh, mais rassure-toi ! Je vais t’aider. Je ne vais pas te laisser livré à toi-même. Et on va y arriver. Ensemble. On va faire ce qu’il faut pour. Et tu sais quoi. Il y a que ça qui soit vraiment efficace.
Je savais, oui.
– Eh bien, allez, alors !
Je me suis docilement déculotté. Je suis venu, de moi-même, m’allonger en travers de ses genoux. Elle m’y a calé, m’a posé une main sur les fesses.
– Prêt ?
J’étais prêt, oui.
– Serre les dents. Ça va être long. Et douloureux. Je ne vais pas te ménager.


20-


Camille avait quelque chose à me dire. Qu’elle a fait venir de loin. De très très loin.
– Bon, allez, t’accouches ?
– J’ai vu Manon. J’ai passé l’après-midi avec.
– Ah…
– Et tu sais ce qu’elle t’a promis, là…
Évidemment que je savais ! Ça me bouffait assez la tête.
– De t’en coller une devant ses copines de fac…
Qu’elle insiste bien, surtout ! Qu’elle insiste bien !
– Eh bien, c’est pour ce soir… Pour une fois qu’elles sont libres toutes les trois en même temps. Ça risque de pas se reproduire de si tôt.
Bon, ben voilà ! Ça y était. On y était.
J’ai frissonné. Poussé un profond soupir.
– T’appréhendes, hein ? Il y a de quoi. Parce que je peux te dire qu’elles vont pas te ménager. Mais je vais sûrement pas te plaindre : tu l’as pas volé.
Elle s’est levée.
– Allez, va te préparer. Qu’on les fasse pas attendre. T’aggraverais encore ton cas.

Maman nous a interceptés en bas de l’escalier.
– Vous sortez ?
C’est Camille qui a répondu.
– On sort, oui.
– Que tous les deux ?
– Oh, ben non ! Non. Ce serait pas marrant. Non. Avec Manon. Et des copines à elle.
Maman a esquissé une petite grimace.
– Encore cette Manon !
– Oh, mais t’inquiète pas ! Je serai là. Je l’aurai à l’œil. Et il a pas intérêt à s’écarter. Parce que je lui fous une fessée sinon. Cul nu. Devant tout le monde.
Et elle est partie d’un grand éclat de rire.

Elle a pris le volant.
– Ça se pourrait, n’empêche !
– Quoi donc ?
– Que je t’en mette une de fessée un jour.
– T’as qu’à y croire !
– Oh, ben si ! Si ! Évidemment que si ! T’aurais pas le choix. Bien obligé de te laisser faire. Parce que si jamais elles apprenaient, elles apprécieraient pas. Ni Célestine ni maman. Alors…
Je n’ai pas relevé. Inutile de s’attarder sur ce terrain-là avec elle.
– Bon, mais on va où, là, au juste ?
– Ça arrivera n’importe comment, ça, tu peux t’y attendre. Le jour où tu m’en feras une, t’y couperas pas ce qu’il y a de sûr.
J’ai insisté.
– C’est chez elle que tu m’emmènes ?
– Non. Ce qu’est prévu, c’est d’abord un petit repas au resto. Tous ensemble. Histoire de mieux se connaître. C’est sympa, non ?
– Qui il y aura ?
– Oh, ben, Jasmine. Tu la connais déjà. Johanna que t’as vue aussi. Et qui viendra avec son petit copain. Clémence. Elle, je t’en ai parlé. Il y aura peut-être une autre fille aussi, mais c’est pas sûr. Et puis voilà. Je crois que j’ai fait le tour. À moins qu’il y ait des invités de dernière minute. On sait jamais. Après le resto, on ira en boîte. Elle y tient, Manon. Et ensuite début des festivités dont tu seras le héros. Pas mal, non, comme programme ?


21-


Un grand « Aaaaah ! » tonitruant nous a accueillis, Camille et moi. Aux tables voisines les conversations se sont tues. Tous les regards ont convergé vers nous.
Manon m’a fait prendre place entre Johanna et Jasmine. Face à Clémence. Qui m’a longuement dévisagé. Fait baisser les yeux.
– Je le voyais pas du tout comme ça.
– Et comment tu le voyais ?
– Je sais pas, mais pas comme ça. Il fait pas vraiment vicieux.
Elles se sont toutes récriées.
– C’est les pires, ceux-là !
– Oui. Ils cachent bien leur jeu.
Elles avaient toutes une anecdote à raconter. De types à qui elles auraient donné le bon Dieu sans confession, à qui elles faisaient confiance et qui s’étaient révélés, au bout du compte, de redoutables pervers.
– Ah, on tombe de haut des fois !
Manon s’est faite péremptoire.
– C’est pour ça ! Quand on arrive à en choper un, faut pas hésiter. Faut lui en faire passer l’envie à tout jamais.
Ah, ça, là-dessus, elles étaient bien d’accord.
Léo, le copain de Johanna, s’est empressé de préciser.
– On n’est pas tous comme ça, hein, les filles, faut pas non plus mettre tout le monde dans le même panier !
Oui, oh, mais elles savaient bien !

En boîte, après, Manon a absolument tenu à ce que je la fasse danser.
– T’as la trouille, avoue ! Pour ce qui va se passer tout à l’heure. Pour la fessée que je vais te donner devant elles. T’as la trouille…
Prétendre le contraire ? Elle ne m’aurait pas cru.
Je me suis prudemment réfugié dans le silence.
– C’est bon l’attente, hein ? J’adore ça, moi. Pas toi ?
Et elle est partie d’un grand éclat de rire.
Jasmine aussi a voulu que je danse avec elle.
– À mon tour ! Elle va quand même pas t’accaparer toute la soirée, non !
On a virevolté sur la piste.
– Tu gigotes beaucoup quand elle te le claque, Manon, le joufflu ? Et tu brailles ? Oui, sûrement ! Je te vois bien dans le rôle. Surtout que là, elle nous a dit que t’allais morfler. Quelque chose de rare. Je sens qu’on va bien se régaler.
Et puis ça a été au tour de Clémence.
Qui a attaqué d’emblée.
– Je peux te demander un truc, là ? En confidence. Ça restera entre nous. Toi qui l’as vue… Elle se l’épile, la chatte, Manon ?
Je l’ai regardée, stupéfait, les yeux écarquillés.
– Hein ?
– Je te choque ?
– Non, c’est pas ça, mais…
– Eh ben alors, vas-y ! Accouche ! On le saura pas que tu me l’as dit. Personne.
– Non. Elle se le fait pas.
– Et c’est comment ? Touffu ?
– C’est tout fin au contraire. Tout léger.
– C’est bien ce que je pensais. Bon, mais faudra qu’on parle tous les deux. On aura des tas de choses à se raconter, je suis sûre. Mais pas ici.
Pour Camille il était hors de question de danser avec moi.
– Avec mon frère ? Ça va pas, non ! Je viens pas en boîte pour ça.
Restait Johanna.
Qui s’est collée à moi. Qui m’a posé les mains tout en haut des fesses et qui m’a, presque aussitôt, violemment repoussé.
– Il bande ! Il me bande dessus, ce salaud ! Et devant mon mec, en plus !


22-


– On y va !
Elle était outrée, Manon. Furieuse contre moi.
– T’es vraiment qu’un sale dégoûtant ! Bon, mais on y va. Rendez-vous chez moi.
Et tout le monde s’est dirigé vers les voitures.
Camille a encore pris le volant. D’autorité. Et constaté.
– À mon avis, là, t’as pas fait le plus dur. Tu vas prendre cher. Et tu l’auras pas volé. Parce qu’attends ! La draguer comme ça, devant son mec, Johanna !
– Mais je l’ai pas draguée !
– Non ! T’as fait pire ! Tu lui as frotté ta queue dessus en dansant. Tout le monde t’a vu. Et tu te dis amoureux de Célestine. T’es un bel enfoiré, oui !
Je n’ai pas cherché à discuter. C’était inutile.

– Tout le monde est là ? Parfait. Viens là, toi !
Je me suis approché.
– Plus près ! Encore ! Là…
Elle m’a fermement enserré les poignets, tenu un long moment emprisonné dans son regard.
– Bien. Alors, changement de programme. Étant donné la façon inqualifiable dont tu t’es comporté tout à l’heure en boîte avec elle, c’est Johanna qui va s’occuper de ton cas.
Johanna qui a levé sur elle des yeux stupéfaits.
– Moi ?
– Toi, oui ! Ça te dit pas ?
– Oh, que si, ça me dit ! Oh, que si !
D’un air ravi.
– Eh bien alors !
Et Manon m’a expédié vers Johanna d’une petite claque sur les fesses.
Johanna qui m’a regardé m’avancer vers elle, la mine gourmande. Qui m’a agrippé, dès qu’elle m’a eu à portée de main, par la boucle de ma ceinture. A joué avec. Longuement. Et j’ai senti venir la catastrophe. Là, tout près. Elle l’a défaite, la ceinture. Elle a lentement, très lentement, déboutonné mon pantalon, l’a fait descendre. C’était la façon dont elle faisait ça. Indifférente et lascive. En même temps. Je ne pouvais pas. M’empêcher. Je ne pouvais pas. Même avec la meilleure volonté du monde. Impossible. Elle a jeté un coup d’œil appuyé sur la bosse qui donnait du relief à mon boxer, est montée croiser mon regard, est redescendue. Et m’a déculotté d’un coup sec.
Elles se sont scandalisées.
– Ah, ça le tient, hein !
– Un vrai petit saligaud, oui !
– Des mecs comme ça, moi, je te les leur couperais vite fait, tiens !
Manon a interpellé Léo.
– Et toi, tu laisses faire… C’est ta copine quand même !
Laisser faire ? Il n’en avait pas le moins du monde l’intention, non !
Il s’est levé.
– C’est moi qui vais la lui flanquer, sa fessée. Et il va s’en souvenir !
Hein ? Lui ? Mais…
Il s’est avancé vers moi d’un pas décidé, a tendu la jambe en avant, m’a fait prendre appui dessus et il a tapé. À plein régime. D’emblée. De grands coups assénés à pleines paumes. À pleines fesses. En pluie. En grêle. J’ai crié. J’ai battu des jambes. Il n’en a pas tenu le moindre compte. Au contraire. Il a encore accéléré la cadence et la force des coups, insensible à mes plaintes et à mes supplications.
Il s’en est fallu d’une bonne dizaine de minutes avant qu’il ne s’arrête enfin.
– Là ! Tu peux prendre la suite, ma chérie, si tu veux. Il bande plus.
Johanna m’a regardé me frotter vigoureusement les fesses. Fait la moue.
– Non. Une autre fois plutôt. Qu’on le laisse profiter bien à fond de celle-là. Il y aura sûrement d’autres occasions.
Ce que Manon a tout aussitôt confirmé.
– Ah, ça, c’est sûr ! Plein d’autres.


23-


– Tu me reconnais pas ?
Ah, si, si ! Clémence.
Qui m’attendait à la porte de l’amphi.
– Je savais bien que je finirais par te trouver dans le coin. Non, parce que leur demander ton 06 à elles, je voulais pas. Pas question qu’elles sachent. Bon, mais t’as le temps, là ? On peut aller boire un coup ?
On pouvait, oui.

Une table tout au fond. À l’écart.
– Tu t’attendais pas à ça, hein, l’autre soir, que je te demande pour son minou à Manon.
– J’avoue que…
– Moi aussi, je suis curieuse, qu’est-ce tu veux ! Et j’adore ça voir comment les autres nanas sont faites. Toutes. Mais encore plus si c’en est que je connais. Et quand j’en ai une dans le collimateur, alors là je peux t’assurer que je suis pas du genre à lâcher le morceau. Faut que j’arrive à mes fins. Toutes affaires cessantes. C’est pour ça : quand j’ai su pour toi, que je t’ai vu, je me suis dit qu’on pourrait peut-être coopérer tous les deux. S’entraider pour assouvir notre commune passion. Que ça pourrait être super génial. Non ? Tu crois pas ?
Peut-être. Je savais pas. À brûle-pourpoint comme ça…
– T’as peur de te faire encore gauler, c’est ça, hein ? Je te comprends. Parce qu’elles te font payer la note, là. Et cher. Elles s’en donnent à cœur joie. Mais c’est pas parce que ça t’est arrivé une fois que ça doit forcément recommencer. Regarde, moi ! Ça fait des années et des années que je passe le plus clair de mon temps à mater. Eh ben, j’ai jamais eu vraiment de problèmes. Et pourtant j’ai pris de sacrés risques. Bon, mais c’est vrai aussi qu’il y a des jours il s’en est fallu de peu. C’est pas passé loin. C’est pour ça : si on fait alliance tous les deux, ce sera pain bénit. Il ne viendra à l’idée de personne qu’on puisse être en train de reluquer en couple. Surtout si on sait bien donner l’illusion qu’on n’est préoccupés que de nous-mêmes.
Vu comme ça. Oui, mais quand même. Quand même…
– Me dis pas qu’une fille comme Jasmine, ça te tente pas de la voir à poil…
– Jasmine ! À poil !
– Jasmine, oui ! De corps, elle est hyper bien foutue, je suis sûre.
– Mais…
– Comment je compte m’y prendre ? J’ai ma petite idée, t’inquiète ! Suffit juste de la creuser encore un peu. Mais on devrait y arriver. Et il y a pas que ça ! Johanna…
– Quoi, Johanna ?
– Tu lui donnerais le bon Dieu sans confession, hein, elle, à la voir comme ça tout amoureuse de son Léo. Eh bien Johanna elle s’envoie en l’air, en prime, avec mon voisin de palier. Tous les mardis. L’après-midi. Et quelquefois aussi le jeudi.
– T’es sûre que c’est elle ?
– Certaine. Je la vois par la fenêtre quand elle arrive. Et quand elle repart. Mais elle ignore que c’est moi à côté. Et faut surtout pas qu’elle sache. Cela étant, si ça te dit de l’entendre couiner, t’es bien évidemment le bienvenu. Entendre, c’est pas mal aussi. Surtout qu’elle en est de la comédie. Et qu’elle a de la voix. Bon, mais c’est pas tout ça. Faut que j’y aille. J’ai cours. C’est quoi, ton numéro ?
Elle l’a enregistré. A fait sonner mon portable.
– Que t’aies aussi le mien.
Elle s’est levée.
– Tu réfléchis à tout ça et tu me tiens au courant ?

Réfléchir ? C’était tout réfléchi. Parce qu’elle avait beau dire, Clémence, si je me faisais prendre, j’étais mort. Ce coup-là, elles ne me louperaient pas. Elles mettraient Célestine et ma mère au courant. Ma sœur en tête.


24-


Emma voulait me voir.
– Je t’attends ! Grouille !
J’ai soupiré. J’allais encore y avoir droit. Et Dieu sait qu’elle ne faisait pas semblant, Emma. Ses cinglées au martinet, j’en gardais les traces plusieurs jours durant. J’appréhendais. Non, mais comment j’appréhendais ! J’ai pourtant fait aussi vite que j’ai pu. Inutile de l’indisposer contre moi. Elle ne manquerait pas de me le faire payer.
– Entre !
Elle sirotait tranquillement un café, adossée à la gazinière.
– Eh ben, mets-toi à l’aise ! Qu’est-ce t’attends ?
Oui, voilà. Tout de suite.
Elle m’a regardé me déshabiller, un petit sourire narquois fiché au coin des lèvres.
– À ce qu’il paraît qu’elles s’amusent bien avec toi, ma sœur et ses copines. J’ai des tas d’échos là-dessus.
J’ai rougi. Essayé de bredouiller vaguement quelque chose.
– Et moi, tu me délaisses. Il n’y en a plus que pour elles.
– Mais non. Seulement…
– Seulement quoi ? Si je ne t’avais pas appelé tout à l’heure, est-ce que tu serais venu ? Non ! Tu sais pourtant quel plaisir très sensuel j’éprouve à voir ton derrière rougir, à te regarder gigoter sous les fouettées, à t’entendre brailler de douleur. Seulement ça, tu t’en fiches complètement. C’est de toi-même, sinon, que tu viendrais, de temps à autre, me rendre une petite visite et m’offrir gentiment ta croupe. Non ? Tu ne crois pas ?
Elle a éclaté de rire.
– Tu verrais ta tête ! Bon, mais va me chercher le martinet, tiens, plutôt. Tu sais où il est.
Je le lui ai tendu et elle m’en a fait courir longuement les lanières, en caresses légères, sur les épaules, le long du torse. Elle est descendue, descendue encore. Ma queue. Sur laquelle elle s’est attardée. Ma queue qui s’est dressée. Autour de laquelle elle les a enroulées.

On a frappé.
– Bouge pas ! Je reviens.
En compagnie d’un type de son âge. Qui m’a détaillé. Des pieds à la tête.
– Je te présente William. Il crevait d’envie d’assister à notre petite séance. Et je n’ai pas eu le cœur de le priver de ce petit plaisir.
Elle m’a fait m’agenouiller.
– Comme d’habitude. Tu connais le protocole.
Et elle a aussitôt cinglé. À grands coups réguliers. Méthodiquement. Depuis le haut du dos jusqu’au bas des fesses. J’ai crié. J’ai couru, sur les genoux, pour échapper. Je me suis affaissé. À plat ventre. Mal. Trop mal.
– Redresse-toi ! J’ai dit : redresse-toi !
J’ai obéi. Et elle a recommencé. Dans l’autre sens. De bas en haut, cette fois. Plus fort. J’ai encore détalé, en piaulant, sur les genoux. C’est le mur qui m’a arrêté. Encore quelques cinglées à toute volée. Et elle a cessé aussi brusquement qu’elle avait commencé.
William a constaté.
– Il est pas bien courageux.
– Ah, ça, c’est le moins qu’on puisse dire.
Et elle m’a expédié au coin.
– Allez, ouste !
Avec interdiction absolue de me retourner.
Derrière moi, il y a eu des chuchotements. Un baiser claqué. Un autre.
La voix de William.
– Comment ça t’a excitée ! T’es toute trempée.
Elle n’a pas répondu. Le silence. Et puis des halètements. Son souffle qui se précipite.
Et encore William.
– Comment tu le lui as mis ! Bien rouge. Bien zébré.
Elle a clamé son plaisir. À grandes trilles éperdues.


25-


Je suis rentré. J’ai regagné ma chambre. Vaille que vaille. Je me suis jeté à plat ventre sur mon lit, les fesses en feu. J’ai fermé les yeux.
Emma avait joui. De m’avoir fouetté. Ça l’avait mise dans tous ses états. Elle avait joui comme une perdue, dans les bras de son William, en regardant mes fesses tuméfiées, zébrées par les coups de martinet qu’elle venait de m’infliger. Et moi, j’avais bandé comme un cerf de l’entendre, derrière moi, suffoquer de bonheur. Et seule, la crainte de me prendre, dans la foulée, une deuxième cinglée par dessus la première m’avait retenu de l’accompagner d’une main résolue.
Elle s’était rendu compte de mon état. Elle s’en était d’autant mieux rendu compte que, lorsqu’elle m’avait donné l’ordre d’aller me rhabiller, je n’avais toujours pas débandé. Elle s’était esclaffée.
– Non, mais regarde-le, ce petit vicieux ! Regarde-le ! Tu vas pas me dire qu’il les mérite pas, les corrections que je lui flanque !
William en avait convenu. Je les méritais, oui ! Je les méritais amplement.
Et elle m’avait fichu dehors. D’une grande claque sur les fesses.
– Dégage, grand dégoûtant !

Sur mon lit, le nez dans l’oreiller, je me suis repassé la scène. Je me la suis fait revivre encore et encore. Avec complaisance. Avec volupté. J’étais là-bas, dans sa chambre, le nez contre la cloison, honteux. J’écoutais son souffle s’emballer. Il y avait un bruit de clapotis. Ses gémissements. Ses supplications. « Viens, William ! Maintenant ! Oh, viens ! Viens ! » Le déferlement de son plaisir. Longuement arpégé. Et le déferlement du mien.
Le temps de reprendre mes esprits et j’ai recommencé. En la regardant cette fois. En imaginant que je me retournais délibérément, que je me gorgeais d’elle. De ses seins dont il suçotait les pointes. De sa chatte qui se refermait sur sa queue. Des grands coups de bassin qu’elle lançait contre lui, la bouche ouverte, les yeux hagards, à la recherche éperdue de son bonheur.
Et encore. Encore. Plus tard. J’ai pris la place de William. Et c’est moi qui ai fait vivre ses seins. C’est moi qui ai agacé son bouton. Qui ai malaxé ses fesses. Qui l’ai pénétrée. Qui me suis voluptueusement déversé en elle.

Je me suis endormi, épuisé, d’un sommeil encombré de rêves. Des rêves dans lesquels il y avait Manon. Une Manon qui m’accablait de reproches.
– Ah, ben bravo ! Bravo ! Alors nous, on se crève à te punir. Pour te remettre dans le droit chemin. Pour que t’arrêtes de nous mater derrière notre dos quand on est à poil. Et qu’est-ce que j’apprends ? Que t’adores ça qu’on te martyrise le popotin. C’est bien la peine qu’on se donne tout ce mal. Si c’est pour que t’en redemandes !
Hein ? Ah, mais non. Non. J’aimais pas ça, non. Pas du tout. Au contraire. Ça faisait un mal de chien.
– Ah, oui ? Et t’as pas bandé peut-être tout à l’heure quand elle t’a donné le martinet, Emma ?
– Non ! Enfin si ! Oui. Mais ça s’est pas passé comme ça. C’était pas pour ça…
– Et c’était pourquoi alors ?
– À cause… Parce qu’elle était avec son copain et que tous les deux…
– Ils s’envoyaient en l’air… Encore mieux ! Encore mieux ! Parce que ce que ça veut dire alors du coup, c’est que ça t’est pas passé du tout ce comportement de gros cochon pervers.
J’ai désespérément essayé de me justifier, d’expliquer que…
Elle n’a rien voulu entendre…
– Oh, mais tu vas voir ! Tu vas voir ! Alors là, cette fois, tu vas voir…
Et j’ai vu. Senti plutôt. Une fessée. Une monumentale fessée. À quatre mains. À six mains. À tout un tas de mains.
– Allez-y, les filles, hein ! Allez-y !
Ça tombait. Ça tombait de partout. Manon, mais aussi Emma. Jasmine. Johanna. D’autres. Des tas d’autres. Que je ne connaissais pas. Toutes en même temps. Je me suis débattu. J’ai hurlé.
C’est Camille qui m’a réveillé. En entrant en trombe dans ma chambre.
– Non, mais ça va pas de brailler comme ça !
Elle a jeté un coup d’œil à mon derrière en feu, esquissé un sourire.
– Oh, là ! Mais tu t’en es encore pris une, toi ! Je vais finir par croire que t’aimes ça !


26-


Je passais désormais la plupart de mes nuits en compagnie d’Emma que je convoquais en secret dans la chaleur de mes draps. Emma que j’avais entendue rugir de plaisir, derrière moi, sans pouvoir la regarder jouir. Emma que j’avais vue nue, à l’automne, dans sa salle de bains. Emma dont, quand je fermais les yeux, je revoyais les seins si lourds, si imposants. Aux pointes qui se dressaient avec arrogance quand elle dirigeait sur elles le jet de la douche. Quand elle l’y laissait complaisamment séjourner. Emma dont les replis rosés s’aventuraient hardiment à l’extérieur de son encoche. Que je crevais d’envie de revoir entièrement nue, pour de bon, pour de vrai, malgré tout ce qu’il m’en avait coûté. Ce qui, je le savais, était, pour le moment du moins, parfaitement inenvisageable. À moins de courir des risques insensés.
Je faisais aussi venir Manon dont j’avais, à maintes reprises, pu contempler tout à loisir les adorables petites fesses. Mais moins souvent. Subrepticement. Un peu comme si j’avais redouté qu’elle ne me perce à jour et qu’elle ne vienne me reprocher avec virulence et force claquées le traitement que je lui imposais en cachette.
Et puis il y avait les autres. Jasmine. Johanna. Dont j’ignorais comment elles étaient faites. Dont je m’efforçais de deviner furtivement les seins et les fesses sous les vêtements. Dont je me demandais douloureusement si elles se mettaient la fente à découvert. Que j’étais pris de l’irrépressible envie de contempler à leur tour dans leur nudité intégrale.
J’ai résisté. C’était trop dangereux. Trop risqué. Que, pour une raison ou pour une autre, je sois démasqué et mon compte serait bon. Je vivrais l’enfer. Déjà que…
J’ai résisté. Autant que j’ai pu. Pas beaucoup. Pas longtemps. J’avais vraiment trop envie.
Et j’ai appelé Clémence.
– Ça tient toujours ta proposition ?
– Ma proposition de… ? Mater ensemble ? Évidemment que ça tient. Évidemment ! Plus que jamais… Viens demain ! C’est mardi en plus !
– Mardi ?
– Tu te rappelles pas ? C’est le mardi qu’elle le fait cocu, son Léo, Johanna. Dans l’appart juste à côté du mien.

Et le lendemain, en tout début d’après-midi, j’ai débarqué chez elle.
– Que je suis contente, tu peux pas savoir ! Depuis le temps que je rêvais de vivre ça avec un mec… Tiens, viens !
À la fenêtre. Côte à côte.
– Elle va arriver.
– Et pour Jasmine ? T’avais dit…
– Qu’on pourrait la voir à poil. J’avais dit, oui. Mais alors là, il faut que tu me jures le secret le plus absolu.
J’ai juré.
– Elle fait du hand, Jasmine. Et après, avant de repartir, elle prend une douche.
– Je vois…
Elle a ri.
– Pas encore, non, mais tu verras. On verra. Depuis une petite pièce de rangement à côté. D’où on aura une vue imprenable sur elle et sur ses petites camarades. Sans que personne puisse s’en rendre compte.
– Et ce sera quand ?
– Je te dirai… Tiens, en attendant, regarde ! Là v’là, Johanna.
Elle arrivait, effectivement. Sur le trottoir d’en face. Enveloppée dans un grand manteau rouge. D’un pas pressé.
– Viens !
Dans sa chambre.
– C’est de là qu’on entend le mieux. Et ça perd pas de temps avec elle. Je te parie ce que tu veux qu’il se passera pas dix minutes avant qu’elle se soit mise à pousser la chansonnette à tue-tête.


27-


Sur le coup de dix heures du soir, Clémence m’a appelé.
– Je suis désolée pour tout à l’heure. Je l’attendais pas, cette fille qui nous est tombée dessus.
– Pas grave ! Ils venaient de finir à côté n’importe comment.
– Oui, mais on n’a pas pu parler, du coup !
– Ça fait rien. On va le faire maintenant.
– Je t’avais pas menti, t’as vu, hein, n’empêche ! T’as entendu ça, comment elle a déferlé ? Et c’est la même chose tous les mardis. Des fois en un peu plus intense. Des fois en un peu moins. T’as aimé ?
– Je serais difficile.
– Oui, hein ! C’était super excitant. Mais t’as pas osé. Tu bandais pourtant. Et pas qu’un peu ! Mais t’as pas osé.
– Ben…
– Moi non plus, si tu vas par là. Je les accompagne d’habitude, mais cette fois-ci… C’était pas l’envie qui m’en manquait pourtant. Oh, mais quand on sera un peu plus habitués à les écouter ensemble, tous les deux, ça nous posera sûrement plus de problème. Non, tu crois pas ?
– Plus aucun. J’espère bien en tout cas.
– Et moi aussi. En attendant, on serait loin de se douter, hein, Johanna, quand on la voit comme ça avec son Léo, qu’elle le trompe à tout-va.
– Ah, ça, c’est sûr.
– Surtout que j’en sais rien, faudrait se pencher sur la question, mais si ça tombe, il y a pas qu’avec lui qu’elle le fait cocu. Il y en a d’autres. Et en douce que ça te ferait une sacrée monnaie d’échange, toi, si tu voulais. Je pensais à ça tout à l’heure. Tu pourrais les menacer : ou bien elles arrêtent de te mettre des fessées ou bien tu lui vends la mèche à Léo. Qui passerait sûrement pas là-dessus, il y a aucun risque. Tu serais en position de force. L’inconvénient évidemment, après, c’est qu’il serait plus question qu’on puisse l’écouter faire la Callas, Johanna. Ce serait mort. Pas plus qu’on ne pourrait aller reluquer Jasmine à poil sous la douche. Ce serait beaucoup trop dangereux. Parce que je les connais. Elles te fliqueraient, si tu jouais cette carte. Elles te lâcheraient pas. Et elles finiraient par découvrir le pot-aux-roses. Oh, elles broncheraient pas. Elles se mettraient pas en avant. Que tu puisses rien leur reprocher. Non. Elles se contenteraient d’en parler aux autres filles. Qui prendraient, elles, les choses en mains. Plaintes, gendarmes et tout le tintouin. Pas question de prendre ce risque. Alors Jasmine faudrait faire une croix dessus. Et les autres aussi. Ce qui serait dommage. Vraiment dommage. Parce qu’on passerait de sacrés bons moments. Mais bon, je comprendrais aussi que tu veuilles que ça cesse, les fessées. Parce que ça doit vraiment pas être facile à vivre.
– Ah, ça, c’est le moins qu’on puisse dire.
– À toi de voir. De peser le pour et le contre. Ou bien mettre un terme aux fessées qu’elles te donnent ou bien te faire allègrement plaisir au détriment de Johanna, de Jasmine et de bien d’autres. Parce que, depuis le temps que je m’intéresse à l’anatomie de mes congénères, tu te doutes bien que j’ai tout un tas de terrains d’action. Tu sais pas encore tout. Mais bon… Il y a que toi qui peux décider. Personne peut le faire à ta place. Même si tu te doutes bien vers où, de mon côté, penchent mes préférences. Mais encore une fois : à toi de voir.
– La meilleure décision…
– Oui ?
– C’est peut-être de pas en prendre. Du moins pour le moment.
– Mais oui ! Bien sûr ! Évidemment ! Il y a rien qui presse. T’as tout le temps d’y réfléchir. Surtout que… une fessée, c’est pas drôle, non, ça, c’est sûr, mais c’est pas la mer à boire non plus. Surtout quand tu vois les avantages que tu peux avoir en face. Tu fais quoi demain ?
– Rien. Rien de spécial. Je vais en fac. Pourquoi ?
– Essaie de la voir, Johanna, si tu peux. Tu l’écoutes, tu lui parles et, en même temps, tu te dis que tu l’as entendue piauler et qu’elle le sait pas. C’est génial, tu verras. Ou bien Jasmine. Déjeune avec à midi. Regarde-la et pense que dans deux jours, si tout va bien, tu l’auras vue à poil.
– Deux jours ?
– Deux jours, oui. Il y a entraînement de hand le jeudi. Bon, mais je te laisse. On m’appelle. Dors bien !
J’ai raccroché. Et, presque aussitôt, Camille a fait irruption dans ma chambre.
– À qui tu téléphonais ?
– À Célestine.
– C’était pas elle, non. C’est pas les mots que tu lui dis. C’était qui ?
– Alors comme ça, tu m’espionnes maintenant ?
– Non, mais j’ai un peu entendu. Sans le faire exprès. En passant. C’était qui ?
– Si on te le demande…
– Oh, mais je saurai n’importe comment. Je finirai bien par savoir.


28-


Au resto U, Manon était toute seule à une table, près de la fenêtre.
– Tiens, un revenant ! Où t’étais passé ? Tu me fuyais ?
– Hein ? Ah, mais non. Non. Pas du tout.
– Ben, je sais pas. On dirait bien pourtant. Ça fait une éternité que je t’ai pas vu. Depuis l’autre soir en fait…
– C’est parce que…
– Je m’en fiche. Complètement. Ça m’intéresse pas. En attendant, t’as fait fort n’empêche, ce soir-là ! Bon, mais t’as pas oublié, j’espère ?
J’ai froncé les sourcils, joué les innocents.
– Oublié ? Oublié quoi ?
– Tu sais très bien de quoi je veux parler. T’as une fessée en attente. Que Johanna doit te donner. Vu la façon inqualifiable dont tu t’es comporté avec elle.
Johanna… J’ai fermé les yeux. Johanna. Qui faisait Léo cocu. Johanna. Ses gémissements de plaisir. Ses feulements de petit animal en rut.
– Tu m’écoutes ?
– Oui, je t’écoute. Oui.
– On dirait pas. Et donc, puisque je t’ai sous la main, on va régler ça. Une bonne fois pour toutes. Qu’on n’en parle plus.
– Tout de suite ? Là ? Maintenant ?
– Ben oui, tout de suite. Pas dans dix ans. Le temps que tu finisses ton plateau. Et que je prévienne les filles.

Les filles. Johanna. Jasmine. Et puis Clémence. Qui est arrivée la dernière, tout essoufflée.
– Tout le monde est là ? Bon, alors perdons pas de temps.
Et Manon s’est tournée vers Johanna.
– À toi de jouer ! Comme l’autre soir… Et ce coup-ci, il a pas intérêt à bander parce qu’alors là…
À elle de jouer. Elle s’est approchée, s’est emparée de ma ceinture.
Ne pas bander ? Impossible. Complètement impossible. Parce que Jasmine était assise juste en face de moi, que son corsage était plein, qu’elle avait croisé les jambes, que sa jupe remontait haut sur ses cuisses et que je savais que bientôt, au hand… Parce que Johanna a pris tout son temps pour déboucler ma ceinture, pour déboutonner mon pantalon, pour le faire descendre, pour m’extirper de mon boxer. Qui est tombé à mes pieds.
Ça a été un grand « Oh ! » scandalisé.
– Il recommence !
– En pire qu’avant, même !
– Ça lui a pas servi de leçon, faut croire !
Manon a tendu un martinet à Johanna.
– Vas-y ! Et tape, hein ! Tape !
Elle m’a fait pivoter sur moi-même.
– Hein ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Fais voir ! Tu t’en es pris une, là ! Et une bonne. Vu les couleurs que ça a pris, à trois ou quatre jours ça doit remonter. À peu près. Qui c’est qui t’a fait ça ?
Johanna a suggéré.
– Ta mère ?
– Non. Elle me l’aurait dit.
– Ta sœur alors ?
– Elle aussi, elle me l’aurait dit.
La preuve que non ! Mais j’ai préféré garder un silence prudent. Si Emma n’en avait pas parlé, elle devait avoir ses raisons. Et je ne tenais pas à ce que, en vendant la mèche, ça me retombe, d’une façon ou d’une autre, sur le coin de la figure.
– Bon, alors ? Qu’est-ce qui s’est passé ? T’accouches ?
Jasmine a haussé les épaules.
– À tous les coups il a encore dû se faire gauler à reluquer quelque part.
– De toute façon, avec lui, on voit pas ce que ça pourrait être d’autre.
Et Johanna m’a lancé un premier coup de martinet. De toutes ses forces.


29-


Camille a déboulé dans la salle de bains tandis que j’étais sous la douche.
Ce qui devenait une habitude.
– Faut que je te parle… Faut absolument que je te parle. Parce que…
Elle s’est brusquement interrompue, les yeux écarquillés.
– Encore ! Mais c’est tous les jours que tu t’en ramasses des fessées en ce moment. Tu le fais exprès, ma parole !
– Mais bien sûr ! J’adore ça. Ça se voit pas ?
– On finirait par se le demander. En attendant, là, on t’a pas loupé. Au martinet on te l’a fait. Et c’est tout récent. Il s’est passé quoi ?
– Oh, mais rien ! Ça te regarde pas n’importe comment !
– Oh, mais si, ça me regarde, si ! Parce que si c’est les filles, Manon et les autres, là… C’est elles, hein ? Oui, c’est elles. C’est forcément elles. Ben, c’est dégueulasse. Elles auraient pu m’attendre. Elles me l’avaient promis en plus. Oh, mais elles vont pas l’emporter au paradis, alors là ! Bon, mais je m’occuperai de ça plus tard. En attendant, elle tombe plutôt mal, cette fessée.
– Parce que ?
– Ben, parce que… Je suis pas censée te le dire, mais elle vient ce soir, Célestine. Pour ton anniversaire. Elle veut te faire la surprise.
– Ah !
– Comme tu dis, oui. Et, vu l’état de ton derrière, si t’arrives à la baiser sans qu’elle se rende compte de quoi que ce soit, t’es vraiment très très fort.
– Je verrai. J’improviserai.
– Ah, bon ! T’improviseras. Tu vas t’y prendre comment ? Tu vas lui faire ça dans le noir ? Ou bien alors sans te déshabiller juste en sortant ta queue ? Et elle, elle va trouver ça normal. Ben, voyons ! Non, mais tu rêves pas un peu, là ?
– Je trouverai une solution, j’te dis !
– Oui, oh, je la connais, ta solution. Tu vas inventer une excuse bidon, que t’as des palpitations ou une connerie dans ce genre-là, pour pouvoir te défiler. Tu ferais beaucoup mieux de lui dire la vérité. Une bonne fois pour toutes.
– C’est ça ! Pour qu’elle aille penser de moi que je suis un gros pervers.
– Qui reluque ses voisines à poil dans leur salle de bains. Ben, oui ! C’est pas la vérité peut-être ?
– Mais elle va me plaquer ! La connaissant, elle va me plaquer.
– Il y a encore bien plus de risques qu’elle te plaque si tu dis rien. Non, parce qu’attends ! Mets-toi à sa place. Voilà une nana dont t’es soi-disant amoureux. Les circonstances font que vous vivez à des centaines de kilomètres l’un de l’autre. Que vous pouvez vous voir que tous les tournants de lune. Et quand c’est le cas, quand vous y arrivez, tu la tires pas. T’as toujours un bon prétexte. Comment tu veux qu’elle se pose pas de questions ? Qu’elle se dise pas que t’as pas envie d’elle ? Comment tu veux qu’elle soit pas tentée d’aller voir ailleurs ? Ben si, si ! C’est obligé.
– Tu crois qu’elle le fait ?
– Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ? Mais sûrement que oui. C’est ce qu’en tout cas, feraient neuf nanas sur dix dans la même situation. Parce qu’on a des besoins, nous, figure-toi ! Et si elle le fait pas, elle finira par le faire. Forcément. Et elle se détachera de toi. Une fille, quand elle s’éclate dans les bras d’un autre, ça met pas longtemps à…
– Sape-moi bien le moral !
– C’est pas le but, mais regarde les choses en face pour une fois, merde !
– Non, mais attends ! Attends ! Ça fait des semaines et des semaines que je subis tout ça, les fessées, les humiliations et tout le reste, justement pour qu’elle sache pas, pour qu’elle apprenne pas et toi, tu voudrais que j’aille tout lui déballer ! Mais c’est juste pas possible !
– Tu fais comme tu veux, mais tu sais ce qui t’attend. Je t’aurai prévenu.
– Il y a peut-être une autre solution…
– Laquelle ?
– Je sais pas, moi ! Mais il doit bien y en avoir une. Sûrement !
Elle a haussé les épaules, elle a tourné les talons et elle a claqué la porte.


30-


Célestine n’était finalement pas venue pour mon anniversaire.
Camille a triomphé.
– Et ça t’étonne ?
– Non ! Si ! Enfin un peu quand même…
– Tu vas finir par t’en mordre les doigts de tout ça à force de faire, mais après tout c’est pas mon problème.
Ce n’était pas le mien non plus. Du moins pour le moment. Je verrais plus tard. Parce que, pour le moment, ce qui m’importait c’était l’expédition prévue avec Clémence dans les vestiaires du stade.

Laquelle Clémence m’a assailli de recommandations.
– Bon, alors t’as bien compris ? La grille, on la passe d’un pas à la fois tranquille et décidé. Si le gardien nous demande ce qu’on veut, tu me laisses répondre. Après, en principe, il y a plus de danger. Au pire, en cas d’imprévu, on est un couple à la recherche d’un coin tranquille pour roucouler. Capito ?

On a franchi la grille sans encombre. On s’est engouffrés, par une petite porte latérale, dans un local encombré de ballons, de filets, de cordes et de tout un matériel hétéroclite. Un autre porte. Un couloir. Un dédale de couloirs. Un escalier. Une sorte de petite pièce-terrasse. Et deux grandes bouches d’aération par lesquelles on avait une vue imprenable sur l’enfilade des douches.
– Et voilà ! À toute l’équipe senior on va avoir droit. De dix-neuf à trente-cinq ans elles s’échelonnent. Et je peux te dire qu’il y en a là-dedans, elles valent sacrément le coup d’œil. Rien que d’y penser !

On a attendu. Pas bien longtemps. Une dizaine de minutes. Et puis il y a eu des rires, des exclamations. Quelque chose a bruyamment raclé le sol. Une première fille est apparue. Nue. Une brune. Aux seins lourds. À la toison noire épanouie. Et frustrante : on voyait rien là-dessous.
– Elle, c’est Damia. Je te raconterai. Plus tard. On regarde pour le moment.
Une autre. Une grande mince, aux seins quasi inexistants. À peine une boursouflure. À l’ombrage léger. Châtain clair.
– Valentine.
– Tu les connais toutes ?
– Pratiquement. Je t’expliquerai.
Deux autres. Ensemble. En parlant. En riant. L’une de face, à la peau très pâle, aux seins veinés de bleu, à l’encoche surmontée d’un petit échantillon de poils frisottés blonds et l’autre, de dos, les fesses généreuses, délicieusement rebondies.
– Emma. De toutes c’est celle que je préfère.
Et elle a glissé sa main dans son pantalon.
– La voilà ! Jasmine ! La voilà ! Allez, venge-toi !
Jasmine ! Je me suis rivé à elle, la gorge sèche, les maints tremblantes. À ses seins au dénivelé émouvant, aux aréoles rosées, aux pointes dressées. À son encoche offerte à nu.
Clémence a murmuré.
– T’es verni, toi ! Elle se l’est rasé. C’était pas le cas les autres fois.
Jasmine s’est longuement offerte à la douche, le visage levé, les yeux fermés. S’est tournée, m’a tendu deux petites fesses bien fermes, à l’arrondi voluptueux.
Un demi-tour sur elle-même. À nouveau de face.
Clémence, à mes côtés, a respiré plus vite. Son pantalon était descendu sur ses genoux. Ses doigts s’activaient frénétiquement dans sa culotte.
– Tu te le fais pas, toi ?
– Oh, si ! Si ! Bien sûr que si !
Et je me la suis sortie. Et je me le suis fait. Sans quitter Jasmine un seul instant des yeux.
Clémence a doucement psalmodié son plaisir.
– Oh, que c’est bon ! Que c’est bon !
Puis regardé, de tout près, surgir le mien.


31-


Camille m’attendait, tranquillement installée sur mon lit, les mains sous la nuque.
– Non, mais faut pas te gêner. Ça va ? Je te dérange pas ?
– Pas vraiment, non. T’étais où ?
– Si on te le demande…
– Je dirai que je le sais. Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ?
– Tu…
– Je le sais, oui. T’étais au stade en train de mater les filles du hand à poil sous la douche.
J’ai voulu nier.
– Hein ? Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
– Je vous ai vus. De mes yeux vus. Ce dont vous ne vous êtes absolument pas rendu compte. Vous étiez bien trop occupés à vous rincer l’œil. Et à vous palucher.
J’ai désespérément cherché à retourner la situation à mon avantage.
– Alors comme ça, tu me suis. Tu m’espionnes. Ah, ben bravo ! Bravo !
– Je t’espionne pas. Je te surveille. Pour t’empêcher de faire des conneries. Nuance. Et j’ai bien raison. La preuve !
Elle s’est redressée, assise au bord de mon lit.
– En douce que tu t’es mis dans de sacrés beaux draps. Parce qu’elle va être contente Célestine quand elle va apprendre que tu fricotes avec une autre.
– Je fricote pas avec.
– Ah, non ? Oh, ben tu lui expliqueras alors… Tu lui expliqueras que là, vous étiez juste en train de vous branler gentiment en chœur, mais que le reste du temps, quand vous êtes ensemble, vous enfilez des perles. Elle va te croire, sûrement.
– N’empêche que c’est vrai.
Elle a ignoré l’interruption.
– Et les filles ! Manon. Emma. Johanna. Jasmine. Elles vont être ravies, les filles ! Surtout Jasmine. Que t’as pas dû te gêner pour reluquer tant et plus. Ah, là, tu peux t’attendre à une de ces corrections avec elle… Et c’est pas tout. Parce qu’elle va forcément en parler à ses copines du hand. Qui, elles, ne se contenteront sûrement pas de te tambouriner le derrière, mais qui, à tous les coups, vont vouloir porter plainte. Non, cette fois-ci, tu t’en tireras pas comme ça, mon coco. Ça va prendre de sacrés proportions tout ça, probable.
– Camille…
– Quoi, « Camille » ? Quoi ? Tu veux que je la ferme, c’est ça ? Que je te couvre, une fois de plus? Eh ben non, non ! J’en ai marre, figure-toi ! Mais marre à un point que t’as même pas idée. Alors, ce coup-ci, c’est bon. Ça suffit.
– Tu peux pas faire ça.
– Bien sûr que si que je peux… Et pourtant non, t’as raison, je vais peut-être pas le faire. C’est ça le pire. Parce que t’es mon frère. Parce que si on te colle un procès au cul, ce qui est vraisemblable, ça va te suivre toute ta vie. Parce que ça te portera préjudice, plus tard, dans ton boulot. Et parce que, d’une certaine façon, ça va nous retomber dessus, à maman et à moi. Alors non, je vais peut-être pas le faire. Tout va dépendre de Clémence, en fait.
– De Clémence ?
– De Clémence, oui. C’est elle qui va te corriger. C’est pas une excellente idée, ça ? Une bonne cinglée. À la ceinture. Sur les fesses et sur le dos. Et alors, de deux choses l’une : ou bien elle va prendre son rôle bien à cœur, je serai satisfaite de sa prestation et, pour cette fois, je passerai l’éponge. Au moins momentanément. Ou bien elle va te ménager, retenir ses coups et alors là, je n’aurai pas le moindre état d’âme. On saura tout. Tout le monde.
– Mais…
– Mais quoi ? Qu’est-ce tu vas me dire ? Qu’elle est au moins aussi coupable que toi ? Et alors ? Tu ne l’es pas moins pour autant. Si ? Et, de toute façon, c’est moi qui décide. C’est à prendre ou à laisser. Allez ! Tu l’appelles…


32-


Pour la vingtième fois au moins, Clémence a regardé son portable.
– Elle avait dit trois heures, ta sœur et…
– Il en est presque quatre. Je sais, oui. Elle nous met la pression. De sa part, il fallait s’y attendre, ça !
Elle nous avait donné rendez-vous devant les bouches d’aération.
– Le théâtre de vos exploits. C’est l’endroit qui va de soi pour qu’elle te flanque une bonne correction, non ?
Clémence a soupiré.
– Quelle garce quand même ! Te fliquer comme ça…
– C’est ma faute aussi. J’aurais dû m’en douter. La connaissant…
– C’est vraiment pas de chance. Dès la première fois, on se fait ramasser ! Quand je pense à comment on aurait pu en profiter de toutes ces filles. Pendant des tas de semaines. Bon, mais au moins t’auras vu Jasmine. Tu sais comment elle est faite maintenant. Alors quand tu voudras…
Elle n’a pas terminé sa phrase.
On est restés quelques instants silencieux et puis elle m’a posé la main sur le bras.
– Je taperai pas trop fort, tu sais !
– C’est gentil, mais il va bien falloir pourtant. Parce que, si tu le fais pas, si elle trouve que c’est trop mou, elle parlera, c’est sûr. Et ça, c’est ce qu’il faut éviter à tout prix. Dans ton intérêt aussi bien que dans le mien…
– Oui, mais…
J’ai haussé les épaules.
– Oh, tu sais, au point où j’en suis maintenant…
Elle s’est agitée.
– Non, mais c’est pas ça ! C’est que je me connais. Et, si je me lâche, je maîtriserai plus rien. J’aurai plus aucune limite. Même si j’essaie de me raisonner. Ce sera plus fort que moi.
– Faut que je m’attende à passer un sacré mauvais quart d’heure alors !
– Je suis désolée.
J’ai soupiré, fataliste.
– Je ferai avec. Faudra bien.

Camille a surgi sur le coup de cinq heures.
– Ah, vous êtes là !
– Ça fait même un sacré moment.
– Bon, ben allez alors ! Perdons pas de temps ! Tu te déshabilles, toi !
Je me suis exécuté. Le pantalon. Le boxer.
– Le haut aussi ! Il va y attraper, ton dos. Là ! Et maintenant tu donnes ta ceinture à Clémence.
Qui s’en est emparée en me jetant un rapide petit regard contrit.
– Et tu te mets à genoux. Bon, ben allez ! Feu !
Clémence m’a lancé deux ou trois coups. Sans véritable conviction. Et Camille a éclaté de rire.
– Si tu t’y prends comme ça, ce soir tout le monde est au courant.
Les coups se sont faits plus secs, plus appuyés.
– C’est mieux ! Mais c’est pas encore ça. C’en est loin.
Plus fort. Beaucoup plus fort. Sur les fesses. Au creux des reins. Sur le dos. Sur les cuisses. Ça a cinglé. Ça a brûlé. Ça a mordu.
– Continue ! Continue !
De plus belle.
J’ai crié. J’ai hurlé. J’ai rampé, sur les genoux, au hasard. Suis venu buter contre un mur. Qui m’a arrêté.
Encore une dizaine de coups. À toute volée. À plein régime.
Camille a mis fin, m’a saisi, par les cheveux forcé à la regarder.
– Tu vas comprendre ce coup-ci ? Tu vas leur foutre la paix aux filles ? Une bonne fois pour toutes ? Ils me sortent par les yeux, les types dans ton genre. Et Dieu sait si ça pullule…
Elle s’est tournée vers Clémence…
– Quant à toi, tu perds rien pour attendre…


33-


Et Camille nous a plantés là.
– J’ai à faire. On m’attend.
J’ai entrepris de me rhabiller. Avec mille précautions. Et l’aide compatissante de Clémence. Qui m’a aidé à renfiler, l’un après l’autre, mes vêtements.
– Ça te fait mal, hein ?
– Ben tu sais, le frottement du tissu par-dessus une correction pareille, ça fait pas vraiment du bien.
– Je suis désolée.
J’ai haussé les épaules.
– Il y avait pas d’autre solution.
– Oui, mais quand même ! J’étais pas obligée de taper à ce point-là. Seulement comme je t’ai dit…
– Une fois que t’es lancée, tu peux plus t’arrêter. Ça te déborde de partout. Et ça déferle comme ça veut.
– Voilà, oui.
– T’y prends du plaisir, hein, en fait ? C’est ça ?
Elle n’a pas répondu.
– C’est ça ?
Elle a relevé la tête, plongé ses yeux dans les miens.
– Oui.
– Et un plaisir intense.
Son silence était un aveu.
J’ai suggéré.
– Tu peux te caresser si tu veux.
Elle s’est absorbée dans la contemplation de mon derrière qu’elle a très doucement effleuré. Dans celle de mon dos. Sur lequel elle a promené un doigt.
– Faudrait y passer quelque chose. Ça te ferait du bien. J’ai des trucs adoucissants chez moi. On y va, si tu veux. C’est pas loin.

Chez elle. Où je me suis à nouveau déshabillé. Étendu à plat ventre sur le lit. Elle s’est assise à mes côtés.
– Détends-toi !
Et elle m’a massé. D’abord le dos. Avec quelque chose de frais. qu’elle a étendu, d’un doigt léger, sur toute la surface.
– Comment ça soulage !
– C’est fait pour…
Elle est descendue. Le creux des reins. S’est arrêtée.
– Qu’est-ce qu’elle a voulu dire, tu crois, pour moi, que je perdais rien pour attendre ?
– Oh, alors ça, je n’en ai pas la moindre idée ! Mais avec elle on peut redouter le pire. Et tout imaginer.
– C’est ce que je vais faire. À tous les coups.
– Te prends pas trop la tête non plus. Parce que peut-être qu’elle est en train de te concocter un truc et puis peut-être que non. Qu’elle fera rien du tout. Que c’est juste histoire de te mettre la pression. Ce serait bien son genre.
Elle s’est remise à me masser. Les fesses. À petits coups rapides. Circulaires. L’une après l’autre.
– Tu m’en veux pas trop ?
– Pour être tout à fait franc avec toi, même si ça me brûle, même si je déguste, l’idée que tu as pris du plaisir à me fouetter ne m’est pas si désagréable que ça… Et même…
Elle a eu comme un petit soupir de soulagement.
–Oh, ben ça va alors !
Et son doigt s’est insinué dans la raie entre mes fesses, l’a habitée.
Elle a encore soupiré. Le lit s’est mis à bouger. Doucement d’abord. Puis de plus en plus vite. Elle a haleté. Elle a gémi. Son doigt m’a cherché derrière. Avec impatience. M’a trouvé. Pénétré. Et son plaisir l’a submergée.


34-


Célestine était dans ma chambre. Sur mon lit.
J’ai écarquillé les yeux.
– Toi ! Mais qu’est-ce que tu fais là ? T’es arrivée quand ?
Elle s’est levée d’un bond.
– Je sais tout !
J’ai commencé par nier. Par réflexe. À tout hasard.
– Tu sais quoi ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
– Fais voir tes fesses ! Allez, fais voir !
Elle s’est saisie de la boucle de ma ceinture.
J’ai protesté. Mollement. Très mollement. Vu la façon dont les choses semblaient vouloir tourner, mieux valait sans doute, dans mon propre intérêt, faire profil bas.
Elle m’a déculotté. Avec détermination. A tout descendu, pantalon et boxer, sur les chevilles.
– Tourne-toi !
Elle m’a saisi par le bras. Fait pivoter sur moi-même.
– Effectivement !
Elle m’a longuement passé la main sur le derrière, a redessiné les contours de la fessée que je venais de recevoir.
– J’attends des explications.
– T’as dit que tu savais.
– Je veux l’entendre de ta bouche. Allez, j’écoute !
– C’est que j’ai…
– Oui ?
– Épié les voisines sous la douche.
– Et qu’elles t’ont surpris. Ensuite ?
– Elles m’ont menacé de tout raconter.
– À qui ?
– À tout le monde.
– Et à moi en particulier.
– À moins que j’accepte d’être puni.
– Ce que tu as fait. Mais, en attendant, du coup, tu m’as menti. Par omission, mais tu m’as menti. Et tu as poussé de fait, en passant cet accord avec elles, les autres à me mentir aussi. J’étais pourtant la première concernée, non ? Et en droit de savoir qui tu es en réalité puisque je sors avec toi, puisque je couche avec toi et puisqu’on envisage de faire notre vie ensemble. Non ?
– Ben oui, mais…
– Mais tu savais pertinemment comment j’allais réagir. Bon, mais il y a pas que ça…
J’ai feint l’étonnement.
– Pas que ça ?
– Il faut vraiment que je te rafraîchisse la mémoire ? Tu ferais beaucoup mieux de la retrouver tout seul, tu sais ! Ça vaudrait beaucoup mieux.
– Ah, oui ! C’est vrai ! Il y a eu le stade. Les vestiaires…
– Les voisines te suffisaient plus, faut croire ! Il te fallait carrément toute une équipe de hand… Tu veux que je prenne ça comment, moi, hein ? Tu crois vraiment que je vais pouvoir passer ma vie avec un type dont je serai amenée à me demander sans arrêt s’il court pas reluquer tout un tas de petites nanas dès que j’ai le dos tourné ?
– Je le ferai plus, je t’assure ! Non, si, c’est vrai, hein !
– Que tu prétends ! Pour rattraper le coup. En te disant, en arrière-fond, qu’une fois que l’orage sera passé, tu pourras à nouveau, à condition d’être discret, te livrer à tes dépravations.
– Je te jure que…
– Mais bien sûr ! Évidemment ! Tu vas pas dire le contraire. Non, je vais être franche avec toi, Raphaël ! Après un truc pareil, je sais plus du tout où on est tous les deux. Je me sens trahie. Alors faut que je réfléchisse. Que je pèse le pour et le contre.


35-


Je me suis précipité dans la chambre de Camille.
Elle était assise à son ordinateur.
– T’es allée tout lui raconter à Célestine, hein !
– D’abord, pour commencer, tu pourrais frapper.
– Parce que tu frappes, toi, quand tu rentres dans ma chambre ?
– C’est pas pareil. Dix mille fois, je l’ai vu,moi, ton cul. Et en couleurs en plus.
– C’est toi qui l’as fait venir. Pour me piéger. C’est ça, hein !
– Si tu veux que je te réponde, tu sors et tu frappes.
Ce que j’ai fait en maugréant.
– Entre !
– Tu peux m’expliquer ?
Elle s’est levée.
– Oui, c’est moi qui ai mis Célestine au courant ! Oui. Dans ton intérêt.
– Ben, voyons !
– Parfaitement, oui. Dans ton intérêt. Parce que tu la connais pas, Clémence. Elle est toxique, cette fille. Elle allait t’embringuer dans tout un tas de trucs dont tu ne serais certainement pas ressorti indemne !
– Oh, tu parles !
– Eh, si ! Elle n’a aucune limite. Elle fait ce qu’elle a envie. Comme elle a envie. Quand elle a envie. En prenant des risques inconsidérés. Je pourrais t’en raconter pendant des heures et des heures là-dessus, si je voulais. Ça parle, les filles entre elles. Elle a déjà eu des tas d’ennuis. Elle t’en aurait fait avoir. Et de sérieux. Parce que te connaissant comme je te connais, t’aurais été incapable de dire non. Tu te serais laissé entraîner. D’autant plus qu’au final t’es comme elle. Exactement comme elle. Dès qu’il s’agit de mater, il y a plus rien qui te retient. Et t’aurais donné, tête baissée, dans tous les panneaux qu’elle t’aurais tendus. Seulement t’es mon frère. Et je n’ai pas du tout envie d’être obligée d’aller te porter des oranges en prison.
– Rien que ça ! Tu crois pas que t’exagères ?
– Non, j’exagère pas, non !
– Tu peux pas la voir, c’est ça, hein ! Qu’est-ce qu’elle t’a fait ?
– Mais rien du tout !
– On dirait pas !
– Et toi, pourquoi tu tiens tellement à la défendre ? Elle t’a tapé dans l’œil ?
– N’importe quoi !
– Alors je te signale, à toutes fins utiles, qu’elle est lesbienne, Clémence. Résolument lesbienne. Exclusivement lesbienne. Et lesbienne conquérante. Il y a des tas de filles qui te le diront.
– Ah, je comprends mieux. Elle marche dans tes plates-bandes en fait.
– T’es vraiment très con quand tu t’y mets.
– Je sais pas. On peut se demander. Remontée comme tu es contre elle.
– N’importe comment, c’est pas le problème, Clémence. Le problème, c’est qu’il fallait bien que tu sortes, d’une façon ou d’une autre, de cette situation. Qui pouvait pas s’éterniser comme ça encore des mois et des mois. Tu pouvais pas continuer à te prendre indéfiniment des fessées en veux-tu en voilà et à être la risée de toute la fac. Parce que tu sais pas tout. Et je peux te dire qu’il s’en fait partout des gorges chaudes du cul tanné de Raphaël. Et que ça a pris des proportions !
– Ce à quoi tu as largement contribué, non ?
– Pour te faire réagir. Et Dieu sait si je m’y suis employée. Dans l’espoir que tu finirais par prendre, de toi-même, le taureau par les cornes et par dire la vérité à Célestine. Parce que c’était la seule solution. Parce que c’était par elle qu’elles te tenaient et par la peur viscérale que tu avais qu’elles la mettent au courant. Mais comme réagir, c’était manifestement au-dessus de tes forces, il a bien fallu que je m’y colle et que je monte au créneau.
– Et maintenant, résultat des courses, Célestine m’en veut à mort.
– Qu’elle t’en veuille, ça, c’est sûr ! Et c’est bien un peu normal, non ? Mais tu sais de quoi elle t’en veut le plus ? Et de loin. C’est de ne pas lui avoir fait confiance. C’est d’avoir pu penser qu’elle ne comprendrait pas. Qu’elle ne pardonnerait pas.
– Tu crois que je peux rattraper le coup alors ?
– Franchement, oui ! À condition de faire profil bas. Et à condition de pas te remettre à mater à la première occasion.
– Oui, oh, ben ça, ça coule de source ! Pas question que j’y remette le nez, alors là !
– Sois pas trop sûr de toi, va ! Parce que si le bât risque de blesser, c’est bien de ce côté-là…


36-


Célestine s’est assise au bord de mon lit.
‒ Bien. Alors voilà ! J’ai pris ma décision. On reste ensemble. Du moins pour le moment. Parce que si d’aventure j’apprenais que tu as remis ça, que tu as cherché à épier qui que ce soit sous la douche, dans des vestiaires, des cabines d’essayage ou n’importe où ailleurs, tout serait définitivement fini entre nous. C’est bien compris ?
J’ai baissé la tête.
‒ Oui.
‒ Par ailleurs si, dans quelque domaine que ce soit, j’ai à me plaindre de toi de quelque façon que ce soit, je te punirai puisque, apparemment, il n’y a que ça que tu comprends. Au martinet, à la ceinture ou à la main. Ce sera selon. Ça aussi, compris ?
J’ai fait signe que oui.
– Bien. Cela étant, ne va pas t’imaginer, sous prétexte que je suis, du moins pour le moment, à des centaines de kilomètres d’ici, que tu vas pouvoir en prendre à ton aise sans que m’en revienne le moindre écho. J’ai chargé Camille de te placer sous haute surveillance. Tout ce que tu pourras dire ou faire me sera scrupuleusement rapporté. Dans les moindres détails.
Ah, comme elle devait jubiler, ma garce de sœur !
– Autre chose : je serai dorénavant la seule habilitée à te corriger lorsque ce sera nécessaire. Plus question que la première venue te tambourine le derrière. Et pour que ce soit parfaitement clair, pour tout le monde, tu vas te déshabiller. Allez !
– Là ? Tout de suite ? Maintenant ?
– Évidemment ! Pas dans six mois.
Elle m’a regardé faire.
‒ En route !
Elle m’a poussé devant elle dans l’escalier, puis dans la salle de séjour. Où je me suis brusquement trouvé nez à nez avec elles toutes. Madame Dubreuil. Ses filles, Manon et Emma. Ma sœur Camille. Clémence. Johanna. Jasmine.
Sous l’effet de la surprise, j’ai eu un mouvement de recul instinctif qui a déclenché l’hilarité générale. D’une grande bourrade dans le dos, Célestine m’a propulsé jusqu’au milieu de la pièce.
‒ Bon. Inutile de faire les présentations, j’imagine ! Tu connais tout le monde.
Elle s’est tournée vers elles. A détaché sa ceinture.
‒ Désormais, c’est moi qui prends les rênes en mains.
Il y a eu un murmure d’approbation.
‒ Quant à toi, à genoux !
Face à elles. Tous leurs regards rivés à moi.
‒ Prêt ? Eh bien, réponds !
J’étais prêt, oui.
Et elle a cinglé. Un grand coup. Qui m’a mordu à pleines fesses. Qui m’a arraché un gémissement de douleur. Elle a continué sur sa lancée. Méthodiquement. Régulièrement. Fort. Vite. Toujours au même endroit.
Serrer les dents. Pour ne pas crier. Ne pas les regarder. Fixer un point très loin au-dessus d’elles.
J’ai tenu bon. Un peu. Et puis ça a été plus fort que moi. J’ai pas pu m’empêcher. Je me suis empêtré dans les yeux d’Emma qui arborait un petit sourire d’intense satisfaction. Dans ceux de Jasmine qui me fixait en bas sans la moindre vergogne. Et j’ai crié. Comment j’ai crié !
Elle s’est enfin arrêtée.
‒ Là ! Pour solde de tout compte.
Elle m’a prise par le bras, fait tourner sur moi-même, entraîné vers la porte.
Quelqu’un, derrière, a dit quelque chose que je n’ai pas compris. Et elles ont toutes ri. De bon cœur.
Un rire qui m’a poursuivi dans l’escalier.

En haut, elle m’a attiré contre elle.
‒ Là ! Voilà les pendules remises à l’heure. Maintenant on peut repartir sur de nouvelles bases tous les deux.
Et elle m’a poussé vers le lit.

FIN