mercredi 21 novembre 2018

VINTAGE (1)

RATES D'HÔTEL



Dessin de Louis Malteste


Tout se passait bien. En général, à midi, tout se passe toujours bien. Les clients sont en bas. Ils déjeunent. Les chambres sont vides. On peut donc les visiter et s’y approvisionner tout à loisir. Tout se passait d’autant mieux que la récolte était d’importance. Montres, bijoux, liquidités. On en avait pour notre argent. Si on peut dire.
On allait en finir. On était dans la toute dernière chambre, au bout du couloir, quand la porte s’est brusquement ouverte et on s’est trouvées nez à nez avec un petit vieux à la mine stupéfaite.
– Mais… qu’est-ce que vous faites là ?
– Rien. Rien. On s’en va. On s’est trompées de chambre.
Il n’a pas été dupe. Il a jeté un coup d’œil à nos sacs gorgés de butin et il s’est mis à hurler à pleins poumons tandis qu’on détalait, à toutes jambes, dans le couloir.
– Au voleur ! Au voleur !
En haut de l’escalier, la patronne nous a barré la route, sa sœur sur les talons.
– Qu’est-ce qui se passe ici ?
Le vieux nous a rejointes, soufflant et vociférant.
– Elles m’ont volé ! Elles m’ont dépouillé. Gourgandines ! Canailles ! Les gendarmes ! Qu’on appelle les gendarmes !
Elles ont exigé.
– Vos sacs ! Faites voir vos sacs !
On n’avait pas le choix. On les leur a remis, la mort dans l’âme. Elles y ont plongé les mains.
– Oui. Bon. C’est clair. Effectivement, les gendarmes !
On a eu beau sortir le grand jeu : il était tuberculeux, mon père. Et la mère de Marthe, phtisique. Il y avait plein de frères et sœurs à la maison. Qu’avaient rien mangé depuis trois jours. Et tra la la… Et tra la la… Elles ont rien voulu savoir quand même.
– Vous les nourrissez avec des montres, ces marmots ? C’est ça ?
– Mais non, mais…
Derrière le vieux arrêtait pas de glapir.
– Les écoutez pas ! Ce sont des malfaisantes. Les gendarmes ! En prison ! En prison !
On était en mauvaise posture. En très mauvaise posture. Alors on a sorti notre arme fatale. Celle qui jusque là, dans ce genre de situation, nous avait toujours remarquablement bien réussi.
– Oh, s’il vous plaît, Madame, pas les gendarmes. Donnez-nous la fessée plutôt ! Et on recommencera pas. On vous promet.
Il y a eu un long moment de flottement. Les deux sœurs se sont regardées, indécises.
Quant au vieux grigou, il s’est bizarrement montré beaucoup plus conciliant tout à coup.
– C’est sûrement la première fois. Tout le monde peut commettre une erreur. Faut leur laisser une chance. Et sûrement qu’une bonne fessée, ce sera tout aussi efficace, au bout du compte, que les gendarmes, les juges et tout le saint-frusquin.
Elles se sont concertées à voix basse.
– Bon, ben allez, alors !
Nous ont poussées dans une chambre où le vieux cochon s’est empressé de se faufiler à notre suite.
Elles ont refermé la porte, se sont assises, nous ont attirées à elles.
– C’est par ici que ça se passe…
Elles nous ont troussées, déculottées… Et alors là… Ouille ! Ouille! Ouille ! On en avait déjà eu, des fessées, oui. Les deux fois qu’on s’était fait prendre. Mais jamais aussi fortes. Ni aussi longues. Elles riaient tout ce qu’elles savaient. En plus !
– Vous avez voulu une fessée ? Eh ben, vous plaignez pas, vous êtes servies.
Et elles y allaient de leurs commentaires.
– Le cul de la mienne, il rougit plus vite.
– Oui, mais la mienne, elle piaule davantage. T’entends cette jolie voix qu’elle a ?
Quant au gros pervers, derrière, il perdait rien du spectacle. Le visage violacé, suffocant, il transpirait à grosses gouttes.
Elles s’interrompaient de temps à autre.
– On s’en tient là ?
– T’es fatiguée ?
– Oh, non, non ! Pas du tout !
– Moi non plus !
– Alors…
Et elles reprenaient de plus belle.
Elles ont quand même fini par arrêter.
– Là ! Elles ont leur compte.
– Oui. M’étonnerait qu’elles reviennent s’y frotter.

Elles nous ont raccompagnées jusque sur le trottoir.
– Les garces ! Non, mais quelles garces ! T’as vu leurs têtes ? Ah, ça leur plaisait, il y a pas à dire, de nous tambouriner le popotin. Elles adoraient, oui !
– On leur a tendu le bâton pour se faire battre. Elles en ont profité. C’est de bonne guerre. Mais en attendant, on repart sans rien.
– Tu voudrais quand même pas… ?
– Qu’on essaie ailleurs ? Ben…
– Ah, non, pas tout de suite, attends ! J’ai le derrière dans un état !
– On se fera pas prendre ce coup-ci.
– Alors ça, t’en sais rien du tout !





LA PASSION DE MADAME LA BARONNE


Dessin de Gaston Smit (1933)


C’est le moment qu’elle préfère. Quand elle passe la porte. Qu’elle croise leurs regards. Que leurs sourires se font mi-narquois mi-complices.
Helga s’avance vers elle, faussement obséquieuse.
– Madame la baronne est en manque ? Nous allons remédier rapidement à cet état de choses.
Elle soulève un pan du grand rideau grenat.
– Si Madame veut se donner la peine de passer dans le petit salon, derrière.
Elle la laisse seule.
– Je reviens. J’en ai pour une minute.
Dix minutes. Vingt minutes. Parfois davantage. Des minutes voluptueusement insupportables. Il y a, à côté, le bruissement feutré du magasin. Les voix des vendeuses qui vaquent à leur tâche, vont et viennent. De temps à autre, l’une d’elles passe la tête. Suzon. Ou Alice.
– Tout va comme Madame le désire ?
Ou Margaux. Qui la fixe longuement d’un petit air moqueur.
– On va encore bien s’amuser.
Et elle éclate d’un rire insolent.

Elles ferment. Juste le temps de s’occuper d’elle. Elles ferment. Elle inspire. Profondément. Son cœur s’emballe. C’est le moment. C’est enfin le moment.
Elles sont là, toutes les quatre. Elles l’entourent.
– Alors, à nous !
Helga avance une chaise.
– Prenez place ! À genoux, allez !
Elle obéit.
– Là ! Et maintenant tu vas nous montrer ton cul.
Les mots. Leurs mots. Elle adore. Elle en frissonne toute.
– Ben, alors ! Qu’est-ce t’attends ?
– Peut-être qu’elle est sourde ?
– Non, mais c’est qu’on a ses petites pudeurs dans la haute…
Et il y en a une – elle ne sait pas laquelle – qui la trousse. Qui la déculotte sèchement.
Elle pousse un petit cri de surprise effarouchée. Qui déclenche leurs rires.
– T’en verras d’autres, va !
– Et pas plus tard que tout de suite.
Une main l’effleure.
– Comment il est blanc, son petit popotin d’aristo !
– Ce qui va pas durer.
– À quoi on lui fait aujourd’hui ?
Suzon propose…
– Au fouet-fagot. Il y a longtemps. Ça changera.
Le fouet-fagot. Elle frémit. C’est épouvantablement éprouvant, le fouet-fagot. Ce sont des milliers de mini-brûlures qui s’incrustent, en même temps, sur toute la surface. Au bout de cinq ou six cinglées on est littéralement en feu.
Les autres approuvent.
– Oh, oui, oui ! Le fouet-fagot !
Suzon lui susurre à l’oreille…
– Comment tu vas te trémousser, baronne !
Margaux la contourne, lui fait face.
– Que je voie ta petite frimousse quand ça va tomber.
Et ça tombe.
Elle sursaute. Elle se cabre. Il y en a une, derrière, qui rit. De bon cœur.
Les coups se succèdent, méthodiques, réguliers. Ils lui arrachent des soubresauts. Des gémissements.
Suzon encourage Helga.
– Plus fort ! Plus fort ! Tu te relâches, là.
La douleur se fait plus vive. Plus intense. Elle crie. Elle supplie.
– Encore ! Encore !
Margaux l’oblige à relever la tête, plonge ses yeux dans les siens.
– Elle va jouir, les filles !
Elle jouit. À petits sanglots émerveillés. Elle jouit sous les coups. Et sous leurs rires.
Tout retombe. Elle aussi, satisfaite, épuisée.

À côté, elles ont rouvert. Des clientes entrent, achètent, ressortent. Il y a la voix de Suzon, paisible, sereine…
– Si Madame veut m’en croire, ce parme lui va très bien au teint.
Celle d’Alice, plus forte, plus déterminée.
– Il suffira d’une petite retouche, je vous assure.
Margaux passe la tête. Son petit rire offensant.
– T’as toujours le cul à l’air, toi ? Eh ben, dis donc !
Elle l’a toujours. Elle est bien. Ça brûle. Ça irradie dans tous les sens. Si bien.

Elle finit par se redresser. À regret. Par se rajuster. Par soulever le rideau grenat.
Helga la raccompagne jusqu'à la porte, s’incline cérémonieusement.
– Que Madame la baronne revienne ! Quand elle voudra. Ce sera toujours avec plaisir.



LA DEMOISELLE DU CHÂTEAU


Dessin de Louis Malteste


– Qu’est-ce vous faites là, Mademoiselle Lise ?
– Je regarde. Comment elles sont rouges, ses fesses à Honorine.
– Et elles vont l’être davantage encore.
– Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle a fait ?
– Ce qu’elle a fait ? Elle s’est comportée d’une façon absolument ignominieuse. Voilà ce qu’elle a fait…
– Elle a volé ?
– Si c’était que ça !
– C’est quoi alors ?
– C’est ça ! Gigote, toi ! Gigote !
– Ah, je sais ! Elle a couché avec ton fiancé. C’est ça, hein ? Tu veux pas le dire ? Pourquoi tu veux pas le dire ?
– Et pleurniche bien ! Si tu crois que c’est comme ça que tu vas m’amadouer.
– Tu me le feras après, Léonie ?
– Certainement non, Mademoiselle Lise…
– Ben, pourquoi ?
– Parce que ça se donne pas pour rien, une fessée. Il faut qu’il y ait une raison.
– Mais il y en a, des raisons ! Des quantités et des quantités. Si tu savais…
– Quand même ! Ce n’est pas possible.
– Pourquoi ? Parce que je suis la fille des châtelains, la fille des maîtres, c’est ça, hein ? Mais je fais ce que je veux. Je suis majeure.
– N’insistez pas ! C’est non.
– Bon, tant pis. Je vais me débrouiller autrement.
– C’est-à-dire ?
– Je trouverai quelqu’un d’autre.
– Et qui donc ?
– Basile, le jardinier. Je vais lui demander. Il me refusera pas, lui !
– Ne faites pas ça !
– Et pourquoi donc ?
– Parce que c’est un homme. Et parce que c’est Basile. Et Basile…
– Qu’est-ce qu’il a, Basile ?
– Non, rien.
– J’y vais alors. Il doit être à la serre à cette heure-ci.
– Non ! Attendez !
– Tu vas me le faire ?
– Peut-être.
– Peut-être ou sûrement ?
– Sûrement. Pas question que je vous laisse aller trouver Basile.
– Mais alors aussi fort qu’à Honorine tu vas me le faire, hein ! Plus, même.
– Comme Mademoiselle voudra…
– Allez, vite ! Finis-la ! À mon tour maintenant. J’ai trop hâte.



DÉFAITE

Dessin : Louis Malteste

– Jamais on aurait dû la perdre, cette finale ! Jamais !
– Ah, ça !
– On était largement au-dessus d’elles, faut dire ce qui y est !
– Marthe a été vraiment lamentable.
– Elle a quasiment tout raté. C’est pas son habitude pourtant…
– Un jour sans. Ça arrive.
– Vous me faites rire, les filles ! Non, mais alors là, vous me faites trop rire. Vous avez vraiment rien vu ?
– Non. Quoi ?
– Elle le faisait exprès. C’est clair qu’elle le faisait exprès.
– Moi aussi, je me suis demandé.
– C’est vrai que ça paraissait bizarre. Elle était au-dessous de tout aujourd’hui.
– Pourquoi elle aurait fait ça ?
– Pourquoi ? Ils sont riches à millions en face.
– Tu veux dire que…
– Qu’ils l’ont achetée, oui. L’argent et elle, ça a toujours été une grande histoire d’amour.
– Oh, quand même !
– À votre avis, elle est où, là ?
– C’est vrai, ça, pourquoi elle est pas avec nous ? Il y a qu’elle qu’est pas là.
– Elle est partie chercher ses sous, tiens ! Moitié avant le match. Et moitié après. En général c’est comme ça que ça se passe.
– Et en plus elle nous fait ça quasiment sous le nez.
– Quelle garce !
– Tiens, ben la v’là justement !

– T’étais où ?
– Là-bas… Je discutais.
– Gros sous ?
– Non. Pourquoi tu dis ça ?
– On est au courant, Marthe.
– Au courant ? Mais au courant de quoi, grands dieux ?
– Fais bien l’innocente !
– Vide tes poches, plutôt ! Vide tes poches ! Non, pas celle-là. L’autre devant. Celle qu’est bien gonflée. Qu’est-ce t’es empotée ! Attends, je vais t’aider… Là ! Voilà ! C’est quoi tout ce blé ?
– C’est à moi !
– Et ça sort d’où ?
– De… Je… J’ai travaillé.
– Fous-toi bien de nous ! En plus !
– Mais non, mais…
– On la connaît la vérité. Quelqu’un t’a balancée. Quelle espèce de petite saloperie tu fais ! Parce que, nous, on a passé des heures et des heures à s’entraîner pour cette finale. On y croyait. On s’est investies. On a consenti tout un tas de sacrifices pour la gagner. Et toi, au dernier moment, tu nous plantes un poignard dans le dos.
– Je suis désolée.
– Ça nous fait une belle jambe. En tout cas, je peux te dire qu’il va y en avoir du monde au courant de ce que t’as fait ! Les dirigeants, bien sûr. Nos familles. Nos amis. Tous ceux à qui on aura l’occasion de le faire savoir. D’une façon ou d’une autre.
– Vous allez pas faire ça !
– On va se gêner !
– Pour qui je vais passer, moi !
– Pour ce que t’es !
– Je vous en supplie…

Pénélope et Mathilde se sont concertées à voix basse.
– Oh, oui, oui. C’est une idée, ça !
Se sont tournées vers elle.
– Ou bien alors on te flanque une bonne fessée déculottée. Au choix !
– Une fess… Oh, non, non.
– Comme tu voudras.
Et elles lui ont tourné le dos.
– Attendez !
– T’as changé d’avis ?
– Non !
Elles ont fait mine de s’éloigner.
– Oui. Si !
Elles sont revenues.
– T’as raison ! C’est qu’un mauvais moment à passer. Tandis que sinon, c’est tous les jours que t’auras le nez dedans. Bon, ben allez !
Elles ne lui ont pas laissé le temps de se raviser.
Pénélope l’a fait tomber à genoux, lui a relevé la robe, enserré la taille avec son bras.
Et Mathilde l’a déculottée.
– La ménagez pas, hein, les filles ! Qu’elle le sente passer.
– Et faites-lui honte. Surtout ça ! Bien honte.
– Comptez sur nous. Elle va s’en souvenir.
Et la première claque est tombée.



GERTRUDE, CUISINIÈRE FESSEUSE

Dessin de Louis Malteste


Elle a reposé sa tasse, froncé les sourcils.
– Il y a des gens qui se disputent quelque part, on dirait…
– En bas, oui.
– Des femmes. Ce sont des voix de femmes.
– L’entente n’est en effet pas toujours des plus harmonieuses au sein de mon personnel féminin.
– Et vous n’intervenez pas ?
– Rarement. Je laisse le plus souvent Gertrude, ma cuisinière, régler les conflits qui surviennent. Elle le fait de façon très efficace et, il faut bien l’avouer, parfois fort plaisante.
– Comment cela ?
– Le ton monte. Venez ! Descendons ! Vous verrez par vous-même.

– Elle a recommencé, Madame ! Elle a recommencé. Elle peut pas s’empêcher. Alors…
– Je vois, Gertrude, je vois…
– Il y a que ça qu’elle comprend. C’est la seule solution avec elle. Ah, garce, je vais te le rougir ton pétrousquin, moi, tu vas voir ! Même que tu vas pas pouvoir t’asseoir d’un moment !
– S’il te plaît, Gertrude !
– Quoi ? C’est pas la première fois que Madame te voit les fesses à l’air. Quant à l’autre Madame, elle est sûrement pas née de la dernière pluie non plus.
– Ça fait bien trop honte devant elles.
– Parce que voler dans le garde-manger et dans les réserves, ça, par contre, ça te fait pas honte. Accuser effrontément les autres de ton forfait non plus…
– Je le ferai plus.
– Ah, non, tu le feras plus, non. Parce que je vais t’en faire passer l’envie.
– Ça fait mal !
– Tu m’en diras tant… C’est ça, gigote ! Et laisser les autres faire la besogne à ta place pendant que tu te roules dans le foin avec Basile, ça non plus, ça te fait pas honte. Quand on a le feu au cul, hein !
– S’il te plaît, Gertrude ! Je t’en supplie…
– Là, au moins, tu vas l’avoir pour quelque chose le feu au cul ! Et ce que t’as fait le soir de la Saint-Ignace, tu veux que je leur raconte aux madames ? Tu veux ?
– Oh, non, hein ! Non !
– Alors arrête tes simagrées. C’est ça, chiale ! Tu pisseras moins. Mais si tu crois que c’est ça qui va m’apitoyer, tu te fourres le doigt dans l’œil, ma petite, et jusqu’au coude.

– Vous reprendrez bien une tasse de thé, ma chère ?
– Volontiers, oui. En tout cas, on peut pas dire… Votre cuisinière a la main lourde.
– N’est-ce pas ?
– Et après la correction qu’elle vient de recevoir, je doute que cette petite servante soit tentée de récidiver.
– Victoire ? Détrompez-vous ! La leçon portera un mois. Peut-être deux. Et elle recommencera. Elle est incorrigible.
– Et les autres ? Votre cuisinière les soumet-elle au même traitement ?
– Pas toutes, non. Loin de là. Mais il y a trois ou quatre indociles, ou paresseuses, ou étourdies dont c’est fréquemment le lot.
– Oh, mais je sens que je vais venir prendre le thé beaucoup plus souvent chez vous, moi !
– Quand vous voudrez, ma chère ! Quand vous voudrez… Ce sera avec plaisir.



CINQ À SEPT

Dessin de Georges Topfer


– Qu’avons-nous fait, Léon ? Mais qu’avons-nous fait ?
– L’amour, très chère…
– Mon Dieu, mais c’est horrible.
– Ah, vous trouvez ?
– Non… Enfin, si ! Oui.
– Cela semblait pourtant, il y a quelques instants, vous paraître fort plaisant. C’est même vous qui, à deux reprises, êtes remontée à l’assaut.
– J’ai honte…
– Et de quoi donc, chère amie, je vous prie ?
– Je suis mariée.
– Qu’à cela ne tienne ! Moi aussi.
– Ce n’est pas la même chose.
– Vraiment ?
– Vraiment. Votre femme ne vous satisfait pas.
– Ah, parce que votre mari, lui, par contre…
– Est mon mari. Et je lui avais juré fidélité. S’il apprenait…
– Il n’apprendra pas.
– Oui, mais moi, je sais. Comment voulez-vous que je puisse désormais…
– Quoi donc ?
– Non, il faut que je rachète ma faute. D’une façon ou d’une autre, il faut que je la rachète.
– Je puis m’en charger.
– Comment cela ?
– En vous infligeant la sanction que vous estimez avoir méritée.
– Que faites-vous ?
– Vous le voyez, très chère. Je détache ma ceinture.
– Pour ? Vous n’allez tout de même pas me…
– Fouetter ? N’est-ce pas la punition la plus appropriée pour vous laver de la faute que vous avez commise ?
– Sans doute, mais…
– Mais ?
– Non, rien. Faites, Léon, faites ! Punissez-moi !

* *
*

– Là, ma chère… Voilà. Vous sentez-vous quelque peu rassérénée ?
– Oh, oui, mon ami, oui. Vous m’avez soulagée d’un grand poids. Je me sentais si coupable…
– Vous avez été fort courageuse. Parce que j’ai fait preuve, à votre égard, d’une grande sévérité.
– Il le fallait. Ma faute était d’une telle gravité…
– Vous vous rhabillez ?
– Oui. Je dois rentrer.
– Quand nous reverrons-nous ?
– Nous ne nous reverrons plus, Léon.
– Vous savez bien que si…
– Laissez-moi croire le contraire. Au moins quelque temps.



LA KERMESSE


– Ça s’est sûrement passé quand ce pauvre abbé Demichel a fait son malaise, que tout le monde s’est précipité autour de lui. Sûrement.
– Jamais il aurait fallu laisser la caisse sans surveillance.
– En même temps, dans la panique, on peut comprendre…
– J’ai vraiment cru qu’il était mort, moi, ce pauvre curé.
– Moi aussi ! Le voir étendu comme ça, inanimé, en plein soleil.
– N’empêche que s’emparer de la recette d’une kermesse qui devait revenir, dans sa totalité, aux pauvres de la paroisse, faut vraiment n’avoir aucune moralité.
– Ah, ça ! Mais aujourd’hui, on peut s’attendre à tout.
– Qui a bien pu faire une chose pareille ? Qui ?
– Je le sais, moi !
– Toi, Alice ?
– Oui. J’étais un peu à l’écart, là-bas, au pied du grand chêne. J’ai tout vu.
– C’est qui ? Léopold, hein, c’est lui ? Il a déjà si souvent été pris la main dans le sac.
– Non.
– Le type de la ferme des Aussanges, alors ! Il vient d’arriver. Personne le connaît ici. Et puis il a l’air tellement bizarre.
– Non plus, non.
– Ben c’est qui alors, dis ! Nous fais pas languir.
– L’une de nous cinq. Les bénévoles.
– L’une de… Non, mais c’est pas possible.
Mathilde baisse la tête.
– C’est toi ? Non, mais c’est pas vrai que c’est toi !
Tous les regards convergent vers elle.
– Je rendrai tout.
Rose hausse furieusement les épaules.
– Encore heureux… Manquerait plus que ça. Viens là !
Elle obéit.
– Penche-toi !
En travers de ses genoux.
– Trousse-toi !
Elle hésite. Quelques fractions de seconde. Mais elle le fait.
– Plus haut !
Plus haut. Allez, plus haut !
Ses fesses d’albâtre pointent résolument vers nous.
– J’ai honte !
D’une toute petite voix.
– Ah, ça, tu peux ! Il y a de quoi !
Alice me passe un bras par-dessus l’épaule, se serre contre moi.
– Ça te plaît ?
– Chut ! Tais-toi ! Regarde !
Rose brandit le battoir à tapis. Mathilde tourne la tête vers elle.
– Tu vas me…
– Flanquer une bonne fessée, oui ! C’est mérité, avoue, non ?
– Oui. Si !
– J’aime te l’entendre dire.
Et elle l’abat résolument. À pleines fesses.
Mathilde sursaute, pousse un cri.
Rose poursuit sur sa lancée. À grands coups espacés, réguliers. Que Mathilde accompagne, chaque fois, d’une sorte de ahanement essoufflé et d’une poussée en rythme du derrière. Haut. Très haut. De plus en plus haut. Ce qui ne laisse rien ignorer des ciselures rosées de ses replis intimes. Je pose une main sur le genou d’Alice. Qui se serre contre moi.
Rose s’interrompt.
– On s’en tient là ?
On proteste. Toutes les trois. Avec véhémence.
– Oh, non ! Non. Continue !
Et elle reprend de plus belle.




LA FESSÉE DE GISÈLE

Dessine de Louis Malteste


Chaque fois qu’elle descendait à Châteauroux, Gisèle venait me rendre visite. Et, chaque fois, elle s’efforçait de me convaincre.
– Tu vas périr d’ennui dans ce trou perdu. Viens avec moi ! Monte à Paris !
Et elle me dépeignait, sous les couleurs les plus riantes, la vie là-bas. Ce n’était que fêtes perpétuelles, repas pantagruéliques. Quant aux jeunes gens… Ah, les jeunes gens ! Polis, courtois, raffinés, cultivés, ils n’avaient strictement rien à voir avec le tout-venant de Châteauroux.
– C’est le jour et la nuit. Allez, viens ! Qu’est-ce que tu risques ? Elle t’embauchera, Mademoiselle Guibert. Elle me l’a promis.
– Et j’habiterai où ?
– Avec moi. Au-dessus de l’atelier. Ces crises de fou rire qu’on va se prendre !

J’ai fini par me laisser tenter. Et je n’ai pas eu à le regretter. La couture n’avait pas de secrets pour moi et, à l’atelier, je me suis tout de suite sentie dans mon élément. Avec les quatre autres filles, je n’avais pas le moindre problème. Quant à Mademoiselle Guibert, elle se félicitait haut et fort de la qualité de mon travail.
– Et tu avances vite. En plus !

La chambre de Gisèle n’était pas très spacieuse, mais le lit, lui, si ! Et on disposait, juste à côté, d’une sorte de grand débarras dans lequel on pouvait entreposer nos affaires à notre gré. Tant et si bien qu’on ne se sentait pas vraiment à l’étroit.
On s’endormait tard. De plus en plus tard. On avait toujours une foule de choses à se raconter. Et puis il y avait les deux messieurs bien mis. Qui passaient presque tous les jours à l’atelier, sous un prétexte ou sous un autre, pour nous voir et nous parler. Qui voulaient absolument nous inviter à aller au spectacle avec eux. Ils nous faisaient trop rire.
– Ils ont au moins quarante ans, attends !
– Et qu’est-ce qu’ils sont laids ! En plus !

On était justement en train de se moquer d’eux, un soir, quand Mademoiselle Guibert a brusquement fait irruption dans la chambre.
– Non, mais vous savez l’heure qu’il est ? Ça va pas de faire un raffût pareil ! Alors maintenant vous vous couchez ! Et vous me laissez dormir.
Ce qui n’a absolument pas impressionné Gisèle. Elle a continué à rire et à parler fort comme si de rien n’était. Encore plus fort, même.
– Chut ! Elle va revenir…
– Et alors ? On s’en moque. On fait bien ce qu’on veut.
Ce qui a eu pour effet quasi immédiat de la faire réapparaître.
– Alors toi, ma petite, tu cherches… Eh bien, tu vas trouver !
Elle l’a attrapée par un bras, tirée dans le couloir.
– Oh, non, Mam’zelle, s’il vous plaît…
– T’étais prévenue. T’étais pas prévenue ?
– Si, mais…
– Eh bien alors !
Elle s’est assise sur le canapé d’angle, l’a courbée en travers de ses genoux, lui a tout relevé.
– Oh, Mam’zelle !
Et lui a mis une fessée. Cul nu.
J’étais stupéfaite. Et terrifiée. Est-ce qu’après ça allait être mon tour ? J’étais d’autant plus effrayée que ça avait l’air de faire très mal. Elle se contorsionnait dans tous les sens, Gisèle. Elle possait des tas de petits cris. « Hou… hou…hou… » Et ça les lui mettait rouges, les fesses, mais rouges !
– Là ! Et maintenant tu vas te coucher et tu la fermes. Quant à toi, Alice, tâche d’en prendre de la graine. Parce que si j’ai à me plaindre de toi, pour quoi que ce soit, tu subiras le même sort. C’est compris ?
C’étais compris, oui.
On a filé sans demander notre reste.

Dans le lit, Gisèle m’a attrapé la main.
– Elle sont brûlantes. Tiens, touche ! Mais si, touche !
Elle l’étaient.
– Comment elle a tapé fort ! Bien plus que les autres fois. Mais ça, c’est parce que t’étais là.
Elle s’est voluptueusement étirée.
– En attendant, comment ça fait du bien !
– Du bien !
– Enfin, non ! Du mal, oui ! Mais du mal qui fait tellement du bien… T’en as jamais eu, hein ?
– Jamais.
– Tu peux pas comprendre alors ! Mais tu verras ! Tu verras. Quand on en a eu reçu une, après, on peut plus jamais s’en passer.




DERRIÈRE LES ARBRES

Carman. Trente ans.


– Il est là ?
– Bien sûr qu’il est là…
– Où ça ?
– Te retourne pas surtout ! Dans le bouquet d’arbres juste derrière. Il y a que là qu’on peut vraiment se cacher.
– C’est loin !
– Pas tant que ça. Et puis il aura pris sa longue-vue.
– Tu lui as dit quoi au juste ?
– Que t’avais mérité une bonne fessée. Et que je viendrais te la flanquer ici. Parce que là-bas, avec les voisins, c’était pas possible. On nous aurait entendues.
– Et alors ?
– Il m’a baisé la main. Et il m’a souri. « Je ne sais rien. Vous ne m’avez rien dit. »
– On le fait un peu attendre ?
– Oh, si tu veux…
Et on s’est allongées, côte à côte, un brin d’herbe entre les dents.

– Combien de temps ça fait ?
– Pas loin d’une heure. Il doit commencer à s’impatienter.
– Et si on reportait à demain ?
– Le pauvre ! Il serait horriblement déçu.
– Il n’en aurait que plus envie encore.
– À moins qu’il ne se décourage…
– Oui. Non, mais n’importe comment ça me démange trop que tu me la donnes.
– On y va alors ?
– On y va.
Et je me suis tournée sur le ventre.
Elle m’a lentement, très lentement, dénudé les fesses. Et elle a tapé. En prenant bien soin de rester sur le côté. Qu’il puisse jouir pleinement du spectacle. J’ai battu des jambes. J’ai enfoui ma tête dans l’herbe pour étouffer mes cris. Elle, elle tapait de plus en plus fort. De plus en plus vite. De plus en plus cuisant.
– Elles sont rouges ?
– Assez… Mais pas tant que ça quand même…
– Alors continue…
Elle ne s’est pas fait prier. À grandes claquées qui m’ont fait bondir du derrière, crier comme une perdue.
– Là ! Tu as ton compte, non ?
Je l’avais. Je me suis relevée. Reculottée.
– Il a dû se régaler, l’autre, là-bas, derrière.
– Et pas qu’un peu !
– Tu me raconteras ce qu’il t’a dit, hein ?
– Évidemment !

On a pris le chemin du retour.
– Et demain, c’est toi qui ramasses. Il y a pas de raison…
– Si tu veux.
– Peut-être qu’un jour il y aura pour de bon quelqu’un à nous regarder, là-bas, dans les arbres. Qu’on aura pas besoin de l’inventer.
– Ou beaucoup plus près. Un passant qu’on n’aura pas entendu arriver.
– Qu’est-ce qu’on fera ?
– Semblant de pas l’avoir vu.
Et on s’est prises en riant par la taille.




LA FESSÉE DE MADAME


– Madame a l’air bien fatiguée.
– Oh là là, oui. Elle a une mine de déterrée.
– C’est l’absence de Monsieur qui chagrine Madame ?
– Absence qui ne l’empêche pas de passer ses journées par monts et par vaux.
– On se demande bien à quoi faire, d’ailleurs.
– Oh, non, on se le demande pas. On sait.
– Madame les prend vraiment très jeunes.
– C’est que c’est plein de sève à cet âge-là…
– Et que ça n’hésite pas à remettre le couvert autant de fois que nécessaire.
– Madame ne dit rien ?
– Qu’est-ce que tu veux qu’elle dise ?
– À part nous supplier de lui garder le secret.
– Et elle est bien trop fière pour ça.
– Quand Monsieur va apprendre…
– Et il apprendra…
– Oui. Il faut qu’il sache.
– Quand Monsieur apprendra, alors là Madame va vraiment passer un très très mauvais quart d’heure.
– À moins que…
– On règle ça entre nous ?
– Ce peut-être une solution. On administre à Madame une bonne fessée de derrière les fagots. Bien cuisante, à la fois pour son fondement et pour son amour-propre.
– Ce qui est, à tout le moins, amplement mérité.
– Et on ne dit rien. À personne. Même pas à Monsieur.
– Surtout pas à Monsieur.
– Muettes. De vraies tombes.
– Que pense Madame de tout ça ?
– Rien. Qu’est-ce tu veux qu’elle en pense ? Elle s’en veut. Elle s’en veut énormément. Pas d’avoir écarté les jambes, non. C’était trop bon. Mais d’avoir manqué de prudence. Parce qu’on sait toutes les deux. Elle se demande bien comment, mais on sait. Le fait est là. Et, du coup, elle est entièrement à notre merci. Obligée d’en passer, si elle ne veut pas aller au-devant de très très gros ennuis, par tout ce qu’on veut. Elle n’a pas le choix. Et ce qu’on veut maintenant, c’est qu’elle aille bien docilement s’agenouiller au bord de son lit.
– Oh, là ! Ce regard ! Elle n’aime pas, mais alors là, pas du tout cette perspective.
– Ce dont on se fiche éperdument.
– Tu crois qu’elle va le faire ?
– Et comment qu’elle va le faire ! Elle a trois secondes pour ça. Sinon… Eh ben, voilà ! Tu vois, suffit de demander. Elle est docile finalement notre maîtresse, hein ?
– Très. Ce qui est, ma foi, fort agréable.
– N’est-ce pas ? Et elle va l’être davantage encore. Parce qu’elle va se laisser bien gentiment mettre le cul à l’air. Là ! Voilà… Et maintenant, on va s’en donner à cœur-joie. Tu commences ou je commence ?
– Oh, ensemble ! Ensemble ! Ça portera plus.
– Eh bien, allez, alors ! Feu !


jeudi 1 novembre 2018

Quinze ans après


QUINZE ANS APRÈS

1-


Philibert a voulu savoir.
– Mais alors, finalement, il y a combien de temps que t’en as pas donné de fessées ?
– Ça dépend de ce que t’entends par là… Si c’est des fessées tape-cul, il y a pas longtemps. Un mois. À peu près. Une désillusion. Une de plus. Je commence à avoir l’habitude. Mais une vraie fessée investie, bouleversante, pleine de sens, il y a une éternité.
– Quinze ans en fait, hein !
– J’aurais jamais dû…
– Quoi donc ?
– Couper les ponts, comme je l’ai fait, avec Hélène et Marie-Clémence. Mais bon… J’étais amoureuse. On fait n’importe quoi quand on est amoureuse. Et quand on s’en rend compte, il est trop tard.
– Je peux te parler franchement ?
– Tu sais bien que oui.
– Tu les idéalises trop toutes les deux. Tu te calfeutres dans l’espoir de retrouver très exactement ce que tu as vécu avec elles. Et, sous prétexte qu’elles n’en sont pas la copie conforme, tu passes sûrement, du coup, à côté de relations qui, une fois approfondies, pourraient se révéler très gratifiantes pour toi.
– Peut-être. Je sais pas.
– Oh, que si ! Et j’ai bien envie de te faire faire la connaissance de Coxan. Histoire que t’arrêtes de tourner obstinément en rond dans ton passé.
– C’est qui, ce Coxan ?
Un ami à moi. Un passionné de vidéos de fessées. De fessées administrées par des mains féminines sur des croupes féminines. Uniquement.
– Tu m’en diras tant !
– Seulement, il n’y trouve pas vraiment son compte. Il est le plus souvent déçu. Parce que les modèles simulent. La douleur, la honte ou le plaisir. C’est selon. Et ça se voit. Comme le nez au milieu de la figure.
– Ben oui. Forcément. Pour elles, c’est un boulot comme un autre. Ni plus ni moins. Un boulot pour lequel elles sont payées.
– C’est pourquoi il voudrait se constituer sa petite collection personnelle. N’y trouveraient place que des femmes prenant vraiment du plaisir à être fessées et à être vues, et filmées, en train de l’être.
– Et comment il sera sûr qu’elles ne friment pas ?
– Parce qu’il ne retiendra que celles qui accepteront de jouer le jeu sans la moindre contrepartie financière.
– Et qui courront gratuitement le risque de voir leur cul rougi se balader partout sur Internet ? Il rêve ton ami, non ?
– Il a prévu des garde-fous. Un contrat en bonne et due forme. Qui stipulerait qu’il s’engage à ne faire, de ces vidéos, qu’un usage strictement privé. Sous peine de devoir verser à ses victimes, s’il ne tient pas ses engagements, de très lourdes indemnités.
– Mouais… Et il compte les trouver où, ces heureuses élues ?
– D’abord, avant tout, ce qu’il voudrait, c’est se trouver une fesseuse-recruteuse. Quelqu’un de fiable, de déterminé, en qui il pourrait avoir la confiance la plus absolue.
– Et, évidemment, t’as pensé à moi.
– J’ai eu tort ?
– Pas forcément. Ça dépend. Il consisterait en quoi, au juste, mon rôle ?
– Tu te doutes bien un peu, non ?
– En gros, oui. Mais pratiquement, concrètement, il s’agirait de procéder comment ?
– Le mieux, si t’es d’accord sur le principe, ce serait que t’en discutes avec lui.
– À condition que ça ne m’engage à rien.
– C’est bien comme ça que je l’entendais.


2-


C’était un type d’à peu près mon âge. Jovial. Chaleureux. Au regard clair. À l’abord franc. Qui, d’entrée de jeu, m’a fait claquer la bise.
– Depuis le temps que Philibert me parle de vous !
Et a absolument tenu à nous offrir le restaurant. Gastronomique le restaurant. Avec atmosphère feutrée et serveurs pingouins.
Il a attaqué d’emblée, avant même que les hors d’œuvre nous aient été servis.
– Philibert vous a expliqué…
– En gros. En très gros.
– Oui. Ce que je voudrais, c’est que ce soit des femmes de tous les jours. Des employées. Des institutrices. Des dirigeantes d’entreprise. N’importe. Mais pas des modèles. J’en ai soupé des modèles. Non. Des femmes au foyer. Des mères de famille. Des femmes mariées. Des célibataires. Des divorcées. De ces femmes qui ont des fantasmes plein la tête, qui les caressent à longueur de nuit, mais qui n’ont jamais osé passer à l’acte. Votre rôle, à vous, consistera à les convaincre de le faire.
– S’il s’agit, pour moi, d’aller écumer les bars ou les boîtes de nuit…
– C’est hors de question. Ce n’est de toute façon pas là que les femmes qui nous intéressent se trouvent. Ou très rarement. Non. Ce que nous allons faire… Passer des annonces. Pas forcément, d’ailleurs, sur des sites spécialisés. Au contraire même. J’ai ma petite idée. Des annonces dans le registre : « Jeune femme aimerait discuter fessée avec d’autres femmes » C’est tout. Pas la peine, dans un premier temps, d’en dire davantage. Discuter, c’est rassurant, ça, discuter. Uniquement discuter. Et avec une femme, qui plus est. Elles vont se sentir en parfaite sécurité. Et je suis convaincu que nous serons extrêmement surpris du nombre de réponses que nous allons recevoir. À vous ensuite de dialoguer. De prendre votre temps. De faire le tri. Et de ne conserver que celles qui vous sembleront susceptibles d’entrer dans le jeu et d’accepter, à terme, que vous leur claquiez le derrière. Il vous suffira ensuite d’user de patience, de vous montrer rassurante et persuasive, de les amener, pas à pas, là où nous souhaitons qu’elles se rendent.
– Ça paraît simple comme ça, mais…
– Ce le sera. Je suis absolument convaincu que vous vous en sortirez haut la main. Et que ce sera un moment particulièrement exaltant.
– Peut-être le plus exaltant finalement.
– Il y a toutes les chances en effet. Peut-être n’arriverons-nous à nos fins qu’avec un très petit nombre d’entre elles. Une sur cinq. Une sur dix. Mais quel bonheur ce sera, pour vous comme pour moi, quand vous réussirez à la coucher enfin en travers de vos genoux, pour lui infliger une éclatante première fessée.
– À laquelle il vaudra mieux que vous n’assistiez pas.
– Non. Bien sûr que non. Ça flanquerait tout par terre. Après, plus tard, quand vous aurez pris votre vitesse de croisière toutes les deux, c’est quelque chose que vous lui suggérerez, si vous sentez que c’est une proposition susceptible d’éveiller des échos en elle. Que je puisse enfin entrer à mon tour en scène.
– Uniquement comme spectateur ?
– Cela va de soi. Jamais il ne sera question de rien d’autre.
– Il me faudra sans doute néanmoins vaincre bien des réticences.
– Vous les vaincrez. Ça prendra le temps que ça prendra, mais vous les vaincrez. Et, une fois que je serai dans la place, à moi alors, avec votre aide, de faire en sorte qu’elle accepte de se laisser filmer.
– J’aurai bien entendu droit à une copie ?
– Cela va sans dire… Tout vous paraît clair ?
– Parfaitement.
– Et… vous êtes partante ?
– Je le suis.
– Si vous avez la moindre question, le moindre doute, vous n’hésitez pas. Vous m’appelez ou vous me laissez un mail. Ou même vous passez. Toutes mes coordonnées sont là. Et… ah, oui… je vais lancer les annonces dès ce soir. Ça peut aller vite. Très vite. On ne peut pas savoir.


3-


Dès le lendemain matin, j’avais cinq messages dans ma boîte. Dont deux ont tout particulièrement retenu notre attention. D’abord une certaine Andréa, vingt-cinq ans, caissière dans une grande surface, qui disait passer le plus clair de son temps devant des vidéos de fessées. « Une véritable drogue ! À peine rentrée du boulot, je me précipite devant mon écran. Le week-end, je me terre chez moi. Je ne vois personne. Je ne pense plus qu’à ça. Je ne vis plus que pour ça. Alors en parler avec quelqu’un qui partage la même passion ? Oui, oui et encore oui. »
Coxan était aux anges.
– Ça va le faire, celle-là ! Je suis sûr que ça va le faire. Te loupe pas, hein ! Surtout te loupe pas !
– C’est ça ! Mets-moi bien la pression !
– Mais non, mais…

Eugénie, quant à elle, avait quarante ans, un mari et des fantasmes plein la tête. Des fantasmes dont elle ne s’était, jusque là, ouverte à personne. « Ils me faisaient bien trop honte. Je me disais que j’étais pas normale. Et puis de voir que je suis pas la seule, ça me rassure. Au moins un peu. Alors peut-être que d’en parler, ça me permettra de l’apprivoiser complètement. Peut-être. Je sais pas. »
– Elles n’en ont jamais reçu. Ni l’une ni l’autre. Je suis sûr qu’elles n’en ont jamais reçu. Si tout se passe bien, tu vas avoir la primeur. Génial, non ?

À Andrea j’ai répondu que j’étais moi aussi ravie de pouvoir « en » parler. « Parce que rester toute seule dans son coin avec ça ! D’où mon annonce. » Je me suis empressée de lui préciser que mon intérêt portait exclusivement sur des fessées données par des femmes à d’autres femmes.
– Non, parce que si ça l’intéresse pas, si elle est plutôt branchée fessées flanquées par des mecs, inutile qu’on perde notre temps.
Oh, elle, hommes ou femmes, ça lui était égal. Du moment que c’était un fessier féminin qui ramassait.
– Alors, ça va, on continue. Suffira d’influencer dans le bon sens.
Très vite, elle a proposé qu’on procède à des échanges de vidéos. « Puisque ça nous passionne toutes les deux. » Des vidéos qu’on commentait. De plus en plus librement. Ce qu’elle aimait, elle, c’était les entendre couiner. « Non, mais t’as vu ça comment elle braille celle-là ? Ah, les voisins doivent être à la fête. » « Et l’autre, là ! Elle a une de ces façons de piauler. J’adore, moi. Pas toi ? »
Coxan haussait les épaules.
– Tu parles ! C’est du flan. Elles font semblant. Par contre, t’as pas remarqué un truc ?
– Si ! Qu’elle m’envoie pratiquement que des vidéos de fesseuses. Pas d’hommes fesseurs.
– Parce qu’elle sait que c’est ce que tu préfères. Non, autre chose.
– Je vois pas.
– Sur toutes, absolument toutes, on a, en même temps que la fessée, d’imprenables aperçus sur l’intimité très largement entrebâillée des demoiselles.
– Et tu en tires quoi comme conclusion ?
– Rien. Pour le moment. Quoique…

Eugénie, elle, était constamment sur la défensive. Dès qu’elle s’était avancée un tant soit peu à découvert, elle battait aussitôt précipitamment en retraite. Il m’a fallu plus d’un mois pour la faire enfin parler, à force de patience, de ses fantasmes. « Il y en a un surtout, c’est sans arrêt qu’il revient. Presque tous les jours. Je tombe amoureuse. Il est marié. Je le sais pas. Mais elle croit que si, sa bonne femme. Que j’ai tout manigancé pour lui piquer. Et elle me fond dessus, comme une furie, un soir, sur un parking, avec deux copines à elle. Cette fessée qu’elles me flanquent ! »
– Par contre, elle, quand elle se lâche, elle se lâche…
– Tu crois que ?
– C’est un souvenir qui a fini par devenir fantasme ? Peut-être. Qui sait ?


4-


Bon, mais commenter des vidéos de fessée, comme ça, quasiment tous les soirs, c’était bien. C’était même très bien. Mais les regarder ensemble, côte à côte, ç’aurait été encore mieux, non ?
Elle ne demandait pas mieux, Andrea. Ah, non, alors ! Au contraire. Ça faisait même déjà un sacré moment que, de son côté, ça la démangeait de me le proposer.
– La seule chose, c’est que, si ça t’ennuie pas, je préfèrerais que ça se passe chez toi. À cause des voisins. Parce que, chez moi, les murs sont quasiment en carton-pâte.
Coxan s’est frotté les mains, ravi.
– Ce qui signifie, à l’évidence, qu’elle ne compte pas se contenter de regarder sagement des vidéos en ta compagnie. Ça sent la fessée à plein nez, ça… Maintenant, à toi de bien savoir mener ta barque.

– Salut !
Toute blonde toute menue, souriante, l’air mutin.
– Eh ben, entre ! Reste pas là ! Assieds-toi ! Mets-toi à ton aise !
– Ça fait tout drôle… En douce que je te voyais pas du tout comme ça…
– Ah, oui ! Et tu me voyais comment ?
– Je sais pas… Mais pas comme ça… Plus grande. L’air plus sévère. Plus intimidante en fait.
– T’es déçue ?
– Oh, non ! Non ! Pas du tout, non. Va pas croire ça…
J’ai lancé une vidéo.
– Allez, on perd pas de temps. On entre dans le vif du sujet.
C’était l’histoire d’une jeune femme qui avait accepté une peine de substitution : cinquante coups de badine en lieu et place de trois ans de prison. La caméra s’attardait complaisamment sur les préparatifs : lecture du jugement, déshabillage. Une femme médecin lui faisait subir un examen médical en règle. Puis deux assistantes prenaient tout leur temps pour l’installer sur la table d’exécution, lui enserrer poignets et chevilles dans des bracelets en cuir, lui attacher la taille avec une longue ceinture, les genoux avec une autre.
Andrea a frissonné.
– T’as tout le temps d’appréhender quand ça dure des éternités comme ça… Ce qui fait partie de la punition, faut croire.
– Le pire moment… Ou le meilleur, c’est selon.
Elle a levé les yeux sur moi, hoché la tête, souri.
L’exécutrice s’est enfin présentée. Elle a vérifié que tout était bien en place, les bracelets et les liens suffisamment serrés. Elle a choisi soigneusement une badine parmi un lot d’une demi-douzaine, l’a fait claquer en l’air, s’est lentement approchée.
Le premier coup est tombé.
Andrea a fermé les yeux, tressailli.
Les autres ont aussitôt suivi, méthodiques, réguliers.
Elle les a regardés s’inscrire, fascinée, en longues traînées rosâtres sur les fesses impuissantes de la condamnée.
La femme médecin a réclamé une interruption, vérifié que la condamnée était en état de supporter son châtiment, fait signe que oui… oui… il pouvait se poursuivre.

– T’as aimé ?
– Oui.
– Ça a pas l’air.
– Oh, si, si ! Seulement…
– Seulement ?
– Je préfère quand elles crient…
– Elle a bien crié…
– Pas vraiment. Pas comme j’aime. C’était trop étouffé. Pas assez abandonné. Non, et puis aussi…
– Et puis aussi… entravée comme elle l’était, elle pouvait pas se contorsionner et gigoter, laisser voir tout son saoul tout ce qu’elle a à montrer. Et ça, t’adores…
– Hein ? Mais comment tu le sais ?


5-


Elle m’a regardée, stupéfaite, et m’a reposé la question.
– Non, mais comment tu le sais ?
– Sur pratiquement toutes les vidéos que tu m’envoies, les nanas s’exposent généreusement, pendant la fessée, dans toute leur vérité. Il y a une chance sur mille, avoue, pour que ce soit imputable au seul hasard.
– Je le fais pas exprès.
– Raison de plus !
Elle a légèrement rougi.
– Je peux te poser une question, Andrea ?
– Bien sûr… Vas-y !
– T’en as déjà reçu ?
Elle s’est agitée sur le canapé, a croisé, décroisé, recroisé les jambes.
– C’est-à-dire… Oui… Enfin, non… Toute seule, mais je sais pas si ça compte pour de bon.
– C’est pas vraiment la même chose.
– Non, c’est pas vraiment la même chose. Parce que, même si on se dit qu’on va se taper fort, on le fait pas autant que si c’était quelqu’un d’autre. Et puis on peut pas avoir honte pareil.
– Ça te dirait ?
Elle a soutenu mon regard.
– Hein ? Ça te dirait ?
– Maintenant ?
– Et pourquoi pas ?
– Oui, mais alors, faut que je te demande… Si je te dis d’arrêter, tu le fais pas, hein ! Ni si je te dis de taper moins fort. D’accord ?
– Lève-toi, Andrea !
Elle l’a fait, ses yeux dans les miens. J’ai rassemblé ses deux poignets dans ma main et je l’ai doucement, tout doucement, attirée vers moi.
– T’es venue pour ça, hein ?
– Non. Si ! Quand même un peu.
– Un peu beaucoup, oui. Dis-le !
– Je suis venue pour ça.
– Pour quoi ?
– Pour que tu me donnes la fessée.
– Une fessée comment ?
– Cul nu.
– Cul nu, oui.
J’ai glissé mes mains sous la robe, me suis emparée des rebords de la culotte que j’ai lentement descendue, accompagnée jusqu’en bas. Elle en est sortie, un pied après l’autre.
– Penche-toi !
Elle a basculé en travers de mes genoux. Je l’y ai confortablement installée. J’ai relevé la robe. Très haut. Au-dessus des reins.
– Mais c’est que t’as un cul de rêve ! Il y manque juste un peu de couleur, mais ça, on va y remédier. Et sur-le-champ.
J’ai lancé une première claque. Sèche. Appuyée.
– Aïe ! Hou, la vache !
Elle s’est crispée dans l’attente de la seconde. Que je l’ai interminablement fait attendre. Que j’ai brusquement abattue. Une troisième. Une quatrième. En pluie. En grêle. En rafales. En tornade hurlante et mugissante.


6-


Elle s’est relevée en se frottant vigoureusement les fesses.
– Hou là là là là là ! Comment ça me cuit !
– Tu pleures.
– Oui, mais ça fait rien, ça ! Tant pis. Tant mieux. Comment c’est bon que ça cuise. J’aurais jamais cru. Enfin, si ! Je me doutais. Mais pas à ce point-là.
– Viens ! Dans ma chambre. Viens ! Je vais te passer de la crème.
Sur le ventre. Sur mon lit. La tête dans mon oreiller.
J’ai étalé. Doucement massé.
– T’as pas arrêté quand je t’ai suppliée.
– C’est ce que tu m’avais demandé.
– J’avais peur que tu le fasses. Comment j’ai trop aimé.
– Ça te soulage, la crème ?
– Un peu, oui.
– En tout cas, qu’est-ce que t’as braillé !
– C’est vrai ? Je me suis pas rendu compte. Ça craint, non, pour tes voisins ?
– Alors ça, j’en ai strictement rien à battre. Et qu’est-ce que t’as gigoté ! Je n’ignore plus rien de ton anatomie. Qu’est-ce qu’il y a ? Ça va pas ?
– Oh, si, si ! Seulement si tu continues comme ça avec la crème, et avec ta main, il va se passer quelque chose.
– Oh, tu crois ?
Et j’ai poursuivi. Et il s’est passé : elle s’est soulevée, a ondulé sous mes doigts, doucement gémi son plaisir, la tête enfouie dans l’oreiller.
– C’était bon ?
– Un peu que c’était bon. Tu es machiavélique.

Au matin, on s’est réveillées l’une auprès de l’autre.
– Quelle heure il est ? Oh, là là ! Va falloir que j’y aille. Le devoir m’appelle.
– Oui, mais pas avant de m’avoir fait voir l’étendue des dégâts.
Elle s’est retournée sur le ventre.
– Alors ?
– Impressionnant ! Tu verras ça dans la glace de la salle de bains, mais impressionnant… Ça a viré déjà. Ça a commencé.
J’y ai passé un doigt.
– Ah, non ! Remets pas ça ! Pas maintenant. Jamais je vais pouvoir aller travailler, moi, sinon…
– Tu serais pas mieux là, avec moi ?
– Si ! Bien sûr que si ! Mais j’ai pas le choix. Déjà que ma paye est toute maigrichonne.
– File vite alors !
– Aujourd’hui, remarque, ça va pas être désagréable du tout de me dire que j’ai le cul en feu et que personne se doute de rien. Les collègues qui vont continuer à me raconter leurs petites histoires. À se prendre la tête pour des conneries. Les clients, à la caisse, qui seront à cent mille lieues d’aller imaginer… J’adore… On se reverra, hein ? On recommencera…
– Évidemment ! La question se pose même pas.
– Non, parce que… Pour une fois qu’il se passe quelque chose d’intéressant dans ma vie…

Coxan s’est frotté les mains.
– Tu es géniale. Absolument géniale. On va y arriver. Je suis sûr qu’on va y arriver. Et tout le monde va y trouver son compte. En plus !
– Tu crois pas si bien dire…
– Parce que ?
– Parce que tu sais ce qu’elle m’a demandé ? Que, la prochaine fois, on l’enregistre sa fessée. Qu’elle puisse la réécouter, après, chez elle, tout à loisir.


7-


Avec Eugénie, c’était une autre paire de manches.
– On arrivera à rien, je t’assure, Coxan. Parce que pour parler, ça, elle parle… Elle fait même que ça. Quant au reste : même aller boire un café quelque part toutes les deux, pas question. Elle se défile systématiquement. C’est d’un décourageant ! Et t’as vraiment l’impression de perdre ton temps à force.
– Oui, mais si, au final, ça débouche sur ce qu’on espère, ce n’en sera que plus savoureux.
– Alors ça ! J’imagine franchement pas cette nana se laissant filmer en train de recevoir la fessée. Faudrait déjà qu’elle accepte qu’on lui en flanque une. Et c’est loin d’être gagné.
– C’est quoi, le problème, à ton avis ? Le mari ? Elle a peur qu’il s’aperçoive de quelque chose ?
– Il y a peut-être un peu de ça, oui, mais ce que je crois surtout, c’est que c’est la fantasmeuse de base. Et qu’elle sautera jamais le pas. Qu’elle en a jamais eu vraiment l’intention.
– Et c’est quoi ses fantasmes ?
– SON fantasme, tu veux dire ! Il y en a qu’un. Auquel elle revient toujours. Obsessionnellement. Elle couche avec le mari d’une autre. Qui découvre le pot-aux-roses et qui se venge en lui flanquant une mémorable fessée.
– Eh, bien, invente-toi un petit copain ! Raconte-lui que tu vas te marier avec. Que c’est imminent. Et je te parie qu’avant quinze jours tu l’auras rencontrée. Qu’elle fera des pieds et des mains pour que tu le lui présentes. Ce que tu feras…
– Mais…
– Mais c’est un rôle que je jouerai à la perfection, tu verras… Et avant trois mois on est arrivés à nos fins.

Il n’avait pas tort. J’ai senti s’éveiller aussitôt chez elle un intérêt manifeste pour cet amoureux d’invention.
– Ah, oui ! Mais tu m’en as jamais parlé de ce type.
– Ça s’est pas trouvé.
– Il fait quoi ?
– Ingénieur.
– Et alors, comme ça, vous allez vous marier…
– On en parle…
Le poisson était ferré.
Coxan a poussé à la roue.
– Bats le fer tant qu’il est chaud ! Rencontre-la !
Elle ne s’y est pas refusée. Et on a passé l’après-midi ensemble. À parler de lui, de lui et encore de lui.
On s’est revues le surlendemain. Et encore la semaine suivante.
– Plus je t’entends en parler et plus je me dis qu’il est en or, ce type.
– Je crois en effet que j’ai beaucoup de chance.
Elle a fini par se lancer.
– Tu sais ce qu’on pourrait ? C’est que tu me le présentes. Ça donne envie à force de t’entendre en parler. Et puis tu sais quoi ? J’ai une sorte de sixième sens. Quand je vois deux personnes ensemble, tout de suite je sais si elles sont faites l’une pour l’autre, si c’est appelé à durer. Je te dirai…

Coxan était aux anges.
– Et voilà ! Je te l’avais dit. Je te l’avais pas dit ? C’est quasiment dans la poche. Bon, mais on va quand même la faire mariner un peu. Qu’elle ait le temps d’en rêver. Dis-lui que je suis en mission quelque part. Pour une quinzaine de jours. Au Cambodge. Ou au Canada. N’importe où. On s’en fout.


8-


Il y avait Andrea. Que j’avais revue. Deux fois. À qui j’avais, chaque fois, administré une retentissante fessée. Dont j’avais, comme convenu, enregistré les cris et les supplications. Qui en était absolument ravie.
– Avec le bruit des claques par là-dessus, ça fait un effet ! Tous les soirs, je l’écoute. Dix fois de suite. Je m’en lasse pas. C’est un peu comme si on était ensemble. Comme si on recommençait.
– Et tu te caresses.
– Ben oui, ça, forcément !
J’en avais conservé une copie.
– Ça t’ennuie pas ?
– Oh, non ! Non ! Bien sûr que non. Tu l’écoutes ?
– Quelquefois, oui.
– J’aime bien que tu le fasses. J’adore…
– D’ailleurs, à ce propos, ça t’ennuierait que je la fasse écouter à quelqu’un ? Sans lui dire qui tu es, évidemment.
– À qui ?
– Un ami. Un passionné de fessée. Depuis toujours.
– Tu peux. Bien sûr que tu peux, mais à une condition, c’est que tu me racontes. Ce qu’il a dit. Ce qu’il a pensé. Tout.

Il y avait aussi Eugénie.
Qui maintenant voulait qu’on se voie tous les jours. Qui ne me parlait plus que de mon amoureux supposé. Qui voulait tout savoir de lui. Absolument tout. Comment on s’était rencontrés. Comment il me faisait l’amour. Quand il allait enfin revenir.
– C’est long !
– Il fait pas toujours ce qu’il veut.
Coxan se frottait les mains.
– On la tient. Alors faisons-la mariner encore un peu. Je vais y passer une semaine de plus au Canada, mais alors à mon retour…

Et puis il y a eu Camille. Qui m’a contactée sans grande conviction.
– Parce que moi, les fessées…
– C’est pas ton truc.
– Non. Enfin, si ! C’est un peu compliqué.
– Eh ben, explique !
– Ce dont j’ai besoin, c’est d’obéir. Sans discuter. Sans réfléchir. Quoi qu’on veuille. Quoi qu’on me demande. Aussi difficile que ce soit. Surtout, si c’est difficile. Faut qu’on m’impose. Faut qu’on s’impose. Alors, bien sûr, les fessées, ça peut en faire partie. Ça doit en faire partie. Mais faut que ça aille au-delà. Bien au-delà.
– En somme, si je comprends bien, ce à quoi tu aspires, c’est être sous la coupe de quelqu’un, sous son emprise, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
– C’est exactement ça.
– Oui, ben c’est à pas toi de décider.
Il y a eu un long blanc au téléphone. Et puis :
– Oui, vous avez raison. Entièrement raison.
– Tu es où ? Tu habites où ?
– À Angoulême.
– Alors tu te débrouilles comme tu veux, mais demain, à quinze heures, tu seras devant la fontaine Saint-Michel à Paris.
– J’y serai.

– Et tu vas en faire quoi, sans indiscrétion ?
– Je sais pas. J’aviserai sur place. Quand je l’aurai vue. Mais tiens-toi prêt, toi aussi. Parce qu’en voilà une avec qui, à mon avis, on va pouvoir brûler les étapes.


9-


Je l’ai d’abord observée de loin. Une petite brune à l’air effacé. Qui faisait les cent pas devant la fontaine en regardant fébrilement sa montre.
Je l’ai fait attendre. Une bonne demi-heure. Et puis je me suis approchée.
– C’est toi, Camille ?
C’était elle, oui.
– Alors, viens !
Elle m’a docilement suivie.

Je l’ai entraînée jusqu’à Notre-Dame. Dont on a fait le tour. Sans échanger le moindre mot. Je l’ai ramenée au point de départ. Et j’ai recommencé. Quatre fois. Fontaine Saint-Michel ; Notre-Dame. Notre-Dame ; Fontaine Saint-Michel. Toujours sans lui adresser la parole. J’ai fini par m’asseoir à une terrasse de café. Elle a hésité, tiré une chaise.
– Qu’est-ce tu fais ?
– Ben…
– Quelqu’un t’a dit de t’asseoir ?
– Non.
Elle a précitamment remis la chaise en place.
– Tu seras punie pour ça.
Quelque chose de profondément intense a traversé son regard. Elle a baissé la tête.
– Eh ben, assieds-toi ! Tu vas pas rester plantée là…
Elle l’a fait. Du bout des fesses.
– T’as quel âge ?
– Dix-neuf ans.
– Et tu fais quoi ?
– Vendeuse.
– Dans quoi ?
– Les vêtements.
– C’est tout le temps qu’il faut t’arracher les mots de la bouche comme ça ?
– Vous m’intimidez.
– Elle est sévère avec toi, ta patronne ?
– Plutôt, oui. Elle laisse rien passer. À personne.
– Elle te donne des fessées ?
– Oh, non ! Non !
– Mais t’en crèves d’envie.
Elle a marqué un long temps d’arrêt.
– J’y pense des fois. Je pense que je vis chez elle. Et que je fais tout ce qu’elle veut. Absolument tout. Et quand elle est pas satisfaite de moi, elle me punit. Ou même, parfois, elle me punit comme ça, pour rien. Juste parce qu’elle a envie. Mais ça n’arrivera pas en vrai.
– Pas avec elle, mais qui sait ?
Elle a soutenu mon regard.
Je me suis levée. Elle aussi. On s’est remis en marche.
– Tiens, tu le vois, le vieux monsieur, là, qu’arrive en face ? Eh bien tu vas lui dire…
– Lui dire quoi ?
– Que je t’emmène prendre une fessée.
Elle l’a fait. Elle l’a dit. À haute et intelligible voix.
– Monsieur ! Monsieur ! Je vais avoir une fessée. Elle va me la donner.
Il a hoché la tête, souri.
– Grand bien te fasse, ma chérie…
Et puis la femme à l’air revêche. Qui a haussé furieusement les épaules.
– Petite dinde, va !
Je l’ai ramenée à la fontaine.
– Là ! Et maintenant, tu rentres à Angoulême. Mais on se revoit le week-end prochain. Quelle chance tu as ! Tu vas pouvoir rêver là-dessus toute la semaine.


10-


Andrea a voulu savoir. Aussitôt. À peine la porte franchie.
– Tu m’as pas dit. Tu lui as fait écouter à ton ami ?
– C’est tout récent. De cet après-midi ça date.
– Et alors ? Ça lui a plu ?
– Tu parles si ça lui a plu ! Six fois il a fallu que je lui fasse réécouter. « Qu’est-ce qu’elle chante bien ! » il arrêtait pas de répéter. « Non, mais qu’est-ce qu’elle chante bien ! Ah, tu devais y aller de bon cœur ! »
– Ah, pour ça ! Près d’une semaine il m’a brûlé, le joufflu.
– Plains-toi !
– Oh, non ! Non, je me plains pas. Au contraire. Il a rien dit d’autre ?
– Il m’a demandé s’il pourrait pas en avoir une copie. Histoire de t’entendre pousser la chansonnette tout à loisir.
– Oh, si il veut.
– Et il m’a posé des tas de questions sur toi. Ce que tu faisais comme boulot. Comment t’étais physiquement. Si t’en avais déjà reçu avant des fessées. D’où ça t’était venu, cette envie. Et quand je t’en donnais, c’était couchée sur mes genoux ? Ou bien debout, appuyée contre ma cuisse ? Autrement ? Toujours à la main ? Ou bien aussi au martinet ? Ou au paddle ? Ou à la badine ? Et comment tu réagissais ? Tu gigotais ? Tu battais des jambes ? Mais alors je te raconte pas quand je lui ai dit que tu montrais tout. Et plus que tout. Généreusement. Il m’a suppliée. Il pourrait pas voir ? Assister ? Au moins une fois. Juste une fois.
– Et t’as répondu quoi ?
– Que c’était pas à moi de décider. Mais que ça m’étonnerait que t’acceptes.
– Mais c’est qui, ce type, finalement ?
– Je t’ai dit. Un ami à moi.
– Vieux ?
– À peu près mon âge.
– Tu le connais d’où ?
– C’est l’ex d’une copine. Qui lui en a fait voir de toutes les couleurs. Quand elle l’a eu plaqué, on est restés en contact. Et puis voilà.
– Ça se passerait comment ?
– Comme tu voudrais… Il peut rester caché si tu préfères.
– Oh, non, non…
– Ou bien rester derrière toi et faire tout un tas de réflexions sur ce qu’il voit et ce qu’il entend.
– C’est pas que ça me déplairait, mais ça craint quand même…
– Une autre solution encore, ce serait qu’il se mette devant toi. Que tu puisses croiser son regard…
– Oh, la honte !
– T’aimerais pas ?
– Si ! Peut-être. Je sais pas. Ça dépend.
– De quoi ?
– De lui. De comment il est. De comment je le sens.
– Suffirait que tu le rencontres avant…
– Je voudrais pas me sentir obligée…
– Avec lui, il y a pas de risque ! C’est vraiment pas le genre de type à te forcer la main. Bon, alors, qu’est-ce que je fais ? Je nous organise une petite bouffe ?
– Si tu veux, oui. Mais pas chez toi. Au resto. Que je me sente pas coincée si le courant passe vraiment pas…

Coxan était ravi.
– T’es un amour. Un véritable amour. Ce sera quand ?
– Très bientôt. Et j’ai une idée en plus !
– Ah, oui ? Quoi ?
– Surprise ! Mais tu seras pas déçu, tu verras…


11-


Eugénie a jeté son sac sur la banquette, s’est laissée tomber à côté.
– Alors ? Ton amoureux ? Toujours pas revenu ?
– Il rentre ce soir.
– Ah, oui ? Sûr ?
– Sûr…
Elle a fait la grimace.
– Tant mieux pour toi… Mais on va moins se voir, du coup, toutes les deux.
– Il y a pas de raison.
– Oh, ben si, il y en a une, si ! Les mecs, ça veut qu’on reste avec. Pas qu’on passe le plus clair de son temps avec les copines.
– Lui, il est pas comme ça. Pas du tout.
– Oui, oh, alors ça, je demande à voir.
– Tu dis ça parce que tu le connais pas. Quand tu le connaîtras…
– Tu me le présenteras ?
– Sans problème. Quand tu veux. Demain, si tu veux.

Elle s’était mise sur son trente-et-un. Petite robe légère affriolante à mi-cuisses. Qui laissait voir les bretelles dentelées du soutien-gorge et découvrait la naissance des seins. Et elle sortait, à l’évidence, de chez le coiffeur. Son maquillage était tout particulièrement soigné. Le grand jeu, quoi !
J’ai réprimé un sourire. Et j’ai fait les présentations.
– Eugénie… Coxan…
– Enchanté…
– J’ai beaucoup entendu parler de vous.
Elle lui a tendu la main.
– On se fait la bise plutôt, non ?
– Volontiers.
Elle a tout aussitôt pris la direction des opérations. Et de la conversation.
– Alors ? Comment c’est, le Canada ?
Elle l’a religieusement écouté, le coude appuyé sur la table, le menton dans la main, ses yeux plantés dans les siens.
– C’est passionnant ! Et ça consiste en quoi, au juste, votre boulot ?
Il s’est lancé dans de longues explications.
Qu’elle a trouvées tout aussi exaltantes.
Je me suis brusquement levée.
– Wouah ! Et mon rendez-vous chez le dentiste. Je l’avais complètement oublié, celui-là.
Je me suis penché sur Coxan, lui ai effleuré les lèvres.
– À tout-à-l’heure, amour…

– Bon, ben je viens au rapport… Alors ?
– Elle m’a carrément dragué, oui… En y mettant quand même un peu les formes. Mais c’était vraiment du rentre-dedans.
– Ce qui t’a pas vraiment déplu, avoue !
– Je crois pas que ce soit le genre de choses qui déplaise à grand monde, si ?
– Et donc, tu vas coucher avec ?
– Passage obligé, dans son cas, vers la fessée.
– Et mon rôle à moi, là-dedans, c’est cocue de service ?
– Ça te dérange ?
– Pourquoi veux-tu que ça me dérange ? On n’est pas ensemble, toi et moi. Et donc, la suite du programme, c’est ?
– Je la mets dans mon lit, tu nous surprends et tu lui en colles une…
– Dont je peux te dire qu’elle va se souvenir…


12-


Camille était là, devant la fontaine.
– J’ai pris le train d’avant. Pour être sûre d’être à l’heure.
– Tu sais quoi ? Ben, j’en ai rien à foutre. Du moment que j’ai pas à t’attendre…
Elle s’est tue. A trottiné silencieusement à mes côtés.
– C’est quoi le programme aujourd’hui ? À ton avis ?
– Je sais pas.
– Mais si, tu sais ! Tu sais même très bien. C’est quoi ?
– Une fessée.
– Bien sûr, une fessée. Une bonne fessée cul nu, bien claquante, que je vais te flanquer devant un ami à moi.
– Ah, mais…
– Ça te pose un problème ?
Elle s’est aussitôt reprise.
– Oh, non, non ! Pas du tout, non.
– J’aime mieux ça… C’est quelqu’un de très sympathique, tu verras. Et un fin connaisseur. Il va beaucoup apprécier.

– Déshabille-toi ! Ben, oui, qu’il te trouve à poil en arrivant. On gagnera du temps.
Elle n’a pas protesté. Elle l’a fait.
– Mais c’est que t’es pas mal foutue du tout !
J’ai avancé la main. Effleuré un sein. Je me suis emparée du téton. Qui a aussitôt gonflé sous mes doigts.
– Et tu es très réactive. En plus !
On a frappé.
– Ah, c’est lui ! Eh, ben, entre !
Je lui ai laissé tout le temps de se régaler les yeux. Et puis…
Bon, allez ! Action… On lui fait à quoi ? Qu’est-ce tu préfères ? Martinet ? Ceinture ? Paddle ?
– Oh, à la main ! Pour la première fois, à la main, c’est mieux !
Je me suis assise. Je lui ai fait signe. Elle est venue docilement s’allonger en travers de mes genoux.
Une main qui traîne un peu au hasard de la fesse. Qui se l’approprie. La pinçote. La fait se crisper. Et qui s’abat d’un coup, sans crier gare.

Je l’ai aidée à se relever.
– Attends ! Fais voir ! Oui. Oui. Je suis pas mécontente. J’ai bien travaillé. Toute la surface est prise. Et le rouge que j’ai obtenu est absolument délicieux. Qu’est-ce t’en penses, toi, Coxan ?
– C’est très réussi, oui. Et puis la jeune fille a si joliment donné de la voix pendant le déroulement des opérations. C’était très émouvant.
– Bon, mais allez ! Tu te rhabilles, toi ! Et vous venez. Il y a une surprise. Pour tous les deux.

– Allez-y ! Entrez !
– Mais c’est…
– Un magasin de fringues, oui. Tu seras pas dépaysée comme ça.
Une femme d’une soixantaine d’années s’est avancée à notre rencontre.
– Madame Gorsalier ?
– Elle-même…
– Voici la jeune fille dont je vous ai parlé au téléphone.
– Ah ! Très bien. Venez dans mon bureau. On sera plus tranquilles.
Elle en a soigneusement refermé la porte.
– C’est donc elle !
– Oui. Elle a de l’expérience dans le secteur du vêtement. À Angoulême. Mais, surtout, elle est extrêmement docile. Montre à la dame, Camille ! Allez ! Baisse ta culotte ! Et tourne-toi !
– Madame Gorsalier lui a posé sur les fesses un long regard gourmand.
– Et… elle est disponible ?
– Elle le sera très vite. Lundi matin, elle donne son préavis.


13-


Coxan était estomaqué.
– Comment tu m’as bluffé, là, avec cette madame Gorsalier. Tu l’as sortie d’où ?
– D’Internet. J’ai fouillé, j’ai fouiné. Et puis voilà…
– T’obtiens tout ce que tu veux, toi, en fait. Et tu manques vraiment pas d’imagination.
– Disons que je me défends.
– Faudra pas en oublier pour autant notre idée de départ.
– Non. Bien sûr que non. Ça viendra. À son heure. Tu l’auras ton film. Laisse-moi faire. Pour le moment, c’est d’Andrea qu’il s’agit de s’occuper.

Andrea qui avait d’abord voulu voir, avant de le rencontrer en ma compagnie, des photos de Coxan.
– Il fait rassurant. Et puis, ce qui ne gâte rien, il est beau mec. En plus !
Qui avait aussi voulu l’approcher, incognito, de plus près. Qui s’était rendue pour ce faire, sous un prétexte bidon, à la banque où il travaille.
– Ça me faisait drôle, mais drôle, tu peux pas savoir, de me dire que ce type, il m’avait entendue me prendre une fessée et qu’il savait pas que c’était moi !
– Bon ! Et alors ? Conclusion de ta petite enquête ?
– A priori je suis pas contre qu’il assiste…
– T’es pas contre ou t’en as envie ?
– J’en ai plutôt envie.

Et on s’est retrouvés, tous les trois, dans ce même restaurant gastronomique où on avait fait connaissance, lui et moi.
Il l’a tout de suite reconnue. Et menacée du doigt.
– Alors, comme ça, on est venue m’espionner ?
Elle a rougi, s’est troublée.
– Mais non, mais…
– Mais si ! Ça faisait vraiment téléphoné cette histoire de bons de caisse de votre grand-père. Bon, mais l’essentiel, c’est que j’aie passé l’examen avec succès. Ce qui semble être le cas.
Elle n’a pas répondu. On s’est assis.
– Bon. On va pas tourner dix mille ans autour du pot.
Et je leur ai tendu, à l’un comme à l’autre, une paire d’écouteurs.
– Mettez ça !
Et j’ai lancé l’enregistrement de la fessée d’Andrea.
Leurs regards se sont d’abord évités, puis furtivement croisés. De plus en plus souvent rencontrés. Finalement gardés.
Ça s’est achevé. J’ai relancé. Depuis le début. Leurs yeux ne se sont pas quittés. Jusqu’à la fin.
Ils ont retiré les écouteurs. Comme à regret.
Coxan a paru revenir de très loin.
– Je ne m’en lasse pas. C’est toujours aussi émouvant de t’écouter piauler. Avec le bruit des claques en arrière-fond. Et t’écouter en t’ayant là, en face de moi, en train de faire la même chose, c’est un véritable bonheur.
J’ai cru bon d’intervenir.
– Qu’est-ce que ce sera quand tu verras alors !
– D’autant que, d’après ce que tu m’as dit…
J’ai posé un doigt sur mes lèvres.
– Chuuut !
– Et il viendra quand, ce moment béni ?
– Quand Andrea voudra. C’est elle qui décide…
Elle nous a regardés, l’un après l’autre.
– Maintenant. Tout-à-l’heure. Quand on aura fini de manger.


14-


J’ai fait durer le repas. Aussi longtemps que possible. J’ai encore voulu qu’on aille boire un verre, quelque part, avant de rentrer. Je pouvais sentir physiquement leur attente. D’une impatience extrême chez Coxan. Mêlée d’une pointe d’appréhension chez Andrea.
Par contre, aussitôt la porte refermée sur nous…
– Viens voir là, Andrea !
Elle s’est docilement approchée.
– Tu n’as pas honte ?
Elle a baissé la tête. Elle n’a pas répondu.
– Hein ? Tu n’as pas honte ? Accepter de te faire fesser, comme ça. devant quelqu’un que tu connais à peine. Ta conduite est inqualifiable. Tu en as bien conscience, j’espère ?
– Oui.
Un tout petit oui.
– Tu vas être punie pour ça… Déshabille-toi !
Elle a levé les yeux sur Coxan. Les a aussitôt détournés.
– Devant lui, oui. Ça fait partie de la punition. Allez !
Et elle l’a fait. Le pull, passé par-dessus la tête. Le pantalon dont elle est sortie, une jambe après l’autre. Elle s’est arrêtée.
– Tout ! T’enlèves tout.
Le soutien-gorge qu’elle a jeté sur le fauteuil, derrière elle. Le string. Qui a suivi le même chemin. Et elle restée là, à attendre, tandis que Coxan lui dévorait les fesses des yeux.
– Tu sais que c’est pas poli du tout ce que tu fais ? On ne tourne pas le dos aux gens comme ça. C’est d’une incorrection ! Eh bien ? Tu entends ce que je te dis ?
Elle s’est lentement retournée. A esquissé un geste pour se dissimuler les seins avec ses bras, l’encoche avec ses mains. A finalement renoncé.
Je les ai laissés, face à face, profiter longuement l’un de l’autre.

– Bon, mais allez ! Action !
Elle est venue se coucher docilement en travers de mes genoux. A paru vouloir dire quelque chose.
– Oui, Andrea ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– On enregistre pas ?
J’ai eu un petit rire.
– T’en crèves d’envie, hein ? Ben, tu sais pas ? On va faire encore mieux. Coxan va filmer.
Elle a eu comme un frémissement de plaisir.
– Ah, ça te plaît, ça, hein, comme idée ! Eh ben, Il y a plus qu’à assurer le spectacle.
Ce que je me suis employée à faire. À grandes claques bondissantes qui s’imprimaient sur son derrière. Qui, très vite, lui ont arraché de plaintifs gémissements.
– Comédienne, va !
Et j’ai tapé plus fort. Plus vite. De plus en plus fort. De plus en plus vite.
Elle a crié. À pleins poumons. A battu des jambes. Trépigné. S’est soulevée du derrière. Haut. Très haut.
– Ça va, Coxan ? Tu te régales ?
Il s’est contenté de me gratifier d’un large sourire.
J’ai poursuivi, à plein régime, durant encore trois ou quatre minutes pendant lesquelles elle a rugi. S’est agitée comme une perdue. Trémoussée tant et plus.
– Là ! Et tiens-le-toi pour dit !
Elle s’est relevée en se frottant les fesses.
– Hou là là là !
A fait trois fois le tour de la pièce en sautillant.
– Mais hou là là là !
A fini par s’emparer, au passage, de son string qu’elle a entrepris d’enfiler.
– Qu’est-ce tu fais ? Non, non. Reste comme ça. T’es très bien comme ça. Viens regarder le film plutôt…
Elle s’est précipitée.


15-


Madame Gorsalier n’était pas mécontente de Camille.
– C’est vrai qu’elle est docile. Extrêmement docile. On peut pas dire le contraire.
Mais elle n’en était pas vraiment satisfaite non plus.
– Non, parce que, sur le plan professionnel, on peut pas dire que ce soit ça qu’est ça. Elle ne sent pas les clientes. Pas du tout. C’est pourtant le b-a ba du métier. Et puis alors elle te vous a une de ces visions de la mode ! Quatre ou cinq ans de retard. Au moins. Mais bon, elle n’est là que depuis trois jours. Je peux pas lui demander l’impossible non plus.

Sur le trottoir, on a marché toutes les deux en silence.
– Eh bien, raconte ! Ça se passe comment ?
– Faudrait que vous me posiez-moi des questions. Je sais pas dire, sinon.
– Elle est très sévère avec toi, Madame Gorsalier ?
– Encore assez. Et puis elle me parle toujours dur.
– C’est pour ton bien. C’est ce qu’il te faut.
– Je sais, oui.
– Tu t’es pris des fessées ?
– Une.
– Devant du monde ?
– Mes deux collègues. Perrine et Aglaé.
– Qui ont réagi comment ?
– Elles ont pas arrêté de rire, et, après, de se moquer. Tout le temps maintenant elles m’en parlent. « Range les fringues, Camille ! Sinon tu vas encore avoir panpan cucul. »
– Tu t’entends bien avec elles ?
– Ça va. Elles aussi, elles me commandent. Et elles me parlent sévère.
– Tu dois être ravie. C’est bien ce que tu voulais, non ? Obéir, obéir et encore obéir. Te voilà comblée.
– Oui.
– Ça a pas vraiment l’air. Tu dis ça sur un ton !
– Non. Si ! Mais ce que j’aimerais, c’est que ce soit plus. C’est que ce soit tout le temps. Nuit et jour.
– Ça viendra. T’habites où ?
– Un foyer de jeunes travailleurs, par là. Pour le moment, j’ai trouvé que ça.
– Il y a des horaires, là-dedans, non ?
– Si…
– Alors va vite…

Coxan était un peu déçu que je l’aie pas ramenée.
– Tu deviens bien gourmand…
– Mais non, mais…
– Psychote pas ! Tu l’auras ton film. On en fait ce qu’on veut de cette fille. Il y a que comme ça qu’elle prend son pied. En se mettant totalement à disposition.
– Ça, j’avais compris, merci.
– C’est d’ailleurs pour ça que j’ai pas voulu la ramener Parce que je me méfie.
– Tu te méfies ! Et de quoi donc, grands dieux ?
– De moi. Parce que je me connais. C’est trop tentant une nana comme ça. Je l’aurais laissée passer la nuit ici. Et puis celle d’après. J’aurais joué tant et plus avec. Ce serait rentré comme dans du beurre. Ça m’aurait amusée. Je l’aurais laissée quitter son foyer, s’installer ici. Et quinze jours après, j’en aurais eu assez. Trop facile. Trop prévisible. Terriblement ennuyeux finalement… Je sais comment ça se passe, j’ai déjà donné. Et j’en aurais été encombrée. Alors non. Non. Que quelqu’un d’autre la prenne sous sa coupe. Madame Gorsalier, par exemple. Qu’elle l’héberge. Ou l’une des deux vendeuses. D’ailleurs je vais pousser à la roue dans ce sens.
– Et sa fessée, du coup, on la filmera devant sa propriétaire…
– Voilà ! T’as tout compris.


16-


Andrea avait l’air un peu déçue.
– T’es toute seule ? Il est pas avec toi, Coxan.
– Ben, non, il est au boulot. Pourquoi ?
– Oh, comme ça. Pour rien.
– On le verra ce soir.
– Tu sais ce que je me demande ? C’est si la vidéo qu’on a faite, l’autre jour, il se la regarde.
– Ah, ben ça, forcément. Mets-toi à sa place !
– Il t’en a parlé ?
– Un peu.
– Il en dit quoi ?
– Que c’est un spectacle très émouvant. Dont on ne se lasse pas.
– Il aime quand je crie ?
– Il adore. Mais ce qu’il apprécie surtout, c’est ce que tu montres. Et comment tu le montres. Faut reconnaître que, de ce côté-là, tu as fait fort. Vraiment très très fort.
– Je sais, oui.
– Parce que tu la regardes, toi aussi, hein ?
– Quelquefois.
– Quelquefois ou souvent ?
– J’essaie de deviner ce qu’il pense, ce qu’il sent, ce qu’il se dit en me voyant.
– Ce que beaucoup d’hommes penseraient, sentiraient ou se diraient à sa place.
– Et justement. Des fois, j’imagine qu’il y en a d’autres qui regardent avec lui. Que ça les excite. Qu’ils font des tas de commentaires. Ça se pourrait, hein !
– Quoi donc ? Qu’il la montre ? Ah, non, non ! Il s’est engagé à ne pas le faire. Et, le connaissant, je suis absolument certaine qu’il tient sa promesse.
– Oui, mais bon… Ce serait pas un drame non plus. On voit pas ma tête. Juste mes cheveux. Qu’est-ce tu veux reconnaître quelqu’un à ses cheveux ?
– Oh, toi, je te vois venir. Ça te tente bien, hein ?
– Ben…

On est arrivées les premières. On s’est installées dans l’arrière-salle du café. Tout au fond. Il n’y avait presque personne. Juste un jeune type, pas très près, plongé dans ses cours, et puis, encore plus loin, deux filles lancées dans une conversation animée à voix basse. On s’est commandé un café et on a attendu. Un petit quart d’heure.
Il nous a superbement ignorées et il est allé s’asseoir en compagnie d’un petit brun frisé à l’air sympathique à la table juste en face de la nôtre. Ils ont parlé de choses et d’autres. Du match du PSG. Des travaux de la voie sur berge. Des frelons asiatiques.
Et puis le brun s’est impatienté.
– Bon, mais c’est pas tout ça. Tu montres ?
La main d’Andrea s’est crispée sur mon genou.
Coxan a sorti son smartphone, tendu des écouteurs au type, lancé la vidéo. Ils sont restés un long moment silencieux, les yeux rivés à l’écran. Et puis le type a constaté…
– Oh, la vache ! Qu’est-ce qu’elle se prend, la fille !
– Je te l’avais dit…
– Une sacrée dérouillée ! C’était quoi la raison ?
– Je sais pas. Elles ont jamais voulu me dire. Un truc entre elles. Peut-être une histoire de mec. C’est souvent ça avec les nanas.
– Comment elle braille ! Et puis alors… Oh, putain ! T’as de ces aperçus.
– Et t’as encore rien vu.
– Oh, putain ! Oh, putain ! Oh, putain !
Andrea m’a enfoncé ses ongles dans la cuisse.


17-


– S’il avait su qu’il l’avait là, juste en face de lui, la fille !
– T’en serais morte de honte.
– Ah, ça, c’est sûr !
– Ce qui t’aurait pas déplu tant que ça, avoue !
– Je sais pas. Je me rends pas compte.
– La seule façon de savoir…
– Oh, non ! Non ! Ou alors, après, plus tard, pas tout de suite.
– Quand ?
– C’était qui, ce type, en fait ?
– Ça, faudra que tu demandes à Coxan.

Qui n’en savait pas plus que nous.
– Ben non ! Non ! Je l’ai trouvé sur Internet. Alors aucune idée de comment il s’appelle, d’où il habite et de ce qu’il fait dans la vie. Et pareil dans l’autre sens.
– Si bien que t’as plus de contact avec…
– Si ! Par mail. Il a été absolument ravi de notre après-midi. Et il me réclame la vidéo à cors et à cris.
– Envoie-lui !
– T’es sûre, Andrea ?
– Oui. Envoie-lui ! Qu’est-ce ça risque ? Il sait pas qui je suis. Il le saura jamais. Et on me voit que de dos dessus. Alors, oui, envoie-lui !
– Comme tu voudras.

– Il doit quand même avoir une drôle opinion de moi, Coxan.
– C’est quelqu’un qui a l’esprit très ouvert.
– Oui, mais quand même ! Je me dis que je fais fort des fois.
– C’est dans ta tête.
– Tu crois que je pourrais lui demander un truc ?
– Quoi donc ?
– Qu’il me donne accès à sa boîte mail. Que je voie ce qu’il dit de moi, le type.
– Ça m’étonnerait que ça lui pose problème.

– C’est drôle des mecs qui discutent d’une nana entre eux, n’empêche… On se rend pas vraiment compte en fait.
– De quoi donc ?
– De ce qu’ils parlent vachement cru.
– Et pas nous, peut-être, quand on parle d’eux ?
– Oui, si, c’est vrai. Mais là, ce qu’il y a, c’est que je le vois écrit.
– Et ça te gêne ?
– Oh, non, non ! J’ai pas dit ça. Non. Et tu sais qu’à cause de moi, il voit quasiment plus sa copine ?
– Comment ça ?
– Ben, elle lui fait tellement d’effet, ma vidéo, qu’il préfère rester avec moi et avec ma fessée plutôt que d’aller la retrouver.
– Carrément !
– Et, en plus, quand il va la voir, il s’est tellement donné avec moi qu’il est plus en état de faire quoi que ce soit avec elle.
– Eh, ben dis donc !
– Alors tu sais ce que j’aimerais du coup ? C’est qu’on recommence avec un autre. Mais pas exactement pareil. Coxan lui montrerait la vidéo. Et puis il lui proposerait : « Tu veux voir la tête qu’elle a, la fille ? Mais alors tu déconnes pas, hein ! Parce qu’elle m’arracherait les yeux si elle savait que je t’ai fait voir. » Et il nous ferait rencontrer sous un prétexte bidon. Trop génial comme situation, non ? Il croit que je suis pas au courant, le mec. Alors que c’est moi qu’ai tout manigancé.
– T’es redoutable dans ton genre.
– Et après, t’imagines les mails ? Oh, faut qu’on le fasse. Faut vraiment qu’on le fasse.


18-


Coxan avait passé la soirée avec Eugénie.
– Et ?
– Et c’était pas du tout ce à quoi je m’attendais, eu égard à sa prestation de la dernière fois. Elle a carrément rétropédalé. Pour la décider à accepter un rendez-vous, ça a carrément été la croix et la bannière. Elle avait tout un tas de scrupules par rapport à toi, la pauvre chérie !
– Tu m’en diras tant !
– Il a fallu que j’insiste encore et encore. Parce que c’était en tout bien tout honneur qu’on allait se rencontrer, oui, bien sûr, mais quand même ! Tu risquais de mal le prendre si tu l’apprenais. J’avais beau me mettre en quatre pour la rassurer… Mais tu le saurais pas ! Tu saurais rien. Comment tu pourrais le savoir ? Elle n’était, malgré tout, pas vraiment convaincue. Je croyais ? Mais évidemment ! Évidemment !
– Elle a dû prendre un pied possible à se faire supplier comme ça !
– C’est clair…
– Et alors ?
– Et alors elle a fini par rendre les armes. Et par accepter, bon gré mal gré, de dîner avec moi.
– Quelle comédienne !
– Ah, ça, tu l’as dit !
– Et, c’est là, une fois sur place, qu’elle t’a sorti le grand jeu.
– Oh, non, non ! Elle est beaucoup plus subtile que ça. Elle m’a fait ça en mode drague larvée. Maquillage feutré. Tenue sexy sage. Sourire discrètement enjôleur. Et elle a parlé de toi. Dans des termes, mais des termes… Que tu es une fille d’exception. Une amie sur qui elle peut vraiment compter. Que j’ai tout intérêt à te garder parce que des comme toi, j’en trouverai pas deux. Et tralali et tralala…
– Le truc classique, quoi ! Tu rassures le mec sur tes intentions. Comme ça, après, tu peux avancer tes billes. Il se méfie plus.
– C’était à peu près ça, oui. Parce qu’au dessert, elle est entrée en confidences. Elle était pas toute rose sa vie. Vivre toute seule, c’était pas drôle tous les jours. Ah non, alors ! Personne à qui parler. Jamais. À part les murs. Au boulot ? Oui, ben alors là ! Au boulot, à part les mecs et les fringues, elles avaient aucun sujet de conversation, les filles. C’était pourtant pas compliqué ce qu’elle demandait. Juste quelqu’un avec qui parler une heure ou deux, comme ça, de temps en temps.
– Et, bien sûr, tu t’es proposé.
– Tu es très perspicace.
– Ce qu’elle a accepté avec enthousiasme.
– Pas avec enthousiasme, non. Du bout des lèvres au contraire. Elle voulait pas me déranger. Que je me croie obligé. Ça faisait des mois que ça durait. Alors un peu plus, un peu moins…
– Et, au final, vous avez décidé de vous revoir.
– Samedi prochain.
– Tant et si bien que, samedi prochain, tu la passes à la casserole.
– Peut-être. Et puis peut-être pas. Tout va dépendre…
– Tu crois qu’elle va encore… Oui, t’as sûrement raison. Parce que, d’un côté, elle crève d’envie de me faire cocue, mais, de l’autre, ça la démange de faire durer tant et plus. Mais on peut bien tourner les choses dans tous les sens qu’on veut, on sait bien, de toute façon, comment, à l’arrivée, ça va finir. Et ce sera pain bénit pour toi tout ça. Parce que tu vas jouer sur les deux tableaux. Tu vas la mettre dans ton lit. Et, dans la foulée, tu vas profiter de la fessée que je lui flanquerai pour avoir jeté son dévolu sur toi.
– Elle aussi, si tu vas par là, elle joue sur les deux tableaux.
– Et même les trois… Parce que qu’est-ce tu paries que d’ici samedi elle aura voulu me voir ? Histoire de mouiller sa petite culotte en se disant, tout en parlant de toi avec moi, que je suis au courant de rien.
Mon portable a sonné.
– Qu’est-ce que je disais ! C’est elle…


19-


Je me suis garée le long du trottoir, devant le magasin, et j’ai attendu qu’elle sorte.
– Camille !
Son visage s’est éclairé.
– Ah, c’est vous !
– C’est moi, oui ! Monte ! Tu pourrais quand même me donner des nouvelles de temps en temps, non, tu crois pas ?
– C’est que…
– C’est que quoi ? C’est quand même pas bien compliqué d’appuyer sur les touches d’un portable. Si ?
– J’ose pas. Vous appeler, j’ose pas.
J’ai mis le moteur en marche.
– Et c’est moi qui suis obligée de me déplacer. Ah, ben bravo ! Bon, mais on réglera ça tout à l’heure. Raconte-moi plutôt… Comment ça se passe ?
– Bien.
– Mais encore ? Je vois… Va falloir que je te tire les vers du nez. Comme d’habitude. Alors dis-moi ! Tu t’es pris une fessée depuis la dernière fois ?
– Oh, plusieurs !
– Combien ?
– Deux… Non. Trois.
– Pourquoi t’as d’abord dit deux ? Il y en a une dont tu voulais pas parler ?
– Mais non !
– Bien sûr que si ! Laquelle ?
– Je sais pas. Je…
– Laquelle ?
– Celle que Perrine m’a donnée.
– Nous y voilà ! C’était quand ?
– Ce matin.
– Où ? Au magasin ?
– Non. Chez elle.
– Qu’est-ce tu faisais chez elle ?
– C’est là que j’habite maintenant. C’est elle qui me commande. Pour tout. Comment je m’habille. Ce que je mange. À quelle heure je me couche, tout ça…
– Ce qui te convient parfaitement, j’imagine.
– Oh, oui ! J’ai plus rien à décider. À me demander. C’est reposant. C’est rassurant.
– C’était pourquoi cette fessée ce matin ?
– Je sais pas.
– Comment ça, tu sais pas ?
– Non, je sais pas. J’ai fait quelque chose qui lui a pas plus, mais je vois pas quoi. Faut que je cherche et que je trouve, elle m’a dit.
– Sinon ?
– Elle a pas précisé, mais ce que je voudrais pas, c’est qu’elle me flanque dehors.
Je me suis arrêtée.
– Descends !
Je l’ai poussée sous une porte cochère.
– Fais voir ! Ta fessée… Fais-la voir !
Elle a jeté un rapide coup d’œil autour d’elle. Et elle m’ a obéi. Elle a descendu pantalon et culotte jusqu’à mi-fesses.
– Plus bas !
Jusqu’à mi-cuisses.
– Ah, oui, dis donc ! Ah, oui !
C’était d’un rouge intense. Sur toute la surface. Avec, par endroits, des plaques plus sombres. Noirâtres. Ou violacées. J’en ai suivi le pourtour. Du bout des doigts.
Il y a eu une course précipitée dans un escalier, à droite.
D’instinct, elle a voulu tout remonter. Je l’en ai empêchée.
– Non !
Elle s’est arrêtée net. Le pas, dans l’escalier, aussi.
J’ai poursuivi, un bon moment encore, l’exploration de son derrière endolori.
– C’est bon. Tu peux te reculotter.
Ce qu’elle s’est empressée de faire.
– Tu vas lui dire à Perrine ?
– Oh, ben oui ! Oui. Je lui dis tout.
– Ce qui va te valoir une autre fessée.
– Oh, ben ça, sûrement, oui.


20-


Andrea était tout excitée.
– Il va venir ? C’est vrai ? Là ? Maintenant ?
Coxan a regardé sa montre.
– Dans vingt minutes, il devrait, si tout se déroule comme prévu, faire son apparition. Je feindrai la surprise. Lui aussi. « Depuis le temps… Qu’est-ce tu deviens ? Etc. » Et je l’inviterai à boire un verre avec nous.
– Mais c’est qui au juste ce type ?
– Un certain Félicien. Qui se dit entraîneur de hand. Mais bon, il peut bien raconter ce qu’il veut.
– Il a quel âge ?
– La quarantaine. Peut-être un peu plus.
– Et alors, comme ça, il m’a vue ?
– Et plutôt deux fois qu’une. Quatre, même. Quatre fois il a fallu que je la lui repasse la vidéo de ta fessée. Il s’en lassait pas.
– Il commentait ?
– Ah, pour ça, oui !
– Qu’est-ce qu’il disait ? Ben, raconte, quoi !
– Que t’as un sacré beau cul. Un cul que le rouge met superbement en valeur. Et puis alors quand tu le gigotes ton popotin, que ça laisse voir bien à fond comment t’es faite, alors là, non, mais alors là, ça ferait damner un saint !
– Il bandait ?
– Ça, j’avoue que j’ai pas trop fait attention, mais sûrement, oui… N’importe quel mec normalement constitué devant un spectacle comme celui-là…
– Comment j’aurais aimé voir sa tête !
– Là où elle valait surtout son pesant d’or, sa tête justement, c’est quand je lui ai proposé de te rencontrer. « La rencontrer ? Comment ça, la rencontrer ? » « Ben, boire un verre avec elle. Histoire que tu découvres son charmant petit minois. » Je peux te dire qu’il s’est pas fait prier. « Mais alors motus et bouche cousue, hein ! Aucune allusion à cette vidéo. Tu ne l’as jamais vue. » Il a juré ses grands dieux. Bien sûr ! Évidemment ! Ça coulait de source.
– Ce que tu nous as pas dit, par contre, c’est ce qu’il croit.
– Comment ça ?
– La raison pour laquelle elle me la donnait, Lisa, cette fessée, il te l’a pas demandée ?
– Si ! Bien sûr que si !
– Et t’as répondu ?
– Que j’en savais rien au juste. Que vous aviez éludé, l’une comme l’autre, quand je vous avais posé la question. Et que j’avais pas insisté.
– Si bien qu’il peut tout imaginer. Ce qu’est pas plus mal, finalement…

– Comment ça faisait drôle ! Parce qu’attends, on était là, à échanger des banalités, à discuter de trucs sans la moindre importance alors que le mec, forcément, il pouvait penser qu’à ça. Et moi, de mon côté, pareil.
– Il y pensait d’autant plus que je lui ai glissé à l’oreille, quand il est arrivé, que je suis allé à sa rencontre, que t’en avais reçu une autre ce matin même.
– Ah, ben d’accord ! En tout cas, jamais on aurait pu aller imaginer qu’il savait. Il a rien laissé paraître. Rien du tout. À aucun moment.
– Tu le regrettes ?
– Non. Bien sûr que non. Mais ce que je me demande, c’est comment il va réagir maintenant. Ce qu’il va te dire.
– Je te raconterai.
– Il va vouloir me revoir, tu crois ?
– Alors ça, ça ne fait pas l’ombre d’un doute.


21-


– C’est moi !
Eugénie.
– Je te dérange pas ?
– Pas du tout, non.
– J’en ai pas pour longtemps n’importe comment. Je t’ai juste apporté quelques vidéos.
Elle m’a tendu une clef USB.
– Ben, assieds-toi quand même !
– C’est des japonaises. Toute une série. De femmes mariées qui corrigent, en public, la maîtresse de leur mari. Qui lui foutent le cul à l’air et hop, ça dégringole.
– Ah, c’est ton truc, ça, hein !
– Non, mais comment elles en prennent pour leur grade, les filles. Ils ont beaucoup moins de complexes que nous, les Japonais, eux, là-dessus. Et puis alors ce qu’il y a aussi, c’est qu’ils mégotent pas sur les figurants. T’en as, chaque fois, toute une flopée. Et qui se contentent pas de faire nombre. Ils réagissent. Tu vois sur leur tronche ce que ça leur fait ce spectacle.
– Tu veux vraiment pas t’asseoir ?
– Si ! Oui. Et fais-moi un café, tiens, tant que tu y es ! N’empêche que qu’est-ce que j’aimerais que ça m’arrive à moi ! Pour de bon.
– Il doit bien y avoir moyen…
– Ben, c’est pas si simple en fait. D’abord parce qu’il y a Jérôme, mon mari. Et que, du coup, j’ai pas les coudées vraiment franches. C’est pas le genre de type à apprécier que je le trompe. Et puis même, à supposer que je parvienne à passer entre les mailles du filet, ça veut pas dire pour autant que sa réaction à la légitime de mon amant, ce serait de me flanquer une fessée déculottée dans la rue.
– Disons que c’est pas vraiment le cas le plus courant.
– Ce qu’il faudrait, en fait, c’est que je prenne les choses dans l’autre sens. Qu’avant de me jeter à la tête d’un mec, je sois sûre que ce qu’elle va faire sa bonne femme, c’est rameuter ses copines pour me tomber dessus.
– Oui, alors, Eugénie, je vais être très claire avec toi. Il est hors de question que tu t’approches de Coxan. près ou de loin.
– Quoi ! Non, mais attends ! Jamais, au grand jamais, il me viendrait une idée pareille enfin ! Tu es mon amie – ou c’est tout comme – et ça, à mes yeux, c’est sacré.
– Je n’en doute pas, mais mettre les points sur les i, ça peut pas faire de mal. Non ? Tu crois pas ?
– Tu te fais un film, là, complètement. Parce que ton Coxan, je l’ai vu une fois en tout et pour tout. Et encore ! En ta présence. Et puis tiens, si tu veux vraiment le fond de ma pensée, c’est vraiment pas le genre de type avec qui j’aurais envie qu’il se passe quoi que ce soit. Il me branche vraiment pas.
– Et c’est beaucoup mieux comme ça. Pour tout le monde.
– Quelle heure il est ? Oh là là, je me sauve. On m’attend. Regarde-les, les vidéos. Tu me diras…

– Allô ! Lisa ?
– Oui, Coxan. Qu’est-ce qui se passe ?
– Je viens quasiment de me faire violer.
– Eugénie, j’parie ! Qui n’a rien eu de plus pressé, en sortant de chez moi, que de se précipiter chez toi.
– Et qui m’a carrément sauté dessus.
– La bonne copine que voilà ! T’as pris ton pied au moins ?
– Elle, oui ! Et pas qu’un peu.
– Tu réponds pas à ma question.
– Quand une nana se pâme dans tes bras, ça ne peut pas ne pas te mettre dans tous tes états.
– Je vois…
– On fait quoi maintenant ? On passe à l’étape suivante ?
– Non. On va prendre notre temps. Tout notre temps. Que chacun y trouve son compte…


22-


Andrea n’en revenait pas.
– C’est tous les jours qu’il lui envoie des mails à Coxan. Plusieurs fois par jour. Pour parler de moi. Que de moi. Il est complètement accro en fait, hein !
Il était effectivement accro. Et dithyrambique.
– Une pure merveille, cette fille ! Une pure merveille !
Il suppliait.
– Envoie-la moi, la vidéo. Fais-moi un double. Et je serai le plus heureux des hommes.
Il insistait encore et encore.
– À personne je la montrerai. Je le jure.
Andrea s’est voulue compréhensive.
– Oh, tu peux bien, le pauvre ! Il en a tellement envie. On voit pas ma figure n’importe comment dessus.
Et les vœux de ce Martial ont été comblés.

Coxan avait une idée.
– Mais vous voudrez jamais…
– Dis toujours ! Si tu le dis pas…
– Ce serait qu’on lui en redonne une de fessée à Andrea.
Oh, si c’était que ça, elle, elle demandait pas mieux, hein, au contraire !
– Même que ça commence à me manquer. Et pas qu’un peu.
– Sauf qu’on va pas reproduire éternellement la même scène. Faudrait introduire un peu de variété. Ça va vite devenir lassant sinon, à force…
– C’est à dire ?
– Ben, déjà, à la main c’est bien, oui, c’est même très bien, mais il y a aussi toutes sortes d’autres possibilités.
Elle aussi, elle y avait pensé.
– Seulement, ça doit faire mal le martinet, non ?
– Ça dépend, mais l’avantage, avec le martinet, c’est que tu tortillerais et contorsionnerais tellement dans tous les sens que tu en laisserais voir bien plus encore que ce que tu as déjà montré.
J’ai précisé.
– Et puis les traces boursouflées que laissent, à plein derrière, les cinglées sont généralement du plus bel effet.
Coxan avait également envisagé autre chose.
– Ça te dirait pas de te regarder en train de la recevoir ?
– Comment ça ?
– On t’installerait bien confortablement sur le canapé, nez à nez avec l’écran de l’ordinateur. C’est en direct, comme ça, que tu verrais les lanières s’abattre et ton gentil petit derrière tressauter de tout son cœur. Hein ? Ça te tente pas ?
– T’en as de martinet ?
Coxan s’est empressé d’aller le chercher.
– Fais voir !
Elle en a longuement caressé le manche, a fait claquer les lanières en l’air, s’en est caressé les jambes.
– Alors ? Décidée ? On y va ?
– Pas tout de suite, non. Un autre jour.
Elle lui a tendu le martinet, s’est ravisée.
– Tu peux me le laisser ?
– Oh, si tu veux…
– Que je me fasse à l’idée… Que je l’apprivoise…


23-


Un petit tour, discrètement, dans le bureau de Madame Gorsalier. Histoire de la mettre au courant et d’obtenir son accord.
– Il y a pas de problème. Aucun problème. Au contraire.
Et je me suis mise à la recherche de Camille. Qui était en train d’installer des robes sur les portants.
– Ça va comme tu veux ?
Ça allait, oui.
– Regarde-moi quand je te parle…
Elle a relevé humblement la tête.
– Il y a un ami à moi qui va venir procéder à quelques achats. C’est toi qui vas t’occuper de lui.
– Oui…
– Tâche de te montrer serviable. Et aussi compétente que possible. C’est quelqu’un de très exigeant.

Quand Coxan a fait son apparition, une bonne vingtaine de minutes plus tard, elle s’est précipitée vers lui.
– Monsieur ?
Il l’a toisée. De la tête aux pieds.
– Quand j’aurai besoin de vous, je vous ferai signe.
Et il a tranquillement déambulé à travers le magasin. Pendant un long quart d’heure. Avant de se mettre soudainement à hurler.
– Elle est où, l’autre ? Qu’est-ce qu’elle fout ?
Camille a aussitôt surgi.
– Ah, ben, c’est pas trop tôt ! On peut pas dire que le client soit roi, là-dedans.
– Je suis désolée. Je…
– Venez me montrer plutôt… Je trouve pas ma taille.
Ils ont disparu, tous les deux, entre les rayons.

À nouveau un hurlement.
– Non, mais c’est incroyable de voir ça ! La directrice ! Où est la directrice ?
– Un problème, Monsieur ?
– Et comment ! Votre vendeuse est d’une arrogance…
– Excusez-vous, Camille ! Excusez-vous immédiatement !
– Je demande à Monsieur de bien vouloir m’excuser…
– Et maintenant, dans mon bureau ! Dans mon bureau tout de suite !
Elle a obéi, tête basse.
On a suivi, Coxan et moi.
Madame Gorsalier a refermé la porte.
– J’en ai assez, Camille. Plus qu’assez. Vous n’en faites qu’à votre tête. Vous n’écoutez rien ni personne. Vous prenez vos collègues de haut. Vous vous comportez de façon inqualifiable avec les clients. C’est en permanence que votre comportement laisse à désirer et que je suis obligée de vous reprendre. Vous n’allez pas avoir l’indécence de prétendre le contraire, j’espère…
– Non…
D’une toute petite voix.
– Il n’y a qu’une chose que vous comprenez. Une seule qui soit, au moins pour un temps, efficace. Et vous savez laquelle.
– La fessée.
Les yeux baissés.
– La fessée, oui ! Déculottez-vous, Camille !


24-


À peine Camille avait-elle commencé à déboutonner son pantalon qu’on a gratté à la porte.
– Entrez !
C’était Perrine, hilare, en compagnie d’Aglaé.
– On peut pas assister ?
– Oh, si vous voulez… Mais fermez le magasin alors !
Ce qu’elles se sont empressées d’aller faire.
– Là… Ça y est !
Camille est sortie de son pantalon, une jambe après l’autre. A cherché, du regard, un endroit où le poser. Fini par l’abandonner par terre, à ses pieds.
Je suis intervenue.
– Ah, ben voilà une jeune fille soigneuse au moins… Un vrai plaisir de voir ça !
Elle l’a précipitamment ramassé, serré contre elle, indécise.
Perrine a avancé la main.
– Donne !
Elle a donné.
– La culotte !
Elle l’a retirée, la lui a tendue.
– Le reste aussi !
Elle a marqué un temps d’hésitation.
– Le reste aussi, j’te dis ! Ce sera mieux. Pour tout le monde.
Madame Gorsalier était aussi de cet avis.
– Ce sera mieux en effet…
Aglaé a battu des mains.
– Oh, oui ! Oui ! Tout ! Allez, à poil !
Le chemisier. Le soutien-gorge. Tout. Elle nous a fait face. Et elle a attendu, immobile, en silence.
Madame Gorsalier s’est tournée vers Coxan.
– C’est vous qui avez eu à vous plaindre d’elle. Alors c’est vous qui donnerez le signal du début des opérations.
Il n’était pas pressé. Il a pris tout son temps pour examiner, d’un œil de connaisseur, l’anatomie de Camille. Qu’il a manifestement appréciée.
Quelque désir qu’il en ait eu, il n’a pourtant pas pu faire durer éternellement.
– Allez !
Madame Gorsalier a ordonné à Camille de se pencher en travers du bureau. Elle a aussitôt lancé une première claque, à toute volée, qui lui a arraché un petit gémissement. Une autre. Une troisième. Une quantité d’autres. En rafale. Qui tombaient à pleines fesses. Qui s’y sont imprégnées. D’abord en longues traînées rosâtres, puis, peu à peu, en rouge ardent, sur toute la surface. Camille ponctuait chaque claque d’un petit grognement rauque et d’un léger soubresaut du derrière. Madame Gorsalier a accentué la cadence. Les coups se sont faits plus appuyés encore. Camille a crié, s’est plus franchement soulevée, laissant de temps à autre entrapercevoir furtivement ses replis intimes.
– Là ! Et que ça te serve de leçon !
Elle s’est redressée, énergiquement frotté les fesses.
Sous les yeux ravis d’Aglaé.
– Je peux te dire que ça va te brûler un moment, ma petite !
Madame Gorsalier a froncé les sourcils.
– Qu’est-ce tu fabriques ? Rhabille-toi !
Elle a aussitôt obtempéré.
– Bon… Et maintenant tu retournes t’occuper de ce monsieur… Et tâche qu’il soit satisfait de la façon dont tu vas te comporter avec lui… Si tu veux pas qu’on en rajoute une couche…


25-


Coxan avait passé la soirée avec Eugénie.
– Encore !
– Jalouse ?
J’ai haussé les épaules.
– Idiot ! Oui, bon, ben raconte, quoi !
– Je l’ai fait monter un peu en pression.
– C’est-à-dire ?
– Que j’ai refusé de la laisser venir chez moi. C’était beaucoup trop dangereux. Parce que… je voulais pas l’inquiéter, mais je me demandais si tu commençais pas à te douter de quelque chose. Ah, oui ? J’étais sûr ? Sûr, non. Mais il y avait tout un tas d’indices concordants qui me donnaient à penser que tu te posais vraiment des questions.
– Et elle a réagi comment ?
– Elle a voulu que je précise. Qu’est-ce qui me faisait penser ça ? Je suis resté dans le vague. Rien de vraiment significatif. Tout un tas de petits détails insignifiants qui, mis bout à bout, finissaient par prendre sens. Bref, je te sentais en alerte. Mieux valait être prudents.
– Et donc ?
– Et donc j’ai insisté pour qu’on se voie à l’hôtel. Loin d’ici. En prenant mille précautions. Qui l’ont beaucoup amusée. Je me faisais un film, tu parles ! Et quand bien même ! Quand bien même tu finirais par découvrir le pot-aux-roses. Ça changerait quoi ? Je m’en suis étranglé. Hein ? Mais tout enfin ! Tout ! Ah, oui ? Ben elle, elle voyait vraiment pas où était le problème. J’étais adulte, non ? Eh bien alors ! J’étais capable d’assumer. De savoir ce que je voulais et ce que je voulais pas. De m’imposer. J’ai fait la moue. C’était pas si simple. Mais si c’était simple, si ! Elle, il aurait fait beau voir que son mari lui interdise de mener sa vie à sa guise. Alors là ! Pas moi ? J’allais me laisser mener par le bout du nez ? Rentrer maison ! Coucouche panier ! Et on bouge plus. Ah, ben bravo ! Bravo !
– Je me demande où elle veut en venir, là…
– Elle joue le jeu. Tout simplement. Son truc, c’est de se faire mettre la fessée pour la punir de coucher avec le mec des autres. Elle rentre à fond dans le rôle.
– Mouais…
– Dès le départ, quand on a imaginé de lui faire croire qu’on était en couple, on savait bien qu’il y avait toutes les chances que ça tourne comme ça, non ? C’était même le but.
– Sauf qu’en réalité, ce qu’elle cherche à faire, c’est à te mettre le grappin dessus. En beauté. Et reconnais qu’entre coucher et faire des pieds et des mains pour foutre un couple en l’air, il y a quand même une sacrée marge, non ?
– On s’en fiche. On n’est pas vraiment ensemble.
– Non, mais elle le croit. Et elle en a strictement rien à battre. Faut vraiment qu’elle soit tordue, avoue ! Qu’est-ce tu paries que ça la fait jouir d’essayer de nous séparer ?
– Grand bien lui fasse !
– Oui, ben moi, ça me fait pas rire. J’ai horreur qu’on se foute de ma gueule derrière mon dos. Alors tu sais pas ? Eh bien, on va siffler la fin de la récréation.
– C’est-à-dire ?
– Qu’on va la lui flanquer sans tarder sa fessée. Et je peux te dire qu’elle va pas être piquée des vers. Que le cul va la gratter un bon moment. Et après, chacun sa route. Je veux plus entendre parler d’elle. De quelque façon que ce soit.
– Et t’envisages ça pour quand ?
– Le plus tôt possible.


26-


Andrea a passé la tête par la fenêtre ouverte.
– Coucou ! C’est moi !
– Ben, entre !
– Je l’ai !
Le martinet. Qu’elle a déposé, avec un grand sourire, sur la petite table de la salle de séjour, devant la télé.
– Ah, alors ça y est ! Tu t’es enfin décidée !
– Je l’ai toujours été. Depuis le début.
– Seulement c’est tellement bon d’attendre. D’imaginer encore et encore les choses avant qu’elles n’arrivent. D’en profiter à l’avance. C’est pas ça ?
– Si ! Bien sûr que si !
– Bon, ben reste plus qu’à passer à l’acte. J’appelle Coxan.
– Il est peut-être pas libre.
– Oui, oh, ben alors, pour ça, pas besoin de t’en faire qu’il va l’être. Il va accourir toutes affaires cessantes.

– Et voilà… Ça y est ! On est opérationnels.
– Si tu nous expliquais un peu ? C’est quoi tout ce fourbi ?
– Alors cette caméra, là, c’est le direct. Grâce à elle, Andrea va pouvoir suivre, comme si elle y était, si j’ose dire, le déroulé des opérations. Elle verra tomber les cinglées au moment même où elles la mordront. Et où elle les sentira passer.
– Et celle-là ?
– Celle-là, elle va nous offrir un joli petit plan d’ensemble. On l’y verra tout à la fois en train de se faire travailler le derrière et en train de suivre tout ça, les yeux rivés à l’écran, de très très près.
– Il y en a une troisième…
– Oui, oh, alors celle-là… Ce que j’aimerais, si tu en es d’accord, bien sûr, Andrea… Celle-là, ce serait pour un gros plan sur ta petite frimousse. Pour voir s’y inscrire… tout ce qui va s’y inscrire au cours de cette séance. Étant bien entendu que, comme je m’y suis formellement engagé, ça restera à usage strictement personnel.
Elle a esquissé un petit sourire mutin.
– Je pourrai quand même en avoir une copie ?
– Douze, si tu veux.
J’ai constaté.
– Bon, ben il y a plus qu’à, alors…
Il y avait plus qu’à, oui…
– Tu te déshabilles ?
Il l’a filmée en train de le faire. De replier soigneusement ses vêtements et de les déposer sur la chaise, près de la cheminée, l’un après l’autre, au fur et à mesure qu’elle les retirait.
Elle est restée nue, quelques secondes, à regarder intensément la caméra et puis elle est allée s’allonger de tout son long sur le canapé, a fixé l’écran de l’ordinateur droit dans les yeux.
– Je suis prête.
J’ai levé le martinet, fait mine de l’abattre. À deux reprises. À trois reprises. Elle s’est, chaque fois, crispée des fesses.
Je l’ai vraiment abattu. Pour de bon. À pleine croupe.
– Aïe ! Hou, la vache !
Un second coup. Plus énergique. J’ai pris tout mon temps. Un troisième. Un quatrième que je lui ai fait interminablement attendre.
– Plus vite ! Plus vite !
Plus vite. En rafale.
Elle ne quittait pas l’écran des yeux.
– Et plus fort ! Plus fort !
Ça s’est enfoncé, au cœur des fesses, en longues traînées boursouflantes. Ça a débordé sur les cuisses.
Elle s’est légèrement hissée sur les genoux. Avec un grand râle.
– Je vais jouir ! Je vais jouir ! Je jouis…


27-


On était, Coxan et moi, tranquillement installés à une terrasse de café.
– Tiens, regarde qui c’est qu’arrive ! Ben alors, Camille, on dit plus bonjour !
Elle s’est arrêtée net.
– Je vous avais pas vus.
– Fais la bise à Coxan au moins.
– Ah, oui, pardon…
Elle s’est penchée. Lui a tendu la joue.
– Qu’est-ce tu fais dans le coin ? Tu travailles pas aujourd’hui ?
– C’est mon jour de repos.
– Ben, assieds-toi ! T’as bien deux minutes.
Elle l’a fait. Du bout des fesses.
– C’est pas vrai que ça te cuit encore !
– Ça me cuit plus, non. Mais c’est sensible.
– Beaucoup ?
– Pas mal.
– Tant mieux. Parce que t’avais mérité, avoue !
– Oui.
– Et s’il n’avait tenu qu’à moi, je peux te dire que tu t’en serais pas tirée à si bon compte. Traiter les clients avec une telle désinvolture ! Non, mais cette fois, on aura tout vu.
Elle a baissé la tête.
Je la lui ai fait relever. Du bout du doigt.
– D’ailleurs, moi, je crois bien que tu lui dois encore une petite compensation à Coxan. Vu la façon inqualifiable dont tu t’es comportée avec lui. Non ? T’es pas de cet avis ?
– Si !
– Et quoi comme compensation ?
– Je sais pas.
– Eh bien moi, je sais ! Il y a une caméra de surveillance dans le bureau de Madame Gorsalier. Une caméra qui a tout filmé l’autre jour quand t’as reçu ta fessée. Alors ce que tu vas faire… Tu vas aller lui demander la bande à ta patronne. Et tu vas bien gentiment venir l’offrir à Coxan.
– Oui.
– Eh bien, vas-y ! Qu’est-ce t’attends ?
Elle s’est levée.
– Et n’oublie pas de faire faire un paquet cadeau.

Elle le lui a tendu. À bout de bras.
– Ah, non, pas comme ça, non ! À genoux tu vas te mettre.
Elle a jeté un rapide coup d’œil autour d’elle.
– Ben oui, il y a du monde, oui ! Mais ça fait rien ! Qu’est-ce ça peut faire ?
Elle s’est agenouillée.
Coxan n’a pas pris tout de suite le paquet. Il l’a d’abord longuement sermonnée. Il lui a fait promettre de faire des efforts – tous les efforts qu’elle pourrait – pour mieux se comporter à l’avenir.
– C’est dans ton intérêt à toi. Tu en as bien conscience, j’espère ?
Oui. Oui. De la tête.
Des gens passaient. Ralentissaient. Arboraient parfois de petits sourires moqueurs. Certains s’arrêtaient. Commentaient.
Il s’est bien écoulé une bonne dizaine de minutes avant qu’il consente enfin à accepter son présent.
– C’est quoi ?
– Vous savez bien.
– Pas du tout, non.
– Ma fessée.
– Ah, oui ? C’est gentil. Ça me touche beaucoup. Ben, tu sais pas ? On va aller regarder ça ensemble alors. Tous les trois. Ah, si, si, j’y tiens…


28-


Elle nous a docilement suivis.
– Entre ! Et mets-toi à l’aise !
Elle m’a regardée sans comprendre.
– Ben, oui ! Désape-toi !
Ce qu’elle s’est empressée de faire.
Une fois en sous-vêtements, elle s’est arrêtée. A hésité.
– T’attends quoi ?
– Non. Rien.
Toute nue. À poil.
– Tourne-toi ! Fais voir s’il reste des traces. Oui… Si ! Un peu quand même… Là, c’est tout noirâtre. Et puis là, au milieu. Ça te fait mal quand j’appuie ?
– Un peu.
– Et là ?
– Aïe ! Oui.

On l’a fait s’installer entre nous deux, sur le canapé, et Coxan a lancé la vidéo. Une vidéo d’excellente qualité.
– Elle a les moyens, dis donc, ta patronne…
On s’est concentrés sur les images.
– Elle est pas trop à l’aise, en attendant, sur ce coup-là, la Camille !
– Oui. Comment elle se dandine d’un pied sur l’autre…
– Et toi qui la fais attendre tant et plus. Exprès, je suis sûre.
– Ben, tiens ! C’est le meilleur moment, là, juste avant que ça commence.
Je me suis tournée vers elle.
– Et toi, ma chérie, ça te plaît ?
– Oui.
– T’as pas l’air vraiment convaincue.
– J’aime que ça vous plaise.
– Ah, ça y est ! Madame Gorsalier entre en scène.
– Comment elle fait ça bien, n’empêche !
– Oui, préparation du terrain d’abord… À petites claques bien sèches et pas trop fortes. Que ça le rende sensible. Et après, on peut y aller carrément.
– Ce qu’elle fait manifestement de très bon cœur.
– Ah, ça ! Et Aglaé ! Regarde Aglaé, là, sur le côté. Elle en perd pas une miette. Non, mais cet air ravi qu’elle a !
– Et voilà… Ça a pris sa vitesse de croisière. J’adore. J’adore comment tu le trémousses ton petit popotin chaque fois que ça tombe. Pas toi, jeune fille ?
– Si !
– Ah, tu vois ! Bon, mais on approche du bouquet final, là ! Comment tu piaules ! Un véritable enchantement… Oh, fini, déjà ! Quel dommage ! Ah, oui, c’est vrai, faut encore que tu te frottes les fesses. Ça fait du bien, ça, hein ! Ça soulage…
L’écran est redevenu noir.
– En tout cas, merci, hein ! C’est un riche cadeau que tu m’as fait là… Je sens que je vais en faire un usage immodéré.
– Oh, mais elle t’en fera d’autres des cadeaux, va ! Parce que tu crois qu’une petite leçon comme ça va lui avoir suffi ? Penses-tu ! Alors là, je suis bien tranquille. Retourne faire tes achats là-bas…
– J’y compte bien.
– Et tu verras qu’il y aura rien de changé. Son comportement sera toujours aussi déplorable. Ah, il va falloir qu’elle lui en mette encore et encore des fessées, Madame Gorsalier, pour arriver enfin à un résultat. Et des bien plus sévères que celle-là… Qu’on pourrait d’ailleurs se repasser, en attendant, non ? Qu’est-ce t’en penses, Camille ?
– Je veux bien, oui.


29-


Andrea m’a sauté au cou.
– Il m’arrive plein de trucs.
– Quels trucs ?
– Oh là là, attends ! Je vais te raconter tout ça. En détail. C’est rapport à Martial.
– J’en étais sûre… Eh bien, vas-y ! Je suis tout ouïe.
– J’ai eu envie de le voir. À cause des mails de fou qu’il envoie à Coxan à mon sujet. Mais toute seule. Que lui et moi. Et je me suis dit que, si ça tombe, il y était tout le temps fourré, maintenant, au café où on s’était rencontrés tous les quatre. Que c’était là qu’il venait penser à moi. Et lui écrire à Coxan. Je m’y suis pointée. Eh, ben bingo ! Il était là. Oh, mais alors sa tête quand j’ai passé la porte ! Sa tête !
– J’imagine…
– Il s’est précipité à ma rencontre. « Vous me reconnaissez pas ? Martial ! De l’autre jour, vous savez… » J’ai fait mine de chercher, sourcils froncés. « Ah, oui, oui… Bonjour ! Vous allez bien ? »
– Et, évidemment, il a voulu t’offrir un verre.
– Ah, ben ça ! Près de deux heures on a discuté du coup. Comment ça me faisait trop drôle de me retrouver là, en face de lui, et de me dire que tous les soirs il me regardait, en boucle, me prendre ma fessée. Et qu’il savait pas que je savais. Que tous les mails qu’il adressait à Coxan, je les lisais. Que, quelquefois, c’était même moi qui les dictais, les réponses.
– Et vous allez vous revoir, je suppose…
– C’est déjà fait, ça. Le lendemain. Et encore hier. Et puis ce matin. Mais qu’est-ce qu’il est intéressant à parler en attendant.
– Seulement à parler ?
– Oui. Non. Tu te doutes bien qu’à force de passer du temps ensemble comme ça…
– Vous ne vous êtes pas contentés de vous regarder dans le blanc des yeux.
– Voilà, oui. Comment il est doux ! Et câlin. C’est la première fois, moi, un type avec qui je me sens aussi bien. Je lui ai dit alors, du coup.
– Tu lui as dit quoi ?
– Ben, pour les fessées, tout ça ! Je me sentais vraiment trop mal. Fausse.
– Il l’était autant que toi, si tu vas par là.
– Oui, enfin bref, il valait mieux repartir sur de bonnes bases.
– Et il a réagi comment ?
– Il s’est senti soulagé parce que lui aussi, de son côté, ça commençait à lui peser tous ces mensonges. Et du coup, dans la foulée, je lui ai montré la vidéo de la fessée où, en même temps, je me regarde en train de la recevoir.
– Il a dû apprécier…
– Tu parles ! Il m’a carrément sauté dessus, oui ! Jamais j’avais vu un mec dans un état pareil. Quatre fois on a remis ça. Quatre fois ! Dont deux avec la vidéo qui tournait. Le bruit des cinglées du martinet en arrière-fond. Mes gémissements. Tout, quoi ! Il m’a mise complètement sur les rotules.
– Et maintenant ?
– Ce qu’il aimerait, c’est te voir me donner une fessée en vrai.
– Oui, oh ben ça, c’est pas bien compliqué. Non, mais ce que je voulais dire, c’est : ça va aller où, vous deux ?
– C’est bien là toute la question. Si je l’écoute, il est fou amoureux de moi. Il me promet monts et merveilles. Mais ça…
– T’as peur qu’il soit pas sincère ?
– Oh, non ! Non. Il l’est sincère. J’ai pas le moindre doute là-dessus. Non. Mais le jour où il va me désirer moins, ce qui va forcément arriver, il va se passer quoi ?
– Est-ce qu’il est absolument nécessaire de se poser ce genre de questions à l’avance ? Profite ! Tu verras bien…
– Oui. Je suis idiote. Tu as raison.
– Évidemment que j’ai raison.


30-


Eugénie a levé les yeux au ciel.
– Qu’est-ce que t’es encore allée inventer…
– J’invente rien du tout.
– Mais j’en ai rien à battre de ton Coxan. Strictement rien.
– Oui, ben ça, t’as plutôt intérêt… Parce que sinon…
– Sinon quoi ?
– Tu le sais très bien.
Elle a haussé les épaules et claqué la porte.

La chambre s’est éclairée. J’ai attendu une bonne vingtaine de minutes sur le parking et puis je suis montée. Je suis entrée en trombe, me suis précipitée vers le lit. J’ai arraché draps et couvertures. Elle était nue.
– Ah, t’en as rien à battre de Coxan ! Ah, t’en as rien à battre, espèce de petite saloperie.
J’ai brandi le martinet.
– Non, attends ! Je vais t’expliquer…
– M’expliquer ? Fous-toi bien de moi. En plus !
J’ai cinglé. À pleines cuisses.
– Aïe ! Mais t’es folle !
Elle s’est tournée sur le ventre.
– Je suis folle, oui ! Complètement folle.
Et j’ai tapé. De bonnes cinglées bien mordantes, bien boursouflantes. À intervalles suffisamment longs pour qu’elle ait le temps de les appréhender. Et irréguliers, pour qu’elle ne sache jamais à quel moment au juste ça allait tomber.
– Regarde, Coxan, regarde comme elle se crispe joliment des fesses en les attendant. Qu’est-ce que je fais ? J’envoie ? J’envoie pas ? Allez, j’envoie… Oh, et puis non ! Il y a rien qui presse.
J’ai fait durer comme ça, un bon moment. Et puis…
– Bon, allez ! Assez joué.
Une dernière bordée de coups. Une dizaine. À toute volée.
– Et maintenant, tu dégages…
Elle s’est rhabillée, en toute hâte, et elle a filé.

Je me suis assise au bord du lit. Coxan m’a souri.
– Comment ils brillent tes yeux !
– Peut-être, oui.
– Et t’as les pommettes en feu.
– C’est que…
– Je sais, oui. Du coup, j’ose à peine imaginer l’état des lieux… ailleurs.
– Ailleurs ? Oh, ben, ailleurs…
On a éclaté de rire. Et je me suis retrouvée dans ses bras. Et il y a eu ses mains sur moi. Ses doigts en moi. Et puis lui…

On est restés enlacés.
– On en a fait des choses, finalement, tous les deux, en si peu de temps.
– Et on en fera d’autres.
– Oh, ben oui, oui… On va quand même pas s’arrêter en si bon chemin.
– D’autant qu’elles comptent sur nous, les filles.
– Et puis on en trouvera d’autres.
– Mais, dans un premier temps, on va d’abord se consacrer à nous. Qu’à nous. Non ? Ça te dit pas ?
Oh, que si, ça me disait ! Si !
Et je lui ai doucement caressé les fesses.