ENTREZ, FACTEUR !
Dessin
de Martin Van Maele
– Eh
bien, facteur, faut pas se gêner !
– Mais
j’ai frappé ! C’est vous qui…
– Qui
t’ai dit d’entrer. Je sais, oui ! Ferme donc la porte,
idiot ! Ça fait courant d’air. Et profite de l’occasion au
lieu de discourir ! C’est pas tous les jours qu’on doit
t’offrir, sur ta tournée, des spectacles comme celui-là. Si ?
– Oh,
pour ça, non !
– Ah,
tu vois ! Tu sais que t’es pas mal du tout de ta personne ?
Ça change de celui qu’il y avait avant. Tu dois sacrément plaire
aux filles, je suis sûre. Non ? Je me trompe ?
– On
se défend.
– Et
modeste avec ça ! Mais c’est que t’as toutes les qualités,
toi ! Si, en plus, là-dessous, t’es monté comme un taureau,
alors là ! Là ! C’est le cas ?
– Je…
– Non !
Non ! Dis rien ! Je préfère imaginer. N’empêche que tu
sais que c’est tous les jours que je t’attends ? Que je te
regarde, derrière mes volets clos, glisser le courrier dans ma boîte
aux lettres ? Et d’ailleurs, tiens, tu veux un aveu ?
Neuf fois sur dix, les lettres que je reçois, c’est moi qui me les
suis envoyées. Pour avoir le plaisir de t’avoir là, à
disposition, quelques instants, sous ma fenêtre. Et pour, après,
laisser courir mes doigts, en pensant à toi, là où ils ont envie
d’aller. C’est pour ça : je me suis bien juré que le jour
où tu m’apporterais enfin un colis, je ferais en sorte que tu
saches à quoi t’en tenir. C’est plus honnête, non, tu trouves
pas ? Surtout que t’es le premier concerné. Et voilà qu’il
est enfin arrivé, ce jour béni. Et que je suis dans tous mes états.
Ça te choque pas trop au moins tout ça ? Si, hein ! Un
peu quand même. J’m’en fous ! J’m’en fous complètement.
Parce que si tu savais comment c’est excitant de le faire comme ça,
là, devant toi. Depuis le temps que j’en rêvais ! Et tiens,
faut que je te dise quelque chose. T’es le seul maintenant. Et ça,
depuis des mois. Parce qu’avant il y en avait aussi d’autres. Le
fils du boulanger. Celui du premier adjoint au maire. Mais ils me
satisfaisaient pas autant que toi. Tant s’en faut. Alors je n’ai
gardé que toi. Je te suis fidèle. Ça te fait plaisir au moins ?
Oui ? On dirait pas. Tu manques sérieusement d’enthousiasme,
mon garçon. Oh, mais je sais ce que tu penses. Que je suis une
dépravée. Une perverse. Une vilaine cochonne lubrique qui
mériterait une bonne fessée pour lui apprendre à se conduire d’une
façon aussi éhontée. C’est pas vrai peut-être ?
– Ben…
– Oh,
mais tu as raison. Tu as entièrement raison. Je me comporte là,
avec toi, devant toi, d’une manière absolument scandaleuse. Je
mérite d’être punie pour ça. Et c’est toi qui vas le faire.
C’est toi qui vas me rendre ce menu service. Hein ? Tu veux
bien ? Merci. T’es un amour. Attends ! Attends !
Laisse-moi me mettre en position. Là ! Voilà ! Bon, mais
tu tapes, hein ! Tu fais pas semblant. Et même si je crie, même
si je te demande d’arrêter, tu m’écoutes surtout pas. Au
contraire. Tu tapes encore plus fort. Aussi fort que tu peux. Allez,
vas-y, je suis prête. Fais-moi jouir !
ENTRE COLLÈGUES
Dessin
de Louis Malteste
Dès
le matin ça commence. Elle se gare à ma place sur le parking du
boulot. Je laisse pas passer. Ah, non, alors ! Manquerait plus
que ça…
– Tu
peux pas mettre ton tas de ferraille ailleurs ?
– Il
y a pas de places attitrées, que je sache !
– Places
attitrées ou pas, je me suis toujours mise là. Depuis la nuit des
temps.
Et
on se fait la gueule.
Après,
c’est mon tour. Je profite de ce qu’elle soit descendue à la
machine à café pour mettre un code d’accès bien tordu sur son
ordinateur. Et je l’éteins.
– Qui
c’est qu’est venu à ma place ?
– J’sais
pas. Pas moi, en tout cas !
– Tu
parles !
Elle
râle. Elle cherche. Elle tempête.
– Et
merde ! Tu vas le dire à la fin ?
Je
la fais attendre. Tant et plus. Et puis je le lui lâche.
– Tu
me paieras ça. Je te jure que tu me paieras ça.
J’éclate
de rire.
– Mais
bien sûr !
On
saisit toutes les occasions. À longueur de journée. On se provoque.
On s’engueule. On se menace. Pour la plus grande joie, plus ou
moins affichée, des collègues. Qui en font des gorges chaudes. Et
pour la nôtre. Parce qu’en réalité, c’est du flan tout ça. On
est les meilleures amies du monde. On s’entend comme larronnes en
foire pour leur donner le change.
– Leurs
têtes ! Non, mais leurs têtes ! J’adore.
– Ah,
pour ça, oui ! Moi aussi !
Le
soir, on part chacune de notre côté. Et puis on se retrouve. Chez
l’une. Ou chez l’autre.
– N’empêche
que t’as été infernale aujourd’hui !
– Tu
peux parler, toi !
On
se donne de petites tapes. Pour rire. Pour jouer. De plus en plus
fortes. Qui finissent par faire mal.
– Oh,
mais alors là, tu vas voir !
– T’as
que de la gueule.
On
se lève et on lutte, enlacées. Toujours par jeu. On est de force à
peu près égale. Alors parfois c’est elle qui prend le dessus et
parfois c’est moi. Mais ça se termine toujours de la même façon.
Il y en a une qui trousse l’autre, qui lui met les fesses à l’air
et qui lui flanque une bonne claquée. Quand on en arrive là, je me
laisse faire. Ou elle se laisse faire. C’est selon.
– Alors
là, je peux te dire que tu vas t’en souvenir, ma petite !
Pour
s’en souvenir, on s’en souvient. Parce qu’on ne se ménage pas.
De vraies fessées on se donne. Bien rougissantes et bien cuisantes.
– Plus
fort ! Plus fort ! Tu caresses, là !
On
ne se fait pas prier. On se déchaîne.
Cris.
Gémissements. Supplications. Rien n’y fait. On se montre
intraitables. Jusqu’à ce que la main fatigue.
– J’en
peux plus.
On
reprend nos esprits.
– En
attendant, qu’est-ce que ça fait du bien !
– Oui,
mais le prochain coup, c’est mon tour.
– Promis,
juré.
On
se passe de la crème. On contemple et on commente l’étendue des
dégâts.
– Tu
t’imagines demain, là-bas, au boulot, le cul en feu ?
– Et
personne qui sait. Et personne qui se doute. J’adore…
LE FANTÔME
– Un
fantôme ? Mais ça n’existe pas, les fantômes, ma pauvre
Amélie !
– Ah,
si ça existe, si ! Même que ça fait trois nuits qu’il me
rend visite, celui-là.
– Ben,
voyons !
– Oh,
mais il est pas méchant, hein ! Il a juste besoin de parler. De
vider son sac.
– Et
il te raconte quoi, on peut savoir ?
– Qu’il
a été assassiné, ici, dans cette maison, il y a près de deux
siècles et demi et que, depuis, il est condamné à y errer sans
pouvoir trouver le repos. À moins qu’une âme charitable ne
consente à lui porter assistance.
– Et
comment donc ?
– Il
m’a pas dit. Mais il me dira, il m’a promis. D’autant… qu’il
aimerait bien que ce soit moi qui lui rende ce menu service.
– Alors ?
– Alors
quoi ?
– Ben,
ton fantôme ! Tu l’as revu ? Il t’a dit ?
– Oui.
Il veut me fouetter.
– Te
fouetter ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
– Une
femme aurait pu empêcher qu’il soit tué. Elle ne l’a pas fait.
Par lâcheté. Une autre doit expier, à sa place, de son plein gré.
Faute de quoi, il ne retrouvera jamais sa tranquillité.
– Et
donc, tu vas gentiment lui offrir ton petit derrière à claquer.
– Il
me fait pitié. Il est si malheureux.
– La
tête te joue vraiment des tours, toi, hein !
– Tu
me crois pas ?
– Ce
que je crois surtout, c’est que t’as beaucoup d’imagination et
que les histoires que t’inventes, tu finis par y croire toi-même.
Et que t’aurais besoin de repos. De beaucoup de repos. Ou d’une
cure d’ellébore.
– Et
ça ? Je l’ai imaginé, peut-être ?
– Oh,
là ! T’as les fesses dans un état !
– Elles
peuvent. Parce que comment il a tapé fort ! Et longtemps.
C’était interminable. J’en pouvais plus à la fin.
– Mouais…
Je voudrais pas te décevoir, mais, à mon avis, ton fantôme, il n’a
de fantôme que le drap. Il est bien vivant. En chair et en os. Je
crois même pouvoir te dire qui c’est.
– Le
dis pas ! Je t’en supplie, le dis pas !
– T’as
pas reconnu la voix ?
– Non.
C’est quelqu’un qui la déguise. Elle est toute caverneuse.
– Tu
veux vraiment pas savoir ?
– Non.
Ça peut être qui j’ai envie que ce soit comme ça.
– Juste
une chose alors… Continue à ne pas fermer ta porte à clef la
nuit. Des fois qu’il faille plusieurs séances pour qu’il puisse
jouir enfin d’un repos bien mérité.
SPANKING DAY
– Il
se passe quoi au juste ?
Coralie
a pris un air étonné.
– Mais
rien ! Qu’est-ce tu veux qu’il se passe ?
– Je
sais pas. Il y a toute une agitation, là. Ça s’affaire. Ça court
dans tous les sens. De bureau en bureau. Magda se promène partout
avec des listes. Elle fait une collecte ? Quelqu’un se marie ?
– Pas
du tout, non. Non. Disons qu’on prépare le Spanking Day de
mercredi prochain.
– Qu’est-ce
c’est que ça ?
– Le
jour de la fessée. Tous les ans, le 8 août, c’est le jour de la
fessée.
– Ah !
Jamais entendu causer. Et ça consiste en quoi ?
– Tu
te doutes bien, non ?
– Je
sais pas, moi ! À se mettre des fessées ?
– Voilà,
oui.
– Et
vous allez faire ça ici ? Dans la boîte ?
Elle
a éclaté de rire.
– Ah,
non ! Sûrement pas, non ! Il y a pas de risque. On se
retrouve ailleurs. Dehors. Avec d’autres gens.
– Et
pourquoi personne m’en a parlé de tout ça à moi ?
– À
toi ? Mais…
– Mais
quoi ? Je suis la coincée de service, c’est ça ?
Et
je suis partie furieuse. J’allais me la traîner encore longtemps
cette réputation à la con ?
J’en
ai rêvé toute la nuit de leur truc. Toutes les filles du service se
pourchassaient à qui mieux mieux dans les couloirs, le cul à l’air.
Elle s’envoyaient des grandes claques dessus. Elles escaladaient
les bureaux, se coinçaient les unes les autres contre les classeurs
de rangement et les photocopieuses. C’était des gloussements.
C’était de grands cris. C’était des rires à n’en plus finir.
Je me réveillais en sursaut. Quelles dindes ! Fallait vraiment
qu’elles soient complètement barrées dans leurs têtes, hein !
Je me rendormais. Et je les retrouvais. En ville, cette fois. En
pleine ville. Sur une grande place avec des sièges. On aurait dit un
théâtre d’extérieur. Et ça se tapait, le derrière pointé en
l’air. Et ça se claquait tant que ça pouvait. Il y avait des gens
autour qui regardaient. Qui commentaient. Que ça avait l’air de
beaucoup amuser.
– Non ?
T’es pas de mon avis ? C’est pas complètement tordu, ce
machin ?
Ma
copine Sélène a hoché la tête avec un petit sourire.
– Oui,
oh, tu sais, il y a pas de quoi en faire un plat non plus… En
général, ça va pas bien loin. Quelques petites tapes sur les
fesses, pas forcément déculottées d’ailleurs, ça dépend, et
puis voilà ! C’est très ludique en fait.
– Quand
même !
– Je
peux te dire quelque chose ?
– Vas-y !
– Tu
te plains de pas être intégrée. D’avoir une réputation de fille
complexée. Ce serait le moment ou jamais de leur prouver le
contraire. Non ? Tu crois pas ?
Magda
m’a considérée d’un air stupéfait.
– Toi !
– Non ?
C’est pas possible ?
Elle
s’est tout de suite reprise.
– Si !
Si ! Bien sûr que si ! Je t’inscris. Tout de suite. Et
attends ! Je vais te filer un plan pour y aller.
Parce
que c’est pas forcément facile à trouver.
SPANKING DAY (2)
Dessin
de Dagy
On
était une vingtaine. À peu près. Quelques hommes. Pas beaucoup.
Magda jouait les affairées, courait à droite, courait à gauche.
Coralie était en grande conversation avec deux filles que je ne
connaissais pas. Une autre me lorgnait avec insistance, du coin de
l’œil. Mais qu’est-ce que j’étais venue fiche là, moi ?
Le mieux, c’était encore que je m’éclipse discrètement. Je
n’en ai pas eu le temps. Magda a pris la parole.
– Bon,
on est au complet. Et en nombre pair, ce qui tombe bien.
Elle
nous a séparés en deux groupes. Les donneurs d’un côté et les
receveurs de l’autre.
Il
y a eu des murmures. Des protestations. Des sifflets.
– Non,
mais ça, c’est juste pour commencer. Le coup d’envoi en quelque
sorte. Après, vous vous débrouillerez bien comme vous voudrez.
Allez, on y va ! Aurore…
Et
une fille s’est dirigée droit sur Coralie.
– Hugo…
Il
est venu vers moi, le type. S’est penché à mon oreille.
– C’est
la première fois, hein ?
– Oui.
– J’en
étais sûr.
Et
je me suis retrouvée le nez dans l’herbe. Sans autre forme de
procès. Il s’est agenouillé devant moi.
– Que
je puisse voir ta tête…
Et
m’a mis les fesses à l’air.
– À
nous deux !
Ça
a été des petites claques d’abord. Pas très fortes.
Sur
Coralie, à côté, la fille les envoyait beaucoup plus sèches.
Derrière aussi. Je voyais pas qui, mais ça y allait beaucoup plus
fort. Et une fille gémissait.
– Tu
aimes ?
Peut-être.
Je savais pas. C’était pas vraiment désagréable.
– Hein ?
Tu aimes ?
Lui,
oui, en tout cas. La bosse dans son pantalon ne laissait pas planer
le moindre doute à ce sujet.
Il
a tapé plus intense.
Une
fille a crié.
– J’ai
mal ! J’ai mal ! Mais que c’est bon !
Les
fesses de Coralie, à gauche, étaient d’un rouge incandescent.
Encore
plus intense. Et plus rapide. À toute allure.
Ça
m’a tourbillonné dans le bas-ventre. J’ai fermé les yeux.
D’autres mains – Deux ? Trois ? – sont
venues se joindre à la sienne. Ça m’a crépité en grêle sur le
derrière.
Quelque
part une fille a joui. Moi aussi. À pleine gorge.
Quand
je suis revenue à moi, le type avait disparu. Il était un peu plus
loin là-bas. Quelqu’un me massait doucement les fesses. C’était
Coralie.
– Ben,
dis donc, comment tu y as attrapé !
Elle
a enfoncé, par endroits, du bout du pouce.
– Ça
fait mal ?
– Un
peu.
– Et
là ?
– Aussi.
– Moi,
c’est du feu ! Ça te me brûle là-dedans ! Mais j’aime.
J’adore. Pas toi ?
– Si !
– Tu
me dirais le contraire… Parce que ça s’est entendu. Comment t’as
couiné !
Elle
m’a doucement modelé une fesse.
– En
douce que ça leur donne de sacrées belles couleurs.
L’autre.
– Mais
c’est encore mieux le lendemain. Plus varié. Et plus profond. On
se fera voir, hein ?
– Si
tu veux…
Deux
types se sont approchés.
– Dites,
les filles, faudrait voir à pas s’arrêter en si bon chemin. Les
festivités ne font que commencer
LA GOUVERNANTE
Dessin
d’Eugène Reunier
– Vous
étiez prévenue, Mademoiselle Longstone.
– Je
suis désolée. Je demande à Madame d’avoir la bonté de bien
vouloir me pardonner. Et je puis l’assurer que cela ne se
reproduira plus.
– C’est
tout de même la troisième fois que cela vous arrive.
– Je
me suis laissé emporter. J’en suis absolument navrée.
– Vous
avez eu à mon endroit des propos absolument inqualifiables. Et ce,
en présence de ma fille, ma fille dont je vous ai confié
l’éducation. Croyez-vous que ce soit acceptable ?
– Je
regrette, Madame. Je regrette profondément. Mon caractère impulsif
a pris le dessus.
– Et
le prendra encore, sans aucun doute possible, si l’on n’y met bon
ordre. On va donc y mettre bon ordre.
– Comment
cela ?
– Une
bonne correction, à la badine, donne généralement d’excellents
résultats.
– Madame…
– À
moins que nous n’envisagions des solutions beaucoup plus radicales.
Que je ne décide de me passer de vos services.
– Je
supplie Madame de n’en rien faire.
– Dans
ces conditions… Eh bien, ne tergiversons pas alors… Mettez-vous
en position !
– Dès
à présent ?
– Bien
entendu. Le plus tôt sera le mieux. D’autant que nous sommes
seules. Angèle est chez ses cousines, mon mari à ses affaires.
– Il
y a…
– Suzon ?
À l’égard de laquelle vous vous comportez, fort souvent, de façon
extrêmement offensante. Ce n’est pas parce qu’elle se trouve,
ici, dans une position que vous estimez inférieure à la vôtre que
cela vous donne pour autant le droit d’en user avec elle de façon
ouvertement méprisante. Bon, mais allez ! Ne me faites pas
perdre mon temps.
– Mais,
Madame, elle va entendre !
– Eh
bien, elle entendra.
– Madame
ne peut pas m’imposer une telle humiliation.
– Qui
ne fera que la dédommager quelque peu de toutes celles que vous lui
faites subir au quotidien.
– Elle
va se moquer.
– Assurément.
Et c’est tant mieux. Ce n’en sera que plus efficace.
L’apprénension des petits sourires entendus et ironiques dont elle
ne manquera pas de vous gratifier dès ce soir vous dissuadera de
retomber, à l’avenir, dans les mêmes errements. Allez,
installez-vous ! Confortablement. Et mettez à découvert la
partie de votre anatomie qui va faire l’objet de toute ma
sollicitude. Là ! Parfait ! Vous êtes prête ?
– Je
le suis.
– Alors,
action !
– Ouille
que ça fait mal ! Hou là là ! Hou là là ! Mais
hou là là !
– Si
vous hurlez de la sorte, il n’est pas douteux que Suzon va
entendre. Qu’elle a déjà entendu.
– C’est
si douloureux, Madame…
– Alors
je vais faire preuve d’un peu de compassion à votre égard. Nous
allons marquer une petite pause. Je vais sonner Suzon. Qu’elle nous
monte du thé. Non, non, ne bougez pas. Restez comme ça ! Elle
sera ravie.
AU POTAGER
– Mademoiselle
Lise ! Mais vous voilà de bien bonne heure ce matin !
– Il
fait si beau, Basile !
– Oh,
pour ça, oui, Mademoiselle ! Et c’est pas trop tôt… Avec
toute cette pluie qui nous est tombée.
– Il
y a plein de petites pousses, là. C’est quoi ?
– Des
haricots. Qui sortent tout juste de terre.
– Je
peux les piétiner ?
– Les
piétiner ? Mademoiselle n’y pense pas !
– Si !
J’ai envie.
– Envie ?
Mais…
– Tu
me ferais quoi si je les piétinais ? Tu me mettrais une
fessée ?
– Mademoiselle !
– Ben,
quoi ! Elle lui en met bien Léonie* à Honorine, des fois.
– Léonie ?
À Honorine ?
– Oui.
Mais faut pas en parler. C’est un secret. À moi aussi, elle m’en
a donné une un jour. Même que j’aie vingt-deux ans, elle me l’a
fait quand même.
– À
vous ?
– C’est
normal quand on fait des bêtises, non, vous trouvez pas ?
– Non.
Si ! Peut-être. Ça dépend.
– Ah,
vous voyez ! Des bêtises comme d’écraser les haricots, par
exemple. Les haricots et le reste.
– C’est
beaucoup de travail de s’occuper du potager. Beaucoup de peine et
de fatigue.
– Je
sais bien, mon pauvre Basile. C’est bien pour ça que je
mériterais, si je le faisais, non ?
– Sûrement
un peu.
– Beaucoup
tu veux dire, oui. T’en as déjà donné, toi, des fessées ?
– Quelquefois.
– C’est
vrai ? Et tu tapes fort ?
– Encore
assez.
– Et
tu le mets tout nu le derrière ? Ben oui, forcément, c’est
pas une une vraie fessée, sinon…
– Vous
allez où, comme ça, Mademoiselle Lise ?
– Massacrer
toutes ces plantations, là. J’ai trop envie…
L’INSOLENTE
Dessin
de Louis Malteste
– Oui,
Madame la comtesse, oui. Elle a été punie comme elle le mérite. Ce
matin même.
– Une
telle insolence ! À mon égard ! Venant d’une petite
servante de rien du tout. Qu’on a sortie du ruisseau. C’est une
honte ! Une véritable honte !
– Soyez
assurée, Madame la comtesse, que cela ne se reproduira pas.
– En
êtes-vous bien certaine ? Avec des natures aussi viciées, on
peut s’attendre à tout.
– La
leçon aura nécessairement porté ses fruits. Nous ne l’avons pas
ménagée.
– Vraiment ?
– Vraiment.
Elle va vous montrer. Eh bien, toi, qu’est-ce que tu attends ?
Fais voir à Madame la comtesse. Mais là ! Là ! Devant la
chaise ! Et à genoux ! Ce que tu peux être empotée quand
tu t’y mets !
– C’est
surtout qu’elle renâcle. Quand je vous dis que vous n’en tirerez
jamais rien.
– Eh
bien ! Trousse-toi ! Tu vois bien que tu fais attendre
Madame la comtesse. Elle n’a pas que ça à faire… Plus haut !
Encore ! Encore, j’te dis ! Là… Vous voyez ?
Reconnaissez que nous avons eu à cœur de lui infliger une
correction exemplaire.
– Qui
aurait pu l’être davantage, me semble-t-il, eu égard à son
inqualifiable comportement.
– Si
Madame la comtesse estime…
– J’estime,
en effet…
– Dix
coups ?
– Disons
quinze. Sévèrement appliqués.
– Comme
Madame la comtesse voudra…
– Ça
t’a plu aujourd’hui ?
– Oh,
oui ! Et à elle aussi, on aurait dit, hein ?
– Aucun
doute là-dessus.
– Plus
que d’habitude ?
– Au
moins tout autant.
– Elle
se doute pas au moins que j’aime ça ?
– Absolument
pas.
– Non,
parce que ça gâcherait tout.
– Elle
se doute pas, sois tranquille !
– Comment
vous avez tapé fort, n’empêche…
– Trop ?
– Oh,
non, non ! Elles vont rester longtemps, comme ça, les marques.
Et je pourrai les regarder dans la glace. J’adore…
– Je
sais.
– On
recommencera, hein !
– Bien
sûr qu’on recommencera.
– Bientôt ?
– Très
bientôt.
– Et
ce coup-là, je la traiterai de vieille peau. Vous croyez que ça ira
« Vieille peau » ?
– Ce
sera parfait.
HÉRITAGE
Elle
avait une idée, Alexandrine.
– Et
une bonne ! Tu sais, le père Victor ?
– Celui
chez qui tu fais le ménage ? Qu’est riche à millions ?
– Lui-même.
– Eh
bien ?
– Eh
bien, il a pas d’héritier.
– Toi,
je te vois venir…
– Et
il a un petit péché mignon, le père Victor.
– Qui
est ?
– La
fessée…
– Carrément.
– Il
a tout un tas de trucs là-dessus. Des photos. Des dessins. Bien
planqués. Enfin à ce qu’il croit. Parce que t’as vraiment pas
bien de mal à les dénicher. Et alors ce que j’ai pensé, c’est
que tu pourrais peut-être venir m’aider à faire le ménage chez
lui. Tu casseras un truc. Je te punirai. On recommencera. Ça le
rendra fou. Et, avant trois mois, on est héritières.
– Tu
crois ?
– Je
suis sûre. Et vu l’âge qu’il a, on aura tôt fait de toucher le
pactole.
J’y
suis allée de bon cœur. Je l’ai lancé de toute ma hauteur, cette
horreur de vase. Il a éclaté en tout un tas de petits morceaux qui
sont allés s’éparpiller aux quatre coins de la pièce. Et jusque
sous le buffet.
– Ah,
ben bravo ! Bravo !
– Je
l’ai pas fait exprès.
– Encore
heureux ! Manquerait plus que ça ! Tu pourrais t’excuser
au moins…
– Je
suis désolée, Monsieur Victor…
– C’est
malheureux ! J’y tenais, moi, à ce vase. C’est un vase que…
– Elle
en fera jamais d’autres. Oh, mais je vais t’apprendre à faire
attention, moi, ma petite, tu vas voir ! Une bonne fessée,
c’est encore ce qu’il y a de plus efficace.
– Oh,
non ! Pas la fessée !
– Si !
Et comment !
Et
elle m’a empoignée.
– Pas
devant lui, Alexandrine ! S’il te plaît, pas devant lui, je
t’en supplie !
Elle
n’a rien écouté. Je me suis débattue tant que j’ai pu. Fait
semblant. Pour finir, je me suis retrouvée les fesses pointant en
l’air. Avec elle qui tapait allègrement dessus. Ah, elle y allait
de bon cœur, la garce ! Lui, il en perdait pas une miette, les
yeux exorbités. Chaque fois qu’elle ralentissait la cadence,
qu’elle faisait mine de s’interrompre, il exigeait…
– Encore !
Encore ! Et ça repartait de plus belle.
Ça
s’est enfin arrêté.
Il
a constaté, la mine ravie.
– Comment
elle l’a rouge !
Lui,
c’était la figure qu’il avait toute rouge. Et il transpirait à
grosses gouttes.
Il
a hoché la tête.
– N’empêche
que ça me rendra pas mon vase, tout ça ! Un vase que mon fils
m’avait ramené tout exprès du Viet-Nam. Qu’est-ce que je vais
lui dire, moi, maintenant ?
– Un
fils ? Vous avez un fils ?
– Deux
même. Et une fille. Vous savez bien. Vous l’avez vue l’autre
jour.
– Tu
t’es bien fichue de moi !
– Je
savais pas… Je croyais… Je l’avais oubliée, sa fille.
– Prends-moi
bien pour une imbécile ! En plus !
– J’avais
trop envie.
– C’est
pas une raison !
– T’as
apprécié. Ça se voyait que t’appréciais.
– Pas
du tout, non.
– Menteuse !
– Un
petit peu. Juste un petit peu.
– Tu
m’en veux ?
– Oui.
Beaucoup. Non, en fait. Pas tellement. Presque pas.
LE PRIX DU SILENCE
Dessin
de Louis Malteste
– Devine
ce que j’ai fait cette nuit…
– Qu’est-ce
tu veux que j’en sache ! Tu t’es tapé un mec ?
– Non.
Mieux que ça. J’ai épluché les comptes du cabinet.
– T’as
vraiment du temps à perdre.
– Pas
du tout, non ! Parce que j’ai fait des découvertes
extrêmement intéressantes.
– Ah,
oui ?
– Tu
me demandes pas lesquelles ?
– Lesquelles ?
– Tu
es vraiment une comptable hors pair.
– Tu
me flattes, là. Tu me flattes vraiment.
– Surtout
quand il s’agit de détourner des fonds.
– Tu
as beaucoup d’imagination.
– Tu
t’es allègrement servie, dis donc !
– Bon,
écoute, t’es bien gentille, mais tes petites insinuations, là, tu
peux te les mettre où je pense. Parce que je voudrais pas te vexer,
mais la comptabilité et toi, ça fait deux.
– On
verra.
– On
verra quoi ?
– Ce
qu’ils en pensent, nos patrons. Des avocats, ça se roule pas dans
la farine comme ça. Ils voudront en avoir le cœur net.
– T’aimes
vraiment ça, foutre la merde, toi, hein !
– Disons
surtout que je suis foncièrement honnête.
– Ben,
voyons ! Bon, parlons clair. Tu veux quoi ? Qu’on
partage ?
– Ah,
non, non ! Sûrement pas. Ce serait trop facile. Je deviendrais
ta complice. Ce qui me réduirait au silence. Non, j’ai beaucoup
mieux que ça.
– Quoi ?
Mais parle à la fin ! C’est d’un agaçant !
– Je
vais te foutre une fessée.
– Rien
que ça ! Et puis quoi encore ? Non, mais tu m’as bien
regardée ?
– Ben
oui, justement ! Ça fait des mois que je fais que ça. Que je
contemple ton petit cul bien moulé dans des trucs bien collants et
que je me dis qu’un cul comme ça, c’est vraiment criminel de pas
le mettre à l’air. De pas lui flanquer une bonne tannée. C’est
du gâchis.
– T’es
vraiment complètement barge.
– Ah,
je peux te dire que ça fait un moment que je cherche comment je vais
bien pouvoir parvenir à mes fins. Alors une occasion pareille, ça
se laisse pas passer.
– Écoute…
– Non,
non, non, j’écoute rien du tout. Tu vas encore chercher à
m’embrouiller. Comme tu sais si bien faire. Alors tu te déculottes
et tu discutes pas. Sinon, demain matin, à la première heure, je
suis dans le bureau de Berthier.
– Tu
es…
– Immonde…
Ignoble… Abjecte… Tout ce que tu veux. Mais tu te décides. Et
vite. Ou tu te déculottes ou tu assumes les conséquences de tes
actes.
– Tu
es vraiment…
– Je
sais… Je sais… Tu l’as déjà dit. Ah, ben voilà ! Tu
vois quand tu veux… Bon, ben allez ! Et crois-moi, tu vas t’en
souvenir…