dimanche 27 décembre 2009

nouvelles ( 2 )






S U R L E F A U T E U I L



Tout a commencé comme ça : quelqu’un avait oublié une revue sur la banquette du café que nous fréquentions beaucoup plus assidûment, Amaelle et moi, que les amphis de la Fac de droit… Je l’ai distraitement feuilletée…
- Tiens, c’est marrant, écoute !… Un sondage : 87% des hommes et 69% des femmes reconnaissent se masturber régulièrement… Quelle conclusion on peut en tirer à ton avis?…
- Pas la moindre idée…
- Que 13% des hommes et 31% des femmes sont encore trop coincés pour l’avouer…
Elle a éclaté de rire…
- C’est pas complètement faux !…
- T’en fais partie ?…
Elle a haussé les épaules…
- J’irais pas le chanter sur les toits, mais je vois pas pourquoi je m’en défendrais… J’ai toujours considéré ça comme parfaitement naturel… Pas toi ?… - Moi ?… Je suis un fervent pratiquant depuis de longues années… Depuis que je suis en âge de l’être…

On en a reparlé le lendemain…
- Il le sait Dominique que tu te câlines toute seule…?
- Oui, ben alors là !… Pas question d’aborder le sujet avec lui !… La seule chose qu’il serait capable d’en conclure c’est qu’il ne me satisfait pas puisque j’ai besoin de ça… Ca n’a rien à voir, mais comment elle en prendrait un coup sa fierté de mâle… Et toi, Anne, elle est au courant ?…
- Oh, Anne, ça ne lui viendrait même pas à l’idée que je puisse en avoir envie puisque je l’aime…

Le surlendemain aussi…
- Je le dirais pas à n’importe qui - pour quoi je passerais ?… Mais un type le plus souvent il te gâche ton plaisir plus qu’autre chose… Il est dans sa tête à lui… Même s’il te connnaît bien, s’il essaie de te faire des trucs que tu aimes, c’est presque jamais ceux que tu aurais voulu à ce moment-là… Ou pas de la façon qu’il aurait fallu à ce moment-là… Tandis que toute seule !… C’est toi qui mènes le jeu… à ton rythme… avec tes images… comme tu veux… Tu les prends, tu les abandonnes, t’en fais venir d’autres… Tu peux te mettre et mettre les autres dans toutes les situations dont tu as envie… Tu n’es jamais déçue… Jamais…

Elle a voulu savoir…
- Mais t’es pas obligé de me répondre… A quoi tu penses, toi, quand tu te le fais ?…
- Ca dépend… Des jours… Du moment… De mon humeur… De tas de choses… Souvent ça part d’un petit rien… D’un coup de vent qui fait voltiger une robe, qui me laisse furtivement entrevoir une petite culotte… Du rideau d’une cabine d’essayage mal tiré… D’un regard croisé particulièrement appuyé… Dès que je suis seul je revis la scène, je la fais durer, je brode tant et plus… Ca part dans tous les sens… Ca m’emmène où ça veut… dans les endroits de moi-même les plus invraisemblables…
- Je connais ça aussi…
- Et puis j’ai mes histoires, des histoires qui me suivent depuis toujours… Qui sont chevillées à moi… Qui s’imposent quand elles l’ont, elles, décidé…
- Et qui ne doivent surtout pas être racontées… Elles en perdraient tout leur pouvoir… Ca aussi je le sais…

Elle a plongé ses yeux droit dans les miens…
- Et à moi, tu y penses des fois pendant ?…
- Si je te dis que non, tu me croiras ?…
- Non…
- J’y ai toujours pensé… Au lycée il y avait trois ou quatre filles de la classe que je ramenais avec moi presque tous les soirs… Tu en faisais partie…
- C’était qui les autres ?…
- Anaïs… Caelia… Romane… Amina…
- Tu as bon goût… Et maintenant ?…
- Maintenant… maintenant on est tout le temps ensemble tous les deux… Toute la journée… Partout… En amphi… En TP… A la bibliothèque… Au resto U… Ici, au café… Tu es là, constamment à portée de regard… On se parle… On en parle… Alors forcément tu es aussi avec moi quand je le fais… Il y a même des fois où…
- Où ?…
- Où j’ai hâte de te quitter pour aller te retrouver… Et toi ?… Tu me fais venir ?…
- Oui… De plus en plus souvent… De plus en plus longtemps…
- Et tu imagines quoi ?…
- Qu’on le fait tous les deux ensemble… côte à côte… Sans qu’il se passe rien d’autre…
- Ca, c’est vraiment pas difficile à réaliser…

On n’a pas voulu que ce soit tout de suite… Pour avoir le temps d’y penser… D’en avoir envie… De l’imaginer… Chacun de son côté… Ou ensemble… On en parlait… On se racontait comment ce serait… Ca se déployait en mots… Ca existait… C’était comme si ça avait eu vraiment lieu… Alors on changeait… Autre chose… Autrement… Jusqu’au jour où…
- On le fait ?… On le fait vraiment ?…

On a roulé jusqu’à la mer… On l’a longée… On l’a laissée nous lécher les pieds… On a imprimé nos pas dans le sable… On a beaucoup parlé… Mais pas de ça… Pas une seule fois… Et puis elle a voulu se baigner et on s’est poursuivis en grandes gerbes d’éclaboussures heureuses…

Le soir, on a dîné aux chandelles, d’huîtres, de moules et de vin blanc dans une petite auberge à glycine et volets bleus… On est restés à discuter, les yeux dans les yeux, jusqu’à ce que, autour de nous, toutes les autres tables aient été libérées…

Je me suis couché le premier… Elle m’a rejoint dans l’obscurité, s’est silencieusement coulée auprès de moi dans le lit… Il s’est passé du temps… Beaucoup de temps… Et puis comme un frémissement à côté… une vibration… un tremblement… Mes doigts sont descendus se refermer sur moi… Elle a respiré plus vite, plus profond… Ca s’est affirmé… amplifié… en moutonnements délivrés… Une jambe est venue se poser contre ma cuisse, s’y est appuyée, ancrée… J’ai accéléré mon mouvement de va-et-vient… Elle a haleté, doucement gémi, s’est plainte, cabrée… Elle a déferlé… Je me suis répandu… Au hasard… Elle m’a recueilli du bout des doigts et est retournée vers elle…

Au réveil il faisait grand jour… Appuyée sur un coude, le menton dans la main, elle me regardait… On s’est souri…
- Tu pensais à quoi, pendant, cette nuit?…
- Qu’on le faisait dans notre café… Sous la table… Avec tous les gens autour qui pouvaient nous voir… Et toi ?…
Elle a ri…
- En plein amphi… Sans nous cacher… Avec tous les regards sur nous… Tu aurais vu leurs têtes !…
Elle a repoussé drap et couverture jusqu’au pied du lit…
- On recommence ?…

C’était deux jours plus tard… Dans le grand amphi… Pendant le cours de droit administratif… On était assis côte à côte… Elle avait étalé son manteau sur ses genoux… Elle s’est appuyée contre moi, épaule contre épaule… Et elle a bougé… Imperceptiblement… Un remous qui a gagné tout le bras… Qui a pris consistance… A rythme plein… Echevelé… Elle a renversé la tête en arrière, s’est abandonnée contre moi… Elle s’est redressée, a chuchoté…
- Ce sera ton tour tout-à-l’heure au café…

- Eh bien vas-y !…
A la table juste à côté la fille semblait absorbée par son livre… Plus loin deux types étaient engagés dans une conversation à grands gestes animés… Plus loin encore un couple d’amoureux s’embrassait à bouche-que-veux-tu… J’ai glissé ma main dans mon pantalon… J’ai laissé mes yeux dans les siens… Jusqu’au bout… - Tu sais pas quoi ?… Te retourne pas, mais je crois bien que les trois filles derrière toi elles se sont aperçues de quelque chose…

- On repart le week end prochain ?…
- T’as pas peur qu’il finisse par se poser des questions Dominique ?…
- Oh, Dominique !… Il y en a que pour le foot en ce moment !… Ils partent en déplacement je sais pas où… Il s’apercevra même pas que j’étais pas là… Et toi, Anne ?…
- Elle va chez ses parents… Et comme je suis indésirable là-bas…
- Eh bien on part alors !… Tu me laisses faire… Je m’occupe de tout…

C’était un château de rêve perdu au milieu des bois… Une suite avec lit à baldaquin et baignoire à remous…
- T’es complètement folle !… Ca doit coûter les yeux de la tête un truc pareil…
- T’occupe !… C’est mes oignons…
On a passé l’après-midi à arpenter lentement, au hasard, les rues d’une ville inconnue… En entrant de temps à autre dans une boutique… En regardant passer la foule, attablés à une terrasse de café…
- C’est drôlement important pour moi, tu sais, d’être ensemble comme ça avant… De nous créer un climat, une ambiance à nous… On est bien… C’est ça qui me donne envie, à moi, qu’on se regarde le faire…

Elle a appelé de la chambre à côté…
- Ca y est… Tu peux venir… Allume !…
Elle était assise, complètement nue, sur l’un des deux grands fauteuils droits, une jambe passée, de chaque côté, par dessus les accoudoirs… Elle m’a fait signe… Je me suis déshabillé et je me suis installé dans l’autre, tout près, mes genoux contre les siens… Et je l’ai regardée… Les seins lourds, fermes, veinés de bleu… L’encoche en bas à nu sur ses replis dentelés, feuilletés, ombrés… L’entrée offerte de son réduit d’amour… J’ai regardé… Et elle m’a regardé regarder… Longtemps…

Elle s’est posé une main en bas…
- Ils sont là… Tu les vois ?…
- Qui ça?…
- Eux… Dominique… Anne… Les copains de la fac… Ceux du café… Tous ceux de tous les jours… Tous… Ils sont tous là…
Et elle s’est lissée… Avec impatience… Avec emportement… De haut en bas… De bas en haut…
- Oui… Ils sont là…
Et elle a pressé son bouton, l’a titillé, écrasé, torturé… Avec obstination… Avec délices… Je l’ai accompagnée en laissant le gland bien à découvert - longuement - à chaque allée et venue…
- T’as vu comment ils nous regardent ?… Ils n’en peuvent plus…
Elle a rentré un doigt… Un autre… Son souffle s’est fait plus court… Ses lèvres se sont entrouvertes… Ses yeux se sont embrumés…
- Comment elles sont dressées leurs queues !… C’est pour moi… Rien que pour moi… Et les filles !… T’as vu les filles ?…
Elle s’est cabrée et a tout doucement sangloté un bonheur que j’avais attendu pour libérer le mien… On est restés un long moment comme ça… Sans parler… Sans bouger… Et puis :
- Tu sais ce que j’aimerais un jour ?… C’est me le faire pendant que j’ai un homme en moi…








C H A M B R E 2 0 8


15 Juillet

Le type de la 117 j’ai vu sa queue… Ce matin, en leur apportant le petit déjeuner… Quand je suis entrée il était tout nu, face à la porte… Il racontait quelque chose à sa femme dans le lit en faisant de grands gestes… Il m’a lancé un regard stupéfait et il a filé dans la salle de bains dont il a précipitamment refermé la porte… Elle a vaguement ri, mi-gênée, mi-complice… Je n’ai pas cillé…


Quand t’arrives avec tes plateaux comme ça, le matin, forcément il y a plein de choses à voir… Parce que les gens sont en train de se lever, encore à moitié endormis… Souvent, ils ont même complètement oublié qu’on allait leur apporter le petit déjeuner au lit… Ou bien ils ont pas vu passer l’heure… Et ils se méfient pas… Je remonte le couloir sans bruit… Je frappe… J’entre… Résolument… « - Le petit déjeuner, messieurs-dames… » J’adore ça les surprendre… Surtout les types… Il y en a des tout gênés, comme celui de tout à l’heure, qui se dépêchent de se cacher… Il y en a qui font semblant que non, mais on voit bien que si quand même… Il y en a aussi qui s’en foutent et d’autres qui font exprès d’être à poil quand tu rentres… Ca m’est égal… Du moment que j’en profite… Le tout c’est qu’ils s’en rendent pas compte…



J’aime voir… C’est ma passion… Ma raison de vivre… Personne ne sait… Personne ne doit savoir… C’est mon secret… J’aime voir… Des queues… Des fesses… Des femmes aussi… Des couples… J’aime voir… J’aime tout voir…


17 Juillet


Sous les draps, les petits jeunes de la 202 étaient en pleine action… Ils se sont aussitôt séparés, éloignés l’un de l’autre, réfugiés chacun à un bout du lit, rouges et confus… « - Je vous le mets où ?… - Hein ?… Quoi ?… - Le plateau… Je vous le pose où ?… - Ah ! Oh là… Là… » Entre eux… Sur le lit… En refermant la porte je l’ai entendue demander… « - Tu crois qu’elle s’est rendu compte ?… - J’en sais rien… Sûrement… - Comment ça craint !… »


Mais j’ai rien vu… Malheureusement… Ou pas grand chose… L’année dernière par contre il y en avait deux… C’était en Août… La 118… Ils baisaient sur le lit… Elle m’a vue… Elle a voulu l’interrompre, le repousser… Il n’y a rien eu à faire… Il était tout près de son plaisir… Plus rien d’autre ne comptait… Il ne voyait rien… Il n’entendait rien… Comment il y allait !… Comment elles remuaient ses fesses !… Un vrai régal… Il est retombé sur elle… Il a joui dans un grand râle…


Le truc le plus fou que j’aie jamais vu ça a quand même été – au tout début – la femme de la 109… Elle était toute seule… Toute nue sur le lit… Elle s’était bandé les yeux… Elle avait des écouteurs sur les oreilles… Et elle s’amusait avec un gode… Elle le faisait rentrer, sortir, courir le long de sa chatte, s’obstinait sur son bouton… En grands battements de jambes… Ouvertes, déployées, crispées, resserrées… En grandes ondulations éperdues du bassin… En grands gémissements affolés… Je suis restée… Qu’est-ce que je risquais ?… Je suis restée jusqu’à ce que son plaisir la fulgure… J’imagine la tête qu’elle a dû faire après quand elle a trouvé le plateau sur la petite table près de la fenêtre…


19 Juillet



J’en étais sûre… Ca sentait le couple illégitime à plein nez ça… Et les couples illégitimes c’est la chambre 208… Toujours… Forcément… Chaque fois que je peux… Chaque fois que c’est moi à la réception… Parce que les couples illégitimes neuf fois sur dix ça dure toute la nuit… Et ça fait pas semblant… Et moi, là, au-dessus, je suis aux premières loges… Il suffit de coller l’oreille au parquet et t’entends tout… Jusqu’au moindre soupir… Comme si t’étais dans la pièce avec… Tu vois pas, non, mais c’est presque encore mieux… Parce que t’imagines…


Ils sont montés tôt… Tellement tôt que j’ai raté le début… Le sommier grinçait déjà à toute allure et elle chantait son plaisir à pleine gorge… Avec un tel abandon que tout l’hôtel devait en profiter… Quelques minutes de répit en mots tendres murmurés doux et c’est reparti de plus belle… Et encore… Et encore… Ils se sont endormis à quatre heures du matin… Moi aussi…


Ils avaient réclamé le petit déjeuner pour sept heures… J’ai frappé… Un vague grognement… Je suis entrée… Dans la lumière du couloir qui tombait sur le lit, ils dormaient, épuisés… Lui, sur le ventre, à même les couvertures, complètement nu… Elle, dans une nuisette blanche dont les bretelles avaient glissé, découvrant deux seins de rêve dont les pointes étaient encore dressées… J’ai pris tout mon temps pour aller déposer le plateau sur la table près de la fenêtre, pour revenir jusqu’à la porte que j’ai refermée sans bruit après un dernier et long regard… Ils ne se sont pas réveillés…


A midi, en les servant au restaurant, j’ai eu tout le temps de les observer… Il a un certain charme, oui, mais finalement il est assez quelconque… Ce n’est pas le genre de type que tu remarques dans la rue… Mais alors elle !… D’une beauté à se mettre à genoux devant… Si j’étais un homme je sais pas quelles folies je serais capable de faire pour une femme comme ça… Et ce regard !… Il te transperce… Il s’empare de toi… Tu ne peux pas ne pas être à lui… Et sa voix ! Extraordinaire sa voix… D’un rauque profond, mystérieux, terriblement envoûtant…


20 Juillet


Au dessous la nuit a été beaucoup plus calme… Ils ont parlé en long ruisseau de mots ininterrompu… Ils ont fait l’amour… Juste une fois… Et ils se sont endormis…


Quand je leur ai apporté le petit déjeuner ils étaient levés, habillés, prêts à profiter d’une journée qui s’annonce tout particulièrement belle… Elle a voulu savoir ce qu’il y avait d’intéressant dans la région…
- Vous qui êtes du pays… Ils ont eu droit à tout… Je ne leur ai pas fait grâce de la moindre curiosité locale…


Dès qu’ils ont été partis – je les ai suivis du regard tout au long de l’allée, puis sur la route, après, en contrebas – je suis montée faire leur chambre… C’est hallucinant la quantité de parfums qu’elle a… J’en ai essayé quelques-uns sur le dos de ma main… Et les sous-vêtements !… Un sac entier… Je les ai brassés… Avec volupté… Examinés un à un… J’ai fermé la porte à clé… Devant la glace de la salle de bains j’ai enfilé le string rouge avec le soutien-gorge assorti… Et puis la culotte de dentelle noire… Je n’ai pas pu me résoudre à la quitter… J’ai tourné de ci de là avec dans la chambre… J’ai examiné le reste de leurs affaires avec curiosité… Tout… Méthodiquement… J’ai ouvert le lit… Je m’y suis allongée… Il y avait son odeur… Mes mains m’ont cherchée… Quand je suis revenue à moi on m’appelait en bas…


21 Juillet


Ils sont rentrés à minuit, se sont aussitôt couchés, endormis…


Il feuilletait une revue tout habillé sur le lit… Il m’a souri… « - Ah, le petit déj… » La porte de la salle de bains était restée ouverte… Elle sortait de la douche… Elle était tournée vers moi… Un trop bref regard, au passage, à ses seins sublimes… Un autre, tout aussi rapide, en dessous… Et… Et je me suis immobilisée, pétrifiée : là, en bas, elle avait une bite et une paire de couilles !… Derrière moi il a ri de bon cœur… « - Eh oui !… Ca surprend, hein, quand on sait pas… Oh, mais vas-y !… Vas-y !… Reluque !… Te gêne pas !… Instruis-toi !… C’est pas elle que ça dérange… Au contraire… »
Je me suis enfuie… Aussi vite que j’ai pu…


A midi ils n’ont pas mangé là… Le soir non plus…


22 Juillet


Ils étaient complètement nus tous les deux… « - Bonjour… - Bonjour… » Je suis allée jusqu’à la table, près de la fenêtre, en regardant droit devant moi… Je suis revenue vers la porte et… Ca a été plus fort que moi… J’ai levé les yeux sur elle… Impossible de m’en empêcher… Impossible de m’arrêter… « - Elle vaut le coup d’œil, ça c’est sûr… » J’ai rougi, bafouillé… « - Excusez-moi !… Je ne voulais pas… Je m’en vais… Je… Excusez-moi !… - T’en es pas encore revenue, hein ?… - Si… Non… Mais c’est qu’il… c’est qu’elle… il fait tellement femme aussi… » Elle a plongé ses yeux droit dans les miens… « - C’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire… - Pour être femme elle est femme, ça, on peut pas dire… Jusqu’au bout des ongles… Non, mais regarde-moi cette paire de lolos !… » Il a passé la main dessous… « - Regarde !… Il y en a beaucoup qui aimeraient en avoir des comme ça, non, tu crois pas ?… - Oh si !… » Il les a doucement caressés, en a fait durcir la pointe, y a posé ses lèvres… Leurs deux queues se sont élancées, déployées… « - Tu veux nous regarder ensemble ?… Hein ?… Tu veux ?… Allez, va fermer la porte… »









D E U X B O N N E S C O P I N E S




- C’est Ophélie... Une copine... Une vieille copine… De quand on était au bahut… On s’est rencontrées par hasard tout à l’heure en faisant les courses… C’est dingue, non ?…
Elles avaient une foule de choses à se raconter…
- Tu restes dîner ?… Mais si, reste !… Qu’on puisse papoter un peu !… Depuis le temps !…
De souvenirs à évoquer…
- Quand je pense qu’on pouvait pas se sentir là-bas au début !…
- Et pour cause !… Tu me piquais tous mes mecs…
- Tu peux parler, toi !… Qui c’est qu’avait commencé avec Laurent ?…
- Ah, parlons-en de Laurent !… Mais va te coucher, Benjamin, si tu veux… Tu tombes de sommeil…

Ca a continué en vagues de chuchotements et en grands éclats de rire jusque tard dans la nuit… Quand elle s’est enfin glissée à mes côtés il était trois heures du matin…
- Elle est restée dormir finalement… Sur le canapé… Dans le séjour…
Elle a soupiré…
- Je vais être propre, moi, demain pour aller bosser…

Je suis allé m’installer aussi discrètement que possible devant l’ordi…
- Qu’est-ce que tu fais ?…
- Je t’ai réveillée ?… Désolé…
- Non… Non… Ca fait rien… Hein, qu’est-ce que tu fais ?…
- Je bosse…
- Chez toi ?… Sur l’ordi ?… C’est cool… Il y a du café ?…
Il y avait, oui… Dans la cuisine… Elle s’est levée – petite culotte et soutien-gorge blancs – est allé s’en servir un grand bol qu’elle a lentement siroté, appuyée au chambranle de la porte…
- C’est quoi au juste ton boulot ?…
- Disons que je donne des cours – d’informatique – sur Internet… Un petit sifflement admiratif…
- Bon, ben moi je vais me laver… Et chercher du boulot…

Elles sont rentrées ensemble, sur le coup de huit heures…
- On est encore allé faire des courses… On n’a pas vu le temps passer… T’as préparé quelque chose à manger ?… Oui ?… T’es un amour… Parce qu’on va essayer de se coucher plus tôt ce soir… Sinon ça va pas le faire à force …

Quand elle m’a enfin rejoint il était une heure du matin…
- Comment tu la trouves ?… Elle est sympa, hein ?… Ca t’ennuierait si elle restait un peu ?… Juste quelques jours… Le temps qu’elle se retourne… Qu’elle trouve quelque chose… Parce qu’elle est dans une de ces galères en ce moment, j’te dis même pas !…
Je me suis doucement approché… Elle m’a repoussé…
- S’il te plaît, non… Pas ce soir… Je suis crevée…

Elle avait rejeté draps et couvertures et dormait sur le ventre, une jambe hors du lit, l’autre repliée vers l’intérieur… A l’entrejambes la culotte avait glissé sur le côté… J’ai malgré tout fini, à regret, par aller me mettre au travail…
- Ah, t’es là ?… Je t’avais pas entendu arriver… Je peux venir voir ce que tu fais ?…
Elle s’est penchée, appuyée, du bout des seins, contre moi…
- J’y comprends rien… mais alors là rien du tout… C’est du chinois pour moi… Elle s’est redressée…
- Je peux te demander quelque chose ?… Il y a longtemps que vous êtes ensemble avec Roxane ?…
- Deux ans… Pourquoi ?…
- Non… Comme ça… Parce que comment elle a changé !… Tu l’aurais connue avant… Complètement instable elle était avec les mecs… Ah, je peux te dire qu’il en a défilé !… Mais elle a dû te raconter tout ça… En tout cas, tu l’as complètement métamorphosée, ça c’est sûr… Et ça a l’air de vouloir durer en plus !…

- Allo… Oui, c’est moi… Dis, nous attends pas… Mange sans nous!… On se fait une soirée entre filles, là, toutes les deux…

Ophélie a surgi, nue, dans la salle de bains…
- Ah, t’es là !…
J’étais là, oui, en train de me raser… Elle s’est précipitée sous la douche…
- Faut que je me dépêche !… J’ai un rendez-vous pour du boulot… Si ça pouvait le faire !… Non, mais si ça pouvait le faire !… Elle s’est séchée… A laissé tomber la serviette…
- S’il te plait, tu me fais une petite place… Que je puisse me maquiller…

- Tu peux pas savoir comme je suis contente de l’avoir retrouvée… Au bahut on pouvait pas vraiment s’apprécier… On était bien trop jeunes… Mais là maintenant on se découvre… On a une foule de points communs toutes les deux… On se comprend d’un mot… D’un regard… On devient véritablement amies… La seule chose, c’est que je peux pas trop me consacrer à toi en ce moment, mon pauvre amour !

- Tous les matins c’est pareil… Je suis à la bourre et faut que je cavale… Ca t’ennuie pas si je prends ma douche avec toi ?… Parce que sinon…
Elle n’a pas attendu la réponse… Elle s’est aspergée, a frotté, savonné… Et elle a ri…
- Hou la la !… Je te fais de l’effet on dirait… Oh, mais tire pas cette tronche-là !… C’est normal d’avoir envie… Moi aussi j’ai envie…
Elle m’a effleuré le torse…
- Chut… Roxane…
- Quoi, Roxane ?… Elle est pas obligée de le savoir Roxane… Elle saura rien Roxane… Viens !… Allez, viens !…

Sur le canapé du séjour…
- Laisse-toi faire !… Laisse-moi faire !…
En caresses lentes et subtiles… Avec les cheveux… Avec les lèvres… Avec les seins… Elle m’a pris en elle… Elle nous a emmenés… A course folle… On a éclaté… Elle est retombée sur moi… Contre moi… Elle a murmuré…
- Souviens-toi du vase de Soissons…
- Quoi ?… Qu’est-ce que tu racontes ?…
- Rien… Elle me l’avait piqué Laurent… Chacune son tour…








A U C A F E



Au lycée personne n’était jamais sorti avec Alicia… Personne… Jamais… Avec son visage d’ange, ses grands yeux bleu océan, ses longs cheveux noirs qui voltigeaient sur ses épaules, elle suscitait pourtant bien des convoitises et nombreux étaient ceux qui avaient voulu tenter un jour ou l’autre leur chance… En vain… Elle repoussait toutes les avances avec tant de fermeté et de détermination que même le séducteur le plus aguerri ne tardait pas à comprendre qu’il était inutile d’insister… Il n’insistait pas… On n’insistait pas… Chacun en avait définitivement pris son parti…



J’ai retrouvé Alicia en fac le jour de la rentrée…
- Qu’est-ce tu fais là ?…
- Ben… et toi ?… On était perdus tous les deux, déroutés par l’immensité des locaux, la multitude des étudiants, la complexité du système des options, la nouveauté des programmes et on s’est aussitôt spontanément arrimés l’un à l’autre… Ensemble en amphi… en T.P… A la bibliothèque… Au resto U… Au café… Où on passait des heures interminables à discuter encore et encore… A se découvrir et à se raconter…



Ce n’était pas prémédité… On arpentait le Jardin des Plantes… L’un a voulu tourner à gauche, l’autre à droite… Face à face… Tout près… Les yeux dans les yeux… Et… Elle avait un goût à la fois acidulé et sucré, de feu de bois et d’algue marine… On s’est pris la main… Nos pas nous ont portés, à rythme doux, jusqu’au labyrinthe… Nos bouches s’y sont reprises… On s’est assis sur un banc, enlacés… On était bien… Si bien…


Et on a eu nos lieux à nous, pour être le plus souvent et le plus longtemps possible à nous… A nous deux… « Notre » Jardin des Plantes bien sûr… Le petit recoin de verdure au-dessus des arènes de Lutèce… Le minuscule square sous l’église Saint Vincent de Paule… Des arrière-salles de café aussi quand il pleuvait : rue Geoffroy Saint-Hilaire… boulevard de l’hôpital… rue des Belges… Tant d’autres au hasard de nos longues errances dans Paris…



J’étais fou de désir pour elle… Quand nous nous étions longuement embrassés, pressés, serrés l’un contre l’autre, je n’y tenais plus… Je tentais une incursion dans son corsage, essayais de me faufiler sous la jupe… Elle me repoussait doucement…
- Arrête… Non… Arrête… On pourrait nous voir…
- Mais il y a personne…
Elle me désignait du menton et du regard les façades des immeubles tout autour ou les consommateurs qui nous tournaient le dos, accoudés au bar…
- Mais il font pas attention à nous !…
- Non… Non, j’te dis !…



Il s’est passé de longs mois avant que je puisse parvenir à mes fins… Ce fut par un après-midi glacial de Janvier… Après avoir longtemps marché nous avions fini par nous réfugier dans la douce chaleur d’un café de hasard… Au sous-sol deux couples de notre âge n’étaient occupés que d’eux-mêmes… Et, cette fois, elle ne m’a pas repoussé… J’ai longuement dessiné, enrobé, modelé, avec ravissement, un amour de petit sein dont la pointe a frémi et durci sous mes doigts… J’ai cheminé lentement tout au long de la cuisse… J’ai frôlé la culotte… Je m’en suis éloigné… J’y suis revenu… J’en ai pris possession… Je l’ai effleurée, caressée, parcourue… Je m’y suis introduit… Elle a fermé les yeux… Son souffle s’est fait plus court…


J’ai recommencé chaque fois que j’ai pu… Le plus souvent elle laissait mes doigts errer et se faire progressivement audacieux sans opposer la moindre résistance… Elle y prenait même un plaisir évident… Mais, sans que je puisse en déterminer la raison, il lui arrivait aussi parfois de m’interdire farouchement toute approche… Si je l’interrogeais alors à ce sujet elle se murait dans un mutisme boudeur auquel il m’était rigoureusement impossible de l’arracher…



C’est arrivé par un splendide soir de mai… L’air était d’une infinie douceur… Les martinets tournoyaient haut dans le ciel… Nous nous étions installés sur un banc, dans un square inconnu, et elle m’avait laissé être entreprenant… Mal dissimulé derrière un maigre rideau d’arbustes, tout près, un type nous observait avec une attention hagarde… Je redoutais d’autant plus qu’elle finisse par déceler sa présence qu’elle se montrait, ce soir-là, tout particulièrement réceptive à mes caresses : elle se pressait amoureusement contre moi, se tortillait lascivement sous mes doigts, haletait voluptueusement dans mon cou… Elle a même fini par oser s’aventurer, pour la première fois, dans mon pantalon où elle a exploré, pétri, malaxé, trituré avec une fougue et une ardeur que je ne lui connaissais pas… C’est finalement le gardien du square qui nous a interrompus…
- On ferme !…
Il faisait cliqueter furieusement ses clés dans l’allée juste derrière…
- On ferme !…
On a précipitamment remis de l’ordre dans notre tenue et l’inconnu, de son côté, s’est prestement éclipsé… Au regard qu’elle a jeté dans sa direction, en se levant, il m’est venu le soupçon que, depuis le début, elle le savait là…



Le lendemain, elle a voulu retourner au même endroit…
- Il est sympa ce petit square, non ?… Et puis tranquille…
On s’est installés sur le même banc, à la même place… On s’est encore embrassés, caressés… De temps à autre elle le cherchait brièvement, du coin de l’oeil, dans les feuillages…
- Il viendra pas…
Elle a plongé dans les miens des yeux d’un bleu angélique…
- Hein ?… Mais qui ça ?…



Il n’est revenu que la semaine suivante… Elle était sur mes genoux, la tête enfouie dans mon cou, la robe relevée haut sur les cuisses…
- Il est là…
Elle n’a pas bougé… Elle a imperceptiblement frémi…
- Il est là…
Et, tout en continuant à la caresser, j’ai lentement pivoté pour qu’elle lui fasse très exactement face… Elle ne m’en a pas empêché…
- Il fait quoi ?…
En chuchotement à l’oreille…
- Rien… Il te regarde… Il te mange des yeux…
J’ai ramené les bords de la culotte au pli de l’aine et j’ai palpé, fouillé, écarté, introduit deux doigts… Elle a haleté dans mon cou…



Il n’est plus jamais revenu…







II




On avait échoué tous les deux lamentablement à nos examens… Ce n’était que justice : nos résultats étaient à la mesure du travail fourni… Alicia avait décidé d’arrêter…
- De toute façon j’en ai marre… Ca me sort par les yeux…
En septembre elle a trouvé du travail, loué un petit studio… On s’y retrouvait aussi souvent que possible… J’y passais la nuit, les week end… On était bien… On était ensemble… On faisait l’amour… Souvent… De moins en moins souvent… Presque plus… On en avait incompréhensiblement très vite perdu l’envie…



Elle l’a tranquillement constaté un dimanche d’octobre…
- On s’emmerde… Et pas qu’un peu… On va faire un tour ?!…
Et d’instinct on a repris nos anciens circuits… Les mêmes cafés… Les mêmes squares… Les mêmes bancs… Tout est redevenu - aussitôt - comme avant… Et on a passé le plus clair de notre temps dehors…



L’immeuble juste en face du banc où elle m’avait entraîné comportait dix étages… Et douze fenêtres par étage… Qu’on a longuement contemplées sans rien dire…
- Il y a des gens, tu crois, derrière ?… Elle n’a pas répondu… Elle a posé la tête sur mon épaule…
- Il y a toujours - partout - du monde à l’affût de ce qui se passe derrière les fenêtres… Tu peux être tranquille qu’on nous a repérés… Qu’il y a des types là, tapis dans l’ombre… Un ?… Deux ?… Cinq ?… Dix ?… Plus ?… On saura jamais - qui espèrent de toutes leurs forces que je vais finir par te prendre contre moi et par te caresser… Ils sont prêts à attendre des heures s’il le faut juste pour entrevoir la courbe de ton sein… un petit bout de culotte… beaucoup plus peut-être s’ils ont de la chance… Pour te voir te blottir passionnément contre moi… onduler… n’en plus pouvoir de désir, d’excitation, de volupté…
Elle a plongé ses yeux dans les miens… Ils étaient embués… Je l’ai attirée et on leur a donné à voir… Beaucoup… Tellement…



Elle était tombée en arrêt devant un pantalon dans la vitrine d’un magasin du boulevard saint-Michel…
- Il te plaît ?… Je te l’offre…
Il ne lui allait pas…
- Ca me boudine…
Mais il y en avait d’autres… Des quantités d’autres…
- Une vraie mine, dis donc, là-dedans !…
Une mine qu’elle a voulu explorer, d’essayage en essayage, de fond en comble… J’apportais… Je soulevais le rideau… Je remportais… J’apportais encore… La cabine faisait face à la caisse… Le type derrière ne pouvait pas en détacher les yeux… Au gré de mes incursions le rideau glissait insensiblement et progressivement sur la tringle, lui offrant des perspectives de plus en plus intéressantes… Elle faisait semblant de ne pas s’en apercevoir… Elle enfilait, ajustait, retirait, recommençait… Un dernier pantalon, beaucoup trop étroit, dans lequel elle s’est malgré tout obstinée à rentrer en se tortillant… Dont elle a éprouvé les pires difficultés à sortir… La culotte a suivi… Elle a brusquement relevé la tête, croisé son regard, tiré le rideau… Au retour on a aussitôt fait l’amour avec infiniment de passion…



On avait choisi le cinéma devant lequel s’étirait la file d’attente la plus longue… On attendait l’ouverture du guichet… Elle observait les gens tout autour avec une attention extrême… Tout à l’heure, dans la salle, celui-ci ou celui-là serait assis juste derrière nous ou à côté… Il ne verrait rien du film, bien trop préoccupé de nous, d’elle, de nos caresses… Chaque fois que, sur l’écran, l’image se ferait plus claire il se tendrait, toute attention, pour capturer - goulûment - tout ce qu’il pourrait d’elle…
- Tais-toi !…
- Ils ne peuvent pas entendre…
Combien ils seraient, là, à n’avoir d’yeux que pour elle ?… Et puis, le film terminé, quand la lumière reviendrait, que la salle s’évacuerait lentement - si lentement - ils auraient encore le plaisir de ses joues en feu, de son regard baissé qu’ils s’efforceraient en vain de saisir… On a pris nos billets et on s’est installés en bas dans les tout premiers rangs…



Comme tous les jours j’étais allé l’attendre, sur le trottoir, en bas de son bureau, pour passer avec elle les deux heures de sa pause déjeuner… Il pleuvait à verse et on s’est engouffrés, en toute hâte, dans le premier café venu… L’arrière-salle était comble… La seule table libre faisait face au comptoir auquel une dizaine d’hommes en bleu de travail étaient accoudés…
- Oh non !… Non !… Quand même pas !…
Mais elle s’y est laissé entraîner… On s’est assis côte à côte, sur la banquette, et je l’ai attirée contre moi… Elle a enfoui sa tête dans mon cou, comme à son habitude, et j’ai entrepris la lente ascension de la cuisse… J’ai voulu aller plus loin, plus haut… Elle s’est dérobée, défendue, genoux obstinément serrés, et puis abandonnée d’un seul coup… Au comptoir toutes les conversations s’étaient interrompues…
- Ils regardent… Tous…
Elle a haleté dans mon cou…
- Arrête !… S’il te plaît, arrête !…
Dans la culotte… J’ai lissé longuement les contreforts, le pourtour, l’intérieur des lèvres…
- Arrête !… Arrête !… Je vais jouir…
Un peu plus fort… Un peu plus vite… Elle s’est crispée, raidie… Un râle… un seul, mais vibrant, venu du tréfonds d’elle-même… Plein… Entier… Ils ont éclaté de rire… Et puis le patron a exigé, péremptoire…
- Oui, ben vous allez faire vos cochonneries ailleurs !… C’est pas un bordel ici !…
Il a fallu passer devant eux, goguenards, rigolards… Quand on est arrivés à sa hauteur celui du bout de la rangée a tranquillement constaté…
- Eh ben dis donc, ma fifille, toi, faut pas t’en promettre…



Au-dehors la pluie avait encore redoublé de violence et on a précipitamment trouvé refuge sous une porte cochère… On s’y est enlacés… Le désir s’est élancé, nous a enveloppés, submergés… Et elle m’a voulu en elle… Là… Tout de suite… Il y a eu une cavalcade sur le palier juste au-dessus… La minuterie a brusquement illuminé la cage d’escalier… Quelqu’un s’y est précipité… Elle m’a retenu… Et elle a eu son plaisir juste au moment où a surgi un homme entre deux âges qui s’est figé à nos côtés, médusé…









L A P E T I T E C U L O T T E




- Ca te coûte rien d’essayer!… Tu vas quand même pas passer ta vie avec des migraines comme ça à te taper la tête contre les murs !… Parce que je peux te dire que pour moi ça a été drôlement efficace… C’était tous les jours ou presque mes crises de colique hépatique… Et depuis rien… Pas une !…
- Il te fait quoi ?…
- Il cherche d’abord d’où ça vient… Avec son pendule… Il te le passe partout… Des pieds à la tête… Parce que c’est rarement là où tu as mal que ça siège… C’est presque toujours ailleurs… C’est pour ça que les médecins c’est rare qu’ils trouvent… Moi, c’était dans la nuque… Alors t’as qu’à voir !… Après, quand il sait où c’est, il te travaille là… Avec ses mains… Et ça te fait un bien !… Tout de suite tu le sens, tu peux pas dire le contraire…

Il l’a fait asseoir… Des migraines… Bon… Qui survenaient quand ?… Dans des occasions particulières ?…
- Non… Non… Pas spécialement….
Ca durait depuis ?…
- Deux ans… A peu près…
Et elle n’avait pas songé à s’en préoccuper avant ?…
- Si !… Si !… Mon médecin m’a fait suivre un traitement…
Qui n’avait rien donné… Evidemment !… Elle avait quel âge?…
- 39 ans…
Elle avait des enfants ?…
- Oui… Deux…
Pas d’autres problèmes de santé ?…
- Non… Non… Aucun…
- Bon… Venez avec moi… Dans une petite pièce attenante…
- Vous allez vous déshabiller, vous allonger là et faire le vide en vous… Le plus possible… Je reviens d’ici une vingtaine de minutes…
Et il a refermé la porte sur elle…

Elle s’est déshabillée… Le pull… Le pantalon… Elle s’est arrêtée… Est-ce qu’il fallait aussi enlever le reste ?… Il n’avait pas précisé… Oui… Sûrement il fallait… Il passait son pendule partout elle avait dit Emilie… Si les vêtements le gênaient ailleurs ils le gênaient là aussi… Forcément… C’était logique…

Elle a tout enlevé… Elle s’est allongée… Et elle a aussitôt été prise d’un doute… Et s’il fallait pas ?… Des petits bouts de tissu comme ça ne l’empêchaient sûrement pas de poser un diagnostic… C’était ridicule… Ca tenait pas debout… Elle s’est sentie nue… Terriblement nue… Plus nue que jamais toute seule dans cette petite pièce… Non, sûrement fallait pas… Elle s’est précipitamment relevée, elle a renfilé sa culotte et elle est retournée s’allonger…

Et s’il fallait quand même ?… C’était agaçant à la fin !… Comment savoir ?… Elle aurait l’air fine s’il fallait quand même… Elle l’imaginait… Elle le voyait… Elle l’entendait… « - Enlevez votre culotte… » Avec son petit air supérieur… Il était imbuvable ce type en fait… Puant de suffisance… « - Enlevez votre culotte !… » Et c’est devant lui qu’il faudrait le faire… Ah non !… Non, elle n’allait sûrement pas lui offrir cette satisfaction… Et elle l’a à nouveau retirée, dissimulée, sur la chaise, sous ses autres vêtements…

C’était idiot… Complètement idiot… Elle allait se relever pour la récupérer quand… son pas dans le couloir… qui s’est rapproché… Il est entré…
- Oh, mais fallait garder votre culotte !…
- Je savais pas, je…
- On vous l’avait pas demandé…
- Ben oui, mais…
- Vous êtes la première… En quinze ans… Toutes les autres jusqu’ici elles l’ont toujours gardée…









U N E P R E M I E R E F O I S



A quatre ans je suis tombé éperdument amoureux de Tina Modotti. De sa photo – son visage en gros plan, Hollywood, 1919 – encadrée, suspendue toute seule sur le grand mur blanc au-dessus du bureau de mon père…
- C’est qui la dame ?…
- C’est compliqué… Elle te plaît ?…
Si elle me plaisait ?… Assis par terre, à ses pieds, je restais plongé des après-midi entières dans ses yeux…
- Elle viendra nous voir un jour ?…
Il souriait…
- Je crois pas, non…

A force de la fixer, là, sous son chapeau bizarre, quelquefois ses lèvres semblaient vouloir s’entrouvrir pour me dire quelque chose, me confier un secret… C’était quoi ce secret ?…
- Si c’est un secret, c’est un secret…
Il a reposé son stylo…
- Elle te le dira peut-être un jour si tu sais attendre…
Et j’ai attendu…

A six ans, quand il est mort, qu’on m’a demandé ce que je voulais à lui, de lui, pour le garder toujours je n’ai pas hésité une seule seconde… Et on l’a installée dans ma chambre juste en face de mon lit… Pour moi tout seul… Elle est devenue ma confidente… Je lui disais tout… Chaque soir, en rentrant de l’école, je m’installais face à elle et je lui racontais ma journée… Mes joies… Mes doutes… Mes chagrins… Mes désespoirs… Elle m’écoutait… Sans jamais se lasser… Avec bienveillance… Elle ne me jugeait pas… Elle ne me grondait pas…

Plus tard mes premiers élans amoureux elle les a compris, mes premières déceptions elle les a consolées… Au fil du temps il s’était tissé entre nous quelque chose hors de tout que personne ne pouvait comprendre… Que je n’essayais pas d’expliquer… Quand un camarade en visite m’interrogeait… « - C’est qui là-haut ?… » je prenais l’air mystérieux, lointain, de celui qui sait, mais qui ne peut rien dire… Il n’insistait pas… Nous étions seuls – elle et moi – à pouvoir savoir notre passion partagée…

Le bureau de papa était resté en l’état… Exactement comme au jour de sa mort… J’y allais quand j’avais besoin d’un livre, d’un dictionnaire, d’un document quelconque… Au début je m’en emparais très vite et je m’enfuyais… Et puis, peu à peu, j’y ai passé de plus en plus de temps… J’ai progressivement apprivoisé son fauteuil, ses tiroirs, ses rayonnages que j’ai explorés méthodiquement…

Et puis un jour… C’était un grand album pas très gros, à la couverture lie-de-vin, qui s’intitulait tout simplement : « Edward Weston » en lettres dorées… Je l’ai feuilleté machinalement… Et refermé d’un seul coup le cœur affolé… Non… Sûrement j’avais rêvé… Ce n’était pas possible… Réfugié dans ma chambre, je l’ai interrogée…
- C’est toi ?… Est-ce que c’est toi ?..
Elle n’a pas répondu… Elle s’est contentée de sourire…

J’y suis retourné le lendemain… Il fallait que j’en aie le cœur net… Et oui… Oui… C’était elle… Tina sur l’azotea, 1923… Allongée toute nue, à même un dallage blanc, endormie, une main sous l’omoplate… Il y en avait d’autres : Nu, Tina, 1924. Sur une couverture effrangée, de face, une jambe légèrement repliée… Nu, Tina, 1924 : sur la même couverture, mais à genoux, légèrement de côté, les fesses offertes…

Dans la chambre je lui ai agité le livre sous le nez…
- Qu’est-ce que c’est que ça ?… Tu peux m’expliquer ?…Ah, tu t’en étais pas vantée, hein ?!…
Elle n’a pas baissé les yeux, mais son sourire s’est fait extraordinairement lumineux… Et d’un seul coup j’ai compris : le secret !… On y était le secret… En plein cœur… C’était ça… C’était donc ça !… Et je me suis déshabillé… C’est elle qui l’a demandé… Tout nu, moi aussi… Elle m’a regardé faire sans un mot…

Et puis je me suis assis à ma table sous son portait, j’ai ouvert le livre et je suis allé de l’un à l’autre… de son portrait aux photos… des photos au portrait… Sans arrêt… Longtemps… C’est venu tout seul… Sans toucher… Sans rien faire… Un premier plaisir… Ample…Profond… Elle a regardé jusqu’au bout… Dans ses yeux il y avait quelque chose qui avait l’air content…










P R E P A R A T I F S



Ca s’est passé un soir qu’il venait encore de me larguer l’autre animal, Marine aussi le sien, la veille, et Vanessa ça allait pas tarder… elle sentait arriver… Il y en avait marre des mecs, mais vraiment marre… Qu’est-ce qu’on s’emmerdait encore avec ça ?…
- On sort en boîte, tiens !… Toutes les trois… Et si jamais il y en a qui viennent nous brancher… Oui, mais qui c’est qui allait nous emmener du coup?…
- L’autre coincé… Il y a qu’à le siffler… Il va rappliquer…
- Oh non !… On va pas se le traîner toute la soirée !…
- Il y aura qu’à le poser dans un coin et il attendra sagement que ce soit l’heure de nous ramener… Je l’appelle… Allo, Max ?… Ca va et toi ?… Qu’est-ce tu fous ?… Rien ?… Eh ben amène-toi alors !… On t’attend… Et voilà !… Dans cinq minutes il est là…

Ce qu’on avait pu lui en faire voir à lui !… Tout ce qu’on voulait on en faisait !… Il disait jamais rien… Il se laissait faire… Et ça, forcément, ça donne toujours un peu plus envie… Mais alors, ce soir-là, de le voir débarquer avec son air de chien battu et sa tête à claques je peux pas dire ce que ça m’a fait… l’envie de passer mes nerfs sur lui, de le faire payer pour l’autre, pour tous les autres… le truc que c’est pas la peine tu peux pas t’empêcher…
- Dis-moi, Maxou, jamais on t’a vu avec une nana, toi !…
- Ah mais oui, c’est vrai ça !… Comment ça se fait ?…
Il est devenu écarlate, s’est mis à danser d’une patte sur l’autre…
- T’es puceau, Maxime, c’est ça ?!… C’est pas vrai que t’es puceau !… A vingt-deux ans !… Eh ben dis donc !…
Il nous a regardées l’une après l’autre d’un air suppliant…
- Oh, mais fais pas cette tête-là !… Ca se soigne… C’est pas grave… Et puis, tu sais, nous, on s’en fout… Complètement…
J’ai fait signe aux filles qu’elles bronchent pas, qu’elles me laissent faire…
- Non, ce qui compte c’est comment t’es super gentil avec nous… Toujours prêt à rendre service… A te précipiter dès qu’on a besoin… Même quand ça t’embête… Même quand t’as pas le temps… Alors c’est pour ça - on en a parlé toutes les trois tout à l’heure avant que t’arrives – on a décidé de te faire un super cadeau… un truc que tu vas vraiment halluciner, tu vas voir !… Mais d’abord faut qu’on te bande les yeux… ce sera plus une surprise sinon…
Il s’est docilement laissé faire sans rien dire, sans poser de questions…
- Là… là… ça serre pas trop ?… Donne-moi la main… Et je l’ai emmené tout doucement, pas à pas…
- Attention !… Il y a une marche là… jusqu’à la salle de bains…
Je l’ai planté à côté du lavabo, bras ballants, tête baissée, et on s’est plus occupées de lui…

On se préparait… On discutait… On rigolait… Exactement comme si il était pas là… Marine a pris une douche, s’est aspergée, savonnée… Il écoutait – ça se voyait – tant qu’il pouvait… Ca grimpait et ça descendait sans arrêt sa pomme d’Adam… A toute allure…
- Ca va ?… Tu t’ennuies pas trop ?…
De la tête il a fait signe que non…
- C’est con de rien voir, hein !… Tu veux que je te raconte à la place ?… Ca te passera le temps en attendant… Hein ?… Tu veux ?…
- Tu parles si il veut!...
- Bon… Alors ce que t’entends là c’est Marine qui se lave… Tu verrais ces jolis lolos qu’elle a, tout ronds, tout mignons, avec des bouts longs, mais longs !… Et en bas !… Comment elle est bien sage la petite touffe, bien régulière, bien coiffée sur la foune… Mais ce qu’elle a de mieux Marine c’est quand même son cul !… Il y a pas photo… Tu vas pas me dire que tu l’as pas remarqué ?!… Tout le monde le remarque… Un cul comme ça ça les rend dingues les mecs !… Toi aussi, dis donc !… Parce que… ouah !… vous avez vu ça, les filles, comment ça grimpe là-dedans ?!… Ca fait pas semblant… Bon, alors à Vanessa maintenant… Tu veux savoir pour Vanessa ?… Oui… Il fait signe que oui… Alors Vanessa elle est assise sur la chaise complètement à poil… Elle se coupe les ongles des pieds… De relever la jambe comme ça pour y arriver comment ça la lui fait baîller, c’est de la folie !… Presque pas de frisettes elle a dessus en plus… Ca cache rien du tout…

Il déglutissait sans arrêt. De grosses gouttes de transpiration lui dégoulinaient dans le cou… Bon, ben il restait plus que moi alors !… Et moi, il voulait savoir, moi ?… Fallait que je me déshabille alors ?!… Lui aussi !… Tous les deux ensemble on allait le faire alors !…
- Ah ben si, attends, si !… C’est normal… Faut une justice… Tu crois pas qu’il faut une justice ?…

Le haut ça a pas été trop difficile…
- Ce torse, Maxou, ce torse !… Quel homme !… On peut toucher ?…
Toutes les trois avec nos mains dessus en nous lançant des clins d’œil et en rigolant par en dessous… Le pantalon il voulait pas, il a résisté, mais il a quand même fini par le faire…
- Bon, allez, ensemble on finit… Attention !… A la une… A la deux… Et à la trois… Ah ben non, non, t’es pas marrant…
Bon, mais tant pis pour lui… Puisque c’était comme ça on allait le ramener à côté, mais il savait pas ce qu’il perdait parce que ce qu’on avait décidé toutes les trois tout à l’heure c’est que ce soir il pourrait une de nous, celle qu’il avait envie… Oh, alors là , comment il l’a quitté le calbut… Ca a pas mis deux heures… On a éclaté de rire…
- Visez-moi ça les filles !…
Il se dressait tout droit son truc tout gonflé…
- Il cache bien son jeu en attendant le Maxou… Il y en a une qui va avoir sacrément de la chance, là, tout à l’heure… Qui ?… Allez, nous fais pas languir, quoi !… Tu vois pas comment on est impatientes ?… Qui ?… Hein ?… Plus fort… On n’a rien entendu…
- Vanessa…
Ah, elle lui plaisait bien, hein, Vanessa… Ce qu’elle était belle avec ses cheveux blonds et ses yeux dorés en amande… Et ces seins qu’elle avait !… Il les aimait, hein, ses seins !… Comment il arrêtait pas de les reluquer par en dessous quand il croyait qu’on le voyait pas…
- Et tu te rends compte ?… Tu vas pouvoir les toucher… tant que tu veux… lui faire tout ce que t’as envie…
Sa queue a palpité, battu l’air, comme si elle voulait saluer…
- Tu vas pas t’ennuyer, dis donc, Vanessa… A condition qu’il sache y faire quand même… Tu vas savoir t’y prendre au moins ?… Oui ?… T’es sûr ?… Parce que c’est pas le tout d’être monté comme un taureau encore faut-il que… mais tu sais pas le mieux ?… On va vérifier avant… C’est plus prudent… Elle est où aglaé, Marine ?…
- J’sais pas… Dans la chambre de mon frère, sûrement…
- Tu vas la chercher ?… Mais panique pas, Maxou, hein !… C’est juste une formalité… Ca va très bien se passer, tu vas voir !…

On la lui a fait gonfler…
- Là, c’est bon… Maintenant tu la prends dans tes bras et t’imagines que c’est Vanessa… Qu’est-ce que tu lui fais ?… Rien… Il te fait rien… Ben ça promet !… Bon, allez, c’est pas la peine, on laisse tomber… Tu te rhabilles et pour Vanessa… Ah ben voilà !… Voilà !… Pas si fort!… Pas si fort quand même !… Tu vas l’écraser… Et parle-lui !… On aime les mots d’amour, nous, les femmes, tu sais pas ça ?…
- Je t’aime…
- Tu l’aimes, oui… Tu l’aimeras toujours… Ils disent tous ça… Et puis après ?… Quoi d’autre ?…
- Tu es belle…
- Ah ça au moins c’est original… Qu’est-ce que tu sais bien y faire, toi, dis donc, avec les femmes, c’est dingue !… Et maintenant ?… Eh bien descends !… Qu’est-ce que tu peux être empoté !… Va la lécher en bas… Ca nous rend toutes folles ce truc… Là, tu vois… Oh là là comment elle gigote !… Comment elle se trémousse !… Elle en peut plus… Elles mouille à fond, non ?

Il s’est redressé d’un coup, crispé, et il a déchargé, à grands spasmes blanchâtres, sur le carrelage de la salle de bains…
- Ah ben non !… Non !… Déjà ?.. T’es qu’un égoïste, Maxou… Tu penses qu’à toi , qu’à ton plaisir… T’es comme les autres… Alors pour Vanessa eh ben tu repasseras !… Quand t’auras fait des progrès… Et il y a du boulot…









SOUS LE PARAPLUIE

A la sortie du métro il pleuvait à torrents. Une pluie d’orage battante et drue… J’ai eu un mouvement de recul pour me mettre à l’abri, me suis arrêté…


Dissimulée sous un large parapluie rouge et blanc la fille a vu mon hésitation…
- Vous voulez que je vous abrite ?… Vous allez loin ?…
- Au carrefour là-bas…
- Eh bien venez !…
C’était une petite métisse aux traits fins, au regard intensément clair… On a marché côte à côte silencieux pendant quelques instants et puis elle a éclaté de rire…
- Ca se fait pas ce genre de choses d’habitude… Je sais pas ce qui m’a pris…
- Oh, ce qui se fait ou ce qui se fait pas !…


J’étais beaucoup plus grand qu’elle et elle devait hausser le parapluie à bout de bras…
- Vous permettez ?…
Je m’en suis emparé… Nos mains se sont frôlées, éloignées… La pluie avait presque cessé…


Encore quelques pas et nous discutions à bâtons rompus comme de vieux amis… Elle avait un petit copain, oui, oui, mais bof !… C’était pas vraiment ça… Si seulement elle savait pourquoi elle était avec… l’habitude… ou la flemme… ou la peur de rester toute seule… Peut-être – sûrement – que le jour où elle rencontrerait quelqu’un d’autre… mais elle pouvait pas dire qu’elle en avait vraiment envie… Elle était compliquée, hein ?!… Des fois elle se comprenait pas elle-même…


J’étais presque arrivé… Je l’ai regardée… Son profil… Elle a tourné la tête vers moi, m’a souri, détendue, confiante… On s’est fait face au bord du trottoir… Un moment de silence…
- Et maintenant ?… Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?… Je vous invite à boire un verre ?… C’est ce que je devrais faire normalement, non, vous croyez pas ? Qu’on fasse plus ample connaissance… Qu’on échange nos téléphones… Qu’on tombe amoureux l’un de l’autre… De toute façon c’est déjà fait… Et pas qu’un peu… Tu es belle… Tu es désirable… Tu es douce… Ca doit être extraordinairement merveilleux de vivre avec toi… Le bonheur lumineux, permanent, absolu… D’ailleurs si le destin a fait se croiser nos chemins ce n’est pas pour rien… Il a ses raisons, le destin… Et elles sont évidentes ses raisons, non, tu crois pas ?
Elle n’a pas répondu… Elle se contentait de me regarder, de m’écouter avec la plus extrême attention…
- Qu’est-ce qui va se passer ?… On va s’emballer… Se dépêcher de se mettre ensemble sans même se connaître… Ca va durer quelques semaines… Ou quelques mois… le temps de s’apercevoir qu’on s’est trompés… qu’on s’est fait des illusions… On va s’entredéchirer… C’est toujours comme ça que ça se passe… Se quitter… Se reprendre… Se requitter… Se faire souffrir jusqu’au bout à la mesure de notre désillusion… Non ?


Elle n’a pas cillé… Elle n’a pas baissé les yeux…
- Mais il y a une autre solution, c’est qu’on se quitte, là, maintenant, tout doucement, sur la pointe des pieds… Avec juste, au fond du cœur, le souvenir de ces quelques pas sous le parapluie… Pour toujours… Le souvenir de ce qui aurait pu être et qui aura quand même été dans un sens… Et peut-être que dans vingt ans, dans trente ans, ce sera notre seul vrai souvenir d’amour… Tu sauras que quelque part quelqu’un continue à penser à toi… Je saurai que quelque part…


On est restés silencieux, les yeux dans les yeux… Et puis, hissée sur la pointe des pieds, elle a repris son parapluie, elle a posé ses lèvres sur les miennes…
- Merci… Merci beaucoup… Et elle s’est éloignée, sans se retourner, le long du boulevard…

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