vendredi 26 février 2010

Nouvelles ( 5 )

L E S

T R I B U L A T I O N S

D’UN

V O Y E U R

E N

H E R B E






C’était décidé : en Août, pendant mes vacances, je passais à l’acte… A mon tour !… A mon tour d’adresser aux sites Internet qui s’en étaient fait une spécialité des photos de rêve : couples surpris en pleine action aux tréfonds d’une clairière reculée… Innocentes naïades abandonnées, dans le plus simple appareil, aux caresses du soleil sur des plages apparemment désertes… Jeunes stringueuses court vêtues penchées trop loin, trop bas dans les bacs à produits surgelés des grandes surfaces… La chance - j’en étais convaincu - me sourirait et je rapporterais, de mon périple, une abondante moisson…

Au jour J - le 1er Août - j’étais fin prêt… Il ne me restait plus qu’à charger tout mon matériel - un imposant arsenal : un appareil numérique, deux appareils optiques, des zooms, des filtres, une douzaine de pellicules - dans la voiture et à gagner Argelès que je m’étais choisie comme base d’opérations…

Dès l’aube, le lendemain, j’étais sur le pont… J’ai parcouru des kilomètres de plage… procédé à de multiples repérages… arpenté les rues… exploré les commerces… quadrillé les environs immédiats… tenté quelques lointaines incursions dans l’arrière-pays… Et je me suis mis résolument en chasse… J’ai consacré à ma quête toutes mes journées, tout mon temps, toute mon énergie, toute ma passion…

Pour de bien piètres résultats… Une semaine plus tard je n’étais en possession que de quelques clichés, pour la plupart décevants : bien loin de se dissimuler, pour m’offrir le plaisir de lui voler secrètement son intimité, le seul couple que j’avais « saisi » cherchait de toute évidence à attirer l’attention… Quant aux baigneuses, dont les plages regorgeaient, elles affichaient trop ouvertement leurs charmes pour susciter mon intérêt… Ce que je voulais c’était m’emparer de ce qu’on cherchait à me dérober… J’avais bien réussi à capturer un petit bout de culotte par ci, le dénivelé d’un sein furtivement à découvert par là… C’était peu… C’était maigre… C’était frustrant…

J’ai alors décidé de marquer une pause et de m’octroyer un jour de « congé » pour aller réaliser, dans les gorges de Galamus, des photos plus traditionnelles… Enthousiasmé par la beauté des paysages je m’arrêtais tous les cent mètres, jouais de l’obturateur, remontais en voiture, repartais…

En début d’après-midi j’ai voulu aller examiner de plus près une vieille bâtisse à demi écroulée que j’avais aperçue de la route, en contrebas, tout au bord de la rivière… On y accédait par un sentier escarpé mangé de ronces… Je touchais tout juste au but quand… deux voix entremêlées, l’une masculine, l’autre féminine, sur la berge, de l’autre côté… Le cœur battant, je me suis précipitamment réfugié à l’abri du seul mur encore valide de ce qui avait dû être autrefois un moulin… Les vestiges d’une minuscule fenêtre constituaient un poste d’observation idéal à l’abri duquel je les ai vus apparaître - un jeune couple, d’une trentaine d’années - au détour d’un bouquet d’arbres…

Ils ont longé la rive, tendrement enlacés l’un à l’autre… Ils ont hésité, longuement parlementé et finalement décidé de s’installer là, juste en face, pour mon plus grand ravissement… Tout près… Si près… Il a soigneusement étalé une couverture dans l’herbe…
- On sera bien là… On sera tranquilles…
Ils se sont allongés… Ils étaient tournés vers moi… Il l’a attirée contre lui, embrassée, caressée… Les seins ont jailli, superbes, éblouissants dans le soleil… Il les a pris l’un après l’autre dans sa bouche… La robe est remontée haut sur les cuisses… Il a glissé sa main dans la culotte et elle a doucement ondulé… De plus en plus haut… De plus en plus fort… De plus en plus vite… La culotte est enfin tombée… Je prenais cliché sur cliché sans m’accorder le moindre répit… Quand il a été enfin en elle elle a d’abord gémi, à petites plaintes sanglotées, avant d’élancer son plaisir en longues trilles éperdues… Ils sont retombés, comblés, apaisés… Et elle s’est abandonnée à moi, ouverte, impudique… Longtemps…

Aussitôt qu’ils ont été partis j’ai couru mettre mon trésor à l’abri dans le coffre de la voiture… Je me suis installé au volant, mais j’avais trop envie de prolonger ce moment… Je suis redescendu… J’ai traversé, de l’eau jusqu’aux genoux… Là où ils avaient été l’herbe était couchée… Je m’y suis étendu… Et, nu, je me suis donné mon plaisir, ivre des images qu’ils m’avaient offertes et qui m’emplissaient tout entier… Je me suis vaguement assoupi… endormi…

Au réveil plus loin là-bas la rivière formait une anse où elle paraissait plus ample, plus profonde… J’ai voulu aller y nager… Je me suis laissé porter, dériver… J’étais bien… Plus rien d’autre ne comptait que les caresses de l’eau qui m’épousait au plus près…

Il fallait bien pourtant finir par rentrer… Je suis retourné récupérer mes vêtements… Mes vêtements ?… Ils étaient passés où ?… C’était bien là pourtant, en face des ruines du moulin, que je les avais laissés… Il m’a fallu un bon moment pour l’admettre : ils avaient disparu… Les salauds !… Et… la voiture ?!… Les clés étaient dans ma poche… Je me suis précipité jusqu’à la route… aussi vite que j’ai pu… La voiture !… Avec tout le matériel… et les photos… La voiture !… Elle n’était plus là…


Bon !… Et maintenant on faisait quoi ?… J’étais nu comme un ver à des kilomètres de tout… Quelle solution ?… Entreprendre la route à pied ?… Inconcevable… Non… Il n’y avait qu’une issue… Arrêter une voiture et expliquer, du moins en partie, ma situation… Allez !… Mais… pas si simple… Dès que j’entendais approcher un moteur je m’avançais jusqu’au bord de la route et… je plongeais dans les fourrés quand la voiture apparaissait au détour du virage… La prochaine, oui, la prochaine… Dix fois… Vingt fois…

Le jour commençait à baisser… Il fallait bien en sortir d’une façon ou d’une autre… J’ai pris sur moi… Je suis resté stoïque, bien en vue… J’ai fait signe… La voiture est passée, klaxon bloqué… La suivante a ralenti, s’est arrêtée… Trois jeunes… Qui m’ont abreuvé d’injures…

La huitième… Un couple… La femme a baissé la vitre… Je les ai tout de suite reconnus… C’était eux… Eux de ce matin… J’ai balbutié…
- Je me baignais là en bas… Et… Et… On m’a volé mes vêtements… et la voiture…
- Mon pauvre monsieur !…
Mais ça semblait follement l’amuser…
- Eh bien montez !…
On a roulé en silence… C’est lui qui l’a rompu…
- Vous voulez qu’on vous emmène où ?…
- A la gendarmerie…
- Dans cette tenue ?…
Et elle a éclaté de rire…

C’était une petite maison un peu à l’écart…
- Venez !…
Je les ai suivis… Dans l’allée… Sur le perron… Dans leur chambre… Elle a ouvert l’armoire… Elle a pris tout son temps…
- Essayez ça !…
Elle m’a regardé faire…
- Non !… Ca vous serre beaucoup trop… Ca plutôt !…
J’ai enfilé… retiré… encore enfilé… Elle prenait un plaisir évident à faire durer… Encore… Et encore… Elle m’a jeté un dernier coup d’œil…
- Oui… Oui… Ca devrait aller…

Sur le parking de la gendarmerie ils se sont garés juste à côté de… ma voiture… Les clés étaient au volant… mes vêtements soigneusement disposés sur le siège… les appareils toujours dans le coffre, mais… toutes les pellicules avaient disparu…









C O N T E

D E

N O Ë L




Le salaud!... Non, mais quel salaud!... Me faire ça comme ça… Par SMS… « Tout est fini… Définitivement fini… C’est sans appel… Adieu… »… Le 24 Décembre en plus !… Il peut pas baisser ses phares ce con en face ?!… Et dire qu’ils devaient passer le réveillon tous les deux en amoureux !… Une semaine qu’elle mettait les petits plats dans les grands, qu’elle faisait tout pour que ce soit le plus… Et le clignotant celui-là il connaît pas ?… Crétin, va !… Elle allait faire quoi maintenant ?… Aller là-bas ?… Sûrement pas… Ils triompheraient… Elle les entendait déjà… On te l’avait bien dit… On te l’avait pas dit qu’on le sentait pas celui-là ?… Qu’il t’attirerait que des ennuis ?… Seulement tu veux jamais en faire qu’à ta tête… Ca a toujours été comme ça… Toute petite déjà… Merci bien !… Non… Elle allait se le faire toute seule le réveillon… Il y avait assez à manger… Et à boire… Surtout à boire… Elle allait se mettre sur le toit, tiens !… Quelque chose de propre… Une reculée comme jamais… Et puis après, une bonne séance de gratouilles… Une orgie de gratouilles… Toute seule… Elle en avait soupé des mecs… Elle était pas près d’y remettre le nez… Ah, ça non alors !… Tiens, c’était quoi, là, sur le bas-côté ?… Mais oui, c’est un type… Un SDF… Avec tout son barda… Qu’est-ce qu’il fabrique là, en pleine pampa ?… S’il compte aller en ville comme ça, à pied, il va pas être déçu du voyage… Il en a pour dix bornes… Et si je le…? Parce que tu trouves que t’as pas assez d’emmerdes comme ça ?… Faut en plus que t’ailles en chercher ?… Oh, mais fallait pas toujours voir le mal partout non plus… Et puis zut, c’est Noël !… Si on peut pas rendre service à son prochain à Noël… Il a bien droit à un peu de chaleur humaine, lui aussi !…

- Vous allez loin ?…
Il a fait un vague signe de la main devant lui…
- Par là…
- Vous voulez que je vous avance ?…
- C’est pas de refus, oui, merci…
Il s’est assis tout au bord du siège, a fixé la route sans un mot…
- Il y a longtemps que vous marchez comme ça ?…
- Je sais plus… J’ai quelquefois l’impression que c’est depuis toujours…
- Vous avez bien fait quelque chose avant quand même ?… Vous aviez de la famille ?… Un logement ?… Non ?…
- Si !… J’étais comme tout le monde… J’avais une femme… Une entreprise…
- Et ?…
- J’ai tout perdu… Ca va vite, vous savez quand la poisse s’y met… Ca va très vite… Et tout le monde vous fuit… Vous restez seul avec vos dettes… Que vous êtes incapable de payer… Vous n’avez droit à rien… Aucune aide… Aucun secours… Rien… Et vous vous retrouvez à la rue… Au propre comme au figuré…
- Tout espoir n’est peut-être pas perdu… La roue tourne dans la vie et un jour…
- Pas quand vous êtes au fond du trou… Pas quand il n’y a d’issue nulle part… Que chaque matin, quand vous vous réveillez, vous vous demandez comment vous allez bien pouvoir manger, boire, dormir… Vous savez de quoi je rêve depuis trois semaines ?… D’une bonne douche chaude et de vêtements propres…
- Ca… dans un quart d’heure ce sera fait…

Il a vu la table dressée avec les deux assiettes, le chemin de table brodé, les bougies, les cadeaux…
- Oh, mais je vous dérange !… Vous attendez quelqu’un…
- J’attendais… J’attends plus… On a rompu il y a deux heures… Venez !…
Dans la salle de bains…
- Vous avez les serviettes là… Les gels et les shampooings ici… Il y a un rasoir dans le tiroir… Je vais vous déposer des vêtements devant la porte… Et si vous avez besoin de quelque chose vous n’hésitez pas… Vous m’appelez…

Une véritable métamorphose… Mais c’est qu’il était beau en plus !… C’était rien de le dire… - Je sais pas comment vous remercier… Je suis redevenu pour quelques heures, grâce à vous, celui d’avant… Vous pouvez pas savoir comment c’est important pour moi… Je suis heureux…
- Vous voulez boire quoi ?… Whisky ?… Champagne ?… Autre chose ?…
- Non… Je vais y aller… J’ai déjà assez abusé comme ça…
- Vous allez me laisser passer le réveillon toute seule ?… Bravo… Merci… C’est sympa… Allez, asseyez-vous !…
- Votre ami va peut-être se raviser et s’il me trouve là…
- Il se ravisera pas… C’est pas le genre… Et puis de toute façon… Et votre femme à vous elle a jamais cherché à savoir ce que vous étiez devenu, à vous recontacter ?…
- Non… Non… Elle le fera pas sauf… sauf si elle apprenait un jour que je m’en suis sorti et que j’ai fait fortune… Mais ça…

- Allez, à table…
Foie gras… Langoustines… Riesling…
- Si j’avais pensé ce matin que ce soir je passerais le réveillon comme ça !…
- Et moi donc !…
On a ri…
- Vous voyez bien… On ne sait jamais ce que réserve l’avenir… Jamais… Personne… Il faut garder espoir…
- Il y a des jours, comme ce soir, où c’est possible et puis d’autres…

Après la bûche on a trinqué… Au champagne… Ses yeux se sont embués…
- Merci… Merci pour tout… Ces moments-là je ne les oublierai jamais… Et demain quand je serai sur la route…
- Chut !… N’y pensez pas !… Vous êtes ici maintenant…
- Vous savez ce qui est le plus dur pour moi ?… Ce n’est pas le froid… Ce n’est pas la faim… Ce ne sont pas les insultes… Non… Ce sont les femmes… Qui sont partout… Belles et désirables… Que je suis condamné à regarder sans jamais pouvoir espérer quoi que ce soit d’autre… Qui pourrait vouloir de moi maintenant ?… Ca fait deux ans… Deux ans que je n’ai pas… Vous savez qu’on finit par oublier à force ?… Par ne plus arriver à se rappeler comment c’est vraiment fait une femme… Et ça c’est terrible… Bon, mais allez, parlons d’autre chose… Parlez-moi de vous… Ou de ce que vous voulez…

Je me suis levée… Je suis venue m’appuyer, derrière lui, contre le dossier de sa chaise… Il n’a pas bougé… Mes doigts se sont introduits sous la chemise, ont doucement lissé un petit carré de peau… Il a respiré plus vite… Un bouton… Un autre… Son torse de haut en bas… De bas en haut… A petites touches légères, puis à caresses lentes, appuyées… Plus bas… Encore plus bas… Elle était dressée… Je l’ai doucement dégagée… Je me la suis longuement appropriée… Je l’ai contourné… Contre lui… Sur lui…
- Laisse-toi faire… Laisse-moi faire…
Il a eu son plaisir très vite, les yeux emplis d’une infinie gratitude… Je l’ai gardé en moi… Et puis à mon tour… Et puis ensemble…

Au matin, dans le lit, on s’est réveillés enlacés…








R E G L E M E N T

D E

C O M P T E S




- Alors c’est toi ?…
Elle m’a tranquillement dévisagé…
- Je te voyais pas comme ça… Non, parce que faut dire : elle a un de ces goûts ma mère pour les types d’habitude… Ils sont à faire peur… Bon, mais enfin avec toi ça a l’air de s’arranger on dirait… Il y a longtemps que t’es arrivé ?…
- Deux heures… Peut-être trois…
- Tu t’es installé ?… T’as trouvé votre chambre ?… Oui ?… Tu peux pas venir m’aider à décharger ma voiture alors ?… Parce que je sais pas comment je me débrouille, mais j’ai toujours tout un tas de trucs… Et puis après toi tu fais ce que tu veux, mais moi je file à la plage… Je suis venue pour ça et j’ai bien l’intention d’en profiter…

- Tu dormais ?… Non ?…
Elle s’est ébrouée, séchée, enduite de crème, allongée sur la natte à côté …
- Elle me fait trop rire ma mère… Parce qu’attends… Elle te fait venir exprès pour passer les Vacances avec toi et elle est pas là…
- Elle sera là demain…
- Oui, oh alors ça, moi, à ta place… Parce que tu la connais pas… Tu paries qu’elle appelle ce soir pour annoncer qu’il vient de lui débouler un gros client japonais par les pieds?… Qu’elle peut pas y échapper ?… Et demain ce sera une réunion de dernière minute avec le repreneur allemand… Et après-demain encore autre chose… Elle est pas là avant une semaine, c’est couru… Oh, mais c’est pas moi que ça dérange, hein !… Du moment que tu sais faire la bouffe… Tu sais la faire ?…

- Qu’est-ce que je t’avais dit ?!… Je sais comment ça se passe depuis le temps… Elle a inventé quoi ce coup-ci ?…
- Sa sœur a de gros problèmes… Elle passe un jour ou deux avec elle et elle nous rejoint…
- Qu’elle dit… Tu parles !… Ca fait vingt ans qu’elle a des gros problèmes sa sœur… Quand on voit avec quoi elle est mariée !… Tant qu’elle aura pas largué ça !… Non… La vraie raison, c’est qu’elle se supporte pas ici ma mère… Elle se supporte nulle part d’ailleurs… Il y a qu’à Paris… Alors elle recule… Elle recule tant qu’elle peut… A chaque fois c’est la même chose… Tu te demandes pourquoi elle l’a gardée cette baraque finalement !…

- Ce sera répété… Répété et amplifié…
- Quoi donc ?…
- Tu crois que je le vois pas comment tu les regardes par en dessous les nanas avec ton air de pas y toucher ?… Surtout l’autre sous le parasol bleu là-bas… Elle est moche en plus !… Oh, mais tire pas cette tronche !… T’as bien le droit… Ca fait de mal à personne… Je dirai rien de toute façon… Je suis pas complètement idiote… Surtout jalouse comme elle est… Elle t’arracherait les yeux, oui…

- T’assures quand même pour la bouffe !… Elle a intérêt à te garder… Il y a longtemps que tu la connais ?…
- Huit mois… A peu près…
- Ah oui, c’est vrai, je me rappelle… Elle était encore avec son Thierry à l’époque… Elle savait pas ce qu’elle allait faire… Toi ?… L’autre ?… L’autre ?… Toi ?… Tous les soirs elle me prenait le chou avec ça… Des semaines ça a duré… De toute façon ma mère les mecs c’est quelque chose !… Encore pire que moi, t’as qu’à voir !…

- T’es vieux jeu ou pas ?…
- J’espère que non, mais tout dépend de ce que t’entends par là…
- Si je me baladais à poil dans la maison ça te choquerait ?…
- Oh que non !… Tu fais bien comme tu veux…
- Parce que comment on se sent mieux toute nue !… Toujours je l’ai été ici… Depuis toute petite… Ailleurs aussi… Elle gueule assez… Si quelqu’un arrivait !… Qui veux-tu qui vienne ?… Ils sonnent n’importe comment !… Et puis même !… On me verrait à poil !… Et alors ?!… Tu parles d’une affaire !… Et toi ?… T’aimes ça être sans rien ?… Tu le fais des fois ?…
- Oh, ça m’arrive…
- Oui, ben tu peux aussi, hein !… Du moins tant qu’elle est pas là… Parce qu’après…

- Alors ?… Tu l’as eue ?… Ca y est ?… Elle arrive?…
- Pas encore, non…
- Et c’est quoi le prétexte?… Toujours sa sœur ?…
- Toujours… Mais elle sera là jeudi soir… Sans faute…
Elle a éclaté de rire…
- J’ai déjà entendu ça dix mille fois… Mais t’as le droit d’y croire, hein !… Pour le moment… Parce que quand elle t’aura fait le coup aussi souvent qu’à moi… Enfin… Si elle t’en laisse le temps… Si vous restez ensemble…
- Tu sous-entends quoi par là?…
- Oh, je sous-entends rien du tout… Moi, il y a longtemps que je me mêle plus de ses affaires… Bon, allez, on mange ?… Qu’est-ce tu nous as préparé de bon ?

- T’es déjà levée ?…
Elle bronzait nue sur le balcon côté jardin…
- Tu tombes bien, tiens !… Tu voudrais pas aller me chercher un autre café… J’ai la flemme…
Appuyée sur un coude, elle l’a avalé d’un trait, m’a tendu la tasse…
- Merci…
- Dis-moi, Amandine, qu’est-ce que tu insinuais hier soir ?… Qu’elle a quelqu’un d’autre ?… Que c’est pour ça qu’elle reste à Paris ?…
Elle s’est mise sur le ventre…
- Oh non, non, j’en sais rien si elle a quelqu’un d’autre… Je crois pas, non… Quoique… Avec elle on peut toujours s’attendre à tout… Non, c’est pas ça… Mais je la connais… Elle s’enflamme pour un type… Il y a plus rien d’autre qui compte… Et puis trois mois après c’est le dernier des derniers… Il est bon à jeter aux chiens… Mais enfin avec toi, ce sera peut-être pas pareil, hein, on sait jamais…
Elle s’est retournée, assise…
- Elle est trop quand même dans son genre… Il y a jamais rien qui lui va… Pour ça comme pour le reste…
Elle a fait couler une noix de crème protectrice dans le creux de sa main, s’en est uniformément pénétré les seins…
- Elle peut dire que je suis pas stable, mais alors elle, elle bat les records… Et le pire c’est qu’à chaque fois elle y croit… Suffit qu’il y en ait un qui passe et ça y est c’est celui-là… Celui qu’elle attendait depuis toujours… Les autres elles ont intérêt à les ramasser leurs types… Parce que il y a rien qui l’arrête, j’en sais quelque chose… Tu crois que ça te fait plaisir, toi, quand tu rentres à l’improviste et que tu trouves ta mère en train de s’envoyer en l’air avec ton petit copain ?… Et deux fois c’est arrivé en plus !… Deux fois…

- C’est quoi ?…
- De la lotte…
- Comment tu maîtrises!… Un vrai professionnel… Je sais pas cuisiner, moi !… De toute façon j’ai horreur de ça… C’est peut-être pour ça que j’arrive pas à garder un mec ?!… Non, je rigole… N’empêche que j’arrive pas à en garder un quand même… Je sais pas pourquoi… Je suis pas trop mal foutue… Non, tu trouves pas ?…
- Tu es très mignonne…
- J’ai pas trop mauvais caractère… enfin… je crois… Je suis pas emmerdante… Je t’ai cassé les pieds à toi depuis qu’on est là ?…
- Pas du tout, non… Au contraire…
- T’expliques ça comment alors ?…
- Tu as quel âge ?…
- 23 en octobre…
- T’as le temps alors !… Tu finiras par trouver le moment venu…
- Oui, mais c’est tout de suite que je voudrais…

- Bon, ben ça y est !… On est jeudi soir… Et elle est pas là…
- Oui, ben ça j’avais remarqué, merci…
- Et sans prévenir en plus… T’as réussi à l’avoir, toi ?…
- Non, son portable est éteint…
- Eh ben voilà !… C’est tout elle, ça !… T’en as combien des semaines de Vacances ?… Parce que si ça continue tu seras obligé de rentrer qu’elle sera pas encore arrivée…

- Ah, enfin, tu t’y mets !… C’est pas trop tôt… Il le fera pas, je me disais, tu paries qu’il se mettra pas tout nu ?…
- Eh bien tu vois t’aurais perdu ton pari…
- N’empêche qu’il t’en a fallu du temps !… Et je sais pourquoi en plus…
- Ah oui ?!…
- Oui… C’est parce que tu voulais pas que je voie quand tu bandes… C’est pas vrai peut-être ?… Mais c’est idiot… Parce que ça se voit quand même… On s’en rend toujours compte si on veut… Bon, mais alors maintenant ça veut dire que tu t’en fiches que je m’en aperçoive ?…

- T’en as eu beaucoup des femmes ?… Avant elle… T’en as eu beaucoup ?…
On était dans la voiture… On revenait des courses…
- Quelques-unes…
- Ca veut dire quoi quelques-unes ?… Cinq ?… Vingt ?… Cent ?…
- Tu es bien curieuse…
- Non, je me renseigne, c’est tout… Et ça durait longtemps à chaque fois ?… Le plus longtemps ça a été combien ?…
- Dix ans… - Wouah !… Eh ben dis donc !… C’est elle qui est partie ou c’est toi qui l’as plaquée ?…
- Un peu les deux…
- Ca veut rien dire… Et avec les autres c’était sérieux ou c’était pour t’amuser ?…
- Ca dépendait des cas…
- T’es pas très causant, toi, quand tu t’y mets… Et avec ma mère ?… C’est sérieux ou ça t’est complètement égal ?…
- Tu veux que je te réponde franchement ?…
- Evidemment !… Si je te pose la question…
- Je n’en sais absolument rien…

On était tous les deux à somnoler, nus, face à face, dans le soleil, sur les chaises longues… Elle a ri… De son petit rire haut perché…
- T’es trop, toi !…
- Et pourquoi donc ?…
- Non… Comme ça… Pour rien… Mais tu te verrais !…Cette façon que tu as de me…
Son portable a sonné…
- Allo… Ben oui, c’est moi, oui !… Qui veux-tu que ce soit ?… Où ça ?… Ah oui !?… Au bout de la rue ?… Evidemment, oui… Evidemment…
- C’était quoi ?…
- Oh rien… Une connerie… Tu veux pas m’en passer dans le dos de la crème ?… J’y arrive pas toute seule… Oui, ben vas-y, appuie!… Fais pas semblant… Ca sert à rien sinon… Ben continue !… T’arrête pas !… En dessous aussi… Fais pas ton coincé comme ça !…
En dessous aussi… Les fesses… Entre les fesses qu’elle a progressivement écartées…
- Bonjour…
Elle était arrivée… Elle était là… Elle nous regardait…










R A N D O N N E E



Pendant six mois Sébastien a vainement cherché à me convaincre de l’accompagner au club rando…
- Tu traverses des paysages magnifiques en compagnie de tas de gens sympas… Tu te vides la tête… Tu prends un bon bol d’air… Le bien que ça te fait !... Estelle, sa petite amie, renchérissait…
- Mais oui, viens avec nous au lieu de rester à te morfondre tout seul dans ton coin !...

C’est le jour où j’ai croisé leur copine Morgane dans l’escalier – je partais, elle arrivait – que je me suis brusquement décidé à aller arpenter avec eux les sentiers d’Ile de France… Un seul regard et j’étais tombé éperdument amoureux de Morgane. Je marchais à ses côtés, je la voyais, je la regardais, je l’écoutais, je lui parlais et cela suffisait à mon bonheur. Mais pas au sien. Estelle et Sébastien n’ont pas tardé à me le faire remarquer avec insistance…
- Ben qu’es-ce que tu fous ?!... Fonce !... Elle attend que ça !...

Seulement ça… ça… c’était justement ce dont j’étais incapable… C’était ma blessure intime, secrète. J’avais vingt ans et j’étais vierge. A mon grand désespoir. Les autres y arrivaient. Ils le disaient. Je le voyais. Pas moi. J’adorais les filles. Je passais le plus clair de mon temps avec elles. J’en mourais d’envie, mais je ne pouvais pas. Impossible. Impossible parce que ma grande hantise c’était de ne pas arriver à les satisfaire. Tous les bouquins que j’avais avidement consultés sur le sujet étaient d’accord : rien de plus difficile. Il y fallait une technique, une maîtrise de soi, un savoir-faire hors du commun. Et encore ! Même lorsque on était très doué on ne touchait que très rarement au but. Elles le disaient elles-mêmes - j’avais lu leurs témoignages - très peu d’hommes savaient s’y prendre, une infime minorité…alors le plus souvent elles faisaient semblant ou bien elles allaient se finir toutes seules dans la salle de bains. Et moi ben forcément j’allais faire partie des maladroits et des incapables…Obligé…

Et jamais je n’avais pu me résoudre à passer l’épreuve tant redoutée…Je connaissais de toute façon le verdict. Quand une fille me plaisait, quand j’étais amoureux, l’idée qu’elle allait le savoir, me mépriser, se moquer de moi et - bien entendu - me quitter m’était absolument insupportable. Alors je différais…je différais tant que je pouvais jusqu’au moment où elle s’éloignait, lassée et persuadée que je n’éprouvais rien pour elle. Avec Morgane c’était ce qui allait se passer. Une fois de plus. Forcement j’allais la perdre…Dans tous les cas j’allais la perdre…
- Mais vas-y, on te dit !...Tu joues sur du velours…

Fin juin Estelle a proposé qu’on se retrouve tous les quatre dans l’Aveyron la deuxième quinzaine de Juillet… Ses parents possédaient là-bas une maison de campagne qu’ils nous laisseraient quelques jours…
- Et alors là !...Vous allez voir ces grands espaces qu’on va avoir… Et ces paysages… Vous allez pas en revenir…
J’ai essayé de me faire croire que ce serait là-bas Morgane. Je ne voulais pas la perdre. Là-bas je tenterais le tout pour le tout : advienne que pourrait…Mais plus l’échéance approchait…

Estelle m’attendait à la gare. Toute seule. Un petit sourire chiffonné accroché à la figure. Ça se présentait mal : la mère de Sébastien était à l’hôpital… Il viendrait pas… Pas tout de suite en tout cas… Quant à Morgane… elle a baissé les yeux…
- Elle viendra pas non plus…
- Ah bon, pourquoi ?…
Elle a haussé les épaules…
- J’en sais rien…

J’ai proposé de rentrer…
- Oh, tu vas pas avoir fait tout ce voyage pour rien, attends !... Et puis il devrait pas trop tarder Sébastien… le temps qu’on sache ce qu’elle avait sa mère…
De toute façon on allait pas se laisser abattre comme ça… On était venus pour la rando… On allait faire de la rando…
- T’as vu le temps qu’il fait en plus ?… Demain je te réveille aux aurores…

Et on a passé une journée de rêve au rythme de nos pas. A faire provision de paysages bleutés étouffés de soleil. A déranger les oiseaux à tire d’aile dans les blés. A nous absorber, côte à côte, dans la contemplation de fourmilières géantes. A boire aux sources dans le creux de nos mains. A nous laisser porter au gré des mots qui nous venaient. Sans soucis. Sans arrière-pensée. Sereins. Heureux.

Au retour on a prolongé indéfiniment la magie dehors sur la terrasse dans la fraîcheur du soir…
- Elle te comprend pas, tu sais, Morgane… la vérité… la vérité c’est que si elle est pas descendue c’est à cause de toi… « - Il sait pas ce qu’il veut… ou bien il en a rien à foutre de moi… De toute façon il m’agace… »

La nuit était presque totalement tombée. Je suis resté silencieux quelques instants dans la pénombre et puis tout est sorti. Tout. En vrac. Tout. En flot ininterrompu. Et en sanglots réprimés à la fin. Elle a posé sa main sur la mienne, l’a laissée…
- Ce qu’il faudrait c’est que tu le fasses avec une bonne copine une fois, comme ça, sans te poser de questions...
On s’est tus. La nuit nous a complètement enveloppés…

-Viens !...
- Et Sébastien ?…
- Je suis pas sa propriété, Sébastien… Et il est pas obligé de savoir…Viens !…
Elle n’a pas joui la première fois, la deuxième fois non plus, mais au matin oui… Longuement. Profondément. Avec abandon…
- Tu vois que c’était pas si compliqué que ça finalement !...
On s’est embrassés…
- Mais c’était juste une parenthèse… On recommencera pas… Jamais…

Quand on a attaqué le sentier dans la matinée déjà haute elle m’a regardé, elle m’a souri…
- En tout cas… en tout cas un truc qu’est sûr c’est que tu m’oublieras jamais… Toujours tu seras obligé de penser à moi…
Et c’était vrai… La preuve…




L A

P R E M I E R E

F O I S

D E

M E L A N I E



Il était beau, mais beau !… Le plus beau de tous… Et c’est avec moi qu’il a dansé… Rien qu’avec moi… Toute la soirée… Tendre… Si tendre… Doux… Si doux… C’était lui… Forcément c’était lui… Depuis le temps que je l’attendais… Il était arrivé… Enfin… Il était là…

Dans la chambre, à l’hôtel, il a été follement, passionnément amoureux, en baisers gorgés de soleil, en mots murmures de rivière, en caresses brise dans les feuillages…
- Tu es le premier, tu sais…
Il l’a été…

Blottie contre sa poitrine, je n’ai pas dormi… Je l’ai écouté respirer, paisible… On avait des jours et des jours, des mois et des mois, des années à nous devant nous… Je les ai habitées de bonheur… A petites gorgées lentement savourées…

Au matin il a encore été à moi… Et puis… Il m’a prise dans ses bras… Il a posé son front contre le mien…
Ne pleure pas !… Ne pleure pas !… On va se revoir…
- Quand ?…
- Bientôt… Le plus tôt possible… Je te ferai signe… Je t’appellerai…
Et il a voulu une photo… Que j’ai arrachée de ma carte d’étudiante… Et ma culotte…
- Pour t’avoir avec moi… Pour dormir contre toi…

Il y a eu un lendemain… Et puis un autre… Une foule de lendemains vides… A perte de vie… Il n’était pas là… Il ne venait pas… Il ne téléphonait pas…

Alexia connaissait sa sœur… Qui m’a écoutée longtemps sans rien dire… Qui s’est levée…
- Viens !… Viens avec moi…
On a roulé longtemps… On est entrées dans un immeuble… On a pris un ascenseur… Elle a ouvert une porte…
- Entre !… Là-bas, au fond, c’est sa chambre… Vas-y !… Vas-y, j’te dis !…

Et… Epinglées sur les murs, des culottes… Des strings et des culottes… Une vingtaine… Surmontées chacune d’une photo et d’une petite fiche de bristol… La mienne était tout au bout : Mélanie, 19 ans, étudiante, pucelle… 4 sur 20… Seins quelconques… Fesses plates… Ne se rase pas la chatte… Très peu de dispositions… Aucune initiative… Progrès très improbables… Affaire classée…








E N S T A G E



Ce stage en entreprise - pour mon BTS - j’avais eu la chance de pouvoir l’obtenir chez une disquaire… Royal… Une patronne cool qui filait je sais pas où tous les après-midi en me laissant le magasin… De la musique - celle que j’aimais - toute la journée… Et des filles, des tas de filles, qui entraient, qui tournaient, qui se penchaient, qui s’accroupissaient pour mieux voir les travées du bas… Le rêve…

Il y en avait trois qui passaient tous les jours… On avait fini par sympathiser et par s’offrir notre petit brin de causette quotidien…
- Ca t’ennuie pas au moins?…
M’ennuyer ?… Oh que non !… Non… Au contraire…
- Oui… Parce que qu’est-ce qu’on se fait chier, nous, toutes seules toute une journée !… On sait pas quoi faire… On sait pas où aller… Tandis que là ici… Comment on aime ça discuter avec toi… Si, c’est vrai… T’es vachement sympa…

- Bon, mais dis, maintenant qu’on se connaît, tu peux bien nous laisser en prendre des CD…
- Hein ?!… Ah non… Non… Sûrement pas…
- Oh, tu parles !… Qu’est-ce t’en a à foutre ?!… Ca se verra pas… Et puis c’est pas à toi n’importe comment…
- Ben justement raison de plus !…
- Oh, t’as de ces principes !…

Elles sont revenues à la charge le lendemain…
- Allez, quoi !…
- Non, j’vous dis…
La petite brune en a attrapé un dans un bac…
- Allez, tu me le donnes…
- Non…
- Eh bien viens le reprendre alors !…
Et elle l’a glissé sous son tee shirt… Je l’ai poursuivie, coincée au fond du magasin…
- C’est bon… C’est bon… Le voilà ton truc…
Elle l’a jeté à mes pieds…
- Mais c’est qu’il deviendrait mauvais en plus…

Pendant plus d’une semaine je ne les ai pas revues… Et puis, un mardi, elles sont arrivées avec un grand sac qu’elles se sont mises à remplir, sans rien dire, de tous les CD qui leur tombaient sous la main…
- Qu’est-ce que vous faites ?…
- Ben ça se voit pas ?… On se sert…
- Ah, mais non !… Ah, mais non !…
- Ah, mais si !… Ah, mais si !… Tu vas quand même pas nous chier un tank pour trois CD !…
- Trois ?!… Il y en a au moins cinquante…
Elles n’ont pas répondu… Elles ont voulu filer… Je les ai rattrapées… J’ai agrippé le sac… Je le leur ai arraché…
- On t’aura, espèce de connard !… On t’aura…

Je les avais oubliées quand un matin… La patronne était à la caisse… Je déballais de la marchandise en réserve…
- Il est pas là le jeune ?…
- Il est occupé… Qu’est-ce que vous lui voulez ?…
- Rien… Ca fait rien… On reviendra… Elle a voulu savoir…
- C’est quoi ces filles ?… Tu les connais ?…
- Comme ça… sans plus… C’est des clientes…

Le lendemain aussi…
- Il est toujours pas là ?…
- Non, mais je peux m’occuper de vous, vous savez !…
- C’est quoi ces petites connes, tu peux me dire ?

Et encore…
- Mais enfin qu’est-ce que vous lui voulez ?…
- C’est parce que…
Elles ont fait mine d’hésiter…
- C’est parce que… on peut se servir, prendre tout ce qu’on veut d’habitude quand c’est lui… Il nous fait pas payer…
Elles ont ri…
- Du moment… du moment qu’on veut bien lui faire voir… Baisser notre culotte là-bas dans le coin derrière… Et le laisser toucher…

Il n’y a pas eu d’explication possible… Elle m’a viré sur le champ… Dehors, sur le trottoir, elles m’ont regardé partir en riant…






U N E L E C O N



- Ca a vraiment pas l’air d’aller, toi, dis donc !… T’as des ennuis ?…
- Non… Enfin si… Une histoire de mec… Une de plus… De ce côté-là, je suis vraiment pas vernie, on peut pas dire…
- Je croyais que les mecs t’avais définitivement tiré une croix dessus…
- Pour vivre avec, oui, ça c’est sûr… On m’y reprendra pas… J’ai donné, merci… Et plus souvent qu’à mon tour… Mais c’est pas pour autant que je vais virer à la nonne… J’ai besoin de m’éclater… De prendre mon pied… Comme tout le monde… Eh ben même ça ça m’entraîne dans des histoires pas possibles…
- Qu’est-ce qui s’est passé ?… Raconte…
- Il s’est passé que je voyais de temps en temps un collègue de boulot… On se prenait pas la tête… On s’envoyait en l’air… Point… Là-dessus on était très clairs… Aussi bien l’un que l’autre… Seulement ce que je savais pas c’est que ma chef avait des vues sur lui… Et quelqu’un l’a mise au courant… Je sais pas qui… Depuis elle me mène la vie impossible… Quelque chose de rare… J’en peux plus…
- Quelle drôle d’idée aussi de se rabattre sur ses collègues de travail… Il y en a pas assez ailleurs des types ?…
- Si !… Mais c’est la même galère… Pareil… Ca finit toujours par tout un tas d’embrouilles…
- Parce que tu te cantonnes à ceux d’ici… Et comme on habite une petite ville où tout le monde se connaît à un moment ou à un autre forcément… Moi, j’ai une règle d’or : 300 kilomètres minimum entre eux et moi…
- Et tu les trouves comment ?…
- Internet…
- Alors ça c’est un truc je m’y risquerais pas… Pour tomber sur n’importe quel cinglé…
- Mais non !… Suffit de prendre ses précautions… D’abord ne pas se précipiter… Se donner le temps de le flairer le type… Ensuite ne jamais – en aucun cas – révéler son identité… Et enfin exiger systématiquement une rencontre à l’hôtel… Jamais chez lui… Et si tu tiens vraiment à ne courir aucun risque t’as une solution toute simple : tu donnes rendez-vous à deux types en même temps… Deux qui ne se connaissent pas… Ca élimine les détraqués… Ils se défilent… Ils savent qu’ils n’auront pas les coudées franches… Et deux mecs à la fois en plus ça présente tout un tas d’avantages… Ca crée de l’émulation… Leur petit orgueil de mâle se met en batterie… C’est à celui qui te fera le mieux jouir… T’y trouves ton compte… Et si t’as envie de les utiliser tous les deux en même temps… Pas besoin de te faire un dessin…
- Ah ouais !… Ouais !…
- Allume ton ordi… Tu vas voir…

- Alors ça , là, tu vois, c’est même pas la peine… C’est fantasme et compagnie… Ca va t’amuser des soirées entières pour rien… Ca non plus… Trop de discours… Trop compliqué… Ca sent l’embrouille à plein nez… Et celui-là !… Non, mais regarde ça !… Il se prend vraiment pas pour une merde… Ca peut être amusant à défaut d’autre chose… On lui laisse un mot…
- Et lui, là ?… Il est mignon…
- Oui, mais terrorisé par sa bobonne… Et pas qu’un peu… Laisse tomber… Non, ces deux, là, et l’autre en bas à la rigueur… On va amorcer… On verra bien…

- Alors ?…
- Alors il y a que le prétentieux qu’a répondu pour le moment…
- Faut leur laisser le temps… Qu’est-ce qu’il dit ?…
- Que deux hommes pour moi toute seule je suis bien gourmande… Qu’il préfèrerait que je vienne avec une copine plutôt… Qu’on serait pas déçues… Ah non alors !…
- Ben voyons !… Mais ça m’étonne pas… Eh ben on va y aller… Il va pas être déçu du voyage… Et nous, on va pas s’ennuyer…

Il avait loué une suite dans un luxueux hôtel parisien…
- Histoire de nous en foutre plein la vue…
Nous attendait affalé dans des coussins disposés à même le sol…
- Bonjour, mes petites chattes… Qu’est-ce que vous voulez boire ?…
- Rien… On n’est pas venues pour boire… On est venues pour ce que t’as entre les jambes… - Vous au moins, vous y allez pas par quatre chemins…
- Il y a quelque chose au moins ?.. On s’est pas déplacées pour rien ?…
- Vérifiez si vous voulez…
On s’est pas fait prier…
- Ah oui, dis donc, oui !… T’as vu ça, Marlène ?… Tu sens ?… Il y a ce qu’il faut… Allez, nous fais pas languir, quoi !… Occupe-toi de nous… On en crève d’envie…
Il m’a attirée contre lui… Il s’y prenait pas trop mal… En bon élève appliqué et consciencieux… Sans s’autoriser la moindre fantaisie… Il a soufflé, est retombé…
- A moi maintenant !… A moi !… C’est mon tour…
Il est bravement reparti à l’assaut… En caresses d’abord… En petits baisers éparpillés un peu partout… Il a enfoui la tête entre ses cuisses…
- Oh, c’est trop bon… Viens maintenant, viens !… J’ai trop envie…
Il s’est juché sur les avant-bras et il s’est mis à l’œuvre… Plus lourd… Plus lent… Plus besogneux… Il a ahané, est parvenu à ses fins…
- Qu’est-ce que tu t’y prends bien !… Toi, tu tiens vraiment la route…
Elle lui a mordillé le bout des seins, flatté les couilles…
- Comment ça m’a mise en appétit !… C’est de la folie… Tu vas m’en remettre un coup, hein !?… Allez !… Ben alors ?… Mais tu bandes plus !… Déjà!… Et nous qu’on comptait que t’allais nous faire passer la nuit !… Tu vas bien ressusciter quand même ?… Aide-moi, Marlène, on va le remettre en état… A nous deux on devrait bien y arriver quand même !… Allez, debout !… Relève-toi , grosse feignante !… T’as encore du boulot… Non… Non… Il y a rien à faire… T’as quel âge ?…
- 35…
- Et à 35 ans deux petits coups de rien du tout et tu peux déjà plus !… Franchement t’hallucines quand tu vois ça… Les autres c’est six ou sept fois… Au moins… Même des bien plus âgés que toi… Pourquoi tu nous as fait venir alors si tu peux pas ?… Bon, mais on va pas continuer à perdre notre temps… On sait où on peut trouver ce qu’il nous faut… Il y en a d’autres ils assurent, eux !… Tu viens, Marlène ?… On y va…

Dehors on a éclaté de rire…
- T’as vu comment il était vexé !… Il avait besoin d’une bonne leçon… Il l’a eue… Bon, mais on va aller s’occuper de t’en trouver deux… Pour toi toute seule… Et ça… tu m’en diras des nouvelles…







L E

V A L E T



Le même pas feutré et la porte presque aussitôt rouverte… Il s’incline cérémonieux, impassible, indéchiffrable…
- Madame s’est donc ravisée ?…
Il l’invite à entrer, main ouverte, tendue… Elle avance de quelques pas sur les volutes entrelacées du tapis, s’arrête près du fauteuil de velours rouge, hésite… Il sourit imperturbablement… Les volutes s’entrecroisent et se perdent à l’infini… Rouges… Bleues… Vertes…
- Il faut dire que Madame n’avait pas vraiment le choix…
Au-delà du tapis s’enfuient les lattes vernies du parquet…
- Je suppose qu’il est inutile de rappeler à Madame les conditions de Monsieur ?…
Elle fait signe que non… Non… Non… Inutile…
- Bien…
Il est là sans doute, de l’autre côté, derrière la porte à moulures lambrissées grise…
- Monsieur m’a chargé de mettre moi-même Madame dans la tenue où il souhaite la recevoir…
Le salaud !… Quel salaud !… Il se penche, crâne dégarni, épaules écrasées, saisit le bas de la robe, relève… Elle rabat… Une fois… Deux fois…
- Que Madame se montre donc raisonnable !…
Deux tableaux se font face, dans leurs cadres dorés, représentant l’un - elle lève les bras - un paysage de neige à l’infini et l’autre - il remet les manches à l’endroit, l’étale soigneusement sur le fauteuil, lisse un pli du plat de la main - un bâtiment de ferme avec quelques minuscules silhouettes dans les champs en arrière-plan… Il dégrafe le soutien-gorge… Sur la cheminée une horloge dorée enluminée d’angelots qui voltigent en tendant des couronnes de lauriers à bout de bras… Il pose les mains des deux côtés sur ses hanches… Il les glisse sous l’élastique de la culotte…
- Non !…
D’un brusque bond en arrière elle lui échappe…
- Ce n’est pas vraiment dans l’intérêt de Madame…
Il a l’air sincèrement désolé…
- Que Madame pense à…
Elle renonce… Elle revient… Il la descend… Dans la bibliothèque juste en face les livres à tranches vert empire sont soigneusement alignés… Jusqu’aux chevilles… Elle lève une jambe… l’autre…
- Les chaussures maintenant… Tout… Il a dit tout…

Le couloir est sombre et étroit… Les lattes du plancher collent légèrement sous la plante des pieds… La lumière est brutale soudain, aveuglante…
- C’est cette dame que Monsieur attend…
- Fais entrer, Bastien, fais entrer !…
Il s’efface, s’incline, referme la porte…

Monsieur n’a pas levé les yeux… Il écrit… Il ne lève pas les yeux… Il est jeune… Très… Tellement jeune… Elle tousse… Une immense baie vitrée, le parement d’un balcon, des toits, des murs, un bout d’avenue… Elle tousse… La pièce est immense et claire… Il lève enfin la tête, la regarde… De haut en bas… De bas en haut… Il continue à écrire, ouvre un dossier, le referme…
- J’ai fait le nécessaire… Tout sera rentré dans l’ordre en temps voulu…
Il recule sa chaise…
- A condition… A condition bien entendu que notre contrat soit très scrupuleusement respecté… Evidemment…
Il contourne le bureau…
- D’autant plus scrupuleusement qu’il s’agit d’une somme considérable… J’espère que vous avez conscience de l’effort que cela représente pour moi…
Sa main sous son coude… Fermement…
- Venez vous asseoir… Là… Asseyez-vous !…
Il sonne, s’installe, jambes croisées, face à elle… Il se tait… Ils se taisent…

Silencieuse, la jeune servante dépose le plateau entre eux sur la table basse… Sans un mot… Sans un regard…
- Merci, Jeanne… Vous avez vraiment beaucoup de chance que ce soit Lambert qui ait découvert le pot aux roses… Un autre que lui… Lait ou citron ?… Lambert est un comptable hors pair qui trouve toujours une solution… Quelle que soit la situation… La preuve !… Penchée presque à l’horizontale, une main ramenée sur la poitrine pour empêcher la robe de bailler, Jeanne verse le thé…
- Sans lui - sans moi - vous seriez dans de sacrés beaux draps… Enquête… Scandale… Vous ne vous en releviez pas… Et votre mari…
Jeanne lui tend sa tasse…
- Merci…
Et puis à lui…
- Merci, Jeanne…
Elle se redresse… s’éloigne à pas feutrés…


Ils boivent… A petites gorgées lentes…
- Non, mais franchement - entre nous - qu’est-ce qui a bien pu vous passer par la tête ?… Vous êtes financièrement à l’aise… Votre mari occupe une situation en vue… Vous êtes une femme respectable… Insoupçonnable… On vous confie en toute tranquillité la trésorerie d’une importante association charitable… Et vous vous servez allègrement dans la caisse… Ce n’est pas par nécessité… Alors ?… C’est quoi ?… Le plaisir de jouer avec le feu ?… De tenter le diable ?… De rouler tout le monde dans la farine ?… D’être finalement une autre que celle que tout le monde croit que vous êtes ?…
Par la fenêtre un avion - point brillant - dessine une longue ligne blanche… Il n’insiste pas… Il se lève, se dirige vers les étagères de bois doré contre la cloison… Il lui tourne le dos… La musique s’élance… gonfle…emplit la pièce…
- Liszt…
- Liszt, oui !…
- Il était au programme du conservatoire l’année où…
- Où ?…
- Non… Rien…
Liszt… Jusqu’au bout…

- Venez !…
Une autre pièce… Aussi claire et spacieuse que la première… Il soulève le couvercle du piano… avance le tabouret… l’invite à prendre place…
- Il y a si longtemps… Je sais plus… Je saurai plus…
Elle enfonce une touche… une autre… d’autres… une à une… en pluie… Ses mains se font pressantes, insistantes sur ses épaules… la forcent à s’asseoir… Il ouvre la partition devant elle… Dans ses doigts ce sont exactement les mêmes fourmillements qu’avant… la même envie… le même désir… Une première tentative presque aussitôt abandonnée… Une seconde… Et tout revient d’un coup… Léger… Fluide… Evident… Le même plaisir… Le même bonheur… Ils se sourient… Elle se lève… Il la raccompagne jusqu’à l’entrée du couloir, lui baise la main…
- A demain…
Le valet est là qui l’attend…

- Madame fait déjà beaucoup moins de difficultés on dirait… Madame a bien raison… Ca l’avancerait à quoi ?…
Il la déshabille… Méthodiquement… Consciencieusement…Cela fait partie de ses attributions… Il ne laisse rien paraître de ce qu’il peut éprouver… Il ne s’autorise sans doute pas à éprouver quoi que ce soit…
- Monsieur a trouvé Madame très à son goût… « Tu as vu ce cul, Bastien ?… Et ces nichons !… Jamais tu lui donnerais 50 ans !… Jamais… Ah non, je regrette pas… Elle me coûte cher… très cher… mais je regrette pas… »…
Il dépose la culotte bien à plat sur le tas des vêtements…
- Mais, si je peux me permettre de donner un conseil à Madame…
Il la fait passer devant lui dans le couloir…
- Monsieur est maître du jeu… Il peut faire venir Madame aussi longtemps qu’il lui plaira… Et il la fera venir aussi longtemps qu’il n’en aura pas eu pour son argent… Alors… si Madame ne veut pas que cette situation s’éternise Madame devrait se résoudre à montrer davantage à Monsieur… Le plus possible… avec Monsieur Madame est beaucoup trop pudique… beaucoup trop refermée…

- Vous ne m’avez toujours pas dit…
Jeanne leur sert le thé… Avec les mêmes gestes immuables… Jeanne lui tend sa tasse en la fixant d’un regard qui ne la voit pas… Jeanne s’éloigne…
- Oui… Vous ne m’avez toujours pas dit ce qui vous avait poussée à détourner des sommes aussi considérables…
- Oh, vous avez vu juste… L’ennui… Parce que ma vie… On me jalouse : j’ai tout pour être heureuse… Si on savait !… Et je n’ai même pas la ressource d’incriminer qui que ce soit : tout est ma faute… Quand on renonce à ses rêves…
- Le piano ?…
- Le piano, oui !…
- Mais vous avez fait quoi de tout cet argent ?… Vous n’en aviez pas besoin…
- J’ai… J’ai aidé quelqu’un… J’aide quelqu’un… Qui les vit ses rêves… Qui n’existe que pour eux… Qu’à travers eux… Qui les réalisera ses rêves… J’en suis sûre… Grâce à moi… Quoi qu’ils doivent me coûter… Il faut qu’ils me coûtent… Le plus possible… Il faut… Pour qu’il les réalise…

- On passe à côté ?…
Au piano… Elle s’assied… Elle joue… Plus rien d’autre ne compte… Plus rien d’autre n’a d’importance… Elle joue… Il tourne les pages au fur et à mesure… Elle joue… Elle joue enfin… Elle joue encore… Encore… Encore… Elle est heureuse… Elle s’arrête… Une salve d’applaudissements éclate derrière elle… Il la fait lever, se tourner, saluer… Bastien… Jeanne… Le chauffeur en livrée… La cuisinière… Le jardinier… Elle salue…

- Monsieur a demandé que demain Madame se présente avec la chatte rasée…
Il lui tend un à un ses vêtements…
- Que Madame n’oublie pas… Monsieur y tient beaucoup…
Il lui ouvre la porte sur le palier, s’incline…

- Ca va très bien à Madame… Vraiment très bien… Monsieur sera content… Il va beaucoup apprécier…
Il la précède dans le couloir…
- Entrez… Monsieur sera un peu en retard aujourd’hui… Venez…
Jusqu’au milieu de la pièce… Il la fait s’agenouiller, se prosterner front contre sol, la croupe en l’air… C’est comme ça que Monsieur veut découvrir Madame tout à l’heure… Il s’éloigne…
- J’avais prévenu Madame… Madame n’a pas assez montré…

Elle attend… Elle ne bouge pas… Son corps s’engourdit… Elle a des crampes dans les bras, dans les cuisses… Elle ne bouge pas… Longtemps… la porte… Une odeur de tabac… On l’attrape par les cheveux… On l’oblige à relever la tête…
- Fais-toi voir, toi !… Ouais !… D’habitude il les préfère nettement plus jeunes… Et moins bien en chair… De toute façon je le comprendrai jamais… Je suis sa mère, mais je le comprends pas… Parce qu’il est beau garçon on peut pas dire le contraire… Il est jeune… Il pourrait avoir toutes les filles qu’il veut… Eh ben non… il y a que les putes qui l’intéressent… Des sommes colossales il passe là-dedans… Tant mieux pour toi, remarque !… Il faut bien que tout le monde gagne sa vie… Même si… ça doit pas être drôle tous les jours pour vous parce qu’il est vraiment tordu… c’est rien de le dire… Non, mais ces idées qu’il peut avoir des fois !… Si tu savais !… Un jour il avait quoi ?… Tout juste 15 ans et… Tiens, le voilà justement… Je te le laisse…

Jeanne… Le thé… Comme d’habitude…
- Et c’est quoi ces rêves que vous tenez tant à le voir réaliser ?…
- Ce sont les siens et je n’ai pas le droit de…
- Vous êtes sûre qu’ils tiennent vraiment la route au moins ?…
- Je ne sais pas… C’est un domaine que je ne connais pas… Mais ce n’est pas ça l’essentiel… L’essentiel c’est que ses rêves le portent… C’est qu’ils soient sa raison de vivre… C’est que rien d’autre ne compte pour lui…
- Et vous êtes sûre qu’ils nécessitent des sommes aussi considérables ?… Qu’il ne les utilise pas pour autre chose ?… Pour faire la fête avec ses copains par exemple ?…
Elle le regarde droit dans les yeux…
- Je suis prête à en prendre le risque…
Il sourit…
- Il baise bien au moins ?…

Il la déshabille… Toujours selon le même rituel dont il ne s’écarte pas d’un iota…
- Par ici !… Si Madame veut bien se donner la peine…
Par l’autre porte… Une autre plus loin…
- Aujourd’hui Monsieur reçoit et Monsieur a décidé que Madame ferait le service…
Un escalier qui descend à l’office… Jeanne… Jeanne qui la laisse faire… Jeanne qui lui montre…
- Là tu as le plateau… là les tasses… là les cuillers… N’oublie pas le lait… Ni le citron… Et ébouillante bien la théière… Sinon… Là… C’est bon… Tu peux y aller… C’est par là… Attention !… Oh là là… T’as vraiment pas l’habitude, dis donc !…

Deux couples… Très jeunes… De son âge… Et lui… Elle les sert… L’un après l’autre… Ils poursuivent leur conversation… Comme si de rien n’était… Elle est transparente… Ils ne la voient pas…
- Merci, Bénédicte !… Tenez, allez donc servir une collation au personnel… Il l’a bien méritée…

Ils sont tous réunis autour de la table de l’office… Ils l’attendent… Bastien… Jeanne… Le chauffeur… Le jardinier… La cuisinière… Le chauffeur a pris Jeanne sur ses genoux… Il essaie d’introduire dans son corsage une main qu’elle repousse en gloussant… Elle refait les mêmes gestes que tout à l’heure… Assis à califourchon sur le banc, le jardinier lui pince les fesses chaque fois qu’elle passe à sa portée…
- Comment tu dois être bonne, toi !… Non, mais comment tu dois être bonne !…
Elle ne dit rien… Elle ne proteste pas… Elle les sert…

- Voilà…
Elle vient de renfiler sa robe…
- C’est fini… C’était la dernière fois… Monsieur estime que Madame a épongé sa dette… A titre personnel - et si Madame le permet - je dois dire à Madame que je vais infiniment le regretter…
Il lui ouvre la porte… Il s’incline…

Elle sonne… Les pas sur le tapis se font attendre… surgissent enfin, familiers, rassurants…
- Madame ?… Madame désire ?…
Elle ne répond pas… Il reste impassible…
- Mais c’est que Madame aurait pris goût à la chose ?… Je comprends Madame… Je vais voir si Monsieur peut recevoir Madame…
Elle fixe les volutes du tapis… Il revient…
- Si Madame veut bien se tourner…
Et, d’un geste précis et sûr, il descend la fermeture éclair de la robe jusqu’au bas du dos…

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