R E G A R D S
C R O I S E S
Les Duval avaient beaucoup insisté…
- Mais si, viens avec nous !...C’est fabuleux la Bretagne… Et puis tu vas voir ce petit camping qu’on a découvert… Mais si, allez, viens!... Ce sera sympa…
C’était sympa… On ne parlait pas boulot… On prenait le temps de vivre : apéritifs interminables devant la tente, ventrées gigantesques d’huîtres et de moules, après-midi de plage ensoleillée…
Leur nièce Morgane les avait suivis… C’était une petite brunette de 20 ans aux yeux de feu qui examinait tout et tout le monde avec beaucoup d’attention, parlait peu et s’absorbait des heures entières dans ses lectures…
J’aimais me lever tôt quand tout dormait encore, que le soleil n’était pas trop haut, la chaleur pas trop étouffante… Avant de partir seul pour une longue promenade en front de mer j’allais prendre une douche rapide… Dans toutes les parois qui séparaient les cabines de petits trous circulaires avaient été amoureusement et soigneusement percés, à bonne hauteur - sans doute par un voyeur impénitent - et le soir, au retour de la plage, j’en profitais, quand la chance me souriait, pour contempler avec ravissement les charmes de mes voisines de hasard… Mais le matin, à cette heure-là, il n’y avait généralement personne…
Sauf que ce matin-là… Un trottinement sur le ciment… Qui s’est arrêté… Quelqu’un est entré à côté… La porte métallique s’est refermée avec fracas… Un raclement de gorge… féminin !... Une aubaine… J’ai continué à me doucher tranquillement pour laisser à l’inconnue le temps de se déshabiller, de se mettre en place… Et je me suis penché d’un coup, l’œil brusquement rivé à l’orifice, pour me trouver nez à nez - si on peut dire - avec un autre œil en gros plan, vert , tout irisé de reflets dorés, un autre œil à la pupille dilatée qui s’est aussitôt évanoui…
Le silence de part et d’autre de la cloison… Un silence plein, compact, immobile qui s’est éternisé, figé dans l’attente… l’attente d’on ne savait trop quoi… De toute façon tant que je serais là elle ne se doucherait pas… Elle ne sortirait pas non plus… Alors je me suis décidé… J’ai quitté la cabine, puis le bloc sanitaire en traînant des pieds pour revenir aussitôt m’asseoir silencieusement sur le banc juste en face, déterminé à attendre le temps qu’il faudrait pour mettre un visage sur cet œil furtivement entraperçu…
A l’intérieur elle s’était rassurée… L’eau a longuement coulé… Elle s’est lavée, rhabillée… Elle est sortie… C’était Morgane !… Morgane qui a poussé un petit cri d’épouvante en m’apercevant… qui a esquissé un mouvement de repli précipité vers la cabine… qui a renoncé… A quoi bon ?... Trop tard… Je l’avais vue…
Ecarlate, elle est passée devant moi sans un mot, sans un regard… Et elle a fui… fui vers nos tentes là-bas… tête baissée… aussi vite qu’elle pouvait… Elle s’en est arrêtée à quelques mètres, m’a attendu sans se retourner… Quand je suis arrivé à sa hauteur elle a interrogé d’une voix blanche
- Tu vas le dire ?...
Le regard implorant…
- Je sais pas… Ca dépend… Oui, ça dépend… Je vais faire un tour… Tu viens avec moi ?... On décidera…
On a marché côte à côte, sans un mot, jusqu’à la mer qu’on a longuement contemplée…
- Tu fais ça souvent ?…
- Oh non, non !… C’est la première fois…
J’ai éclaté de rire…
- Forcément !… C’est la première fois… Tu vas pas dire le contraire…
Elle m’a jeté un bref regard, s’est absorbée dans l’observation attentive d’un voilier qui dérivait lentement là-bas…
- Tu caches bien ton jeu, hein, finalement !… A te voir comme ça on te donnerait le bon Dieu sans confession… Et dès que l’occasion se présente tu vas examiner l’anatomie des messieurs… Oh, mais fais pas cette tête-là !… Ca t’intéresse… Et alors ?!… C’est parfaitement normal… C’est le contraire qui le serait pas…
Deux mouettes furieuses nous ont survolés en hurlant…
- Mais dis-moi un truc… là… entre nous… Tu savais que c’était moi dans la cabine à côté ou bien c’était le hasard…
Elle a longuement joué avec ses mains, m’a regardé droit dans les yeux…
- De toute façon tu me croiras pas…
On est descendus sur la plage et on a longé la mer de tout près… Les vagues nous ont léché les pieds…
- Tu sais ce qu’on va faire ?… Demain matin on retournera là-bas… Et je te regarderai de la cabine d’à côté… Sinon je raconte tout…
- Tu diras rien… Tu serais aussi emmerdé que moi… Toi aussi t’as voulu voir…
Au retour les Duval étaient levés…
- Ben alors ?!… Où vous étiez passés ?… Oh, ils ont ramené les croissants… Vous êtes des amours…
Le lendemain matin, là-bas, j’ai attendu… Longtemps… Elle ne viendrait pas… Non, elle ne viendrait plus… J’allais renoncer quand… des pas enfin !… La porte juste à côté… Les frôlements soyeux des vêtements qu’on quitte… Et, à travers le petit orifice circulaire, elle est apparue plein cadre, de profil, du haut des cuisses aux hanches… L’eau a ruisselé… Tout en se savonnant elle a lentement… très lentement… progressivement… pivoté sur elle-même pour finalement m’abandonner complètement deux amours de petites fesses tendues et bombées à souhait… Longuement… Un brusque demi-tour sur elle-même… Quelques heureuses et brèves secondes pour me repaître avec bonheur de la fine toison en treillis sur le fendu délicieusement ciselé… Et elle a disparu… Le râpement de la serviette de bains sur la peau… C’était fini… A nouveau les vêtements… Je suis sorti… Elle aussi… Presque aussitôt…
- Bonjour !…
Ce n’était pas Morgane, mais la fille d’une grande tente bleue à l’autre bout du camping là-bas…
A midi on a gratté les moules tous les deux devant la tente… On était seuls : les Duval étaient partis chercher de la glace…
- Tu n’es pas venue ce matin…
- Non… Je me suis pas réveillée…
- Ce qui veut dire que si tu t’étais réveillée tu serais venue ?!…
- J’ai pas dit ça…
- Tu veux pas que je te voie, hein, c’est ça ?!…
Elle a haussé les épaules…
- Oh, j’m’en fous de ça !…
- Mais c’est pas ça qui t’intéresse… Ce qui t’intéresse c’est…
- De toute façon c’est parfaitement normal, c’est toi qui l’as dit…
- Je l’ai dit, oui !…
- Non, c’est vrai, pourquoi vous, vous pourriez avoir envie de nous voir sans arrêt toutes nues et que nous on aurait pas le droit ?…
On s’est tus… Des gamins sont passés en courant dans l’allée… Elle a chassé une guêpe, avec agacement, du revers de la main…
- N’importe comment ça servirait à rien que je fasse semblant avec toi maintenant puisque de toute façon tu sais…
- Et ça t’ennuie que je sache ?…
Elle s’est penchée un peu plus bas encore sur la bassine…
- Oui… Oui et non… Personne savait jusque là… Mais d’un autre côté toi aussi tu fais pareil… Et ça peut être bien quand même que quelqu’un sache des fois… Même que ce soit un homme… Tu te sens moins toute seule…
- T’en as jamais parlé avec tes copines ?…
- Oui, oh ben alors là !… Pour quoi je passerais !…
- Et pourtant tu paries qu’elles font la même chose ?…
- Non… Mais elles en crèvent d’envie…
- Tu viens ?… Je vais te montrer quelque chose…
- C’est quoi ?…
- Viens !… Tu verras bien…
Et on a abandonné les Duval sur la plage dans la touffeur de l’après-midi…
- Où ils vont encore courir ces deux-là ?…
- On rentre… On a trop chaud…
J’ai pris la route de la corniche… Elle n’a plus rien demandé… plus rien dit… J’ai garé la voiture dans un petit chemin ombragé et on a attaqué le sentier à pied…
- T’as pas vu là?… Zone militaire. Entrée interdite…
- T’occupe pas !… Viens !…
Tout au bout on s’est arrêtés, on s’est allongés côte à côte à plat ventre dans les ajoncs…
- Eh ben ?!… Qu’est-ce qu’il y a à voir ?…
- Attends !… Attends !… Ca va venir !…
A peine dix minutes et les premiers sont apparus en course échevelée vers la mer. Nus. Tout nus… Suivis d’une dizaine d’autres… D’autres… D’autres encore… Je lui ai tendu les jumelles… Elle les a prises sans un mot, sans détourner la tête…
- Dis… S’il te plaît… Ca t’ennuierait de me laisser toute seule ?… Je te rejoindrai après… A la voiture…
Après… Longtemps après… Deux heures après…
Au retour dans les douches c’était l’affluence… On a sagement attendu notre tour, sur le banc, aux côtés d’un jeune homme qui lui coulait timidement par en dessous des regards enflammés… Trois cabines se sont presque simultanément libérées et elle s’est emparée, d’autorité, de celle du milieu… Je l’ai regardée regarder par l’autre trou, de l’autre côté, en face… La chevelure en pluie… La nuque… Le haut du dos dénudé… Longtemps… Et puis elle s’est redressée et elle est venue vers moi… Œil contre œil aussitôt… Comme la première fois… Œil dans l’œil… Mais elle ne s’est pas retirée… J’ai cédé… Je me suis relevé… Et je me suis douché tourné vers elle…
On est remontés lentement ensemble vers les tentes…
- Il s’est fait couler, lui, à côté !…
Sur un ton de tranquille constatation…
- Et sûrement en pensant à toi… Vu la façon dont il te regardait…
- En tout cas toi, même que tu croies le contraire, c’était la première fois que je te voyais… Si, c’est vrai, hein !…
Elle a marqué une pause…
- J’aime bien quand vous vous déshabillez complètement le bout comme ça… Tu peux pas savoir ce que ça me fait…
Elle s’est arrêtée pour rattacher la lanière de sa sandale…
- Je te choque ?…
- Ce qui me choque, c’est que tu regardes… tu regardes… mais tu montres pas beaucoup…
- Ca viendra…
- Quand ?… C’est après-demain qu’on rentre…
- C’est vrai… Déjà… Et merde !… Juste quand ça commençait à devenir intéressant…
- Tu m’y remmènes?…
- Où ça ?…
- Ben… à la plage des soldats, tiens !…
Elle a fixé la route droit devant elle…
- Ca me déprime qu’on s’en aille…
- Tu vas retrouver tes copines… ton petit ami…
- Oh lui !… La seule chose qu’il a de bien, c’est quand ses potes viennent dormir chez lui… Il a pas de porte à sa salle de bains… Et c’est juste en face du lit… Jérémie… tu verrais ça ce truc qu’il a!… T’arrives même pas à croire que ça existe… Mais c’est pas ça que je préfère en fait… C’est quand ils savent pas qu’on les regarde les types… Qu’ils se croient tout seuls… J’ai éteint le moteur…
- Je t’attends là, je suppose… Comme hier…
- Oui… Oui… Je préfère… Elles sont où les jumelles ?…
- Dans le coffre…
- Je te prends ton appareil photo aussi… J’y ferai gaffe…. J’te promets…
La dernière soirée on l’a interminablement prolongée au-dehors devant les tentes… Il faisait exceptionnellement chaud et elle n’était vêtue que d’un grand tee shirt blanc qui lui arrivait à mi-cuisses… Quand la nuit a commencé à tomber les Duval ont regagné leur lit… Nous, on a continué à chuchoter, plus d’une heure durant, face à face, dans la pénombre…
- On s’entend bien quand même !… Et puis tu comprends tout… Dommage qu’on se reverra plus…
- Bien sûr que si !… Si on veut…
- Oui, oh !… On dit toujours ça en vacances… Et puis après quand on est rentrés…
Les lampadaires du camping se sont éteints… La nuit s’est faite intense brusquement…
- Allons nous coucher, tiens !…
- Et dire que je t’aurai même pas vue toute nue…
- J’enlève mon tee shirt si tu veux… J’ai rien en dessous…
Elle l’a fait, en doux frôlement soyeux…
- Tu vois ?…
Et elle a ri tout bas, de bon cœur… De la main, à tâtons, dans l’obscurité tout autour je me suis mis en quête de ma lampe de poche… Du bout du faisceau lumineux, dense et concentré, j’ai cherché ses pieds dans l’herbe… Ils n’y étaient pas : elle les avait relevés sur la chaise… Alors je suis lentement… très lentement remonté… J’ai trouvé les orteils… minutieusement détaillés… J’ai suivi la courbe du mollet, j’ai dessiné le genou, à petites touches rapides de lumière… Je me suis amoureusement attardé tout au long de la cuisse, encore et encore parcourue et reparcourue…Elle ne bougeait pas… Elle ne parlait pas… J’ai hésité et puis j’ai finalement pris la direction de la hanche, suivi les côtes, bifurqué vers le bras longé jusqu’à l’épaule, jusqu’au cou… Une lente, très lente descente mille et mille fois reprise… Les premiers contreforts du sein approché avec hésitation et puis franchement, délibérément enrobé et conquis… Tout ferme… Tout rond… Si émouvant… Je m’y suis installé… J’en ai doucement agacé et mordillé la pointe à petits suçons de lumière… L’autre… Et puis la pente du ventre jusqu’à la lisière de la toison où j’ai longuement séjourné… J’y ai pénétré… Je m’y suis enfoui avec volupté… L’encoche enfin jalousement refermée sur ses secrets… Lissée sur toute sa longueur avec obstination… Avec insistance… Avec délectation… Elle s’est imperceptiblement entrouverte… Alors j’ai éclairé mon désir dressé… ma main sur lui à la recherche de mon plaisir… Et je suis revenu aussitôt entre ses jambes… Elle… Moi… Elle… Moi… En un vertigineux va-et-vient… Elle s’est plus franchement… plus généreusement ouverte… écartée du bout des doigts… Ca a surgi sous son regard…
II
Elle a appelé trois jours plus tard…
- Salut !… C’est moi… Morgane… Dis-moi un truc : il y a un pont pour le 15 août… Tu fais quelque chose de spécial ?… Non ?… Si on retournait là-bas alors ?… Tous les deux… Mais tu dis rien à personne, hein !… Ca les regarde pas… Alors ?… C’est oui ?… Super !… Tu passeras me chercher ?… Je serai prête…
Elle était prête…
- Mais on a bien deux minutes… Je les ai reçues les photos de la plage aux soldats… Tu veux les voir ?…
Elle leur avait consacré tout un album… D’abord une multitude de vues d’ensemble prises à des moments différents, sous des angles toujours différents… Et puis une vingtaine d’entre eux, en gros plan, saisis au moment où ils étaient innocemment tournés vers l’objectif…
- Il est super ton zoom…
Et enfin un grand brun des dizaines et des dizaines de fois répété, à satiété…
- Tu crois qu’il y sera encore, lui ?… Oui… Sûrement… On les change pas comme ça n’importe comment…
- T’as pris une tente ?… Non ?… Comment on va faire alors ?…
- Il y a des hôtels…
- Oui, mais on couche pas, hein !… Ca gâcherait tout… C’est vraiment trop bien comme c’est maintenant entre nous… Tu m’as donné le droit… Si, c’est vrai !… Parce qu’avant comment j’avais honte !… Je me disais que j’étais pas normale… complètement cinglée… Comment ça pouvait me prendre la tête d’être comme ça !…
Elle a voulu qu’on y aille aussitôt en arrivant…
- Il est même pas six heures… Il y en aura encore…
Une petite demi-heure et puis elle est revenue, le feu aux joues, les yeux brillants d’excitation…
- Il y en avait encore… Pas beaucoup, mais il y en avait encore… Et c’était bien… Beaucoup mieux que les autres fois… Tu verras sur les photos…
A côté de moi, dans le lit, elle feuilletait négligemment une revue…
- Je te demanderais bien quelque chose…
- Quoi donc ?…
- Tu voudrais pas me laisser regarder ?…
J’ai repoussé draps et couverture, retiré mon pyjama… Elle s’est accoudée, tout près, la joue dans la paume de la main… Je pouvais sentir son souffle sur moi, léger et chaud…
- Comment j’aime ça !… Des heures j’y passerais…
Elle s’est longuement absorbée dans sa contemplation…
- Il y en a pas deux pareilles si on étudie bien… Vous êtes tous différents…
Elle s’est légèrement redressée, a cherché mon regard…
- Tu sais ce qui serait bien ?… C’est que nous, les filles, on ait le droit de vous regarder comme on voudrait… quand on voudrait… Tous… Il suffirait qu’on vous demande et vous auriez pas le droit de refuser… Ou bien encore qu’il y ait un jour dans la semaine où vous seriez obligés de vous promener complètement tout nus… Partout… Oui, mais bon… Faut pas rêver…
Elle est retournée en bas…
- Ca te fait de l’effet en tout cas que je te regarde… Elle arrête pas d’être toute droite…
Elle a passé la main dessous, y a promené ses doigts, à petites touches légères…
- Tu voudrais pas te le faire ?…
Elle ne l’a pas quittée des yeux… Jusqu’à la fin…
Derrière les rideaux tirés on devinait que le soleil était déjà haut, la matinée largement entamée… Elle avait repoussé les draps et dormait paisiblement, couchée sur le ventre, tournée de trois-quarts vers moi… Avec d’infinies précautions, centimètre par centimètre de peau, j’ai remonté son éternel tee shirt, sur les fesses, jusqu’au-dessus des reins… Elle a marmonné quelque chose et lancé une jambe au large vers l’extérieur du lit… Replis rosés, dentelés, merveilleusement ciselés… Longtemps… Un aspirateur a mugi dans le couloir… Un soupir… Un bâillement… Elle a ouvert les yeux, tourné la tête vers moi…
- T’es réveillée ?…
- Oh, il y a un moment… Bien avant toi… Et elle a ramené les draps sur elle…
On a flâné sans but sur le port, longé la plage et, à midi, on a déjeuné dans un immense restaurant à baies vitrées en bord de mer…
- Tu sais que je l’ai largué mon copain ?…
- Ah oui ?!…
- C’est de ta faute aussi…
- De ma faute ?… Allons bon !…
- Ben oui… Oui… C’est quelqu’un comme toi que je voudrais trouver, mais de mon âge… Quelqu’un qui comprend tout… Que tu sois pas obligée de cacher sans arrêt ce que tu penses et ce que t’as envie… Mais des comme ça ça court pas les rues… Comment on les gêne finalement les mecs dès qu’on veut vraiment exister …
Elle a claqué la portière, s’est recroquevillée sur le siège…
- T’en fais une tête !… Qu’est-ce qui se passe ?…
- Il y avait personne… Ils sont pas venus…
- Ils sont peut-être en manœuvres…
- C’est gai!… Tu te tapes 500 km exprès et quand t’arrives…
- Ils étaient là hier… Ils seront là demain…
- Oui… Oh, ça !… Je m’en fous n’importe comment !… Allez, roule !…
- Eteins !… Eteins et viens voir…
Elle s’est approchée, penchée par-dessus mon épaule…
- C’est quoi que tu regardes ?…
- Là… En bas… Juste en dessous…
Un couple… Jeune… Une trentaine d’années… Elle, elle fumait une cigarette assise au bord du lit… Lui arpentait la chambre de long en large, complètement nu, en lui parlant… Elle a fini par se lever, par se déshabiller, de dos, ses vêtements soigneusement étalés sur le fauteuil devant elle… Elle s’est retournée… Il est venu vers elle, l’a enlacée… Morgane s’est appuyée résolument contre moi… Ils se sont passionnément embrassés…
- Ils vont le faire… Je suis sûre qu’ils vont le faire…
Ses seins vivaient, à rythme doux, dans mon dos… Il s’est brusquement détaché d’elle, est venu vers la fenêtre, a tiré les rideaux…
- Et merde !… Merde !… Quand ça veut pas ça veut pas… Il y a des jours comme ça…
Et elle a rallumé…
- Tu dors ?…
- Non !…
- Tu sais ce que j’aimerais un jour ?… C’est voir deux hommes le faire ensemble… Mais pas des homos… Non… Deux qui l’auraient jamais fait… Ce serait la première fois… Alors ça ce serait un truc !… Seulement pour en trouver !… Toutes les histoires qu’ils te font avec ça !… Parce que pour nous prendre derrière, nous, ils sont toujours d’accord… Mais qu’on leur fasse la même chose à eux alors là c’est plus la même… Ils savent pas ce qu’ils perdent d’ailleurs !… C’est vraiment trop bon…
Elle est restée un long moment silencieuse… Une moto est passée dans la rue, poussée à plein régime…
- Et toi ?…
- Quoi, moi ?…
- Ben… On te l’a déjà fait ?…
- Non !…
- Et t’aimerais pas ?…
- Je sais pas… Peut-être… Ca dépend…
- Ca dépend de quoi ?…
- De qui le ferait… Et comment…
Je me rasais dans la salle de bains… Elle a dit quelque chose du lit là-bas…
- Quoi ?!… J’entends pas…
Elle a encore parlé… Plus longuement…
- Qu’est-ce tu dis ?…
Je me suis avancé jusqu’à l’entrée de la chambre… Et… j’ai failli bousculer la jeune serveuse qui apportait le petit déjeuner… Elle a fait un écart, m’a jeté un regard stupéfait, a rétabli en catastrophe l’équilibre compromis du plateau qu’elle a précipitamment abandonné sur le bord du lit avant de s’enfuir, écarlate… A peine la porte refermée Morgane a éclaté de rire…
- C’était trop !… Sa tête !… T’as vu sa tête ?!… Et toi qui bandais en plus !… Et pas qu’un peu…
L’après-midi elle a voulu aller à la plage…
- Ca se fait quand même des fois au bord de la mer… Surtout que… On rentre quand ?…
- Demain matin…
- Déjà ?…
- Eh oui… J’ai un métier, moi !…
- On reviendra ?…
- Il y a plus de ponts avant… novembre…
- Oui, ben on se verra là-haut alors !… Je te lâche plus, moi, maintenant… Non, parce qu’avec toi je baigne tout le temps complètement dedans… Tandis que toute seule… il y a des moments, oui !… Et vachement forts… Mais c’est que des moments…
- T’as vu l’heure ?…
- Oui… et alors ?…
- Si tu veux aller là-bas…
- Ils y seront pas n’importe comment… Oh, et puis j’ai pas envie… J’en ai fait le tour d’eux…
On s’était installés à une terrasse de café dans la nuit tombante… Autour de nous les gens allaient, venaient, en flot ininterrompu…
- Tu crois que j’en trouverai vraiment un un jour ?…
- Un quoi ?… - Ben un type, tiens !… Avec qui me promener main dans la main comme les deux là… Qu’ont l’air hyper amoureux à les voir comme ça… Mais va savoir !… Tu paries qu’elle passe sa vie à faire des concessions ?… Sur tout… Juste pour le garder… Pour pas être toute seule… De plus en plus de concessions… Parce que une fois que t’as commencé tu t’arrêtes plus… Il arrive à te faire faire tout ce qu’il veut l’autre… Il a même pas besoin de demander… Tu le fais toute seule comme une grande… Je le sais, j’ai donné…
Elle a suivi un autre couple des yeux, haussé les épaules…
- De toute façon…
Dans la chambre elle a encore voulu… Comme le premier soir…
- Mais ça t’ennuierait si je te bandais les yeux ?… Que tu me voies pas en train de te voir… J’aimerais mieux…
Elle n’a pas attendu la réponse…
- Là… Ca te serre pas trop ?… Non ?… Et elle est descendue…
Le silence nous a tout entiers enveloppés… Elle était tout près… Si près… De longues minutes… Et puis elle a posé sa joue dessus… Elle a respiré plus fort… plus vite… Il y a eu des chuintements, des clapotis… Elle a haleté… Et s’est décidée d’un coup : elle a passé une main entre mes fesses, a cherché… fouillé… écarté… introduit un doigt enduit de mouille… un autre… les a enfoncés… laissés… bougés… Il y a eu mon plaisir… Et puis le sien… Elle a déposé un baiser tout au bout, retiré le bandeau…
- Tu vois bien que tu aimes !…
Elle est venue se blottir dans mes bras…
- Mais c’est encore mille fois mieux avec une queue… Et elle s’est endormie…
L E
B O O K
J’avais quoi?... Trente ans... Oui… A peu près… Même pas… Et j’étais adjoint au rédacteur en chef d’une revue qui se prétendait artistique… Qui n’a pas duré longtemps d’ailleurs comme tout ce qui veut avoir l’air et qui l’a pas… Je me voyais arrivé, moi, dans mon grand bureau à moquette bleu roi et à secrétaire personnellement affectée. Je me la jouais et je devais être – je m’en rends compte aujourd’hui – particulièrement imbuvable. Avec tout le monde…
Cette fois-là on était à la recherche d’un photographe pour un travail ponctuel extrêmement précis dont j’avais pris la responsabilité… Les candidats ne manquaient pas – j’avais déjà reçu 14 postulants – mais il y avait toujours quelque chose qui clochait, le style ou les exigences ou un climat général… Bref, ça collait pas…
La 15ème c’était une fille – 22, 23 ans pas plus – avec un énorme book – elle en avait plein la bouche de son book – et un petit air supérieur qui m’a tout de suite souverainement déplu… Avant même que j’aie pu dire quoi que ce soit elle m’avait déjà expliqué qu’elle avait tout inventé en photographie… Tout… Ou presque… Avant elle… Ah, très bien… très bien… mais alors, à part son book, elle avait réalisé quoi ?… Elle avait travaillé avec qui ?… Heu… C’est-à-dire… Rien… Personne… Pas encore… Pas vraiment… Mais ça n’avait pas d’importance ça parce que… Ah oui ?!… Elle croyait ?… Et il y avait combien de temps qu’elle le présentait son bouououououk ?… Un an… Un peu plus… Et elle avait encore rien trouvé ?… Et elle se posait pas de questions ?… Oh, mais ils étaient complètement nuls tous ceux qu’elle avait vus… Ils y connaissaient rien… Ils comprenaient rien à ce qu’elle faisait… Elle était une artiste dans l’âme, elle !… Alors le commercial… Pas question qu’elle aille se prostituer là-dedans… Ah non, alors !… C’est pour ça… une revue d’art elle avait pensé… elle était persuadée… Ben on en avait de la chance, nous, alors !… On allait être les premiers à pouvoir révéler son génie… Elle a spontanément approuvé avant de se reprendre, de me considérer avec perplexité… J’étais sérieux ou bien ?…
J’ai feuilleté le fameux book… C’était tout à fait quelconque, besogneux, académique… sans âme, sans personnalité… Une artiste ?… Qui c’est qui lui avait raconté une chose pareille?… Hein ?… Mais personne !…Tout le monde!... Ca se voyait enfin !… Ah bon ?!… Ben pas là en tout cas !… N’importe quel photographe du dimanche était capable de faire aussi bien… mieux… Et plus simplement… Sans se croire obligé de proclamer à chaque cliché : regardez comme je suis douée… Comme j’ai du talent…
Vissée sur sa chaise, le regard dur, farouche, transpirant sous son maquillage, elle commençait tout doucement à se décomposer… Je ne l’ai pas ménagée…
- Ecoute… je sais pas quel est ton cursus… comment t’en es arrivée là… et je m’en fous… je veux pas le savoir… mais je vais te donner un conseil… dans ton intérêt… Va faire autre chose… le plus vite possible… Tu n’as aucun avenir dans la photo… On t’a bernée… ou tu t’es bernée toute seule comme une grande… Bien sûr tu peux toujours t’obstiner… un an… cinq ans… dix ans… tu finiras aigrie derrière un tiroir-caisse de Super Marché… alors le mieux c’est que tu prennes conscience dès maintenant de la réalité… Tu es jeune… Tu peux te retourner… explorer d’autres voies… il est encore temps…
Elle s’était complètement refermée, un bloc compact, inattaquable… Elle n’attendait manifestement plus qu’une chose, c’est que j’en aie fini avec ma morale pour s’enfuir, son book sous le bras… Je n’étais pas pressé… Je continuais à tourner machinalement les pages – toujours la même soupe indigente : elle n’avait décidément aucun talent – Je la gardais sur le gril… plus que quelques pages… elle a esquissé un geste de la main pour m’arrêter, a renoncé avec un soupir… En bouquet… en final… en cerise sur le gâteau… en apothéose… c’ était elle… Elle toute nue… Pile… Face… De près... De loin… Devant… Derrière… Sous toutes les coutures… Elle s’étalait… Tant qu’elle pouvait… J’ai regardé : les seins… la croupe… la foune… J’ai détaillé… J’ai pris tout mon temps… Et puis j’ai éclaté de rire… D’un rire franc, sonore, délibérément offensant…
- Décidément… tu as très bonne opinion de toi-même, hein ?!… Dans tous les domaines… Mais ce qui te manque c’est la lucidité… un minimum de lucidité…
Elle ne m’a pas laissé finir… Elle m’a arraché le book et elle s’est enfuie…
A D I E U X
J’étais à l’hosto… le genre d’accident idiot : à un feu rouge le type était arrivé derrière moi comme une bombe et m’avait propulsée au milieu du carrefour… Trois vertèbres il m’avait bousillées ce con… Résultat : huit jours d’observation et une minerve… Qu’est-ce que je pouvais m’emmerder !… Va lire, toi, quand t’es obligée de garder la tête sans arrêt toute droite… En plus, avec la transpiration, ça arrêtait pas de me gratter là-dessous… Une horreur… Je traînais mes journées comme une âme en peine… A regarder les gens passer en bas… A déambuler dans le hall dans un sens, dans l’autre, jusqu’au plus tard possible quand il y avait plus personne…
Ce soir-là il faisait une chaleur torride… J’étais moite et je n’avais pas la moindre envie de retrouver la touffeur de ma chambre… Toute seule sur un banc, dehors, je me laissais bercer par la rumeur de la ville, en arrière-fond, sans penser à rien… Je ne l’ai pas entendu arriver… - Ca vous ennuie pas que je m’assieds là ?…
Ben non… Non… Il était à tout le monde le banc… C’était un vieux… Au moins soixante ans… Avec des jambes d’une maigreur là-dessous… Et un teint !… On aurait dit qu’il était transparent…
- Faut que je parle à quelqu’un… C’est la dernière fois… Demain je reviendrai pas du bloc… - Oh, mais faut pas dire ça !… Ca se passera très bien vous verrez…
- Non, je reviendrai pas… Ils ont été très francs avec moi… J’ai une chance sur dix de m’en sortir…
- Ben, c’est toujours ça !… Faut vous battre, hein !… Faut pas vous laisser aller…
Il m’a pris le menton dans sa main, m’a tourné la figure vers lui…
- Fais-toi voir !… Tu es belle… Tu es la dernière à qui j’aurai parlé… C’est bien que tu sois belle… C’est mieux… Je suis content…
Hou là là… C’était quoi cette histoire ?…
- Qu’est-ce qu’on raconte à quelqu’un qu’on n’a jamais vu quand on n’a plus que quelques heures à vivre ?… Tu sais pas ?… Evidemment que tu sais pas… Tu peux pas savoir… Moi non plus d’ailleurs !… De toute façon il y a rien à dire… Il n’y a plus rien à dire… C’était avant qu’il fallait parler… Tu sais quoi ?… Comment tu t’appelles ?…
- Julia…
- Tu sais quoi, Julia ?… Eh bien on parle jamais assez… Des choses essentielles je veux dire… Il faudrait pas les garder pour soi… Jamais… Ca te ronge à l’intérieur sinon… Ca te détruit… Tu as un petit ami ?… Non ?… Ca viendra… Tu seras amoureuse… Ou tu croiras l’être… Eh bien si tu veux le garder parle !… Parle !… Parle !… De ce que tu sens… De ce que tu aimes… De ce que tu détestes… De ce qu’on ne dit jamais… N’importe qui – tu sauras ça un jour – n’importe qui peut s’entendre avec n’importe qui… N’importe quel homme avec quelle femme… A condition de parler… De ne jamais laisser s’installer le silence… C’est simple… Tout est simple en fait…Toujours… On complique tout… Comme à plaisir… On oublie de vivre… Qu’est-ce qu’on attend pour vivre ?… D’avoir fait ci, d’avoir fait ça… D’avoir eu ci, d’avoir eu ça… On reporte toujours à après, à plus tard… Comme si après ça devait toujours être mieux pour profiter de la vie… plus approprié au bonheur… C’est toujours maintenant le bonheur si on le veut… C’est toujours à conquérir sur ce qui vient se mettre en travers… Sur ce qui voudrait l’étouffer… Quand on a compris ça on en a compris des choses !… On a presque tout compris en fait… Il y en a pas beaucoup des choses importantes à savoir dans la vie… Elles se comptent sur les doigts d’une main… Est-ce que tu as peur de mourir, Julia ?… Oui… Sûrement… On a toujours peur de mourir à ton âge… On se pourrit la vie avec ça… Et quand le moment est vraiment arrivé, est vraiment là, tu n’as plus peur… Tu te sens tranquille… serein… Tout est dans l’ordre des choses… Ca devait être comme ça… Eh bien c’est comme ça… C’est l’orgueil – encore lui !… - qui gâche la mort, qui la rend insupportable… Parce qu’on veut laisser une image de soi… avoir fait quelque chose de sa vie… marqué son époque… Quelle idiotie !… Quelle prétention !… N’attends rien de toi-même et tu n’auras pas de regrets… Tu partiras tranquille… Plus tu te seras incrustée dans ton présent et plus… Mais tout ça pour toi c’est… Tu as quel âge ?… - 22… - Ca peut pas encore te parler, c’est normal… Plus tard… Un jour…
Il s’est levé…
- Bon… Il est temps…
Je me suis levée aussi… Il m’a fait face, a posé les deux mains sur mes épaules, m’a attirée tout près…
- La dernière… Derniers yeux… Dernier regard… Dernier sourire… S’il te plaît, souris !…
Je l’ai fait…
- Merci…
Il m’a déposé un baiser sur le front…
- Vis !… Sois heureuse !…
Et il est parti… Au moment de disparaître, au détour du couloir, il s’est retourné une dernière fois avec un petit signe de la main…
Le lendemain il n’est pas revenu du bloc…
S T R A T A G E M E
J’avais tout le temps envie de lui… Tout le temps… De son corps… De sa fougue… De sa jeunesse… Dans ses bras j’étais ivre… De plaisir… De jouissance… De bonheur… Comme jamais… Avec personne…
- C’est vrai ?…
Il se rengorgeait : ça flattait son orgueil de petit mâle…
Je ne me faisais pas d’illusions… Ca ne durerait pas… Ca ne pouvait pas durer… J’avais trente ans de plus que lui… Des tas de filles de son âge lui tournaient autour… Il s’en vantait en toute candeur… Alors forcément un jour ou l’autre… Et ce jour-là…
- Tu m’oublieras…
Ca me minait… C’était là sans arrêt, en arrière-fond, entre nous…
- Tu m’aimeras toujours ?…
- Evidemment que je t’aimerai toujours…
Il m’embrassait, me serrait contre lui…
- Je veux que tu me promettes… si jamais ça arrive… si tu en as une autre… je veux que tu me dises… Tout de suite… Je préfère savoir… Tu me promets ?…
- Mais ça n’arrivera pas… Ca n’arrivera jamais…
C’est arrivé le mois suivant…
Il est devenu distant tout d’un coup, absent, préoccupé… Il en pouvait plus… Le boulot… Les examens… Tant de choses…
- Elle s’appelle comment ?…
Il a ouvert de grands yeux stupéfaits…
- Aude… Mais comment tu sais ?… Qui c’est qui t’a dit ?…
Il ne s’est pas fait prier pour la raconter… Une fille exceptionnelle… D’une intelligence… D’une subtilité… Et puis d’une beauté… Tu verrais ça !… J’ai vu… Il m’a apporté des photos le lendemain: une gamine insignifiante sans style, sans personnalité… Et c’est de ça qu’il était tombé amoureux !…
- Elle fait quoi dans la vie ?…
- Elle est serveuse… Dans un grand restaurant…
Je suis allée y déjeuner le lendemain… Mais qu’est-ce qu’il pouvait bien trouver à une petite dinde pareille ?!… Il me parlait d’elle… De plus en plus… Il ne me parlait plus que d’elle… Il ne me faisait plus l’amour… Il n’y pensait pas… Il n’en avait plus envie…
- Et pour nous tu lui as dit à elle?…
- Hein ?!… Oui, ben sûrement pas alors là !…
Je suis retournée là-bas… De plus en plus souvent… Tous les jours… J’échangeais quelques mots avec elle, quelques sourires… Il finirait bien par se passer quelque chose, par se présenter une occasion qui me permettrait de reprendre la main… Et effectivement un mardi : tout un tumulte dans les cuisines… Des éclats de voix… Elle en est sortie au bord des larmes, a déposé l’assiette devant moi en tremblant de tous ses membres…
- Tu finis ton service à quelle heure ?…
- Trois heures…
- Je t’attendrai au bar, au coin de la rue… J’ai quelque chose à te proposer…
- Ils te mènent la vie dure, hein !?…
C’était rien de le dire…
- Et encore quand il y a les clients ils se contiennent… Non, j’en peux plus… J’en peux vraiment plus…
- Ecoute, j’ai un ami restaurateur… Quelqu’un de très bien… Avec qui tu n’aurais pas tous ces problèmes… Alors je te promets rien, mais je vais lui parler de toi…
- Oh, oui, s’il vous plaît, oui… Merci… Merci beaucoup…
Sous prétexte de la tenir au courant des négociations avec cet ami restaurateur…
- Ca avance !… Ca avance !…
je la retrouvais régulièrement dans notre petit bar où je la mettais en confiance, la poussais progressivement aux confidences… Bon, mais alors, entre nous elle avait sûrement un petit ami ?… Oh oui, oui… Ca faisait trois mois… Un type beau, mais beau !… Et tendre… Et câlin… Et tout et tout… Elle était folle de lui… Et lui ?… Lui aussi… Du moins il le disait… Elle le croyait… Mais enfin avec les garçons on pouvait jamais être sûre… Ils étaient tellement menteurs des fois…
- Présente-le moi !… Je te dirai… J’ai un flair pour ça !… Je me trompe jamais…
- Ecoute, Quentin, Aude j’ai fait sa connaissance…
- Ah oui ?!… Où ça ?…
- Au restaurant où elle travaille…
- Je voulais savoir où tu mettais les pieds, être sûre que c’était une fille bien… Et je suis complètement rassurée… Elle tient la route… Tu seras heureux avec elle… Difficile de trouver mieux…
Il m’écoutait ravi…
- Oui, hein ?!…
Il s’est brusquement assombri…
- Mais tu lui as rien dit au moins pour nous ?… Tu diras rien ?…
- Bien sûr que non enfin !… Pour qui tu me prends ?… Je ne suis même pas censée te connaître…
Et on a dîné tous les trois ensemble, un soir, au Châtelet…
Alors ?!… Qu’est-ce que j’en pensais ?… Comment je l’avais trouvé ?… Oh, sympa… Oui… Bien… Bien… Oui ?… Sûr ?… J’avais pas l’air vraiment convaincue… Oh, si, si, mais… Mais quoi ?… Il fallait que je lui dise, c’était pas la peine sinon…
- Mais… Mais c’est un dragueur… le dragueur-né… Qui peut pas s’empêcher… C’est plus fort que lui…
Elle a eu une petite moue dubitative… Ah oui ?… Je croyais ?…
- C’est drôle… Je le vois pas comme ça, moi !… Mais alors là pas du tout !…
Non… Non… Je me trompais… Elle était sûre que je me trompais… Il était si empressé, si amoureux, si tendre… Je le connaissais pas assez bien… Si je le connaissais mieux…
- Tu sais quoi ?… Il m’a téléphoné Quentin…
- Qu’est-ce qu’il voulait ?…
- A ton avis ?…
- Discuter avec vous ?… Comme on se connaît toutes les deux…
- Discuter, oui, mais avec des intentions bien précises…
- Ah, oui ?!…
- Il était vraiment très explicite…
- Je peux pas croire ça…
- Et pourtant…
- C’est complètement fou…
- S’il le fait avec moi il le fait aussi avec d’autres…
- C’est peut-être juste un jeu… Oui, c’est sûrement un jeu…
- Je crois pas, non… Tu me laisses carte blanche ?… Au moins tu sauras à quoi t’en tenir…
- Si vous voulez, oui… Mais il le fera pas… Je suis sûre qu’il le fera pas…
On a passé le week end tous les deux…
- Tu vas pas la voir ?…
- Non… Elle a un mariage…
Et pendant deux jours il m’a parlé d’elle… Avec passion… Avec tendresse… Avec ferveur… Elle… Seulement elle… Toujours elle…
Le lundi, au bar, j’ai posé sans un mot une photo sur la table entre nous… Une photo d’avant elle… On y était enlacés, les yeux dans les yeux, enamourés, heureux…
- Le salaud !… Non, mais quel salaud !… Et avec une vieille en plus !…
- Merci…
- C’est pas ce que je voulais dire…
Et elle a fondu en larmes…
- En tout cas c’est fini… Et bien fini…
- On dit ça… On dit ça, mais…
- Oh, vous me connaissez pas… Quand j’ai décidé quelque chose…
- Il va vouloir des explications… Chercher à t’entortiller… Tu te laisseras avoir…
- Je veux plus lui parler… J’ai rien à lui dire… Il t’appellera…
- Je raccrocherai…
- Il viendra te chercher au boulot…
- Je demanderai à mon père qu’il vienne me chercher… Et vous connaissez pas mon père…
Il a surgi chez moi, la mine défaite, les épaules secouées de sanglots…
- Qu’est-ce qui se passe ?… Qu’est-ce qui t’arrive ?… Eh bien réponds !…
Il s’est écroulé sur le lit…
- C’est Aude… Elle m’a plaqué…
- Hein ?… Mais pourquoi ?… Qu’est-ce qui s’est passé ?… Vous vous êtes disputés ?…
- Non… Je sais pas pourquoi… Elle veut rien dire…
- Elle a quelqu’un d’autre ?…
- Je crois pas, non…
- Et moi je crois bien que si… Il y en a un là-bas ça fait un moment qu’il lui tourne autour… Et ça avait pas l’air de vraiment lui déplaire…
- Quelle salope !…
Et à nouveau il a été à moi…
H I S T O I R E
D’U N E
B L O G U E U S E
Elle tenait absolument à créer SON blog…
- Mais attends, tout le monde le fait aujourd’hui !… Même des filles bien plus moches que moi… Tiens, écoute !… J’ai préparé un truc… « Je me présente: Séverine, 26 ans, étudiante en Sciences de l’Education… Mes passions ?… La musique… Les chevaux… L’amitié… Et les hommes… Les hommes beaux, intelligents, forts, doux, sensibles, musclés, attentionnés… Les hommes, quoi !… Pourquoi je saute le pas aujourd’hui ?… Parce que je suis complexée depuis toujours par mon physique… Ca me prend la tête… Ca me rend malade… Ca me bouffe la vie… Et j’en ai marre… Alors j’ai décidé de me montrer… De m’exposer… Telle que je suis… Que ça plaise ou non… Que je plaise ou pas… J’m’en fous… C’est un défi ?… Oui… Un défi envers moi-même… »… T’en penses quoi ?…
- Tu vas mettre des photos ?…
Elle a haussé les épaules…
- Evidemment !… Ca existe pas un blog sans photos…
Elle en avait déjà choisi une où on la découvrait, rieuse, enjôleuse, ses mèches brunes en danse folle autour de son visage de madonne, vêtue d’un jean moulant et d’un tee shirt qui épousaient au plus près ses formes généreuses…
Il y a eu aussitôt des commentaires… Nombreux… Une trentaine… Des hommes… Uniquement des hommes… Qui poussaient les hauts cris… Comment ça complexée par son physique ?… Alors là c’était la meilleure !… Mais elle était belle comme un cœur, oui !… Du moins pour ce qu’on en voyait… Parce que fallait bien reconnaître qu’elle montrait pas grand chose… Pas assez en tout cas pour qu’ils puissent se faire une idée suffisamment précise… Oui… Non… Fallait voir…
Ils voulaient voir ?… Bon… Elle allait montrer…
- Ah oui ?!… Quand ?… Quand ?…
Elle les trouvait bien impatients…
- Bientôt…
- Oui, mais quand ?… Hein, quand ?…
- Tu vas vraiment le faire ?…
- Ben bien sûr !… Qu’est-ce que ça peut foutre, tu parles !…
Elle les a tenus en haleine une longue semaine durant et puis elle leur a offert ses seins exposés-dérobés-retenus dans leur écrin de dentelle blanche…
Absolument ravissant… Sublime… Ah oui !… Une pure merveille… Mais elle n’allait pas en rester là au moins ?… Les laisser sur leur faim ?… S’il te plaît… Oh oui, s’il te plaît !… Elle savait pas… Elle verrait… Ca dépendait… De quoi ?… D’eux… Il fallait qu’elle sente qu’ils en avaient vraiment envie… Très envie… Tellement envie…
S’ils en avaient envie ?!… Et comment !… Ils ont enjôlé, supplié, imploré, exigé et finalement convaincu, obtenu : elle est lentement, très lentement, sortie de son jean, photo après photo, jour après jour, s’est dressée face à eux, en petite culotte blanche de rêve, souriante, rayonnante, triomphante… Et comme ça ça leur plaisait ?…
Il y avait pas de mots… Trop adorable… Trop excitant… Trop bandant… Trop tout… Dans quel état tu nous mets !… T’as pas le droit de t’arrêter maintenant… Ce serait trop cruel… Tu vas continuer, hein ?… Tu vas tout montrer ?… Jusqu’au bout ?… Tu promets ?…
Elle n’a pas répondu… Mais elle leur a distillé, au compte-goutte, une dizaine de photos d’elle… En maillot de bains… En sous-vêtements noirs, puis rouges qui laissaient soupçonner, de tout près, sans vraiment le laisser entrevoir, ce qu’ils dissimulaient… En nuisette vaporeuse ras des fesses… Nue, de dos, la taille ceinte d’une serviette-éponge prête à lui échapper…
- 572 commentaires en un mois et demi... T’as vu comment je les tiens ?… C’est de la folie… - Qu’est-ce que tu vas faire ?…
- Ben, continuer, tiens !…
Seulement s’ils voulaient en voir plus il fallait qu’ils montrent eux aussi… Qu’ils lui donnent des preuves… Des preuves qu’elle leur faisait vraiment de l’effet… Des preuves évidentes que ce n’était pas que des mots tous leurs jolis commentaires…
Elle en a eu… Sa boîte mail a regorgé de queues de toutes tailles, de toutes formes, de tous âges, qui se tendaient de désir vers elle, qui explosaient à qui mieux mieux sur ses photos, qui s’y répandaient…
- Ils sont choux, non, tu trouves pas ?…
Et elle les a récompensés d’un minuscule petit string blanc…
Toute nue maintenant !… Allez, toute nue, quoi !… Ca avait assez duré… Ils avaient assez attendu… Toute nue ?!… Là, sur Internet ?… Oui, ben alors là sûrement pas !… Qu’est-ce qu’ils allaient penser ses parents, sa famille, ses amis ?… Elle en avait déjà beaucoup trop fait… Non… Non… Il n’en était pas question…
Hein ?… Mais c’était dégueulasse !… Des semaines qu’ils attendaient ça, qu’elle leur faisait miroiter, et au dernier moment… Elle était rien qu’une sale petite allumeuse, oui !… Une mal baisée même en plus si ça tombe… D’ailleurs, tout compte fait, elle était pas si bien foutue que ça… Et puis de toute façon ils s’en battaient l’œil de sa chatte… Il y en avait plein d’autres… Ailleurs… Qui tenaient la route, elles, au moins… Il suffisait de cliquer…
Bon, on se calmait, là… On se calmait… Elle avait beaucoup mieux à leur proposer… Ah oui ?!… Quoi ?… De se montrer toute nue en vrai… En vrai ?… C’était une blague ?… Non, c’était pas une blague, non… Sur Internet elle voulait pas, mais ailleurs, autrement, oui, pourquoi pas ?… S’il y avait des candidats…
Ca manquait pas… Moi !… Moi !… Moi !… Ils se bousculaient… Ils revenaient à la charge… Dix fois… Vingt fois… Ils voulaient savoir où, quand, comment… Hou la la!… Mais ils étaient beaucoup trop nombreux… On pouvait quand même pas louer le Palais des Congrès !… Non… Elle allait devoir faire un choix… Bien obligée… Les plus motivés… Les plus convaincants… Qu’ils lui écrivent… Elle verrait… Elle déciderait…
Elle a passé une douzaine de soirées à lire, à répertorier, à classer et elle en a finalement retenu dix-huit…
- Qu’est-ce t’en penses ?… Il y aura pas de lézard avec ceux-là… Du moins je crois pas…
Et elle a réservé une salle à quelques kilomètres de là pour le samedi suivant…
Ils sont arrivés un par un… Il y en avait des honteux au regard fuyant… Des conquérants…
- Elle est où ?… Elle va pas nous avoir posé un lapin au moins ?…
Des impatients qui ne quittaient pas la porte des yeux… Des faussement blasés…
- Oui, oh, j’en ai déjà tellement vu… Un cul de plus ou un cul de moins…
Ils ont fait connaissance… Ils ont parlé d’elle… Ils se sont animés…
Elle est entrée… Les conversations se sont figées… Elle a traversé le silence jusqu’à eux, sans un sourire, impériale, et elle a laissé tomber sa robe… Leurs regards se sont affolés, ont couru, avides, du soutien-gorge à la culotte, de la culotte au soutien-gorge, en un éperdu va-et-vient…
- Ben alors ?!… C’est tout l’effet que je vous fais ?…
Il y en a un qui a commencé, à travers son pantalon… Un autre… Un troisième… D’autres encore… Tous… Des braguettes se sont ouvertes… Des queues sont sorties des caleçons… Des mains les ont empoignées, cernées, agitées… Elle a retiré son soutien-gorge…
- Vous d’abord !… A poil !… Tous !… Complètement… Sinon… je garde ma culotte…
Ils se sont fébrilement dépouillés de leurs vêtements qui ont voltigé de droite et de gauche, se sont éparpillés au hasard… Elle les a longuement maintenus sous son regard, les uns après les autres, et puis, avec d’infinies lenteurs, elle a fait glisser saculotte, l’a retirée… Nue… Nue pour eux…
Elle m’a fait signe…
- Viens !… Viens !… Je veux qu’on le fasse… Tous les deux… Devant eux…
J E U X
D E
P L A G E
J’avais rencontré Claire au cours d’une soirée d’anniversaire que nous avons terminée tous les deux chez elle… Si elle n’avait pas fait les premiers pas il ne se serait sans doute jamais rien passé entre nous: à trente ans j’étais encore encombré des principes rigoureux dont m’avait pétri une éducation particulièrement rigide... Elle faisait mine de l’ignorer et affichait sans complexes une tranquille liberté de ton, d’allure et de comportement… Le monde qu’elle me laissait entrevoir me fascinait et m’effrayait tout à la fois : je ne demandais qu’à m’y laisser entraîner, je faisais preuve de la meilleure volonté du monde pour essayer de l’y rejoindre, je m’efforçais de ne m’étonner d’aucune des initiatives sexuelles qu’elle prenait, mais j’étais constamment rattrapé par des pudeurs et des réticences incontrôlables… Elle avait fini par s’en amuser ouvertement et s’était finalement juré de m’en débarrasser :
- Toi, va falloir que je te prenne vraiment en mains !...
Sans doute est-ce dans cette intention qu’elle a voulu m’entraîner à la plage par un bel après-midi de Juin… La plage... Sa plage secrète... Connue d’elle seule et des quelques très rares initiés auxquels elle avait consenti à en révéler l’existence…
- Personne vient t’emmerder… Tu peux te baigner et bronzer à poil tant que t’as envie !...
On y accédait par une multitude de petits sentiers abrupts et rocailleux qui serpentaient à travers les pins… C’était un idyllique écrin de sable fin clos sur lui-même… Elle s’est complètement déshabillée, étendue sur une grande serviette de bain, offerte voluptueusement, les yeux fermés, aux rayons du soleil… Et je l’ai imitée…
J’étais bien… Pris d’une douce torpeur je somnolais délicieusement sans penser à rien quand soudain… des voix derrière dans le bois…de femmes…un rire cristallin… J’ai bondi sur mes vêtements… Claire n’a même pas levé la tête…
- Laisse !... C’est les filles !... Elles voulaient faire ta connaissance… Depuis le temps que je leur parle de toi !... Je leur ai dit de passer… Laisse, j’te dis !...
J’étais encore figé, abasourdi, le slip à la main quand elles ont surgi tout près…
Quatre ravissantes jeunes femmes qui se sont avancées résolument vers nous tout sourire…
- Coucou !...
- Salut !...
- C’est nous !...
- Ca va ?...
Feignant une aisance que j’étais à mille lieues d’éprouver je me suis levé… J’ai vaguement entendu Claire - comme au travers d’un brouillard - égrener des prénoms… Corinne… Valérie… Stéphanie… Amandine…J’ai balbutié quatre « Enchanté » confus, fait claquer mes lèvres sur des joues au hasard et je suis précipitamment retourné à la sécurité toute relative de mon tapis de plage…
Claire m’y a presque aussitôt rejoint, suivie des quatre filles qui se sont équitablement réparties autour de nous, qui se sont installées en un tourbillon de petits hauts dépouillés, de jeans abandonnés, de soutien-gorge en voltige, de seins de rêve délicieusement offerts… Les yeux mi-clos, l’air faussement absent, le cœur battant, je ne perdais rien du spectacle…
Tout en discutant et en plaisantant avec Claire la petite brunette - Amandine ? - a fini de se déshabiller debout, là, face à nous… Elle a posément fait glisser la culotte découvrant une toison aérienne sombre sur un fendu délicatement ourlé, puis s’est longuement attardée à fourrager dans son sac avant de venir enfin s’allonger à ses côtés… A ma grande déception ma voisine immédiate, elle, n’a pas quitté le bas… A l’autre bout, par contre, nue, penchée en avant, la belle fille rousse offrait une vue imprenable sur les premiers contreforts de son intimité…
- Eh, les filles !... Vous avez vu ça ?... C’est que vous lui faites de l’effet à Bastien !…Et pas qu’un peu !...
Pour ma plus grande confusion tous les regards ont convergé vers moi… Je bandais, oui !... Mais est-ce qu’elle était obligée de… J’ai esquissé un mouvement pour me retourner sur le ventre… aussitôt abandonné par peur du ridicule…
Claire a avancé la main, l’a posée, légère, juste au-dessous du nombril et a entrepris une savante progression, à caresses lentes, vers ma queue de plus en plus résolument dressée… Elle l’a atteinte, effleurée, contournée, puis logée dans la paume de sa main, soupesée…
- Un beau morceau quand même, les filles, hein, vous trouvez pas ?...
Il y en a une qui a dit quelque chose à mi-voix et une autre a ri… Claire a refermé sa main, enserré, décalotté à fond, imprimé un premier mouvement…
- Non, non, attends !... Arrête !... Pas ici !...
- Tu parles !... Mais qu’est-ce qu’elles s’en foutent !... Au contraire…
Et elle a entrepris de me branler en un lent va-et-vient régulier, appuyé, obstiné… Je me suis abandonné… J’aurais de toute façon été parfaitement incapable de résister… Tout était silencieux… Appuyée sur un coude, la fille à côté regardait, de tout près, avec une attention avide... Claire a accéléré et c’est venu… très vite… J’ai giclé…
- Là… tu vois… c’était quand même pas la mer à boire !...
R E V E L A T I O N
- Qu’est-ce tu fais là, toi ?…
C’était Silène…
- Ben et toi ?…
- J’habite la résidence juste derrière…
- Et moi sur la butte là-haut…
On a éclaté de rire… Alors là c’était la meilleure !… Quatre ans qu’on était collègues, dans la même boîte, et on ne savait même pas qu’on était voisins…
- A peine cinq cents mètres, tu te rends compte !…
Du coup on a décidé de rouler ensemble… A tour de rôle… Parce que la route tout seul!…
- Et ça finit par revenir cher à force !…
Elle passait me chercher… Je passais la chercher… On profitait des cinquante kilomètres de trajet pour faire vraiment connaissance… Parce qu’il fallait bien reconnaître que dans le cadre du boulot ça ne s’y était pas, jusque là, vraiment prêté… Elle était restée mariée six ans, vivait seule depuis dix mois et n’envisageait pas le moins du monde de refaire sa vie… Elle tenait beaucoup trop à sa liberté fraîchement reconquise…
- Pour en faire quoi ?…
- Plein de choses…
- Mais encore ?…
Il n’y avait pas moyen d’en savoir plus…
- T’es pressé ?…
- Non… Pourquoi ?…
On passait, ce soir-là, sur la route du retour, à proximité d’un centre commercial…
- J’ai du monde ce soir et j’ai plus d’apéro…
- Ca tombe bien… Moi aussi j’aurais deux ou trois bricoles à acheter…
Au rayon alcools elle s’est accroupie, genoux serrés dans sa petite robe rouge, pour examiner ce qui était exposé tout en bas…
- C’est là qu’ils mettent ce qu’il y a de moins cher… Pas fous !…
Elle s’est emparée d’une bouteille de whisky… Elle a mal assuré sa prise… La bouteille lui a échappé… Elle a voulu la rattraper en catastrophe… Son équilibre s’en est trouvé un instant sérieusement compromis… Pour le rétablir elle a, d’instinct, en un réflexe spontané, ouvert les jambes au large… Et j’ai vu… - brièvement, trop brièvement - mais j’ai vu… la délicieuse encoche ciselée à nu…
On a regagné la voiture…
- Faut bien reconnaître qu’on touche des salaires de misère, hein !… Elle m’a coulé de côté un long regard interrogateur…
- Ben oui !… Même pas de quoi se payer une culotte…
- Oh, c’est vraiment le truc idiot… Tu vas rire… J’en avais pas sous la main quand je me suis habillée… Fallait que je remonte là-haut… Je me suis dit que j’irais après… Mais j’étais complètement à la bourre ce matin… J’ai couru à droite… J’ai couru à gauche… Je voulais pas te faire attendre… Et… pour finir j’ai complètement oublié…
- Et t’as pas pensé à profiter de la pause de midi pour courir en acheter une ?… Faut croire que ça te manquait pas beaucoup… Que c’était pas si désagréable que ça finalement…
Elle n’a pas répondu… Elle a fixé la route droit devant elle…
- Non, c’est bien imaginé ton histoire, mais ça tient pas debout une seule seconde…
Un petit rire un peu gêné…
- Oui… Bon… Je suis grillée, quoi !…
- Mais t’inquiète pas !… Ca restera entre nous…
Le lendemain, à peine étions-nous montés dans la voiture que j’ai voulu savoir…
- T’en as une aujourd’hui ?…
- A ton avis ?…
- Oui… Non… J’en sais rien, moi !…
Elle a haussé les épaules…
- Qu’est-ce que ça peut te faire n’importe comment !…
- Quel pied on doit prendre quand même à se balader comme ça, sans rien en dessous, pendant des journées entières !… Non ?…
- Si !… Tu te sens libre… Sans contraintes…
- Et se dire en plus que personne ne sait rien, ne se doute de rien quel sentiment fabuleux ça doit être!… J’imagine quand Magnier te convoque dans son bureau ou que tu restes penchée des heures et des heures sur les maquettes avec les types de la section B… Ah, je vais regarder tout ça d’un autre œil, moi, maintenant, là-bas!… Sauf que j’arrêterai pas de me demander douloureusement si t’en as une ou pas… Tu veux pas me dire ?… Vraiment ?…
- J’en ai jamais quand je suis en robe ou en jupe… Toujours quand je suis en pantalon…
- Merci…
Elle n’éprouvait pas de véritable réticence à en parler… Et je m’étais allègrement engouffré dans la brèche…
- C’est la première fois ?…
- La première fois que quoi ?…
- Que tu te fais prendre sur le fait ?…
- Par quelqu’un que je connais, oui !…
- Un jour ou l’autre ça devait arriver… Tu savais qu’un jour ou l’autre ça arriverait… Forcément … Comment ça doit contribuer à l’excitation… Comment ça doit faire monter l’adrénaline… Se dire qu’à tout moment n’importe quoi peut se produire… Sans qu’on puisse prévoir où… Ni dans quelles conditions… Avec quelles conséquences… Ce qu’on doit le redouter !… Tout en en ayant, en même temps, terriblement envie… Non ?…
- Comment tu sais ça, toi ?…
- Tu te rends compte si ça t’arrivait au boulot ?… Ta robe qui s’accroche quelque part… Ton siège qui se renverse… Ou autre chose… Ne me dis pas que tu n’y as pas pensé… Que tu ne l’as pas mille et mille fois délicieusement appréhendé…
- Oui, ben alors là ça me ferait pas rire du tout…
- N’empêche que tu en prends quand même le risque…
- Et des inconnus ?… Il y en a qui se sont déjà rendu compte ?…
- Tu fais moins attention avec des inconnus…
- Ce qui veut dire que tu t’arranges pour qu’ils s’en aperçoivent tout en ayant l’air de ne pas le faire exprès…
Elle a ri… De bon cœur…
- C’est à peu près ça… Mais faut quand même pas exagérer.. C’est pas systématique…
- Et ils réagissent comment ?…
- Ca dépend… Il y en a qui font semblant de rien… Il y en a qui écarquillent de grands yeux stupéfaits… Mais la plupart tu sais pas… Tu peux quand même pas aller les regarder sous le nez pour voir quel effet tu leur fais…
- Tu sais ce qu’il te faudrait ?… C’est un espion… Un espion attentif et discret qui surveillerait les réactions des uns et des autres et te ferait, après, un rapport circonstancié… Et c’est un rôle qui me conviendrait parfaitement, non, tu crois pas ?…
Elle a traversé le parking du centre commercial jusqu’à la voiture, en poussant tranquillement son chariot… Elle a ouvert le coffre, s’est penchée pour y ranger les courses… La jupe est remontée haut, découvrant les fesses… Un vieux monsieur, juste en face, les a goulûment fixées… Sa femme a suivi son regard et, la bouche arrondie en un « Oh » de muette réprobation, l’a furieusement tiré par la manche… Elle s’est penchée plus avant encore, jusqu’au fond du coffre, offrant une vue imprenable, insolente, sur ses replis secrets… Une camionnette a ralenti, klaxonné… A l’intérieur les trois ouvriers, en bleu de travail, étaient hilares… Un jeune homme qui courait, tête baissée, l’a brusquement relevée… Toutes ses provisions se sont éparpillées à ses pieds… Elle s’est lentement redressée, a claqué le coffre, contourné la voiture, s’est installée au volant… Je l’ai rejointe…
- Alors ?!…
Pour son pot d’adieu – il partait enfin à la retraite – Mélisson avait fait les choses en grand… Buffet titanesque… Champagne à gogo… Toute la boîte était là… Le grand directeur était même tout spécialement revenu de Bratislava… Ce qui n’a pas empêché Barbier d’engloutir une quantité impressionnante de coupes de champagne… Et presque autant de verres de whisky… Il était persuadé qu’il avait de l’humour… Beaucoup d’humour… L’occasion ou jamais pour lui de briller de tous ses feux… Il était entouré d’une cour d’admiratrices qui gloussaient à chacun de ses bons mots… Avec de moins en moins de retenue… Un grand éclat de rire… Tous les regards ont convergé vers eux : il en avait capturé une qu’il promenait sur ses deux bras tendus tout autour de la salle… A côté de moi Silène a murmuré…
- Quel crétin ce Barbier!…
La même chose avec une autre qui a battu tant et plus des jambes en poussant de grands cris… Il l’a reposée et il est venu vers nous…
- Ben alors !… C’est quoi ces têtes d’enterrement ?… On sait pas s’amuser dans ce coin ?… Je vais vous arranger ça, moi !…
Silène a senti le danger… Elle a voulu discrètement s’éclipser… C’est ce qui l’a perdue… Il l’a happée au passage…
- Allez, hop !…
Elle a voulu résister, s’est débattue… Il a insisté, l’a soulevée, renversée… La robe est remontée haut, très haut… Tout le monde a vu…
L A
P E T I T E
V O L E U S E
C’était en CM1… Ce matin-là la maîtresse avait apporté un couple de rats et toute la classe était rassemblée, absorbée, autour de la cage posée sur une table du premier rang… Elle questionnait, expliquait, commentait… Son sac était posé ouvert sur le bureau… D’une petite poche latérale intérieure dépassait le coin d’un gros billet… Personne ne me prêtait la moindre attention… Une impulsion soudaine… incontrôlable… Je l’ai subtilisé, enfoui dans ma poche et j’ai progressivement - insensiblement - dérivé le plus loin possible du bureau…
L’après-midi elle nous a fait asseoir et nous a d’abord tenus longtemps sous son regard… Sévère… Fermée…
- Bon… Il y a un voleur - ou une voleuse - parmi vous… Il - ou elle - sait de quoi je veux parler… Alors j’attends qu’il se dénonce…
Le silence… Personne n’a bronché… Mais il y en a deux - un garçon et une fille - qui se sont troublés, ont rougi…
- Très bien… Je sais ce qu’il me reste à faire…
Et ce sont eux, qui ont été convoqués, à quatre heures, chez le directeur… D’autres aussi ont été soupçonnés, les jours suivants, parce qu’ils avaient fait abondante provision de bonbons chez le père Chanut… Pas moi : le billet je l’avais soigneusement dissimulé sous une latte du plancher de ma chambre… Je ne l’ai dépensé que beaucoup plus tard…
J’éprouvais un formidable sentiment - exaltant - de puissance… C’était devant trente paires d’yeux que j’avais opéré et personne ne s’était rendu compte de rien… A aucun moment on n’avait seulement imaginé que ce pouvait être moi… Je jubilais… J’avais berné mon monde… Je recommencerais… Quand je voudrais…
Je n’ai pas cherché l’occasion… J’ai attendu qu’elle se présente… Deux ans… C’était un dimanche matin… A la boulangerie… Il y avait du monde… Je faisais la queue… Une femme en manteau de fourrure avait posé son porte-monnaie sur la vitrine réfrigérée des pâtisseries qu’elle s’est mise à longer, tout du long, pour faire son choix… D’un revers de manche je l’ai fait tomber dans mon cabas… Les gens continuaient à entrer, à sortir… Mon tour…
- Deux pains, s’il vous plaît…
Un hurlement derrière…
- Oh, c’est pas vrai !… Mon porte-monnaie !…
Quelqu’un a suggéré…
- C’est le jeune chevelu de tout à l’heure… A tous les coups…
Elle s’est précipitée sur le trottoir à sa recherche… La boulangère a haussé les épaules…
- On laisse pas traîner ses affaires comme ça non plus !
J’avais réussi… J’avais encore réussi… Et encore une fois on n’y avait vu que du feu… Je suis rentrée… J’avais des ailes… Je suis aussitôt montée m’enfermer dans ma chambre pour examiner tout à loisir mon butin… 437,45 francs… 3 cartes publicitaires… Un minuscule carnet de vaccinations… Deux photos d’identité de petites filles… Une note de courses… Un billet soigneusement plié en quatre rédigé dans une langue inconnue… J’ai éprouvé alors à pénétrer ainsi, par effraction, dans cette existence étrangère d’adulte un plaisir profond, fabuleux, intense, jubilatoire qui ne pouvait se comparer à aucun de ceux que j’avais jusque là éprouvés… Elle ne pouvait rien contre moi… Elle ne savait même pas qui j’étais… Mais moi c’était elle que je m’étais d’une certaine façon appropriée…
J’étais sans cesse sur le qui-vive… Je ne cherchais jamais à forcer le destin… Non… J’attendais qu’il me fasse signe… Il prenait tout son temps… Moi aussi… J’étais en troisième quand il a bien voulu consentir à se montrer encore une fois généreux… Mes parents avaient tenu à ce que je les accompagne, à mon corps défendant, à la kermesse du curé… Je m’ennuyais ferme… Je venais de les supplier, pour la dixième fois, de rentrer quand…
- Un médecin !… Vite !… Un médecin !… Il y a pas un médecin ?…
Le bon curé venait de s’effondrer sans connaissance au beau milieu de la fête… Tout le monde s’est précipité… J’étais à proximité immédiate de la buvette… En un clin d’œil elle s’est trouvée désertée… Il ne m’a fallu que quelques secondes pour passer derrière le comptoir, plonger la main dans la caisse et y subtiliser une énorme liasse de billets… Et je suis allée m’apitoyer, avec les autres, sur le sort du pauvre curé…
Mes parents étaient scandalisés…
- Si c’est pas malheureux !… Profiter d’une circonstance pareille !…
Je faisais chorus avec eux… Mais, dans le secret de ma chambre, je comptais et recomptais les billets… La somme était considérable : pas loin de 10 000 francs… J’ai cru bon, pour soulager ma conscience, d’aller à l’église glisser pieusement une piécette dans le tronc de Saint-Antoine…
Six cents personnes et aucune n’avait rien vu !… Je me sentais invulnérable… C’est en toute impunité que je pouvais… que je pourrais toujours agir… Il fallait bien qu’un jour pourtant quelqu’un finisse par s’apercevoir de quelque chose… Ce fut au lycée, en première, et ce fut Rita… Un camarade de classe arborait fièrement, depuis la rentrée, une calculette de prix - un véritable petit ordinateur - dont il ne cessait de nous vanter les performances… J’ai décidé de m’en emparer… Avant d’entrer à la cantine on entassait toujours, pour ne pas en être encombrés, sacs et cartables dans le petit hall d’entrée devant la loge de la concierge… Ils y restaient généralement jusqu’à la reprise des cours… C’est là que j’ai tranquillement opéré…
Rita m’a rattrapée le soir sur le trottoir…
- Je t’ai vue tout à l’heure… Mais je dirai rien… De toute façon c’est un con Duteil !…
On a marché un long moment silencieusement côte à côte…
- Tu me la prêteras ?…
- Quand tu voudras…
Et ce fut le début d’une stimulante collaboration secrète… Au lycée officiellement on ne se fréquentait pas… On ne se voyait pas… On se battait même plutôt froid… Mais, en réalité, on s’entendait comme larrons en foire… C’était toujours moi qui agissais… Son rôle à elle consistait à rester le plus possible dans l’ombre, à monopoliser le cas échéant l’attention ou à la détourner si cela s’avérait nécessaire… Et, le soir, chez elle ou chez moi, on se partageait très équitablement le butin…
Un faisceau de sérieuses présomptions commençait à peser sur moi… On ne m’accusait pas ouvertement, mais on me le faisait comprendre, on me le faisait sentir… Le jeu n’en devenait que plus intéressant… On n’avait pas de preuves… On n’en aurait jamais… A moi de me montrer la plus maligne… A moi de me montrer la plus forte… J’étais sûre que je l’étais… J’étais sûre que je continuerais à l’être… Toujours…
Dès la rentrée suivante - en Terminale - dès le troisième jour, j’ai été convoquée dans son bureau par le proviseur… Des vols avaient été commis à l’Internat… Je n’y étais rigoureusement pour rien… ce qu’il m’a été facile de prouver : j’avais un alibi en or… Le pauvre homme était terriblement désappointé : il s’était manifestement fait une fête de me mettre enfin la main au collet… Il ne s’est pourtant pas avoué vaincu…
- Oui…Ce n’est pas toi… CETTE FOIS-CI…
J’ai soutenu son regard…
- Je n’ai jamais rien volé à personne…
Il s’est levé, m’a raccompagnée à la porte…
- Je te coincerai… Je te jure que je te coincerai…
Il voulait jouer ?… On allait jouer… Je me savais désormais sous haute surveillance… Jusqu’à Noël je n’ai pas bougé… Pas le moindre petit larcin à mettre à mon actif… Et puis, à la rentrée de Janvier, j’ai pris des risques, mais j’ai frappé un grand coup : j’ai mis à profit la joyeuse pagaille provoquée par un exercice incendie - avec sirène, pompiers et courses folles dans les escaliers - pour me faufiler jusqu’aux dortoirs - où je n’avais strictement rien à faire - et pour « dévaliser » la chambre de la surveillante d’Internat… Le proviseur ne s’est pas donné le ridicule de m’accuser une nouvelle fois, sans la moindre preuve, de ce forfait, mais quand je l’ai croisé dans la cour, le lendemain, son regard parlait pour lui…
Mai… Je sortais de la cantine quand Madame Dumay - la prof de Maths - m’a interpellée…
- S’il te plaît… s’il te plaît… Tu veux pas aller me porter ça dans mon casier ?…
La salle des profs était déserte… Bien en évidence sur une table un sac béant… Sur le dessus un gros billet… 500 francs… Ca sentait le coup fourré à plein nez ce truc… La fenêtre était ouverte… Rita n’était jamais très loin… Je lui ai fait signe… Elle s’est approchée… Un jeu d’enfant… Elle l’a fourré dans sa poche, s’est rapidement éloignée…
Le proviseur était derrière la porte… Il a jeté un rapide coup d’œil au sac, par-dessus mon épaule, quand je l’ai ouverte…
- Viens avec moi !…
Dans son bureau…
- Alors cette fois ma petite tu diras pas le contraire !… Il est où le billet ?…
- Le billet ?… Quel billet ?… J’ai pas vu de billet…
Il a soupiré, levé les yeux au ciel…
- Tu ferais mieux d’avouer!… Parce que je n’ai pas l’intention de te faire de cadeau… Et les gendarmes, eux, ils sauront te faire parler…
- J’ai pas peur des gendarmes… J’ai rien volé…
- Et menteuse en plus !…
- Fouillez-moi si vous me croyez pas !…
- J’ai pas le droit…
- J’en ai marre, moi, à force, qu’on m’accuse comme ça sans arrêt alors que j’ai rien fait…
- Tu joues très bien la comédie…
- Je joue rien du tout… Vous allez bien être obligé de le voir que je joue rien du tout puisque c’est comme ça…
Et j’ai retiré ma robe… Je l’ai passée par-dessus la tête… Il a eu un geste pour m’arrêter, l’a suspendu… Et le soutien-gorge… Et la culotte…Coup sur coup…
- Là… Vous êtes content ?… Où je cache quelque chose ?… Où ?… Dans mes godasses ?… Je les ai quittées aussi…
- Alors ?…
Il n’a plus rien dit… Il me fixait, le regard embrumé… Ca a duré… duré… et puis il s’est brusquement secoué…
- Rhabille-toi !… Rhabille-toi !…
Je l’ai fait en oubliant délibérément la culotte par terre au pied de son bureau…Il ne l’a pas vue… Ou il a fait semblant…
Rita a éclaté de rire…
- Il va peut-être te la rapporter demain en classe ?!…
Et on a bu le billet, le soir même, à sa santé…
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