MYSTÉRIEUSE FESSÉE
Elle hallucinait
complètement Daphné…
– Comme ça !
En plein après-midi… Trois types que tu sais même pas qui c’est…
– Deux types
et une nana… Il y avait une nana dans le tas…
– Qui
rentrent chez toi… Qui te foutent le cul à l’air… Qui te
flanquent une fessée… Et qui se cassent… Excuse-moi, mais si je
te connaissais pas comme je te connais, je dirais que t’es une
grosse mytho…
– Oui,
ben pourtant je peux t’assurer…
– Oh,
mais je te crois… Je te crois… N’empêche que c’est un truc
de dingues… Parce que d’où ils sortent ces lapins ? Et
pourquoi ils sont venus s’en prendre spécialement à toi ?
T’as pas une idée ? Je sais pas, moi ! Quelque chose…Un
indice…
– Peut-être,
si !
– Ah,
et alors ?
– Ce
serait Estelle, sa femme à Patrice, que ça m’étonnerait même
pas…
– Elle
est au courant pour vous deux ?
– Oh,
non, non ! Normalement, non… Mais bon… Va savoir !
Peut-être qu’elle a découvert le pot-aux-roses… Et qu’elle me
fait payer…
– En
t’envoyant un commando-fessée ? Mouais… Ça fait bien un
peu tiré par les cheveux…
– Je
vois pas d’autre explication…
– Il
en pense quoi Patrice, lui ?
– Je
lui en ai pas parlé…
– Ah,
bon ! Ben, pourquoi ?
– Tant
que c’est pas du sûr à cent pour cent… Non, parce que je sais
ce qui va se passer… Il va se mettre à flipper comme un malade…
Vouloir en avoir le cœur net… Culpabiliser à mort…
– Et,
si c’est pas déjà le cas, si ton hypothèse est pas la bonne,
c’est pour le coup qu’elle va vraiment avoir des soupçons sa
bonne femme…
– Voilà,
oui…
– Qu’est-ce
tu vas faire ?
– Comment
ça qu’est-ce je vais faire ?
– Ben,
je sais pas, moi… Tu vas aller aux flics ?
– Non,
mais ça va pas ? Oui, ben alors là, il y a pas de risque !
Parce que t’imagines ? Je les connais les flics… Ils vont
s’amener là-dedans avec leurs gros sabots… Interroger à droite…
Interroger à gauche… Farfouiller partout… Tout mettre sens
dessus dessous… Je tiens pas à ce que tout le pays soit au courant
que je me suis fait tambouriner le derrière, moi !
– Sans
compter que tu vas être bonne pour aller le montrer à tout un tas
de monde ton derrière… Le faire « expertiser »… Ils
voudront établir la matérialité des faits… Comme ils disent…
– En
plus ! Non… Et puis attends ! Je vois ça d’ici à
l’agence… Ils vont en faire des gorges chaudes les Duparc,
Berthier et compagnie… Ah, j’ai pas fini d’en entendre… Et
les clients qui manqueront pas d’en rajouter une couche…
– Et
tout ça pour rien… Un coup d’épée dans l’eau… Elle jurera
ses grands dieux qu’elle a rien à voir là-dedans… Et comme il y
a aucune preuve… Au final, en prime, ça risque de te retomber
dessus… On te soupçonnera d’avoir tout manigancé pour lui
causer du tort… Vu que c’est la femme de ton amant…
– J’y
ai pensé, oui…
– Non…
La seule chose, faudrait pas que ça recommence…
– Ça
peut, tu crois ?
– Ben,
si c’est elle, oui… Elle risque de pas te lâcher tant que
t’auras pas mis fin avec Patrice…
– C’est
gai !
– Mais
c’est pas forcément elle…
– Tu
parles !
– Ils
t’ont dit quelque chose quand ils te l’ont fait ? Qu’est-ce
qu’ils t’ont dit ?
– Tout
a été tellement vite… J’étais complètement tétanisée… Je
comprenais rien à ce qui m’arrivait… Je réalisais pas… Je
savais que répéter : « Mais arrêtez ! Mais ça va
pas ! Non, mais vous êtes pas bien… »
– Oui…
Toi… Non, mais eux ?
– Eux ?
Rien… Pas un mot…
– Ce
qu’est pas très logique si elle est derrière tout ça… Si elle
veut que tu laisses tomber Patrice… Parce que, dans ce cas-là,
faut quand même bien que tu comprennes un minimum de quoi il
retourne… Ils t’auraient sorti un truc du style… « Bon,
maintenant ça suffit… Tu lâches l’affaire… » Que ce
soit suffisamment explicite, mais que ça la compromette pas
vraiment…
– Mais
alors si c’est pas elle, c’est qui ?
– C’est
bien là toute la question… Il y a peut-être quelqu’un, quelque
part, qui t’en veut…
– Je
vois pas…
– Parce
que peut-être que ça remonte à loin… Que tu te souviens pas…
Mais peut-être que ça va te revenir à force de chercher… Il y a
que toi qui peux trouver n’importe comment…
2
Il a
quand même bien fallu que je lui dise à Patrice… Parce qu’il
s’est rendu compte… Il restait pas grand-chose pourtant…
Presque rien… Fallait vraiment savoir… N’empêche qu’il s’est
aperçu…
– Mais
qu’est-ce c’est que ça ?
– Quoi
donc ?
– Ben
là… Sur ton derrière… Et puis là… Et encore là… Non, mais
c’est que tu t’es pris une fessée, ma parole ! Ah, si !
Si ! C’est une fessée… Aucun doute là-dessus… C’est
qui ? Ton mari ? À cause de nous ?
– Non,
Patrice, non ! Il y est pour rien… Je voulais pas t’en
parler… Pour pas t’inquiéter, mais…
Et
je lui ai raconté… La peur au ventre… Peur qu’il me croie pas…
Qu’il aille s’imaginer des tas de choses… Que j’inventais…
Que j’avais quelqu’un d’autre… Que je lui cachais des trucs…
Que sais-je encore ? Ça paraissait tellement invraisemblable
tout ça…
Il
m’a écoutée, sans m’interrompre, jusqu’au bout… Et puis il
a éclaté…
– Bouge
pas que je vais les retrouver ces petits salopards… Alors là
fais-moi confiance que je vais les retrouver… Et qu’ils vont
passer un sale quart d’heure…
– Les
retrouver ? Mais où ça, Patrice ? On les connaît pas…
On sait rien d’eux… Autant chercher une aiguille dans une botte
de foin…
– J’y
arriverai… Je mettrai le temps qu’il faudra, mais j’y
arriverai…
– Tu
sais ce qu’elle croit Daphné ? Que c’est ta femme qu’a
manigancé tout ça…
– Estelle ?
– Oui…
Elle aurait découvert pour nous… Et se vengerait de moi comme ça…
– Non,
mais alors là elle est complètement à côté de la plaque ta
copine… Parce que les petits coups en douce par en dessous, c’est
pas du tout son style à Estelle… Si elle avait eu le moindre
soupçon, c’est d’abord sur moi que ce serait tombé… Il y
aurait eu explication… Aussi sec… Menaces… Mises en demeure…
Et tutti quanti… Non… Alors là je suis sûr de moi… Elle se
doute de rien… Ça peut pas être elle…
– Mais
qui alors ?
– Ton
mari ?
– Paul ?
– Pourquoi
pas ?
– Je
le vois vraiment pas dans le rôle non plus… Non… S’il avait
éventé quoi que ce soit, il se serait trimballé un air de chien
battu toute la sainte journée… Jusqu’à ce que je lui demande ce
qu’il avait… Il se serait fait extirper les mots au forceps… Un
par un… J’aurais nié… Et retourné la situation… Non, mais
il était vraiment pas bien, hein ! Pour qui il me prenait ?
C’est comme ça qu’il avait confiance en moi ? Ah, ben
bravo ! Bravo ! Etc. Je sais faire quand je veux… Et,
pour finir, il se serait excusé, tout penaud…
– Si
c’est pas Estelle… Si c’est pas Paul non plus…
– Qui
ça peut être ? Ben oui… Oui… Ça fait trois jours que je
retourne la question dans tous les sens… Faut pourtant bien qu’il
y ait une raison… Quelqu’un qui m’en veuille quelque part…
Sauf que je vois pas… Je vois vraiment pas…
– Ça
peut pas être à l’agence ?
– J’y
ai bien pensé, mais qui ? Et pourquoi ? J’ai de bons
rapports avec tout le monde là-bas… À part peut-être…
– Oui ?
– Valérie…
C’est vrai que ça passe pas trop avec elle… Pour pas dire pas du
tout… Mais qu’est-ce que j’y peux, moi, si les clients ils me
réclament ? Si, pour la plupart, ils ne veulent avoir affaire
qu’à moi ? Elle me jalouse, ça, c’est sûr… D’autant
que Dubois a tendance à m’attribuer systématiquement les dossiers
sensibles… Qu’il lui en a même retirés sept ou huit pour me les
confier…
– Et
tu t’étonnes qu’elle te porte pas dans son cœur ?
– Non…
Bien sûr que non… Mais de là à ce qu’elle aille manigancer un
truc pareil…
– Alors
ça ! T’as des gens… De tout ils sont capables… Absolument
tout… Elle vit seule cette nana ?
– Pour
autant que je sache, oui…
– Et
elle occupe ses soirées à quoi à ton avis ? À ressasser
encore et encore ce qui s’est passé au boulot dans la journée…
– Ce
serait bien le genre à ça, oui…
– Tout
prend pour elle des proportions gigantesques… Elle interprète…
Elle brode… Elle fabule… Tout ce que tu dis, tout ce que tu fais
est forcément dirigé contre elle… Tu veux la perdre aux yeux du
patron… Elle n’a pas le moindre doute là-dessus… Et voilà des
mois et des mois qu’elle rumine… Qu’elle imagine mille et mille
façons de se venger de toi…
– Et
elle aurait fini par passer à l’acte ? Peut-être… Ça se
tient après tout… Non… La seule chose : où diable est-elle
allée recruter ses hommes de main ? Elle n’a pas d’amis…
Elle ne connaît personne…
– On
obtient tout ce qu’on veut avec de l’argent…
– La
garce ! Non, mais quelle garce !
– Si
c’est elle… C’est vraisemblable… Mais quand même… On n’a
pas de preuves…
3
Ça
lui paraissait plausible à Daphné…
– Oui,
c’est pas idiot du tout l’idée de la collègue… Mais alors si
c’est ça, j’te plains… T’as pas fini de t’en voir, ma
pauvre…
– Comment
ça ?
– Ben,
elle va s’acharner…
– T’es
encourageante, toi !
– Ça
paraît logique, non ? V’là quelqu’un qui t’en veut à
mort… Au point de dépenser une somme sûrement rondelette pour te
faire flanquer une fessée… À la suite de quoi, qu’est-ce qui se
passe ? Rien… Tu réagis pas… Tu portes pas plainte…
– Mais
je pouvais pas !
– Je
sais bien, oui… On en a suffisamment parlé… Et t’as eu raison…
Bien sûr que t’as eu raison… Si tu veux pas voir toute ta vie
privée étalée sur la place publique… Avec les conséquences que
ça manquerait pas d’avoir… Seulement elle, de son côté, elle
va en conclure quoi ? Qu’elle peut en remettre impunément une
couche… Que tu bougeras pas… Alors tu penses bien qu’elle va
pas se priver… Qu’elle va s’en donner à cœur joie… Non…
Attends-toi à les voir revenir… Et sans tarder si ça se trouve…
– C’est
gai ! Mais qu’est-ce que je peux faire ?
– À
mon avis, malheureusement, pas grand-chose… À moins qu’on arrive
à être certaines que c’est elle… À disposer de preuves
irréfutables… Auquel cas tu pourrais porter plainte nommément
contre elle… Sans avoir alors à en passer par la redoutable
épreuve d’une enquête tous azimuts… Mais sinon…
– Oui…
Il y a pas de solution, quoi !
– Sauf
si elle commet une erreur… Ou si, suite à un concours de
circonstances imprévu, on la prend la main dans le sac… On peut
aussi la mettre discrètement sous surveillance… Et voir ce que ça
donne…
– Faut
pas non plus focaliser complètement sur elle… Ça reste une
hypothèse…
– Ah,
ça, c’est sûr…
– D’autant
qu’il m’a pas vraiment convaincue Patrice par rapport à Estelle…
Pas du tout même… Il a beau dire ce qu’il veut : pour moi,
il y a quand même de fortes chances que ce soit elle… Parce que
qu’est-ce qu’il peut en savoir, en fait, de la façon dont elle
réagirait si elle apprenait qu’il la trompe ? C’est jamais
arrivé… Du moins à ce qu’il dit… Et, de ce côté-là, je le
crois… Non… Ce qu’il y a, c’est qu’il a pas du tout envie
d’imaginer qu’elle puisse être au courant pour nous… Ça
remettrait beaucoup trop de choses en question… Ça dérangerait sa
petite tranquillité… Alors il préfère nier… Se convaincre
qu’elle est insoupçonnable… Ça le rassure…
– Un
peu comme toi avec Paul finalement…
– Hein ?
Mais c’est pas pareil enfin ! Ça n’a rien à voir…
– Ah,
bon…
– Paul ?
Non, mais attends ! Paul alors là je suis bien tranquille… Ça
peut pas être lui… Je lis dedans à livre ouvert Paul… Il y a
pas plus prévisible que lui…
– Ben,
justement… Il en a peut-être assez d’être prévisible… Il est
peut-être tenté de s’aventurer sur des chemins de traverse…
– Pourquoi
tu dis ça ? Tu sais quelque chose ? Si tu sais quelque
chose…
– Rien
de concret, non… Rien de précis… Mais…
– Mais
quoi ?
– Tu
vas le prendre mal…
– Je
te jure que non…
– Suppose
qu’il te dise qu’il est au courant de tout Paul… Tu vas réagir
comment ?
– Je
vais nier… Il y a que ça à faire…
– Et
si c’est impossible ? S’il a des preuves irréfutables ?
– Je
vais me défendre…
– C’est-à-dire
que tu vas lui faire porter l’entière responsabilité de la
situation… Tu n’es pas heureuse avec lui… Tu n’es pas
satisfaite… Alors oui… Oui, tu as éprouvé le besoin d’aller
voir ailleurs… Patrice, lui au moins il est viril… Rassurant…
C’est quelqu’un sur qui tu peux t’appuyer… Avec qui tu te
sens pleinement en sécurité… Et même, puisqu’il faut lui
mettre les points sur les i, quelqu’un avec qui, au lit, tu prends
un pied pas possible… Ça n’a rien à voir avec les petites
giclées anémiques dont il te gratifie de temps à autre… Etc.
Non ? Ce serait pas ça ?
– À
peu près, si…
– Et
il le sait Paul… Il sait, d’expérience, qu’il n’aura jamais
le dernier mot avec toi… Que tu trouveras toujours moyen de
retourner n’importe quelle situation à ton avantage…
– Ouais…
Ce que tu es en train d’essayer de me dire en fait, c’est que,
comme Paul est trop lâche pour m’affronter ouvertement et me
reprocher mon infidélité, il m’a envoyé des émissaires qu’il
a chargés de me présenter la note…
– Et
pourquoi pas ?
– J’ai
du mal à l’imaginer en train d’échafauder quelque chose d’aussi
tordu… Mais en même temps il y a quelque chose, tout au fond de
moi, qui me dit que c’est pas aussi impossible que ça…
4
– Je
suis désolée, Patrice… Vraiment désolée…
– C’est
pas grave…
– Ah,
ben si, c’est grave, si, attends ! On est en pleine action et
moi, je trouve rien de mieux à faire que de te hurler le prénom
d’un autre comme une possédée…
– Faut
bien reconnaître que c’est pas très motivant…
– Et
pas seulement ça… Parce que qu’est-ce tu vas aller t’imaginer ?
Qu’il y a un Thibaud dans ma vie ? Tu serais en droit de le
penser…
– C’est
toi que ça regarde… T’as pas de comptes à me rendre…
– Je
sais bien, oui, mais quand même… Non… Ce qu’il y a, c’est
que ça m’est venu comme ça… D’un coup… Sans prévenir…
Thibaud ! Bien sûr, Thibaud ! Ça peut être que Thibaud…
– Mais
de quoi tu me parles ?
– Ben,
tu sais bien… Les trois autres, là, qui me sont tombés dessus
l’autre jour… C’est Thibaud derrière tout ça… Forcément…
– Et
c’est qui Thibaud ?
– Un
type que j’ai connu, quand je faisais mon stage à la grande
surface, à Mâcon… Manutentionnaire il était… Il arrêtait pas
avec ça… Qu’il allait me mettre une fessée… Tous les jours
c’était… Ou presque… Et seulement moi… Jamais les autres
filles… « Parce que t’as un cul fait pour ça… Qui
l’attire la fessée… On te l’a jamais dit ? » On me
l’avait jamais dit, non… « Et en plus tu mérites… C’est
pas vrai peut-être ? » Je haussais furieusement les
épaules… « Mais si, tu mérites… Pour plein de raisons…
Et tu le sais très bien… » Il devenait lourd à force, mais
lourd !
– Et
il a jamais essayé ?
– De
m’en mettre vraiment une ? Oui, ben alors là, il aurait pas
eu intérêt… Non… Il se contentait de mimer… De loin…
– Et
ça remonte à combien de temps tout ça ?
– Huit
ans…
– Et
tu crois qu’au bout de huit ans…
– Oui…
Oui… Parce qu’il y a ce qu’il m’a dit le dernier jour…
Quand je suis partie… « Tu perds rien pour attendre, tu sais…
Parce que je t’en collerai une… Et carabinée… Dans quinze
jours… Dans six mois… Dans six ans… Ou dans douze… Mais tu
l’auras… Je te jure que tu l’auras… » Et puis alors sur
un ton… Et en me regardant d’une de ces façons ! Je lui ai
pas répondu sur le coup… Je lui ai tourné le dos… Et ça m’est
complètement sorti de la tête tout ça… J’avais autre chose à
penser… Jusqu’à tout-à-l’heure… Que ça m’est brusquement
revenu…
– Mouais…
– T’as
pas l’air convaincu…
– Je
sais pas… Je sais pas quoi te dire… Il serait venu te la donner
lui-même encore… Mais là ! Te le faire faire pas d’autres…
Sans même assister… Je vois pas bien l’intérêt pour lui…
– Oui,
ben justement… Ce que je me demande, c’est s’il y a pas assisté
quand même finalement… Parce qu’il y avait un des deux types qui
me tenait… Ça, c’est sûr… Et c’est la fille qui me l’a
donnée la fessée… C’est sûr aussi… Mais l’autre type ?
Qu’est-ce qu’il fabriquait derrière moi ? Je le voyais pas…
Et la question que je me pose, c’est s’il était pas en train de
tout filmer avec son portable… Il y a quelque chose qui me dit que
si…
– Ah !
Oui, ça, évidemment, ça changerait complètement la donne…
– Faut
que je sache… Faut absolument que je sache…
– C’est
bien aussi mon avis… Que ce soit lui ou qui que ce soit d’autre
faut vraiment que t’en aies le cœur net… Et le plus vite
possible… Parce que ça devient une véritable obsession ton
histoire… Tu parles plus que de ça… Tu penses plus qu’à ça…
T’en sors pas… Même pendant qu’on baise maintenant !
Alors t’as qu’à voir…
– Je
sais, Patrice, oui, je sais… Mais tu te rends pas compte de ce que
c’est, toi, de vivre avec cette épée de Damoclès suspendue en
permanence au-dessus de la tête… De se dire qu’ils peuvent
resurgir n’importe quand et recommencer… De pas savoir pourquoi…
Ni ce qu’ils te veulent au juste… De te mettre à soupçonner
tout le monde autour de toi… Et pourquoi pas celui-ci ? Et
pourquoi pas celle-là ? C’est à devenir folle par moments…
– C’est
bien pour ça… Je me répète, mais, d’une façon ou d’une
autre, faut que tu crèves l’abcès…
– Oui,
oh, mais là, il y a toutes les chances qu’il le soit… Parce que
tu sais ce que je vais faire ? Je vais y aller à Mâcon…
Demain… Et cuisiner Noémie… Une ancienne collègue… Elle est
toujours à l’affût de tout Noémie… Au courant de tout…
– C’est
peut-être pas le genre de choses qu’il est allé raconter à ses
collègues…
– Oui,
oh, alors ça, avec lui, on peut s’attendre à tout…
– Sans
qu’il y en ait une qu’ait eu l’idée d’aller le dénoncer ?
– Elles
l’auront pas cru… Il est pas à une vantardise près… Quoi
qu’il en soit, elle va forcément me mettre sur des pistes Noémie,
je la connais… Me permettre de faire le point… Et c’est une
chance que je vais sûrement pas laisser passer…
5
– Noémie !
Depuis le temps ! Ah, ça fait plaisir de te revoir… Alors
raconte ! Qu’est-ce que tu deviens ?
– Oh,
pas grand-chose… C’est le train-train… Et toi ?
– On
déjeune ensemble ? T’as le temps ? On se racontera tout
ça…
On a
d’abord parlé des mecs…
– Nous,
les nanas, c’est toujours par là qu’on commence…
– Et
par là qu’on finit…
Oui,
oh, ben de ce côté-là, elle, elle galérait pas mal…
– Ça
dure jamais plus de six mois… Il y a toujours quelque chose qui
finit par clocher… À un moment ou à un autre… À croire que je
suis programmée pour tomber sur des cas… Ou bien alors qu’il y a
que ça des cas…
– Faut
reconnaître… Il y en a pas mal…
– T’as
quand même fini par trouver, toi ! Tu t’es mariée…
Je
m’étais mariée, oui… Mais c’était pas forcément ce que
j’avais fait de mieux…
– Tu
regrettes ?
– Oui
et non… Il est pas pire qu’un autre… Il bosse… Il me prend
pas la tête… Il me laisse les coudées franches… Par contre,
côté cul, c’est pas ça qu’est ça… Il est vraiment pas doué
le pauvre…
– Ho
la la ! Je pourrais pas, moi ! Si je m’éclate pas un
minimum…
– Oui,
ben ça, moi non plus…
– Et
tu vas voir ailleurs…
– Quand
le mec il assure pas, il y a que ça à faire…
– C’est
ce qu’elle dit aussi Margaux… Et elle laisse pas sa part aux
chiens…
– Comment
elle va, elle ?
– Oh,
bien… Toujours identique à elle-même… Toujours une connerie à
raconter… Ou une bonne blague à faire…
De
Margaux on est passées à Chrystelle… Qui, elle, n’avait jamais
eu le moindre sens de l’humour… À Thera qui fondait en larmes
pour un rien… À Ivane qui se sentait agressée dès qu’on lui
adressait la parole…
– Finalement
il y a pas grand-chose qu’a changé depuis que je suis partie,
hein…
– Rien
du tout tu veux dire, oui… C’en est déprimant d’une force…
J’ai
fini par entrer dans le vif du sujet…
– Et
Thibaud ?
– Oh,
lui… Métamorphosé…
– Comment
ça ?
– Il
est tombé sous le charme d’une Irlandaise qui le mène en laisse
comme un petit toutou… Il y a déjà deux gamins… Et un troisième
en route…
– Eh
ben, dis donc ! Quand je pense… Je pouvais pas le voir, lui à
l’époque… Il pouvait pas me croiser sans me menacer aussi sec
d’une fessée…
– Je
me souviens, oui…
– Tu
sais que longtemps je me suis demandé s’il allait pas finir par me
coincer pour m’en coller vraiment une…
– Oui,
oh, il a beaucoup de gueule Thibaud, mais de là à faire un truc
pareil… Il aurait fallu qu’il ait une sacrée dent contre toi…
Non… Lui, il avait pas vraiment de raison de t’en vouloir… Pour
quoi que ce soit…
– Lui ?
Ce qui veut dire… Il y a quelqu’un d’autre qui m’en veut ?
– Qui
t’en a voulu en tout cas… Et pas qu’un peu…
– C’est
qui ?
– T’as
la mémoire courte…
– Non,
je vois pas, je t’assure…
– Magali…
– Magali…
Oh, la la, oui… Quand j’y repense… Ça m’était complètement
sorti de la tête cette histoire…
– T’avais
fait fort, faut dire…
– Je
sais pas ce qui m’avait pris… On fait de ces conneries des fois…
– En
attendant, elle avait perdu sa place… Passage de marchandises en
caisse sans enregistrer, ça pardonne pas, ça…
– Oh,
la la, j’m’en veux, tu peux pas savoir ce que j’m’en veux…
– Oui,
oh, ben ça tu peux… Parce que plus de deux ans elle a mis pour en
retrouver du boulot… Ça marque au fer rouge un truc comme ça…
– Il
y avait de quoi me prendre en grippe…
– Je
te le fais pas dire… Elle était remontée d’une force contre
toi… T’es partie au bon moment… Parce que, à mon avis, elle
aurait cherché à te faire payer… D’une façon ou d’une autre…
Et ça aurait mal fini…
– Et
elle m’en veut toujours, tu crois ?
– Ça,
je sais pas trop… J’ai plus vraiment de contacts avec elle…
Mais il y a des chances, oui… Mets-toi à sa place…
6-
– Ils
sont revenus… Hier…
– Qui
ça revenus ? Comment ça revenus ?
– Ben,
eux ! Les trois autres, là… Ceux de l’autre jour… Et ils
ont recommencé… Ils m’en ont recollé une…
– T’es
sûre ?
– Ah,
ben ça !
– Oui,
bon, écoute ! Je vais être franche avec toi… J’en crois
pas un mot… Déjà, la première fois, j’avais beaucoup de mal,
mais là… C’est ton droit de fantasmer… Tant que tu veux…
Mais alors, s’il te plaît, à l’avenir laisse-moi en dehors de
tout ça… J’ai pas de temps à perdre… Qu’est-ce tu fais ?
– Ben,
je te montre puisque soi-disant j’invente… Et ça ? C’est
du flan ça peut-être ?
– Ho
la la ! Attends ! Fais voir ! Oh, non, mais là !
T’as dû le sentir passer…
– Non ?
Tu crois ?
– Sûr
que tu vas les garder un moment les marques… Mais enfin, il y a un
truc que je comprends pas quand même… Ça t’a pas vaccinée la
première fois ? Moi, à ta place, je peux te dire que je
m’enfermerais chez moi à double tour…
– C’est
bien ce que je fais…
– Eh
ben alors !
– Sauf
que là j’avais oublié la fenêtre de la cuisine derrière…
– C’est
malin !
– Oui,
oh, de toute façon ils trouveront toujours une solution s’ils
veulent… Ils peuvent me tomber dessus quand je suis dans le jardin…
Attendre que je rentre, planqués quelque part… Ou bien me coincer
carrément ailleurs… À un endroit que je serais jamais allé
imaginer…
– Mais
qui ça peut être, bon sang ! Qui ça peut être ?
– Elle
a parlé cette fois-ci la fille…
– Ah !
– Elle
m’a demandé si j’avais réfléchi… J’ai dit que oui… À
tout hasard…
– Et
alors ?
– Ça
l’a fait rire… « Eh, ben on dirait pas ! » Et
elle a tapé de plus belle…
– Elle
a rien dit d’autre ?
– Rien…
– Ça
nous avance guère… Maintenant il y a peut-être une raison pour
que ce soit toujours elle qui tape…
– Oui…
Enfin non… C’est elle qu’a commencé… Mais ils ont pris le
relais les deux autres…
– Ah…
Je comprends mieux l’état de ton derrière… Ce qu’est fou
quand même, c’est qu’on n’arrive pas à avoir le moindre début
de commencement de certitude… Le moindre indice… Rien…
– Peut-être
quand même… Parce que mardi j’ai vu Noémie… Elle m’a parlé
de Magali… Et, comme par hasard, le lendemain…
– Ça
lui aurait donné envie de récidiver aussi sec ? Oui, c’est
possible… C’est bien ça le problème : tout est possible…
Et ta collègue, là ?
– Valérie ?
C’est pas exclu non plus… Parce qu’aujourd’hui elle t’avait
un de ces petits airs de jubiler à l’intérieur…
– Ça
peut être pour d’autres raisons…
– Je
sais bien, oui… Mais quand même… J’avais vraiment l’impression
qu’elle me surveillait quand je m’asseyais… Qu’elle guettait
une grimace… Quelque chose… N’importe comment, au point où
j’en suis arrivée, je soupçonne tout le monde… Paul aussi, hier
soir, je trouvais qu’il était pas comme d’habitude… Tout
guilleret… Comme quand on vient de jouer un bon tour à quelqu’un…
– Oui,
et puis, si ça tombe, c’est aucun de ceux à qui on pense… C’est
quelqu’un qui nous vient même pas à l’idée…
– Le
seul truc qui soit sûr, quoi, finalement, c’est que ça va
recommencer…
– Pas
forcément !
– Oh,
ben si, attends, si ! Il y a quelque chose qu’ils attendent
que je fasse, c’est clair… Tant que je l’aurai pas fait… Et
comme je sais pas ce que c’est ça peut durer un moment…
– C’est
bien pour ça… Il faut absolument qu’on en ait le cœur net…
Qu’on sache qui se cache derrière… Sinon tu vas passer ta vie à
appréhender…
– C’est
déjà le cas…
– Et
tu vas tourner le billot à la longue… Non… J’ai pensé à un
truc… Il y aurait peut-être une solution…
– C’est
quoi ?
– L’immeuble
au bout de ta rue… De là on a une vue imprenable sur ta grille
d’entrée… Et j’y connais quelqu’un qui demanderait pas mieux
que de surveiller un peu ce qui se passe devant chez toi… De
contrôler les allées et venues… De noter tout ce qui lui
paraîtrait suspect… De relever éventuellement un numéro
d’immatriculation… Etc. On finirait bien par arriver à quelque
chose à la longue…
– Oui,
mais ça nous oblige à mettre quelqu’un dans la confidence…
– On
n’est pas obligées de lui expliquer le pourquoi du comment…
Laisse-moi faire ! Je m’occupe de tout…
7-
– Tu
l’apprends par cœur ?
Ça faisait un quart
d’heure qu’il m’examinait le derrière sous toutes les coutures
Patrice… Qu’il scrutait… Qu’il palpait… Qu’il pinçotait…
– Non… Je
réfléchis…
– Et c’est
mon cul qui t’inspire ?
– Dans un
sens, oui… Parce que je suis en train de me demander un truc…
– C’est
quoi ?
– Tu vas
hurler…
– Dis
toujours !
– Et si
c’était Daphné ?
– Derrière
toute cette histoire ? Non, mais t’es pas bien ! Daphné,
c’est vraiment la dernière personne que j’irais soupçonner
d’une chose pareille…
– Ben,
justement ! Raison de plus. Ça lui laisse les coudées
franches…
– Pourquoi
elle irait faire ça ? Il y a aucune espèce de raison…
– Pour le
plaisir de tirer les ficelles sans que personne se doute de quoi que
ce soit…
– Faudrait
être particulièrement tordue…
– Elle l’est
peut-être…
– Je m’en
serais rendu compte depuis le temps…
– Pas si elle
est vraiment très douée…
– Bon, mais
tu vas me les tripoter longtemps les fesses ?
– T’aimes
bien d’habitude…
– Parce que
d’habitude tu t’y prends pas comme ça… Là, j’ai
l’impression d’être chez le toubib…
– Penses-y
quand même à ce que je viens de te dire…
– J’y
penserai, oui… Mais franchement, je la vois pas du tout dans le
rôle…
– Tu connais
Basile Lemoine ?
– Non… Qui
c’est ?
– Un type
qu’a fait ses études avec elle… On a bu un coup ensemble hier
soir tous les deux…
– T’es
pas allé lui raconter que je me suis ramassé des fessées au
moins ?
– Bien
sûr que non ! Je suis pas complètement idiot…
– Et
alors ? Ce Basile ?
– A
un frère, Sébastien, qui est sorti, il y a des années, avec une
copine à Daphné… Il y avait des hauts… Il y avait des bas… Et
souvent de l’eau dans le gaz…
– Oui, ben
ça, comme tout le monde…
– Daphné
a voulu s’en mêler… Les rabibocher… Et, à l’un comme à
l’autre, elle s’est mise à prêcher les vertus de la fessée :
il n’y avait rien de tel pour cimenter un couple… Ça le faisait
sortir des sentiers battus… Ça le rendait très complice…
Sébastien, lui, ne voyait pas vraiment d’inconvénient à tenter
l’expérience… Si ça marchait, tant mieux… Et si ça ne
marchait pas, tant pis : au moins ils auraient essayé… Mais
bon, Sébastien, lui, il avait le beau rôle. La copine, elle, par
contre, elle n’était pas chaude… Se laisser tambouriner le
derrière, fût-ce par son petit ami, ne la tentait pas vraiment…
Elle était malgré tout prête à sauter le pas si ça devait sauver
son couple… À condition d’avoir la certitude qu’il y aurait
des résultats à la clef… Pas question de se prêter à ça si le
succès n’était pas au rendez-vous… Et Daphné de dépenser des
trésors de persuasion pour la convaincre… Mais bien sûr que ça
marchait ! Bien sûr ! Et de lui citer des exemples en
pagaille… Sans pour autant parvenir à la décider vraiment… Elle
ne se décourageait pas, revenait constamment à la charge… C’en
était devenu carrément persécutif… Tant et si bien que, de
guerre lasse, ils ont fini par lui laisser croire qu’ils avaient
suivi ses judicieux conseils… Ils n’en ont pas été quittes pour
autant… Elle voulait savoir comment ils procédaient… À quelle
fréquence ça avait lieu… S’ils baisaient après, etc. Sans
doute a-t-elle fini par soupçonner qu’ils la menaient en bateau
parce qu’elle s’est mise à vouloir que la copine lui montre son
postérieur… Soi-disant pour se rendre compte si elles étaient
assez appuyées les fessées… C’était indispensable… Si on
voulait que ce soit vraiment efficace… Et au bout du compte, de fil
en aiguille, tout ce joli monde a fini par se brouiller à mort…
– Tu crois
vraiment que ça peut être elle ? Qu’elle serait allée me
faire un truc pareil ?
– On ne peut
pas ne pas se poser la question, moi, j’trouve !
– J’arrive
pas à y croire…
– C’est
quelque chose qu’a l’air de l’obséder en tout cas…
– Mais de là
à aller imaginer quelque chose d’aussi machiavélique…
– Oh, alors
ça, tu sais !
– N’empêche…
N’empêche… Maintenant que j’y pense, il y a plein de trucs qui
me reviennent… Des réflexions… Des attitudes… Plein de choses…
Et j’ai éclaté
en sanglots…
– Pleure pas,
va !
– Je lui
faisais confiance, moi ! Et elle…
– C’est pas
non plus absolument certain…
– Oui, oh, tu
parles ! La garce ! Non, mais quelle garce ! Ah, elle
veut jouer ? Eh bien on va jouer…
8-
Et
maintenant ? Deux solutions j’avais : ou bien je lui
volais dans les plumes à Daphné; je lui balançais tout ce que
j’avais sur le cœur et on se brouillait à mort. Ou bien je
faisais celle qui ne se doutait rien et j’attendais mon heure. Je
te lui concoctais une de ces petites vengeances de derrière les
fagots dont elle se souviendrait jusqu’à sa dernière heure. J’ai
ruminé, des heures durant, sans parvenir à me décider : il y
avait du pour et du contre d’un côté comme de l’autre.
J’étais
sur le point de me déterminer, en désespoir de cause, pour la
seconde solution quand elle a brusquement fait irruption…
– Alors ?
Te voilà rassurée !
– Rassurée ?
Comment ça rassurée ?
– T’as
pas lu le journal ?
– Non…
Qu’est-ce qui se passe ?
– Ils
l’ont arrêté ton trio…
– C’est
pas vrai !
– Eh,
si ! Tu vas enfin pouvoir souffler… Et penser à autre chose…
Il était temps d’ailleurs parce que ça tournait à l’obsession
cette histoire…
– J’y
crois pas… J’arrive pas à y croire… T’es sûre ?
– Ah,
oui… Oui… Aucun doute là-dessus… Deux hommes et une femme…
Qui écumaient la région… Et distribuaient des fessées à
tire-larigot…
– C’en
sont peut-être d’autres… Pas les miens…
– Ben,
voyons ! Ce sont des escadrons de fesseurs par dizaines qui sont
lâchés dans la nature… Non… Non… Ce sont bien les tiens, va !
– Tu
l’as pas apporté le journal ?
– Je
pensais que tu l’aurais… Tu le prends d’habitude…
– On
sait qui c’est ?
– Ils
donnent des noms, oui, mais qui ne me disent rien… Il y a que deux
mois qu’ils sont dans la région… Un couple du Nord avec son
frère à elle…
– Et
ils se sont fait prendre comment ?
– Apparemment
leur grand truc, c’était de revenir… De lui en remettre une
couche à la femme…
– Oui,
ben ça, je sais ! Je suis bien placée pour…
– Quand
ils ont eu compris ça les flics, ça a été un jeu d’enfant de
les coincer… Pas loin d’une dizaine de victimes ils auraient
fait, à ce qu’il paraît…
– Sans
compter toutes celles qui, comme moi, ne se sont pas manifestées…
– Et
qui maintenant vont peut-être le faire…
– Et
se pointer au procès ? Grand bien leur fasse ! Si elles
tiennent à à être la risée de tout le pays…
– Quant
à leurs motivations, elles sont, d’après les enquêteurs, on ne
peut plus floues. Il y en a même un – le frère – qui
tient des propos complètement incohérents.
– Ben,
tiens ! Ils vont essayer de s’en sortir comme ça… Mais moi
qui les ai approchés de près, je peux te dire qu’ils ont toute
leur tête… Alors là !
– Ils
ont l’habitude les juges… Ils seront pas dupes…
– Peut-être…
Et puis peut-être pas… En attendant, moi, ce que je me demande,
c’est comment ils nous ont choisies. Sur quels critères…
– Ce
qu’ils devaient surtout se demander, c’est si c’était faisable
ou pas… Fallait que la nana elle vive toute seule ou, du moins,
qu’ils soient sûrs de la trouver toute seule à l’instant T…
Il fallait qu’elle habite un endroit suffisamment isolé pour que
les voisins ne soient pas amenés à se poser des questions ou à
intervenir… Il fallait plein de choses en fait…
– Ce
qui veut dire qu’ils m’ont fliquée… Qu’ils ont fouillé ma
vie… Surveillé mes fréquentations… Et ça pendant des semaines…
– Peut-être
pas pendant des semaines, mais ils l’ont fait, oui, sûrement…
– Pourquoi
moi ?
– Et
pourquoi pas ? C’est le hasard… Ça aurait pu tomber sur
n’importe qui…
– Je
crois pas, non… Pas complètement… Il a bien fallu qu’ils
sélectionnent au départ… D’une façon ou d’une autre… Je
sais pas, moi… Par exemple, ils s’installaient à une terrasse de
café, dans un quartier bien fréquenté… Ils en laissaient passer
quarante… Soixante… Et, à la soixante-et-unième, d’un coup,
ils se levaient… Ils la prenaient en filature… Pourquoi elle ?
Pourquoi précisément celle-là ? Qu’est-ce qu’ils avaient
senti sur elle ? Qu’est-ce qui leur a donné envie que ce soit
sur elle qu’elle tombe la fessée ? Sur elle – sur
moi – et pas sur une autre ?
– Bientôt
ça va être de ta faute…
– Mais
non, mais…
– Mais
si ! La seule raison, c’était peut-être qu’elle était la
soixante-et-unième justement… Qu’ils avaient décidé comme ça…
Dès le départ… Le lendemain, c’était la cent
quatre-vingt-troisième et, le surlendemain, la dix-huitième… Et
puis voilà…
– Peut-être…
Je sais pas…
9-
– Il
y a un truc que je comprends pas, Paul…
– Quoi
donc ?
– Ben,
on se fait un super plan fessée tous les deux… On imagine un trio
qui me tombe dessus… Qui me fesse à tout va… On prend un pied
pas possible à rouler tout le monde dans la farine avec cette
histoire et, à l’arrivée, il existe vraiment ce trio… En chair
et en os…
– Tu
devrais savoir, depuis le temps, que, de par mon métier, j’ai
accès à toutes sortes d’informations confidentielles… Il y a
près de trois mois que je la connais l’existence de ce trio…
Prétendre que tu en étais la victime, c’était rendre les choses
beaucoup plus plausibles encore le jour où il serait arrêté… Ce
qui a fini par arriver…
– En
ce qui concerne Daphné, je peux te dire que c’est réussi :
elle y croit dur comme fer… Mais c’était déjà le cas avant…
– Ben,
oui… Elle avait pu juger sur pièces… Sur derrière rougi… Pour
ton plus grand plaisir…
– Sauf
que maintenant on est piégés… Fin de partie… Ils sont en taule…
Donc, forcément, le jeu s’arrête…
– Ça
dépend…
– Je
peux quand même pas aller raconter à Daphné qu’il y a un second
trio… Composé, lui aussi, de deux hommes et d’une femme… Le
hasard fait parfois bien les choses, mais là ce serait quand même
gros…
– Non…
Bien sûr que non… Mais il y a plein d’autres solutions…
– Ah,
oui ? Quoi, par exemple ?
– Ben,
par exemple, tu laisses passer quelques jours et tu vas la trouver
Daphné, la mine catastrophée… « Ça a recommencé… »
Elle te croira pas…
– Ah,
ça, c’est sûr…
– Tu
vas insister… Si, si ! Ça a recommencé… Deux hommes
c’était cette fois… Ou deux femmes… Ou un homme et une femme…
Comme tu veux… Tu choisis… Elle te croira toujours pas… Je
t’aurai collé une bonne fessée avant… Une bien sévère, comme
tu les aimes… Tu lui montreras… Et tu lui expliqueras que c’est
de ta faute tout ça… Parce que t’en as parlé à Noémie…
T’étais tellement contente que ce soit fini… T’as cru pouvoir
lui faire confiance… Tu lui as tout raconté… Et elle, ben
sûrement qu’elle a rien eu de plus pressé que d’en parler
autour d’elle… À tout un tas de gens… Et, évidemment, aux
anciens collègues de la grande surface… On en a fait des gorges
chaudes et sûrement que ça a donné des idées à certains… À
Thibaud… Ou bien à Magali qui te garde, depuis des années, un
chien de sa chienne… On à n’importe qui d’autre… Quelqu’un
qu’il ne te viendrait même pas à l’idée de soupçonner… Mais
t’es sûre et certaine que c’est de là que ça vient… La
preuve : ce qu’il t’ont dit en repartant. Que la vengeance,
c’est un plat qui se mange froid. Etc. Etc. Ta Daphné, je te parie
ce que tu veux qu’elle va donner dans le panneau tête baissée…
Relancer l’enquête… Réactiver son espionne du bout de la rue…
Elle sera ravie… Et nous, on va s’en donner à cœur joie…
Improviser au fur et à mesure en fonction de la tournure que
prendront les événements…
– Vu
comme ça, c’est vrai que c’est tentant…
– Il
y aurait plus jubilatoire encore, ce serait que tu ailles réellement
te confier à Noémie…
– C’est
prendre des risques…
– Limités…
C’est loin Mâcon…
– Pas
tant que ça ! Et on ne sait jamais qui connaît qui… Ni où…
– Elle
réagirait comment, tu crois ?
– Je
n’en ai pas la moindre idée… Mais je crois que la plupart des
filles, dans une situation comme celle-là, sont totalement
incapables de tenir leur langue…
– D’où…
montée d’adrénaline assurée…
– Ça
me tente bien, mais d’un autre côté… Non… Faut réfléchir…
Prendre son temps… En discuter…
– Sinon…
t’as aussi la solution de cibler Patrice… D’une façon ou d’une
autre… Plein d’idées j’ai, d’ailleurs, en ce qui le
concerne…
– Le
pauvre ! Oh, non ! Pas Patrice…
– Ah,
pas question de toucher à ton petit protégé, hein !
– Mais
non, Paul, c’est pas ça… Seulement…
– Bien
sûr que si que c’est ça… Et Valérie ?
– Ma
collègue de boulot ? Je me vois pas en train de lui parler d’un
truc pareil…
– Moi,
si ! Imagine : je vais la voir et je lui confie, sous le
sceau du secret, qu’à plusieurs reprises j’ai détecté, sur ta
jolie petite croupe, des reliquats de fessées. Est-ce que par
hasard, elle qui travaille avec toi, elle n’aurait pas remarqué
quelque chose de suspect ?
– Elle
va te dire que oui… Alors là, ça, c’est sûr…
– Et
te placer sous haute surveillance… C’est pas génial ?
– Je
t’adore…
– Quelle
que soit l’option retenue, il faut, de toute façon, préparer le
terrain… Une bonne fessée s’impose, non ?
– Oh,
si !
FIN
DU PREMIER ÉPISODE
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