samedi 5 février 2011

Escobarines: La novice





- Notre communauté accueillera demain en son sein une recrue qui l’honore… Et qui va définitivement la mettre à l’abri du besoin… Je compte donc sur vous, ma sœur, pour faire en sorte que son arrivée parmi nous s’opère dans les meilleures conditions…
- J’y veillerai, ma mère… Mais si vous souhaitez m’en dire davantage…
- Les grands de ce monde ont parfois des faiblesses…
- Que Dieu leur pardonnera pourvu qu’ils fassent amende honorable et s’efforcent de racheter leurs fautes…
- La jeune personne qui va nous rejoindre est de noble extraction… Très très noble… On ne peut plus noble, mais… malheureusement… illégitime…
- Je prierai pour Sa Majesté…
- Qui tient à ce que le secret de cette naissance soit scrupuleusement gardé… La principale intéressée elle-même doit tout en ignorer… Il lui suffit de savoir, pour s’en repentir, qu’elle est le fruit du péché…
- Ainsi sera-t-il fait… Quant à son éducation ?…
- On nous laisse carte blanche… Nos chères soeurs languedociennes auxquelles elle a été confiée jusqu’à sa majorité paraissent, dans l’ensemble, satisfaites et de son caractère et de sa docilité et de sa piété… Elle semble toutefois prédisposée, de par ses origines, quand bien même elle les ignore, au péché d’orgueil et à celui de luxure… Ce sont là des vices dont je ne doute pas, ma sœur, que vous aurez à cœur de la corriger…
- Vous pouvez compter sur moi, ma mère…

- Voilà une semaine entière – depuis que vous êtes arrivée parmi nous – que nous vous observons, ma fille, notre mère Supérieure et moi… Vous faites des efforts louables pour vous conformer, du plus près possible, à notre idéal de vie religieuse et nous vous en savons gré… Nous vous en saurions infiniment plus gré encore si vous ne promeniez pas partout cet air de perpétuel contentement de vous-même… Si vous ne cherchiez pas en permanence à susciter l’admiration par un comportement irréprochable… De toutes les vertus l’humilité est la plus noble… Il semble malheureusement que vous en ayez été fort peu pourvue à la naissance… Il est de notre devoir, vous en conviendrez très certainement, de vous la faire acquérir, fût-ce à votre corps défendant…
- J’en conviens, ma sœur… Et avec l’aide de Dieu…

- Qu’est cela, ma fille ?… Que faisiez-vous ?…
- Rien, ma sœur… Rien…
- Et que vous efforcez-vous donc de cacher là ?… Faites voir !… Allons, faites voir !… Un miroir ?!… Vous savez fort bien que la possession d’un miroir est formellement prohibée dans l’enceinte du couvent…
- Pardonnez-moi, ma sœur…
- De quelle utilité vous est donc un miroir ?… Qu’avez-vous à vous soucier de votre apparence ici ?… Eh bien répondez !… Expliquez-vous !…
- Je suis coupable…
- Sans aucun doute… Ne savez-vous donc point que votre corps n’est qu’une méprisable et périssable enveloppe charnelle… Que c’est votre âme qu’il faudra rendre à Dieu… Et que vous serez comptable, ce jour-là, de chacun de vos actes, de chacune de vos pensées… Ne le savez-vous donc point ?…
- Si fait, ma soeur…
- De quelle nature étaient donc les pensées qui vous habitaient quand je suis survenue ?…
- Ma sœur…
- Et quelle est la partie de vous-même que vous contempliez avec une telle attention ?…
- Oh, ma sœur !...
- Dites...
- La plus impure…
- C’est bien en effet ce qu’il m’a semblé… Dans quel but ?… Ignorez-vous que ce péché, si vous le commettez, vous expose à la damnation éternelle ?
- Que Dieu me vienne en aide…
- Il le fera… Si vous avez à cœur de confesser vos fautes…
- Je n’y manquerai pas, ma sœur…
- Et si vous prenez la ferme résolution de ne plus céder, à l’avenir, à la tentation…
- J’y suis prête…
- Vous y parviendrez si vous consentez à mortifier votre chair… A la punir de chercher à vous détourner ainsi de la voie du salut…
- Je le ferai…
- C’est-à-dire ?… Allez-vous vous appliquer à vous-même la discipline ?…
- Puisqu’il le faut…
- Ne craignez-vous point de faire preuve, à cette occasion, d’une indulgence coupable à votre propre égard ?…
- Ne suis-je pas la plus mal placée pour en juger ?…
- En effet… C’est donc moi qui, dans l’intérêt de votre salut, vais officier…
- Je vous en ai une infinie gratitude, ma sœur…
- Il ne vous reste plus dès lors qu’à vous dépouiller de vos vêtements…

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