samedi 18 décembre 2010

Escobarines: Sortie nocturne





- Vous vous étonnerez pas, hein, les filles, si vous vous réveillez cette nuit, de pas me trouver dans le lit…
- Tu seras où ?…
- Vous direz rien ?… C’est vrai ?… C’est promis ?… Je vais… J’ai un rendez-vous…
- Un rendez-vous !… Avec qui ?… Un homme ?…
- Evidemment un homme !… Ca !…
- T’es folle !… T’es complètement folle !…
- Oh, mais non !… Je le connais… C’est quelqu’un de bien… De très bien… Et puis il a de ces yeux !…
- Tu le connais !… Et d’où ça tu le connais ?…
- On a voyagé ensemble l’autre jour… Quand je suis allée à Saint-Germain…
- Et t’appelles ça le connaître !…
- Oh ben oui !… Oui… Tout l’après-midi on a parlé… Et il veut qu’on continue… Tout à l’heure…
- En pleine nuit !… Et où ça, s’il te plaît ?…
- Derrière l’église… Là où il y a des bancs…
- Et tu vas y aller ?…
- Il vient exprès pour me voir… Pour qu’on parle… Je peux pas lui faire ça… C’est peut-être l’homme de ma vie en plus… Sûrement même… Oui… Je le sens que c’est lui…
- Non, mais est-ce que tu te rends compte ?…
- De quoi ?
- Qu’un homme, c’est un homme… Et que ça a qu’une seule chose en tête… Toujours… Et que c’est prêt à tout pour arriver à ses fins… Et qu’après, une fois qu’il a eu ce qu’il voulait…
- Pas lui !…
- Tu parles !… Non… Décidément tu te rends pas compte…
- Si, je me rends compte, si !… Je me rends compte que vous le connaissez pas… Et que vous en crevez de jalousie de pas être à ma place…
- Tu fais ce que tu veux… T’es assez grande… Mais après tu viendras pas te plaindre…

- Quelle heure il est ?
- Trois heures…
- Et l’autre qu’est pas rentrée… S’il lui était arrivé quelque chose…
- Qu’est-ce tu veux qu’il lui soit arrivé ?… A part ce qu’elle crevait d’envie qu’il lui arrive…
- On sait jamais…
- Mais non !… Elle y a pris goût, c’est tout !… Elle en redemande…

- Et maintenant ?
- Quoi ?… « Et maintenant ?… »
- Il est quelle heure ?
- Quatre… Oh, mais laisse-moi dormir, écoute !
- Oui, mais si…
- On verra ça demain…

- Vous dormez ?… C’est pas normal… Cinq heures il va être… Elle sait bien que les deux autres elles vont pas tarder à se lever et qu’une fois qu’elles seront levées pour réussir à rentrer sans se faire voir…
- C’est pas normal, c’est vrai !…
- J’ai un mauvais pressentiment…
- Moi aussi…
- Un type on sait jamais ce qui peut lui passer par la tête…
- T’imagines qu’il ait voulu se débarrasser d’elle après ?…
- Dis pas ça !… Rien que d’y penser !…
- Ou qu’il l’ait embarquée pour aller faire le trottoir quelque part !…
- Faut prévenir !… Avant qu’il soit trop tard… Avant qu’ils soient trop loin… Faut absolument prévenir… Qui c’est qui y va ?…
- Toi, Alice, t’expliques toujours mieux…

- Bon alors !… Ces demoiselles !… Ah, vous pouvez être fières de vous !… Vous pouvez !… Parce que… vous savez l’une de vos camarades prête à se laisser engloutir dans les abîmes du péché… Et qu’est-ce que vous faites ?… Rien… Vous la laissez accomplir son forfait… Pire : vous la couvrez… Vous faites mine de ne découvrir son absence qu’au petit matin quand tout est consommé. Ou que, du moins, vous supposez que tout l’est… Heureusement qu’il y a, dans ce pays, des âmes vertueuses prêtes à ramener, aussitôt que nécessaire, les brebis égarées dans le droit chemin… Votre camarade n’avait pas fait trente pas dehors qu’on nous avait prévenues et que le pire a ainsi pu être évité… Il va sans dire qu’avec l’accord de ses parents ont été prises à son égard les dispositions qui s’imposaient… Vous ne la reverrez pas… Et ne cherchez pas à savoir où elle a été envoyée… Ce serait inutile… Il reste que votre comportement à vous est inqualifiable… Et qu’il va sans dire que vous allez être sanctionnées… Sur le champ… De la façon que vous savez… Allons, Mesdemoiselles, mettez-vous en position…

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