samedi 5 mars 2011

Escobarines: Au service de Mademoiselle





- Mais qu’est-ce t’as, Suzette ?… Tu pleures ?… C’est ton amoureux ?… Il a été méchant avec toi, c’est ça, hein ?…
- Oh, non, non… C’est pas Denis, non…
- C’est quoi alors ce gros chagrin ?…
- C’est Mademoiselle Lise… Qu’est toujours après moi… Dix fois qu’elle m’a fait recommencer les poussières au salon et dans les chambres… Quinze fois… Que ça allait jamais… Et qu’elle me répète sans arrêt que je suis pas capable… Que Madame sa mère elle est bien trop bonne avec moi… Que le jour où elle sera plus là la porte elle sera pas assez grande pour que je m’en aille… Que j’irai crever de faim dans un coin… Que c’est tout ce que je mérite… alors quand elle va passer de l’autre côté la pauvre Madame…
- C’est pas demain la veille… Et t’inquiète pas que la Lise elle te mettra pas dehors…
- Oh, si !… Si !… Elle me le répète assez… Et qu’est-ce que t’y pourras rien faire, toi, ma pauvre Fanchon…
- On verra… Alors ça on verra…

- C’est pas vrai !… Hein, tu le sais bien, toi, Fanchon, que c’est pas vrai…
- Quoi donc qu’est pas vrai ?…
- Que je l’aguiche son frère… Que je fais tout pour qu’il me coince… C’est ce qu’elle dit… Et qu’elle voit clair dans mon petit jeu… Que j’ai pas intérêt à continuer à m’y frotter à monsieur Edouard parce que alors là j’aurai affaire à elle… Et que de toute façon Denis il va être au courant… Elle va faire ce qu’il faut pour… Mais je veux pas, moi, Fanchon, c’est pas juste… C’est tout faux ce qu’elle raconte… Et si Denis il apprend des choses pareilles…
- Ah, elle le prend comme ça !… Eh bien elle va voir ce qu’elle va voir… Tu sais où on étend les draps ?…
- Ah, ben ça oui pour sûr !… C’est moi qui le fais…
- Alors va te cacher sous l’escalier ce tantôt et quand tu entendras du bruit viens voir ce qui se passe…

- Personne t’a vue monter, Fanchon, tu es sûre ?…
- Mais oui, Mademoiselle, qui voulez-vous qui vienne traîner par ici à c’t’heure ?… Tout le monde vaque à ses occupations…
- Et tu me gardes bien le secret, hein ?… Tu me promets ?… Que personne sera au courant… Jamais…
- Depuis le temps que Mademoiselle se confie à moi…
- Oui… Bien sûr… Je suis stupide… Tu es muette comme la tombe… Tu l’as toujours été…
- Comment Mademoiselle souhaite-t-elle que nous procédions aujourd’hui ?…
- Comme tu voudras, Fanchon… Mais chauffe-moi le bien !… Qu’il me brûle un bon moment…
- Avec le battoir alors…
- Si tu veux… Et parle-moi !… Comme tu fais d’habitude… J’aime trop ça quand tu me parles pendant…
- Allez, Mademoiselle !… On découvre son petit cul…
- Oh, Fanchon !…
- Et plus vite que ça… On se dépêche !… On a beau être une grande fille… On va y avoir droit… Et on va s’en souvenir…
- Mais j’ai rien fait, Fanchon !… J’ai été sage…
- A qui Mademoiselle veut faire croire ça ?… Est-ce qu’elle n’a pas eu de vilaines pensées ?… Est-ce qu’elle n’a pas laissé discrètement traîner ses regards sur les hommes à la messe ?…
- Ben si , mais…
- Alors on ne discute pas… Et on s’amène par ici… Allez, hop !…
- Aïe !… Aïe !… Mais ça fait mal, Fanchon…
- Parce que Mademoiselle s’imagine que je l’ignore ?… C’est justement là l’intérêt de la chose…
- Tu peux encore plus, tu sais, si tu veux…
- Et je vais pas m’en priver… Comme un cochon qu’on égorge elle va braîller la petite Demoiselle…

- Ouche, Fanchon !… Tu y es pas allée de main morte…
- Mademoiselle le regrette ?…
- Oh non, non, au contraire… Mais… écoute !… T’as rien entendu ?…
- Non…
- Il y a quelqu’un… Si !… T’entends pas ?… Ca dégringole l’escalier… Va voir !… Tu veux pas aller voir ?…
- C’est Suzette… Elle est partie…
- Suzette !… Mais qu’est-ce qu’elle faisait là ?…
- Ca !…
- Mais c’est horrible !… Elle va rien avoir de plus pressé que d’aller raconter partout ce qu’elle a vu…
- Suzette ?… Oh non !… Elle dira rien… J’en fais mon affaire… A condition toutefois que Mademoiselle ne se montre pas trop dure désormais avec elle… Qu’elle évite de la prendre à rebrousse-poil comme elle a trop souvent tendance à le faire…

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