samedi 20 novembre 2010

Escobarines: La toilette





- Bon… Allez, Mesdemoiselles, au bain !…
- Mais c’est pas le jour, Toinette !…
- C’est pas le jour, non !… Mais demain c’est celui du mariage de votre cousin Gontran… Il faut que vous soyez toutes belles… Et toutes propres… Pour lui faire honneur… Allez vite !… Que l’eau va refroidir…

- Eh bien ?!… Vous attendez quoi ?… Le déluge ?…
- On n’a pas besoin de toi, tu sais !… T’as plein d’autres choses à faire… Faut pas qu’on te fasse perdre ton temps… Alors si tu préfères…
- Mais c’est quoi toutes ces simagrées aujourd’hui ?… Dépêchez-vous de quitter tout ça et de monter là-dedans… Ou j’appelle votre mère… Et je peux vous assurer qu’elle est vraiment pas d’humeur ce matin…

- Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ?!… Fais voir !… Fais voir, j’te dis !… Qui c’est qu’a bien pu te mettre le derrière dans un état pareil ?… Et toi ?… Tourne-toi !… Mais toi aussi !… Eh ben décidément !… C’est le carnaval des culs rouges…
- Tu vas rien dire à maman, hein ?!…
- Ca… Je verrai… Quand vous m’aurez expliqué ce qui s’est passé…
- C’est hier en se promenant…
- Oui… Du côté de La Prade… Il y a deux bonshommes qui nous sont tombés dessus… Qu’on connaissait pas… Qu’on avait jamais vus… Ils se sont jetés sur nous, ils nous ont mis la fessée et ils se sont sauvés en courant… Sûrement ils nous ont prises pour quelqu’un d’autre…
- A qui vous voulez faire croire ça ?…
- Si, c’est vrai, hein !
- Ben voyons !… Et vous êtes tranquillement rentrées comme si de rien n’était… Vous n’en avez touché mot à personne…
- On avait bien trop honte…
- Si c’est ça il faut absolument mettre votre mère au courant… C’est bien trop grave… Qu’elle porte plainte… Qu’on prenne les dispositions qui s’imposent… J’y vais de ce pas…
- Non… Non… Attends !…
- Alors dites-moi ce qui s’est VRAIMENT passé…
- On a joué…
- Oui… On s’est un peu amusées à se la donner toutes les deux…
- Et vous jouez à ça souvent ?
- Oh non, non !… C’est la première fois…
- Oui… C’est la première fois… Et puis, d’habitude, on s’arrange pour que ce soit juste après la toilette… Comme ça personne s’en aperçoit…
- Et vous n’avez rien de plus intelligent à faire ?…
- Non, mais c’est pour s’aider pour les leçons… On s’interroge l’une l’autre… Et quand on sait pas paf !… Jusqu’à ce qu’on sache… Ca rentre mieux…
- Oui… Sauf que des fois, même que je sache, elle m’en met quand même !… Elle dit que c’est parce que j’aurais très bien pu pas savoir… Ou alors que j’ai pas tapé assez fort quand c’était son tour de la recevoir…
- Tu peux parler, toi !… Qui c’est qui se met à califourchon sur moi pour pas que je puisse bouger et qui m’en colle même quand il y a pas de raison ?…
- T’adores ça… Tu le dis toi-même…
- Et pas toi peut-être ?… Rappelle-toi le jour où…
- Le jour où ?…
- Non… Rien…
- Peut-être pourrions-nous poursuivre cette intéressante conversation en présence de Madame votre mère ?… Je suis certaine qu’elle y prendrait le plus vif intérêt…
- Oh non, Toinette, non !… Pas maman !…
- On fera tout ce que tu voudras…
- Et on te dénoncera plus quand tu iras te cacher dans la grange avec Paul…

Elle est sortie sans un mot…
- Elle va la chercher… Ah, on est dans de beaux draps !… Tu peux être fière de toi !…
- Parce que ça va être de ma faute !…
- Bien sûr que c’est de ta faute !… C’est toi qu’as absolument voulu raconter à maman ce qu’elle faisait dans la grange… Forcé qu’elle nous en veuille maintenant !… Et on peut même plus les regarder à travers les trous de la porte… En plus !…

Il y a eu un bruit de pas dans le couloir. Des rires. Des voix…
- C’est pas maman !…
C’était pas maman, non. C’était Pauline, la cuisinière…
- Tu vois !… Qu’est-ce que je te disais !…
- Oh, ces demoiselles !… Qui font tant les fières… Si j’avais jamais cru une chose pareille… Quand je vais raconter ça à Basile…
- Va le chercher, tiens, plutôt !… Qu’il voie ça de ses propres yeux… Et ramène Paul !… Je suis sûre que ça va beaucoup l’amuser…
- Oh non, Toinette, non !…
- Vous préférez qu’on aille chercher maman ?… Non ?… Eh bien alors !…

Escobarines: Au fenil





- C’est Paul…
- Ben oui, c’est Paul, oui !…
- Il va où ?…
- Au fenil… Rejoindre Toinette… Ils peuvent plus dans la grange maintenant que maman sait…
- Ca leur fait loin…
- Ils s’en fichent… Ils ont bien trop envie…

- T’as entendu comment elle a crié ?…
- Ben oui !… Je suis pas sourde…
- Faudrait qu’on puisse les voir…
- Avec la porte qu’il y a tu peux toujours courir…
- Et en se cachant au-dessus ?… Avant qu’ils arrivent… On pourrait tout regarder de là-haut…
- C’est drôlement risqué… S’ils nous découvrent…
- Il y a aucun danger… Et puis même !… Qu’est-ce tu voudrais qu’ils fassent ?…
- Qu’ils le disent à maman… Et alors là !…
- Tu vois toujours tout en noir, toi, de toute façon !…

- Bon, alors ?… Qu’est-ce qu’ils font ?… Tu vas voir qu’ils vont pas venir… Justement aujourd’hui qu’on les attend…
- Chut… Chut… Je crois que les v’là !…

Ils se sont enlacés, embrassés. Paul a plongé la main dans le corsage de Toinette, en a extirpé un sein. Tout blanc. Tout veiné de bleu. L’autre. Il a enfoui sa tête sous sa robe. Ca a moutonné. Elle a rejeté la tête en arrière. Respiré plus fort. Plus vite. Manon s’est penchée. Encore. Encore…
- Attention !… Attention… Tu vas…
Et elle est allé atterrir en dessous, dans le foin, juste à côté de Toinette qui a poussé un hurlement de terreur. Paul s’est précipitamment extirpé de sous sa robe, l’air hagard…
- Qu’est-ce que ?… Tiens, tiens !… Mais c’est l’une de nos petites demoiselles !… Et celle qui rapporte à maman en plus !… Qu’est-ce qu’elle fait là ?… Sa petite curieuse ?…
- Non… Non… Je suis tombée…
- Oui, ben ça on a vu !…
Il l’a prise par le bras, aidée à se relever…
- Bon, et maintenant on fait quoi ?…
Rien. Rien du tout. Elle allait s’en aller. Les laisser. C’était l’heure. Et si elle arrivait en retard… Alors là si elle arrivait en retard !…
- Tu comptes quand même pas t’en tirer comme ça ?…
Ben si, si !… Elle comptait… Qu’il la lâche maintenant… Fallait vraiment qu’elle parte…
- Eh bien vas-y !… Pars !…
Il l’a lâchée…
- Et nous, pendant ce temps-là, on va aller trouver Madame et lui expliquer à quoi s’occupe sa grande fille – dont elle a si haute opinion – dès qu’elle a le dos tourné… Elle sera très certainement ravie…
- Oh non !…
Il a échangé quelques mots tout bas avec Toinette…
- A moins que… on règle ça ici… gentiment… entre nous… Une bonne fessée te ferait pas de mal, nous, on trouve… D’autant que t’as l’habitude… On a vu ça l’autre jour…(*) Hein ?!… Qu’est-ce que t’en dis ?…
Rien. Elle en a rien dit. Rien du tout. Mais elle s’est allongée sur le ventre, elle a remonté haut sa robe et elle a attendu…
- Ah, elle le prend comme ça !… Ah, elle en veut !… Eh ben elle va en avoir !… Elle va s’en souvenir…

Ils se sont agenouillés, chacun d’un côté, et ils ont tapé. A quatre mains. Tambouriné. Paul le bas des fesses. Toinette le haut. Ils y mettaient tout leur cœur, s’encourageaient parfois l’un l’autre brièvement d’un regard. Manon, elle, avait enfoui la tête dans le foin et laissait de temps à autre échapper un long gémissement sourd accompagné d’un haut soubresaut du derrière. De plus en plus hauts les soubresauts. De plus en plus rapprochés les gémissements. Une dernière salve. A tout va. Ils se sont relevés…
- Recommence pour voir !…
Et ils se sont éclipsés…

- T’as mal ?…
- Evidemment que j’ai mal… T’aurais pas mal, toi ?…
- Comment c’est rouge !… Jamais je te l’ai vu aussi rouge…
- En tout cas, c’est pas pour te vexer, mais comment ils s’y prennent bien mieux que toi…
- Parce qu’ils étaient deux… Et qu’il y avait un homme… Et qu’ils tapaient fort…
- Peut-être… Je sais pas… Mais c’était pas du tout pareil les sensations… Ca ressemble absolument pas à quand nous on se le fait… Mais tu verras toi-même… Parce que c’est ton tour la prochaine fois…
- Oui, oh, alors ça !…
- Si tu tombes pas de toi-même je te pousse…
- Encore faudrait-il qu’on y retourne…
- Tu en doutes ?…


(*) voir Escobarines : La toilette

Escobarines: Soirée pyjama





Ca faisait des années et des années que Cynthia et Camille n’avaient pas passé leurs vacances en Creuse, chez leur cousine Ophélie, et elles étaient bien décidées à en profiter… On allait voir ce qu’on allait voir !… Alors là !…

Elles avaient vite déchanté…
- Ce que c’est nul ici !… Il y a rien à faire…
- Oui… Il y a que des vaches… Et des arbres… On a passé l’âge…
- Et tu restes toute l’année là, toi, Ophélie ?… C’est dingue !… On pourrait jamais, nous !… Qu’est-ce que tu dois t’emmerder !…
- Un peu, mais bon, j’ai l’habitude…

Elles prenaient la voiture de Camille…
- Pourvu qu’elle nous lâche pas en route !…
Et faisaient un saut en ville…
- Si on peut appeler ça une ville !…
Où elles traînaient leur ennui une heure ou deux avant de rentrer s’installer devant la télé…
- Encore heureux qu’on ait ça…
Tante Muriel bondissait…
- Vous pouvez pas aller profiter du bon air plutôt, non ?… Vous êtes blanches comme des Efferalgan… Ah, elle va être contente votre mère si je vous renvoie là-bas comme ça !…

Il y avait même pas de mecs potables en plus !… Enfin si, il y en avait un…
- Un pour trois c’est maigre !…
Il y en avait un, un vacancier, - Kevin il s’appelait - qui passait ses journées à briquer sa belle voiture toute neuve… Elles ont fait mine de s’y intéresser…
- C’est quoi comme marque ?… Il y a combien de chevaux là-dessous ?… Ah oui ?!… Et ça monte à combien ?… Oh, ben dis donc !… Tu nous emmènes faire un tour ?…
Il voulait bien, oui… Il a fait ronfler le moteur, poussé des pointes à 150 dans les lignes droites, fait crisser les pneus dans les virages…
- Tu nous la laisses essayer ?…
- Hein ?!… Non, mais ça va pas !… Vous savez pour combien il y en a là-dedans ?!

Tous les jours…
- Allez, quoi !… Tu peux bien !… On va pas te l’abîmer ta caisse…
- Non, non et non !… Comment faut vous le dire ?…
Pendant une semaine… Et puis, le mardi…
- Tiens, il est pas là ?… Il est où ?…
La voiture, elle, elle était là… Et les clés dessus… Elles n’ont pas hésité… Elles s’y sont engouffrées… Camille a pris le volant et… route…
- Chacun son tour de frimer…

A Guéret Cynthia a imploré…
- Tu me laisses conduire ?…
- T’as pas le permis…
- Je l’ai presque… J’ai plus que deux leçons à faire…
- Bon, mais alors tu fais gaffe… Tu fais hyper gaffe…
- Mais bien sûr, attends, tu me connais !… Première… Seconde… Troisième…
C’est parti en trombe…
- Pas si près !… Pas si près !… Tu vas… Elle a… Cinq….
Six voitures en stationnement consciencieusement tamponnées les unes après les autres… Tout s’est arrêté dans la vitrine d’un fleuriste…
- Ben, nous v’là propres !…

Ce sont les gendarmes qui les ont ramenées…
- Ca ira au tribunal, Madame Munier… Forcément… Et vous comprenez bien que dans un cas comme ça les assurances…
Elle les a raccompagnés, s’est attardée avec eux au portail, est revenue…
- Allez vous mettre en pyjama… Je vous attends…

- Pourquoi en pyjama ?… Qu’est-ce que ça veut dire ?…
Ophélie a soupiré…
- Ca veut dire qu’on va y avoir droit… Je la connais…
- Y avoir droit ?… Mais avoir droit à quoi ?…
- Une fessée…
- Une fessée ?… Non, mais ça va pas ?… Elle est pas bien ?!…
- Faut reconnaître… On l’a bien un peu méritée, non ?…
- Ben… Un peu, oui, quand même !…
- Elle tape fort ?…
- Ca dépend… Ca dépend des fois… Mais là… Elle va pas nous louper…

- Vous êtes fières de vous ?!… Des gamines !… De vraies gamines… Non, mais qu’est-ce que vous avez dans la tête, hein ?!… Est-ce que vous vous rendez seulement compte de ce que vous avez fait ?… Je suis sûre que non… Eh bien répondez !…
- Si !…
- Si… C’est tout ce que vous trouvez à dire… Je vais vous la plomber la cervelle, moi, vous allez voir !… Venez ici !… Toutes les trois… Le nez contre le mur… Allez !… Là… Baissez vos pyjamas !… Elles l’ont fait… En se coulant l’une l’autre des regards de côté…
- Jusqu’en bas… J’ai dit : jusqu’en bas… Voilà… Elle a commencé par Ophélie… Qui a dansé d’un pied sur l’autre… Qui a un peu crié à la fin… Et puis Camille… Lentement… Méthodiquement… Camille qui a plaqué ses deux mains contre le mur… Qui se jetait en avant à chaque claque… Qui a un peu gémi… Cynthia ça a été plus long… Plus appuyé… En pluie… A toute allure… Elle a crié… Elle a supplié…
- Assez, Tatie !… Assez !… Je le ferai plus… Je te promets…

- Là… Et vous restez comme ça… Kevin va arriver… Que vous lui présentiez vos excuses… C’est la moindre des choses quand même, non ?

Escobarines: Ping pong





- Merci…
- De rien…
- Depuis le temps que je rêvais d’en recevoir une là !… Dans cette salle… Et comme ça… A la raquette…
- Eh bien tu vois, c’est fait !…
- C’est plein de souvenirs ici pour moi… Si tu savais tous les matches que j’y ai disputés… Les heures d’entraînement que j’y ai passées… Et toutes les fessées que j’ai rêvé d’y recevoir… Dix mille fois il m’en a menacée monsieur Bertin… Devant tout le monde… Juste menacée… Mais alors là avec un air, mais un air !… Ca me mettait dans un état !… Et le soir, dans mon lit, j’imaginais qu’il le faisait vraiment… Avec tous les autres autour qui rigolaient tant qu’ils pouvaient… Tu crois qu’on a pu entendre dans les vestiaires à côté ?…
- Ca fait pas l’ombre d’un doute !… Ca te résonne d’une force là-dedans !… Et vu comment tu gueulais !… En plus !…
- Tant que ça ?… C’est vrai ?…
- Impressionnant !…
- Je me suis pas rendu compte… Oh, mais de toute façon, à cette heure-ci, il y a plus grand monde…
- Ca bougeait quand même !… Il y avait des portes qui claquaient… Des gens qui parlaient… Qui riaient… Tout près même à un moment… Juste derrière la porte…
- J’ai pas fait gaffe… J’entendais rien… J’étais bien trop… Oh là là !… Et s’ils étaient rentrés ?… La honte !…
- Tu savais qu’il y avait un risque quand même !… Me dis pas que tu le savais pas…
- Ben oui !… Si !…
- Et c’est même ce qui rendait la situation tout particulièrement excitante, non ?…
- Mais il y a eu personne… Heureusement !… Comment je me serais sentie mal à l’aise… C’est un truc, ça, à jamais pouvoir t’en remettre…
- Ca peut encore arriver… On peut encore entrer… C’est ça que tu attends ?…
- Hein ?… Non… Pourquoi ?…
- Ben pourquoi tu te reculottes pas alors ?…
- Ah oui !… Si… Non… Je sais pas…
- Mais reste !… Reste comme ça… Tu aimes ça jouer avec le feu, hein ?…
- J’adore…
- Tant que tu te brûles pas…

- Bon, alors toi, tu crois qu’on a entendu ?…
- J’en suis sûre…
- Oui… Oui… Mais de toute façon on peut pas savoir que c’est moi… Personne nous a vu entrer ici… Et pour reconnaître une voix quand on crie…
- Entrer, non… Mais attendre qu’on sorte, au détour d’un couloir, pour savoir à qui appartient ce petit derrière qui s’égosillait à être aussi ardemment tambouriné pourquoi pas ?…
- J’avais pas pensé à ça… Mais c’est horrible !… Je vais jamais oser repartir…
- Il va bien falloir pourtant !…
- Tu voudrais pas aller voir, toi, s’il reste personne ?…

- T’as bien regardé partout ?…
- J’ai ouvert toutes les portes… Je suis sortie… Il y a plus âme qui vive… Nulle part… La voie est libre… C’est l’occasion ou jamais…
- L’occasion de quoi ?…
- D’aller faire un petit tour, le derrière à l’air, dans les couloirs… Me dis pas que tu y as jamais pensé… Que t’en as jamais rêvé…
- Si, mais… Et si il y a quelqu’un qui revient ?…
- A cette heure-ci ?… Il y a une chance sur mille…
- Oui, bon, mais alors on se dépêche, hein !… Et on fait juste le premier couloir, c’est tout…

- Tu vois bien qu’il y a personne…
- Oui… Comment c’est trop de se balader là comme ça… Alors que les autres jours t’as plein de monde qui circule dans tous les sens… Quand je vais y penser en repassant là demain avec tous les autres… Tu peux pas savoir ce que ça me fait… Oh, mais on peut bien continuer un peu finalement…
Un autre couloir. Celui des douches. Un autre encore.

Ca a été au retour. Le dernier coude avant la salle de ping pong. Elle a fait un bond en arrière en poussant un hurlement. Il lui a jeté un regard d’abord stupéfait…
- Yseut !… Mais qu’est-ce que vous faites là ?…
Et puis incrédule…
- Alors là c’est la meilleure !…
Il l’a sévèrement toisée…
- Non, mais tu te crois où ?… Qu’est-ce que c’est que cette tenue ?
Fermement agrippée par le bras…
- Depuis le temps que je te promets une fessée cette fois tu vas pas y couper…
Il a tendu le genou, l’a fait basculer…
- Oh, mais ça a déjà été fait, on dirait !… Eh bien on va en rajouter une couche… Et une bonne…

Escobarines: La fessée de Rolande





- Vous venez ?…
A l’écart, là-bas, sous la fûtaie…
- Ca approche… Dans quinze jours ce sera fait… Je serai Madame Dorlandier…
- Et ça ne t’effraie pas ?…
- Un peu, si !… Mais enfin Charles est d’une telle délicatesse à mon égard… Il se montre si empressé, si attentif au moindre de mes désirs que j’aurais mauvaise grâce à redouter sérieusement quoi que ce soit… Non… Si je devais nourrir une quelconque appréhension ce serait celle de le décevoir, moi, de ne pas être pour lui l’épouse attentionnée et dévouée qu’il est en droit d’espérer…
Un geai des bois s’est brusquement élancé d’un taillis dans un grand froissement d’ailes…
- Vous avez vu ?… A notre droite il est passé… D’après les Romains c’est un bon présage… Excellent même…
- Vous vous rappelez les cours de latin au couvent avec sœur Cunégonde ?… Ce qu’on pouvait se moquer d’elle quand on était sûres qu’elle ne nous voyait pas…
- Et sœur Pétronille au dortoir… Qui, à peine couchée, ronflait comme un sonneur…
- Ca nous arrangeait bien… On pouvait discuter tant qu’on voulait…
- Des nuits on y passait… A imaginer notre vie future… A nous demander comment seraient nos maris… A nous raconter encore et encore le jour de nos noces… J’étais supposée devoir convoler la dernière… Puisque j’étais la plus jeune… Vous me juriez que vous me diriez… Que vous me raconteriez… Vous ne pourrez pas : en fin de compte je suis la première… Faudrait pourtant bien que quelqu’un me dise… Parce que c’est vraiment la seule chose qui me fasse peur…
- Ta mère ?…
- Oui, oh, ma mère… Elle a pris son air pincé et elle m’a juste dit qu’on ne devait pas parler de ces choses-là… Jamais… Que c’était immoral… Et qu’il devait me suffire d’aimer très fort mon mari… Je l’aime… Evidemment que je l’aime, mais…
- Il y a ta sœur…
- Elle, elle a fini par consentir à me marmonner, du bout des lèvres, que c’était jamais une partie de plaisir, mais qu’il fallait en passer par là si on voulait donner des enfants à son mari… Ca doit faire épouvantablement mal… Je suis sûre que ça fait mal… C’est pour ça que personne veut en parler à l’avance… Un jour j’ai entendu une fille raconter à une autre que ça devenait très gros la chose des hommes… Enorme même des fois… Alors forcément…
- Mais non !… Ca fait pas si mal que ça !…
Hein ?!… Mais qu’est-ce que j’en savais, moi ?…
- Tu peux pas savoir… T’es pas mariée…
J’étais pas mariée, non, mais…
- Eh ben alors !…
Eh ben alors je savais quand même que ça faisait pas forcément si mal que ça… Et que même quelquefois ça pouvait faire du bien…
- Du bien ?… Comment ça du bien ?…
- Du bien… C’est difficile à expliquer… Ca dépend comment il s’y prend l’homme… S’il se dépêche ou pas…
- Moi, j’aimerais mieux qu’il se dépêche… Plus vite il en aura fini… Parce que rien que l’idée de ce que c’est comment ça me dégoûte !…
- Tout le monde ça dégoûte… Il y a personne qui peut trouver ça agréable… Personne…
- Mais si !… S’il caresse avec sa main… Avec ses doigts… A des endroits…
- Non, mais ça va pas ?!… Moi, je veux surtout pas qu’il me touche là !… En plus !… Dejà que de le laisser me mettre sa chose…
- C’est pas vrai n’importe comment ce qu’elle raconte… Elle invente…
- Bon, mais nous on retourne là-bas… Tu viens pas ?…
- Non… Tout à l’heure je viendrai…

J’ai attendu qu’elles aient disparu. Elle était là, serrée bien au chaud contre mon sein. Sa lettre. Lue et relue. Sue par cœur. Je l’ai couverte de baisers. Rodolphe. Ce soir il serait là. Quand tout le monde serait couché je le rejoindrais, en secret, au fond de l’orangerie. Il y aurait ses yeux. Il y aurait ses baisers. Il y aurait tout lui. Nos étreintes. Nos sanglots de bonheur…

- Tu as menti… Elles l’ont toutes dit… Maman… Tante Alice… Tante Berthe… Toutes… Et que tu parlais sans savoir… Comme d’habitude…
- Quant à grand mère elle est furieuse contre toi… Elle a répété au moins vingt fois que si on l’avait écoutée on n’en serait pas là… Qu’on t’a laissé passer beaucoup trop de choses… Et qu’il serait temps d’y mettre bon ordre si on veut éviter que tu tournes mal… Très très mal…
- On peut rien vous dire à vous… Faut toujours que vous alliez tout répéter…
- Mais si on peut nous dire, si !… A condition de pas inventer n’importe quoi…
- En attendant elles veulent que tu viennes !… Et tout de suite…

- Vous pouvez m’expliquer ce qui vous est passé par la tête, Rolande ?… Aller imaginer de telles sottises !… Eh bien répondez !…
- Je ne sais pas, mère…
- Vous ne savez pas… Eh bien moi, je sais… Ce sont ces livres dans lesquels vous passez le plus clair de votre temps qui vous montent à la tête… Mais nous allons y mettre bon ordre, croyez-moi !… Et pour commencer interdiction absolue de vous rendre seule dorénavant dans la bibliothèque de votre malheureux père…
- Oh non !… S’il vous plaît, mère, non !…
- C’est une décision que votre précepteur, s’il m’avait écoutée, aurait dû prendre depuis longtemps… Une femme ne lit pas… Une femme n’a pas à lire… Il doit lui suffire de savoir tenir sa maison en ordre et assurer à son mari l’existence la plus harmonieuse et la plus paisible possible… Non ?… Vous n’êtes pas de cet avis ?…
- Si !… Bien sûr que si, mais…
- Mais ?… Mais quoi ?… Il n’y a pas de mais qui tienne… Vous filez un mauvais coton, Rolande, un très mauvais coton… Et il est plus que temps de vous ramener à de meilleures dispositions… Alors vous allez commencer par vous excuser auprès de Jeanne et de Léonie de leur avoir tenu des propos aussi inacceptables qu’éloignés de la vérité… Allez !…
- Pardon, Jeanne !… Pardon, Léonie !…
- Bien… Votre confesseur, quand vous lui aurez avoué votre faute, ne manquera pas de vous imposer la pénitence appropriée… Quant à moi, je manquerais à tous mes devoirs si je ne vous sanctionnais pas, de mon côté, comme vous le méritez… Vous savez comment, n’est-ce pas ?…
- Oui, mère…
- Eh bien alors approchez !…
- Oh, mère !…
- Oui ?…
- Non, rien, mère… Rien…
- A la bonne heure… Vous devenez raisonnable… On va vous le faire devenir davantage encore… Allons, troussez-vous !… Très bien… Approchez !… On va vous installer… Mais vous savez… Vous n’êtes pas une débutante… Là… Vous êtes prête ?…

Escobarines: Les confidentes





C’était en gym surtout qu’il fallait faire attention… Et encore plus avec le martinet… Parce que souvent ça avait cinglé aussi autour… Ca débordait de la culotte sur les côtés et en haut des cuisses… Alors la seule solution c’était de traîner… De rejoindre les autres la dernière sur le stade… Et d’attendre après, à la fin, que toutes les filles soient parties pour se rhabiller…

Sauf que ce jour-là la porte s’est rouverte… J’ai pas eu le temps… Trop tard… C’était Céline… Elle cherchait Amélie… Elle a vu…
- Hou là là !… Ben dis donc !…On t’a pas loupée… C’est qui qui te la flanque ?… Ton père ou ta mère ?… Tu veux pas le dire ?… Les deux ?… Oui… Sûrement c’est les deux… Et c’est quand qu’on te la donne ?… Quand tu fais quoi ?…
Je m’étais rhabillée… On est sorties… Elle a continué… Jusqu’au portail… Et après encore dans la rue…
- Hein ?… Celle-là par exemple c’était pour quoi ?…
- Oh pour rien…
- Ca peut pas être pour rien… Il y a forcément une raison… C’est quoi ?… Oh, et puis garde-le si tu veux pas le dire…
Et elle m’a plantée là, s’est retournée juste avant de disparaître au coin de la rue Victor Hugo…
- T’inquiète pas… Je dirai rien…

Le samedi suivant elle est passée à la maison sous prétexte de m’emprunter mon livre de Maths…
- Le mien, je sais pas ce que j’en ai foutu… Elle s’est longuement attardée en bas à discuter avec eux… Et puis on est montées dans ma chambre…
- Ils sont drôlement bien, dis donc, tes parents… Comparés aux miens… Et on dirait jamais à les voir comme ça… Mais alors devant tes frères ils te le font?… Oui… Evidemment… Comment j’aurais honte, moi, à ta place !… Déjà qu’on me le fasse… Mais devant eux en plus !…

Elle en parlait tout le temps …
- C’est toi qui la baisses ta culotte ou c’est eux qui te l’enlèvent ?… Non… C’est toi… Je suis sûre que c’est toi… Ils te disent de le faire et tu obéis… C’est pas vrai peut-être ?…

Elle est restée avec moi après tout le monde… Amélie aussi… Longtemps… Avec des tas de sourires par en dessous toutes les deux…
- Pourquoi tu te rhabilles pas ?… T’en as encore pris une, c’est ça ?… Rhabille-toi !… Qu’est-ce que t’attends ?… Il a bien fallu finir par le faire… Fais-voir en entier… Allez, fais voir, quoi !… Qu’est-ce ça peut foutre ?… On est entre filles… On le raconte à tout le monde sinon si tu veux pas…
- Hou la la !… Cette trempe !… Non, mais cette trempe !…

C’était sans arrêt… J’en avais pris une autre ?… Non ?…
- Menteuse !… Sûrement que si !…
Elles m’entraînaient jusqu’aux toilettes… Et il fallait que j’ouvre mon jean ou relève ma robe… Si tu veux pas que les autres sachent…
- C’était pourquoi celle-là ?… Qu’est-ce t’avais fait ?…
- Te fatigue pas !… Elle dira rien…
- Mais on saura… On finira par savoir…

Un dimanche elles sont passées me prendre avec Loïc qui tenait absolument à nous faire essayer sa belle voiture toute neuve… On a roulé longtemps… On a traversé des villages, avalé de grandes portions d’autoroute, débouché dans une ville inconnue, atterri dans un immense café enfumé rempli de gens qui parlaient fort…

- Bon, allez !… On y va ?…
- Pourquoi ?… Tu t’ennuies avec nous ?…
- Non, mais… - Mais quoi ?… Ah oui !… T’as une heure pour rentrer… Et si tu te loupes tu vas y avoir droit… C’est ça, hein ?!… Oui, ben c’est pas bien grave… T’as l’habitude… T’en es plus à une près… Et elle a commandé une autre tournée…

Huit heures…
- Et si on allait manger quelque chose au Macdo ?…
Tout le monde s’est levé…
- De toute façon au point où on en est maintenant !… Un peu plus tôt un peu plus tard ça changera rien pour toi…
Après il y a encore eu un café… Et puis une des filles de l’autre voiture a voulu revoir l’immeuble où elle avait habité quand elle était petite…

Quand ils nous ont déposées toutes les trois devant le petit square il était une heure du matin…
- Hou la la !… Ca va te coûter cher, dis donc !… On va venir avec toi… Ce sera mieux…
- Non… non… c’est pas la peine…
- Mais si !…
Et elles se sont engouffrées dans l’escalier derrière moi…

Ils n’étaient pas couchés… Ils regardaient la télé…
- Alors, ma chérie ?… Ca a été ?… Tu as passé une bonne journée ?…
- Oh oui, oui… Pas mal…
- Il reste du rôti dans la cuisine… Si vous avez faim…
- Non, non, merci… On rentre, nous…
- A demain alors, les filles !…

Ils partaient à six heures le matin… Mes frères à sept… Et il y avait gym le lundi après-midi… J’ai sorti le martinet de sa cachette et je me suis agenouillée au pied du lit…

Escobarines: Election Miss fessée 2010





« Election de Miss Fessée 2010…
Candidatures et demandes de renseignements sont à adresser avant le 31 Mars, dernier délai, à missfessee2010@yahoo.fr »

- T’as vu ?
- Oui… Et alors ?… Tu comptes quand même pas poser ta candidature à un truc pareil ?… Dont personne n’a jamais entendu parler…
- Non… Non… Bien sûr que non… Mais demander des renseignements, oui… Ca n’engage à rien… Et ce serait justement l’occasion de savoir de quoi il retourne …

- Bon… Ben voilà… Ca a pas mis longtemps à répondre, dis donc… J’ai tous les éléments… C’est tout nouveau de cette année… Et c’est aux Etats-Unis que ça se passe… Vu que là-bas ils sont nettement moins coincés que nous, ici, en Europe, et que la fessée y est carrément devenue un phénomène de société… Il s’en donne à tout bout de champ et à toutes sortes d’occasions… Les anniversaires… Les mariages… Alors ils ont décidé de frapper un grand coup, à l’américaine, et d’organiser un concours style Miss Monde, mais pour la fessée, en présence de tout un tas de personnalités et de célébrités du spectacle… C’est clair que celles qui réussiront à s’y faire remarquer leur carrière est quasiment faite… Quant à l’adresse e-mail là où j’ai écrit c’est celle du Comité pour la France… Chargés de sélectionner une candidate ils sont… Une seule… Nous, on n’a droit qu’à une…
- Et je suppose que t’as décidé de te présenter ?…
- Je sais pas… Je sais pas encore… Dans un sens ça me tente bien – qui ne risque rien n’a rien… – mais dans un autre pas du tout… Parce que… une seule candidate pour la France… t’as quand même très peu de chances d’être celle-là… A moins que… à moins qu’il y en ait vraiment pas beaucoup des candidates justement… Tant que c’est pas plus connu que ça ici ce truc…

- Bien, oui… Très très bien… Il m’a reçu chez lui… En s’excusant : le Comité a été pris de court et n’a pas eu le temps matériel d’aménager des locaux… Mais c’est pour bientôt… Il m’a posé tout un tas de questions… Pourquoi je voulais y participer au concours… Si j’en avais déjà fait d’autres… Si j’avais déjà reçu des fessées… Si j’avais aimé ça… Plus d’une heure ça a duré…
- Et ?
- Quoi « et » ?…
- Ben après ?…
- Après ?… Rien…
- Il t’a pas fait désaper ?…
- Ben évidemment que si !… T’imagines quand même pas qu’ils vont choisir une fille pour un concours comme ça sans savoir comment elle est faite… Maintenant si tu veux insinuer qu’il en a profité pour essayer de me tripoter ou me faire des avances t’as tout faux… C’est quelqu’un de très correct… De très bien… Tu te sens complètement en confiance avec lui…
- Oh, mais je n’en doute pas une seule seconde… Et maintenant ?… C’est quoi la suite du programme ?…
- Je sais pas… Il me dira… Le moment venu… S’il me retient… S’il me préselectionne…

- Ca y est !… T’es où ?… Ca y est !… Je fais partie du dernier carré… Six on est… Et sur les six il y en a forcément une qui s’envolera en septembre pour New York… T’imagines si c’est moi ?… Et je sens que ça va être moi… Je sais pas pourquoi, mais je le sens… Je suis heureuse… Si tu savais comme je suis heureuse… Il fallait bien qu’un jour ou l’autre la chance finisse par tourner… Le sort peut quand même pas s’acharner toujours contre les mêmes…
- Tu es sûre de ce que tu fais, là ?…
- Un peu que je suis sûre… Tu laisserais filer une occasion pareille, toi ?… Rien que pour le voyage là-bas ça vaut le coup…
- T’as pensé aux conséquences ?…
- Quelles conséquences ?…
- Ca va passer à la télé… Tout le monde va te voir…
- Oui, oh, là-bas… Pas ici… C’est bien trop arriéré ici… Et qui tu veux qui regarde les chaînes américaines ici ?…
- Ce sera repris sur Youtube… Ou ailleurs…
- Oui, oh, tu sais, si j’arrive en finale je suis sur les rails… C’est le succès assuré… Il me le répète assez monsieur Parmin… Les grands couturiers, les metteurs en scène vont se battre pour m’avoir… Alors qu’est-ce que j’en aurai à foutre si quelques crétins rigolent parce qu’ils ont vu mon cul ?…

- Ouche !… La vache !… Il a tapé fort… Ils ont tapé fort… Parce qu’il y avait un assistant aujourd’hui… Mais bon… fallait bien… C’était le seul moyen pour eux de faire un choix… Et d’envoyer là-bas celle qui a le plus de chances de gagner… Toutes les six on y est passées… A tour de rôle… Plusieurs fois… T’aurais entendu ça !… Comment que ça claquait et que ça braillait !… Il y en a même une qu’a joui… Qu’a fait semblant, moi, je crois plutôt… Mais ils ont pas été dupes… Ils sont pas nés de la dernière pluie… Et maintenant ben il y a plus qu’à attendre… D’ici quelques jours ils prendront la décision définitive… Le temps qu’ils revisionnent les films… Et qu’ils discutent…

- Ca fait quand même trois mois… Plus de trois mois…
- Je sais, oui…
- Et ça te paraît pas bizarre ?…
- Ben si !… Bien sûr que si !…
- Tu pourrais peut-être aller faire un tour sur place ?… Voir ce qui se passe…
- Je t’ai pas attendue…
- Et alors ?
- Il y est plus… Il a déménagé…
- Ah !…
- Et il a jamais existé de concours… Même aux Etats-Unis…
- Tu t’es bien fait avoir, quoi !… Mais tu sais que tu peux porter plainte ?… Tu devrais porter plainte…
- Ca m’avancera à quoi ?… A passer pour une belle conne… Tu trouves que j’ai pas eu assez ma dose comme ça ?…

Escobarines: Complicité





- Dis, Patrice, tu voudrais pas qu’on recommence ?… Comme l’autre fois ?…
- Ah, ça t’a plus ça, hein ?!…
- Tu le sais bien… T’as bien vu…
- En bien vas-y !… Tiens !… La clé du studio…
- Merci… Mais t’interviens pas trop tard, hein, surtout !… T’attends pas que le type il soit arrivé au bout…
- Je sais, je sais… Allez, file !…

Un étudiant sûrement… Beau garçon en tout cas… Oui, un étudiant… Consciencieusement absorbé dans la lecture des feuillets éparpillés devant lui… Dont il avait même généreusement encombré la table voisine…
- Excusez-moi… C’est libre là à côté ?…
- Hein ?… Oh oui… Oui… Bien sûr…
Il a rougi, fébrilement rassemblé ses papiers…
- Je m’étale… C’est toujours comme ça… Faut que je m’étale… C’est plus fort que moi…
- Prenez votre temps !… Prenez votre temps !… Vous allez plus vous y retrouver sinon…

Il a trié, déplacé, redéplacé, mélangé, démélangé. Retrié. Et finalement tout abandonné en vrac, avec un soupir, sur le bord de la table…
- Désolée !… C’est de ma faute !…
- Oui, oh !… Ca fait rien de toute façon… Je sais pas pourquoi je m’obstine… Le Capes, vu le nombre de candidats qu’on est, il y a une chance sur cent de l’avoir… Et je suis pas parmi les meilleurs… Alors je ferais mieux d’en prendre mon parti une bonne fois pour toutes et d’aller faire autre chose… Oui, mais quoi ?… Tout le problème est là… Parce que nous, les littéraires, à part l’enseignement…
- A qui le dites-vous !…
- Ah, parce que, vous aussi ?…
- Il y a longtemps maintenant… Près de vingt ans… Quatre fois je l’ai raté le Capes… Résultat : je suis complètement dépendante de mon mari et si jamais un jour il me prenait l’envie de le quitter ça me compliquerait singulièrement les choses… Mais bon, je n’en suis pas encore là…
- Je ne voudrais pas être indiscret, mais…
- Mais… si je l’envisage sérieusement ?… Quelquefois, oui… Ce serait très certainement une énorme sottise… Parce qu’on a beaucoup de points communs… On s’entend bien… Jamais un mot plus haut que l’autre… Il n’y a que sur le plan sexuel… Là, même s’il refuse obstinément de le reconnaître, c’est un fiasco total… Mais ça !… Il y a toujours moyen de trouver des solutions… Il ne manque pas d’hommes jeunes et vigoureux prêts à rendre discrètement service…
Un regard d’abord interloqué, puis secrètement ravi. Sa glotte s’est mise à tressauter furieusement…
- Ca vous choque pas au moins ?…
- Oh non !… Non !… Il m’en faut beaucoup plus que ça !…
- C’est rare aujourd’hui les gens sans préjugés, vous savez… Je veux dire : VRAIMENT sans préjugés… Ils croient l’être, mais en réalité… Quand on est sans complexes comme moi, qu’on n’hésite pas à appeler les choses par leur nom, à exprimer ses désirs tels qu’ils sont, il faut s’attendre à tout moment à en prendre plein la tête, mais vraiment plein la tête… Et, qu’on le veuille ou non, ça finit par bloquer complètement… Il y a une foule de choses dont on n’ose plus parler… De fantasmes qu’on n’ose plus évoquer devant qui que ce soit… Quant à les réaliser alors là n’en parlons même pas !…
- Oh, mais tout le monde n’est quand même pas forcément comme ça, vous savez !…

- Ca me gêne…
- Mais si !… Si !… Dites !… Continuez !… Maintenant que vous avez commencé… Alors il y a un homme – un inconnu ou presque – qui entre dans la chambre… Vous êtes où ?…
- Sur le lit… Il arrive par derrière…
- Ah !… C’est que vous êtes à quatre pattes alors !… Les fesses à l’air… Et ?…
- Et ben… « Et »…
- Et il vous prend comme ça… Sans préliminaires… Sans un mot… Sans rien… C’est pas vraiment difficile à réaliser comme fantasme…
Il a tendu la main dans sa direction. Elle y a abandonné la sienne…

- J’en étais sûr !… Ah ça, j’en étais sûr !…
La porte a claqué. Le jeune type a tout juste eu le temps de se retirer d’elle. Il l’a poussé, fait tomber sur le dos…
- Tiens, un scarabée… Ca te gêne pas, petit con, de baiser ma femme ?… Bon, mais tu bouges pas de là… Tu restes comme ça… Conseil d’ami… Je m’occupe de ton cas après…
- Attends, Patrice, je vais t’expliquer…
- M’expliquer quoi ?… Que t’es en train de faire du shopping avec une copine ?… T’en as pas marre de te foutre de moi comme ça à longueur de temps ?… Bon, mais tu sais ce qu’on avait dit… Que la prochaine fois…
- Oh non, Patrice, non !… S’il te plaît, pas devant lui !…
- Je vais me gêner !… C’était pas avec lui peut-être que t’étais en train de faire tes cochonneries ?…
- Si, mais… Aïe !… Ca fait mal…
- C’est le but…
- Aïe !… Aïe !… Je le ferai plus, j’te promets !…
- Oui, oh, tes promesses !…
- Cette fois c’est vrai !… Aïe !… Si, c’est vrai, hein… Arrête, non, arrête !… Aïe !…

- Bon, allez, dégage, petit morveux !… Avant que je t’en colle une à toi aussi… Et que je t’y reprenne pour voir…
Il a rassemblé ses vêtements et il a détalé sans demander son reste. Elle a ri. Est venue se nicher au creux de ses bras…
- Comment t’as tapé fort !… C’était trop bon… Et sa tête !… T’as vu sa tête ?!… Ca m’a donné envie d’une force !… Non, mais attends !… Attends !… Que je me remette comme avec lui tout-à-l’heure !… Sauf que toi… tu vas finir…

samedi 6 novembre 2010

Escobarines: Cousines ( 1 )





- Allez, Cynthia, raconte !… Et comme il faut, hein, sinon on te loupe pas !…
Et elle m’a caressé les fesses du bout des lanières du martinet…
- Attends !… Attends !… Qu’on l’installe bien… Que je lui coince la jambe avec les miennes… Là… Vas-y !… C’était quand ?… C’était où ?…
- A ma caisse l’an dernier…
- Hou là !… Je sens que ça va donner… Et alors ?
- Et alors il y avait une bonne femme, une vieille – la mère Bonnet, je sais pas si vous la connaissez – qu’arrêtait pas de me narguer… Elle venait tous les jours et fallait à chaque fois qu’elle passe avec moi… Et c’était tout un tas de réflexions… Que j’allais pas assez vite pour enregistrer les articles… Qu’elle était pressée… Qu’elle avait pas que ça à faire… Ou au contraire que j’allais trop vite… Qu’avec son arthrose, vu le temps humide, elle arrivait pas à suivre le rythme… Elle épluchait les notes… Je m’étais pas trompée là ?… J’étais sûre ?… Vaudrait peut-être mieux qu’elle aille voir à l’accueil… Parce qu’avec moi !… J’étais réputée pour me tromper plus souvent qu’à mon tour… Etc, etc… Elles savaient pas comment je faisais les autres filles… « - On t’admire… Comment t’arrives à garder ton calme ?… Ce serait de nous ça volerait… On peut te dire que ça volerait… »… Il fallait surtout pas… Elle attendait que ça… Elle faisait tout pour ça… Je restais impassible… Ca glissait comme sur les plumes d’un canard… Ca l’exaspérait… Et elle en rajoutait une couche… Elle s’était juré – ça se voyait gros comme le nez au milieu de la figure – de me faire craquer… Elle a fini par y arriver… La veille de Noël… Il y avait un monde fou et elle me bloquait ma caisse… Pour une histoire de chocolats et de remise offerte sur une boîte et pas sur l’autre… Ca durait… Ca durait… J’ai pas pu m’empêcher… « - Vous me faites chier !… - Oh !… »… Et elle s’est mise à hurler comme une possédée, les yeux exorbités… Non, mais comment on traitait les clients là-dedans !… C’était un scandale… Elle voulait voir le patron… Qu’on l’appelle !… Tout de suite !… Ca s’est terminé au bureau… Où j’ai dû, à contrecoeur, lui faire des excuses qu’elle a acceptées du bout des lèvres… Monsieur Lacerre l’a raccompagnée en lui faisant tout un tas de courbettes, est revenu… « - Mais enfin, Cynthia, qu’est-ce qui vous a pris ?… Vous qui êtes une employée exemplaire d’ordinaire… »… J’ai essayé d’expliquer… Le harcèlement quotidien… Les petites piques sournoises… Il m’a arrêtée d’un geste impérieux de la main… « - Ca ne m’intéresse pas… Quelles que soient les circonstances le client a toujours raison… Vous devriez le savoir depuis le temps… Je veux bien passer l’éponge pour cette fois, mais à la prochaine incartade vous n’y couperez pas… Vous serez punie comme vous le méritez… »… J’ai levé sur lui un regard interrogateur… Il a haussé les épaules… « - Une fessée évidemment !… Dans votre cas c’est ce qu’il y a de plus approprié… Non ?… Vous n’êtes pas de cet avis ?… »… A ma grande stupéfaction je me suis entendu répondre que si… Un tout petit si, timide et hésitant, presque inaudible, mais un si quand même… « - Eh bien voilà !… Tout le monde est d’accord… » Et il m’a congédiée du revers de la main… Je peux pas avoir un verre d’eau ?…
- Si, tiens !… Et alors ?… Après ?…
- Après comment je me suis trouvée conne !… Qu’est-ce qu’il devait penser de moi que j’aie pas refusé ?… Que j’aie même pas protesté… Chaque fois que je le croisais je piquais un de ces fards !… Et l’autre évidemment elle revenait… Avec un de ces petits airs de triomphe… Une vraie tête à claques… Et toujours ces petites réflexions, ces incessantes provocations pour essayer de me faire sortir de mes gonds… Je devais me mordre les lèvres pour ne pas répondre… Un mois ça a duré… Plus d’un mois… Jusqu’au jour où… « - Je t’ai croisée hier boulevard Voltaire… »… Le tutoiement… Ce tutoiement… Insupportable dans sa bouche à elle… « - Oui, je t’ai croisée… Tu as fait semblant de pas me voir… Pour éviter d’avoir à me saluer, j’imagine… - Je n’étais pas en service… - En service ou pas la moindre des politesses quand on croise une cliente c’est de lui dire bonjour… Mais tu avais probablement beaucoup mieux à faire… Vu ta tenue… Tu étais en chasse, je suppose ?… - Ma vie privée ne regarde que moi… - Alors il ne faut pas l’exposer au grand jour… Quand on s’affiche, simultanément ou à tour de rôle, avec la moitié des mâles du pays il ne faut pas s’étonner si ça fait jaser… - Oui, oh ben c’est pas vous qui risquez de vous afficher avec qui que ce soit… Avec la gueule et le caractère que vous avez… - Quelle petite conne tu fais !… »… Et elle m’a giflée… Une grande gifle qui a fait se retourner tout le monde… Je la lui ai rendue sa beigne… Aussi sec… D’instinct… Sans réfléchir… Elle a filé tout droit vers le bureau… Sans un mot… Ca n’a pas loupé… Cinq minutes plus tard Corinne débarquait à ma caisse… « - Monsieur Lacerre t’attend… Et il est dans une de ces colères contre toi !… Un conseil : le fais pas attendre… Vas-y !… Je te remplace… »… « - Ferme la porte !… »… C’est tout ce qu’il a dit… Rien d’autre… Juste ça : ferme la porte… Il m’a prise par le coude et il m’a emmenée derrière son bureau… Il a reculé sa chaise… Il m’a couchée en travers de ses cuisses… « - Pas devant elle !… S’il vous plaît, pas devant elle, je vous en supplie… »… Mais il n’a rien écouté… Il a dégrafé ma jupe qu’il a fait tomber par terre… Il a tiré un grand coup sur ma culotte qu’il m’a baissée jusqu’aux genoux… J’ai voulu mettre mes mains… Il les a emprisonnées dans l’une des siennes… « - C’est pas le moment d’en rajouter… Tiens-toi tranquille !… » Et il m’a mis la fessée… Mais alors une de ces fessées comme j’en avais jamais reçu… C’était que sa paume pourtant, mais t’avais l’impression qu’il tapait avec je sais pas quoi… Que ça pouvait pas être que ça, c’était pas possible… Elle s’était approchée l’autre… Tout près… Et elle s’était placée de façon à bien pouvoir me voir la figure en même temps que le reste… Du coup je relevais pas la tête… J’essayais… Parce que c’était plus fort que moi : je voulais voir si elle regardait… Evidemment qu’elle regardait… Et pas qu’un peu !… Et avec un air, mais un air !… T’aurais cru qu’elle allait jouir par moments…. Quand ça a été fini elle m’a tranquillement regardée me reculotter et puis elle a remercié monsieur Lacerre… « - Espérons que ça lui aura servi de leçon… Qu’elle va changer de comportement… Quoique… Avec elle… Mais comptez sur moi !… Je vous tiendrai au courant… »

Eloïse était persuadée que j’avais tout inventé…
- Jamais un directeur il irait faire un truc pareil… Il prendrait bien trop de risques…
- Oh, alors ça !…
Parce que Gladys, elle, elle était convaincue du contraire…
- Si c’était pas réel elle aurait fantasmé jusqu’au bout… Elle se la serait fait donner devant tout le monde, les autres caissières, les clients, en plein magasin…

Bon, alors ?… C’était vrai ou pas ?
- Non… Non… Bien sûr que non…
- Sûr ?… Ca avait tellement l’air de l’être !…
- Peut-être qu’elle a pas envie qu’on sache que ça s’est vraiment passé ?…
- De toute façon, dans un cas comme dans l’autre, elle a intérêt à préparer ses fesses… Parce que ou bien ça a vraiment eu lieu et elle nous ment… Ca mérite… Ou bien c’est tout imaginé et faut vraiment être complètement tordue pour aller inventer des trucs pareils… Ca mérite encore plus… Non ?… T’es pas de notre avis ?…
Oh si, que je l’étais !… Si !… Et comment !…
- Eh bien voilà !… Tout le monde est d’accord… Comme disait ton bon monsieur Lacerre…

Elle a levé le martinet. L’a abattu…

Escobarines: Cousines ( 2 )



Gladys a quitté la fenêtre…
- Ca y est… Ca y est… Tout le monde est parti… On est tranquilles pour au moins trois heures… Qui c’est qui raconte ?…
- Toi, si tu veux…
- Ou bien toi, Eloïse…
- Oui, mais moi… Si je raconte des fessées ce sera pas des fessées reçues… Ce sera des fessées données…
- Ca fait rien… Ca peut être bien quand même…
- Ou des fessées que je vais pas tarder à donner…
- Ah oui ?!… A qui ?…
- Peut-être bien à vous… A vous deux…
- A nous ?!… Pourquoi à nous ?…
- Et elles demandent pourquoi !… Vous avez la mémoire courte, hein !… « La liseraie »… Ca vous dit rien ?…
- Ben si, si !… C’était la boîte où on allait danser quand on était en vacances chez grand mère…
- Et il s’y est passé quoi à « La liseraie » ?
- On y a pris de ces cuites !…
- Oui, mais à part ça ?…
- A part ça c’était plutôt nul… Les types, c’était vraiment pas le pied…
- Ca vous empêchait pourtant pas d’en lever…
- Oui, oh, tu parles !… Un tous les tournants de lune…
- Et pour ce que ça durait !…
- En attendant, avec vos histoires, vous me cassiez mes coups…
- Ah oui ?!… Quand ça qu’on t’a cassé ton coup ?... On s’rappelle pas…
- Moi si !… Un type beau, mais beau !… Ca faisait trois semaines que j’en étais amoureuse folle…
- Et on te l’a soufflé… C’est pas moi, je m’en souviendrais…
- Ni moi… C’est pas mon style…
- Trois semaines que je faisais des pieds et des mains pour attirer son attention… Pour croiser son chemin… Trois semaines que je le gratifiais de mon plus beau sourire…
- Ah oui, si, ça y est, j’me rappelle…
- Et ce soir-là…
- La mayonnaise a pris…
- Il m’a invitée à danser… Cinq fois… Dix fois… Il me murmurait des trucs à l’oreille… Qui me rendaient folle… Il se serrait contre moi… De plus en plus près… De plus en plus fort… J’étais dans tous mes états… J’avais envie, non, mais comment j’avais envie… Jamais j’avais eu envie comme ça…
- Ben fallait y aller… Il était où le problème ?…
- C’était vous le problème… J’étais l’aînée… Chargée de vous surveiller… Et de vous rapatrier à une heure raisonnable… Ca vous faisait assez râler… « - A notre âge on sait quand même ce qu’on a à faire… »… Je vous ai jeté un œil… Vous étiez en train de rire et de plaisanter avec tout un groupe de copains et de copines… Je pouvais bien filer… L’emmener jusqu’à ma voiture une petite vingtaine de minutes… Vous ne vous en rendriez seulement pas compte… Ca a été une heure en fait… Plus d’une heure… Presque deux… Deux heures de folie… Deux heures durant lesquelles il m’a rendue éperdûment femme… Deux heures pendant lesquelles…
- Oui, ben passe-nous les détails, tu veux ?… Tu vas nous donner envie… Et on a rien à se mettre sous la dent…
- Un dernier baiser… Et on s’est séparés… Il fallait que je rentre… Que je vous ramène… Mais on allait se revoir… Le lendemain… Et tous les jours suivants… Promis, juré… Je suis revenue dans la salle sur un petit nuage… Ivre de bonheur et tous les sens en feu… Vous étiez où ?… Nulle part… J’ai cherché… J’ai interrogé… On savait pas… Si, finalement, si… Une fille vous avait vu traverser le parking en compagnie de quatre types et vous enfoncer dans le bois… Des types ?… Quels types ?… Elle savait pas… Des types… Ce qu’une autre m’a presque aussitôt confirmé… Quatre, oui… Peut-être même cinq… Et qui avaient vraiment mauvais genre…
- Tu parles !… Deux ils étaient… Chacune le sien… Nous aussi on avait le droit de s’envoyer en l’air…
- Sauf que nous ça a duré nettement moins longtemps… Le mien il m’était seulement pas rentré dedans qu’il avait déjà giclé… Et qu’il avait manifestement plus qu’une idée, c’était de se tirer…
- Le mien il a seulement pas eu le temps d’entreprendre quoi que ce soit… Il était tellement bourré qu’il s’est endormi en m’écrasant à moitié… J’ai eu toutes les peines du monde à me tirer de dessous…
- Du coup on s’est pas attardées toutes les deux…On a filé aussi vite qu’on a pu…
- Oui, et pendant ce temps-là vous imaginez dans quel état d’angoisse je pouvais être, moi ?!… Qu’est-ce qui vous était arrivé ?… Où vous étiez passées ?… Je vous voyais déjà mortes… Violées… Egorgées derrière un buisson… J’ai couru… J’ai cherché… J’ai appelé… Remué ciel et terre… En vain… Quand le jour s’est levé j’ai renoncé… Je suis rentrée, la mort dans l’âme… Il allait falloir dire… Répondre aux questions… Celles de la famille… Des gendarmes… On allait fouiller tout le pays… Ramener vos corps à la maison… Vous étendre sur votre lit, les paupières closes, les mains jointes, le teint cireux… Tout serait – tout était – de ma faute… Autour de la grande table, en bas, il y avait grand-père… Et papa… Et oncle Roger… Et même tante Martine… « - Elles sont où les filles ?… »… Ben justement !… Justement !… J’ai voulu commencer à expliquer… J’ai fondu en larmes… « - Oh, arrête de chialer… Tu n’y couperas pas… Parce que c’est comme ça que tu les surveilles ?… On te fait confiance et toi, tu les laisses rentrer à pied… Toutes seules… En pleine nuit… Il aurait pu leur arriver n’importe quoi… Tu es complètement irresponsable, ma pauvre fille !… »… Mais alors ?!… Alors vous étiez là… Revenues… Vous étiez là-haut… Vous dormiez… J’ai encore pleuré… De joie cette fois… De soulagement… De bonheur… On m’a fait agenouiller sur le canapé, face au mur… Quelqu’un s’est approché avec le martinet, a cinglé…
- Et t’en as pris une bonne…
- Mais ça faisait rien… Ca n’avait pas d’importance… Vous étiez là… Vous étiez revenues…
- Et le type ?… Tu l’as revu ?…
- Non… Sorties en boîte interdites jusqu’à la fin des Vacances… Pour toutes les trois… Et pas question de passer outre… Vous savez comment c’était… J’ai bien essayé de le retrouver en traînant de ci de là dans la journée… En interrogeant à droite et à gauche… Ca n’a rien donné… Il vivait que la nuit de toute façon…
- Peut-être qu’il y aurait plus jamais rien eu… Il avait tiré son coup… Il en aurait plus rien eu à foutre de toi…
- Oh si, si !… J’en suis sûre…
- Vu sous un certain angle c’est vrai que c’est de notre faute… Et sous un autre pas du tout…
- Qu’elle s’en soit pris une, ça, par contre… On aurait pu l’attendre à défaut de pouvoir la prévenir… On est inexcusables… Elle est en droit de demander réparation…
- Il y a pas prescription si longtemps après ?…
- Pas pour ce type de délit… Le canapé est là, les filles… C’est le même… Installez-vous !… Je vais chercher le martinet… C’est le même aussi…

Escobarines: Cousines ( 3 )





- C’est déjà le dernier jour… Demain c’est fini les Vacances…
- Parle pas de ça !… Ca me met un de ces bourdons…
- Faut qu’on en profite… A plein… Qu’on perde pas de temps… Qui c’est qui raconte ?…
- Gladys… Il y a qu’elle qui s’y est pas encore collée…
- Moi ?… Bon… Alors moi… Moi, j’ai profité de ces trois semaines de vacances pour traîner à droite et à gauche… Du moins quand on n’était pas ensemble toutes les trois… Pour faire des connaissances… Pour discuter… Et j’ai rencontré, entre autres, des filles qui travaillent avec Cynthia à sa grande surface là-bas…
- Ah oui ?!… Qui ça ?…
- Aurore…
- Ah !…
- Vous étiez très amies dans le temps… Avant… Vous ne l’êtes plus… Vous ne vous dites même plus bonjour… Vous vous ignorez…
- J’ai pas envie de parler de ça…
- Ce qui peut se comprendre… Si ce qu’elle raconte est vrai…
- Qu’est-ce qu’elle raconte ?…
- Que tu lui as soufflé un mec… Auquel elle tenait beaucoup… Et que t’as fait ça comme une vraie petite garce…
- J’m’en suis assez voulu… Je sais pas ce qui m’a pris… On fait de ces trucs des fois… Je le trouvais même pas beau ce type en plus… J’en avais même pas envie…
- Et pourtant…
- Ben oui, oui… Je sais… J’ai aucune excuse…
- Il s’est passé quoi au juste ?…
- Il s’est passé qu’un soir je suis allé dormir chez elle… Il était là… Au matin elle est partie bosser… Pas moi… Je récupérais… Et je l’ai allumé… Mais vraiment… J’ai pas fait semblant… Et évidemment est arrivé ce qui devait arriver… Pour moi c’était sans conséquence… On se faisait du bien, il fermait sa gueule, je fermais la mienne et tout le monde était content… Ce que j’avais pas prévu c’est que ce con il allait complètement flasher sur moi… Sous prétexte qu’on avait tiré un coup j’étais devenue la femme de sa vie… Le soir même il racontait tout à Aurore… Et il la plaquait pour moi… Elle m’a volé dans les plumes quelque chose de rare… Vous auriez vu ça !…
- Ca se comprend… Moi, ma meilleure copine m’aurait fait un truc pareil je peux te dire qu’elle aurait pas eu assez de ses yeux pour pleurer…
- Ca a été la brouille à mort… Mais le pire c’est que l’autre animal j’arrivais pas à m’en débarrasser… Trois mois il m’a harcelée… Plus de trois mois… Je pouvais plus mettre le nez dehors sans qu’il me tombe dessus… Un vrai cauchemar… Ca lui est passé du jour au lendemain… Sans raison apparente… Mais en attendant avec Aurore c’était devenu à couteaux tirés… Non seulement on se parlait plus, mais chaque fois qu’elle pouvait m’en faire une, que ce soit au boulot ou ailleurs, j’y avais droit… J’ai essayé d’avoir une explication avec elle… Plusieurs fois… Il y a jamais eu moyen… C’était non… Toujours non… Elle avait rien à me dire… Et que je dégage… Moins elle me voyait et mieux elle se portait… Je peux pas lui en vouloir… Tout est de ma faute… A 100% de ma faute… Mais c’est con… C’est vraiment con… Parce qu’on s’entendait super bien toutes les deux… On avait plein de choses en commun… On était très complices, mais bon…
- Peut-être que de son côté à elle aussi, maintenant que du temps a passé, que les blessures se sont en partie cicatrisées…
- Ca alors là ça m’étonnerait…
- Et pourtant…
- Elle t’a dit quelque chose ?…
- Qu’il y avait aucun mec qui valait la peine qu’on se prenne la tête et qu’on s’engueule pour lui… Que tu t’étais comportée comme une vraie salope, oui, mais que ça la gavait que vous vous tiriez la tronche comme ça depuis des mois et qu’il fallait savoir finir par passer l’éponge…
- S’il ne tenait qu’à moi !…
- Si tu acceptes de lui demander pardon…
- Je vois pas comment je pourrais lui refuser ça…
- Et d’être punie devant elle…
- Punie ?… Comment ça punie ?…
- Tu veux pas qu’on te fasse un dessin ?
- Oui, mais alors ça…
- C’est quand même pas toi que ça va déranger ?!…
- Devant elle, si !… Parce qu’il s’est passé des choses un jour…
- Quelles choses ?…
- Mais je vais le faire quand même… Oui, je vais le faire quand même…

- Quelle heure elle avait dit ?…
- Trois heures…
- Il en est presque quatre… Elle a peut-être changé d’avis ?
- Mais non !… Sois pas impatiente comme ça… Elle a décidé de te faire attendre un peu… De te laisser sur le gril… C’est de bonne guerre… Après ce que tu lui as fait… T’as bien mis une culotte rouge, hein ?…
- Oui…
- C’est quelque chose sur quoi elle a beaucoup insisté… Il paraît que tu sais pourquoi… Pourquoi ?…
- Oh, c’est une vieille histoire… Ce serait trop long à raconter…
- On a le temps…
- Ca le rendait fou Martial les sous-vêtements rouges… C’est ce que j’avais mis le matin où… Achetés de la veille… C’est pour ça : elle a toujours cru que j’avais prémédité mon coup… Alors que je peux vous jurer…
- Oh, tu sais, nous, ça nous est un peu égal…
- Complètement même…
- La v’là !… Oui, la v’là !…

Elle s’est assise sans un mot, a allumé une cigarette, en a soufflé la fumée dans notre direction…
- Allez-y !…
Elle a regardé Gladys déculotter Cynthia…
- Plus bas !… Encore !… Et soulève-la bien… Comme ça, oui…
J’ai levé le martinet. J’ai cinglé. Une dizaine de coups. Me suis arrêtée…
- Encore !…
Cynthia a gémi. Battu des jambes. Secoué la rête dans tous les sens…
- Encore !…
Plus fort. Plus haut. Eperdûment…
- C’est bon… Ca suffit…
Elle s’est levée, s’est approchée…
- S’il vous plaît, laissez-nous maintenant… Toutes les deux… Et laissez-moi le martinet…

Escobarines: Heureux événement





- Qu’est-ce qu’il y a, Cedric ?… T’en fais une tête !…
- Il y a… Il y a qu’ils m’envoient en Azerbaïdjan… Pour six mois… Je peux pas refuser… Ou alors je saute !… Et je peux pas t’emmener non plus… Ils veulent rien entendre…
- Six mois, c’est quand même pas la mer à boire… Surtout quand on pense à tout ce que ça peut t’apporter… A tout ce que ça peut nous apporter…
- Je sais bien, mais…
- Tu pars quand ?…
- Le 15… Tu vas faire quoi, toi ?… Rester ici toute seule ?…
- S’il y a pas d’autre solution, mais ça m’enchante guère… Tu crois que tes parents accepteraient de m’héberger ?…
- Mes parents ?… Tu parles !… Ils vont être ravis… Ils t’adorent…

On est restées toutes les deux, sa mère et moi, le nez en l’air jusqu’à ce que l’avion ait disparu… On est retournées lentement jusqu’à la voiture…
- Bon… Eh bien voilà… Ca va ?… T’es pas trop triste ?…
- Si… Non… Si… Forcément…
J’ai allumé une cigarette…
- Fume pas trop quand même !… Je te regarde faire depuis tout à l’heure… C’est impressionnant… Et dis-moi… Il fait beau… Si on partait une petite semaine à la campagne toutes les deux ?… A Racines ?… Tu connais… C’est pas le grand confort, mais ça nous changerait les idées… A toi comme à moi… Et ici Paul est parfaitement capable de se débrouiller tout seul…

- Ca y est ?… Tu t’es installée là-haut ?… T’as tout ce qu’il te faut ?… C’est la chambre de Cedric que je t’ai donnée… Celle de quand il était ado… Il y a encore tous ses posters et ses photos au mur…
- Faut que je vous dise… Je suis enceinte…
- Hein ?… Mais c’est merveilleux, ma chérie… Et tu sais ça depuis quand ?…
- Tout à l’heure… Tout de suite… Je viens de faire le test…
- Cedric est au courant ?…
- Non… Je cours l’appeler…
- Il va être fou de joie…

- Je me fais une tisane… Tu en veux une ?…
- Non… Merci, non… Je vais plutôt aller profiter un peu de la douceur du soir sur la terrasse… Il fait tellement bon…
Des martinets se poursuivaient haut dans le ciel… Une chauve-souris faisait obstinément du rase-mottes autour de la maison…
- On a été bien inspirées, hein ?!… C’est idyllique… Mais souvent en juin…
J’ai sursauté. Je ne l’avais pas entendue approcher. J’ai précipitamment écrasé ma cigarette sous mon talon…
- Tu vas arrêter ça maintenant, je suppose, avec le bébé ?…
- Oui… Oui… C’était la dernière… J’arrête…

Elle est descendue un peu après huit heures… Elle a avalé son café au lait sans desserrer les dents et s’est furieusement lancée, sourcils froncés, dans l’épluchage des pommes de terre… J’ai pris mon courage à deux mains…
- Il y a quelque chose qui va pas ?
- Ah oui, il y a quelque chose qui va pas, oui… Soi-disant que c’était la dernière sur la terrasse hier soir… Mais t’en as fumé combien après dans ta chambre ?… Tu crois que ça se sent pas avec les fenêtres ouvertes ?… Tu me prends pour une idiote ?…
- Oui, mais non, mais…
- Tu es complètement irresponsable… Complètement… Et ton bébé, c’est toute sa vie qu’il va devoir en supporter les conséquences… Payer parce que sa mère se sera montrée incapable de faire preuve d’un minimum de volonté… Si t’étais ma fille je t’assure que ce serait vite vu… Tu te prendrais une de ces fessées !… 22 ans ou pas… Parce que les gamines dans ton genre !…
- Non, mais je vous promets… Je vous promets que…
Elle est partie en claquant la porte…

Au retour elle me l’a jeté, avec un soupir, sur la table de la cuisine…
- Tiens, tu liras ça… Et tâche d’en prendre un peu de la graine…
Je l’ai sorti du sachet… « Grossesse et tabac » par le professeur Dunod…

- Allo ?!… Tu m’entends ?… Tu m’écoutes ?…
- Mais oui, Cedric, oui…
- C’est important… Très… Maman m’a dit… Il faut que tu arrêtes… Absolument… Pense à nous… Pense à notre bébé… Tu ne voudrais quand même pas que…
- Bien sûr, Cedric , bien sûr !… Je fais tout ce que je peux… Mais c’est dur, tu sais !… C’est tellement dur…
- Pleure pas, ma petite puce !… Pleure pas !… Tu vas y arriver, tu vas voir !… Passe-moi maman, tiens !…

- Mais bien sûr que je vais t’aider… On va tous t’aider… De notre mieux… Et pour commencer tu vas aller me chercher tout ce qu’il te reste de cigarettes et de briquets là-haut… Et ne triche pas, hein !…
- Non, oh non !…
Je suis redescendue quatre à quatre. J’ai tout déposé devant elle, sur la table de la cuisine. Les deux cartouches d’avance. Celle qui était entamée. Le paquet ouvert. Les deux briquets…
- Tu risquais pas de tomber en panne, dis donc !…
Elle a tout emporté…
- Et bien entendu à partir de maintenant tu ne sors plus seule… La tentation serait beaucoup trop forte…

Ca m’a réveillée au petit matin. L’envie. Le besoin. D’en avoir une entre les doigts. D’en aspirer la fumée. De l’avaler…
Je n’ai pas pu me rendormir. Je suis allé marcher sur la terrasse. Longtemps de long en large. Et puis sur le petit chemin en contrebas de la maison. Plus loin encore. Dans la direction du village. Jusqu’au village. Jusqu’au café. Qui venait tout juste d’ouvrir…
- Vous pourriez pas me dépanner d’un paquet de cigarettes ?

J’en ai fumé une. Avidement. Une deuxième. Sur le chemin du retour. Une troisième, avant d’arriver, accoudée au parapet du petit pont de pierre. Et puis j’ai doucement caressé mon ventre et j’ai éclaté en sanglots…

Elle venait de se lever…
- Mais tu as pleuré !… Qu’est-ce qui se passe ?
- Empêchez-moi !… Je l’ai fait… S’il vous plaît, empêchez-moi !… Je veux pas !… Mon bébé… Faites ce que vous voulez, mais empêchez-moi !…
- Viens !…
Je l’ai suivie. Elle a poussé la porte de ma chambre, l’a refermée sur nous, s’est assise sur mon lit…
- Enlève le bas !… Juste le bas…
Elle m’a regardée faire…
- Tout le bas !… Oui, oh, s’il te plaît, tu ne vas pas te donner ce ridicule-là… En plus !…
Et j’ai retiré ma culotte…
- Eh bien !… Qu’est-ce que tu attends maintenant ?… Approche !…
Un pas. Juste un pas. Elle m’a foudroyée du regard. Un autre. Elle m’a empoignée par le coude, fait basculer, allongée, emprisonnée entre ses cuisses. Une main s’est enfoncée au creux de mes reins et l’autre a tapé. Fort. Elancée de haut. A coups espacés. Réguliers. Quand j’ai crié elle ne s’est pas interrompue. Quand j’ai supplié non plus. Ca a été seulement quand elle l’a voulu…
- Là… Et maintenant si tu recommences tu sais ce qui t’attend…

Escobarines: Leçon de piano





- Bon, allez, chut !… On reprend… Tu sais ce qu’elle a dit !… Que si on savait pas le morceau sur le bout des doigts à son retour elle nous en mettait une autre… Tu crois qu’elle le fera vraiment ?…
- Elle nous aurait pas fait rester déculottées sinon…
- Bon alors on se dépêche… Avant qu’elle revienne… Allez, on recommence du début… Mais non, sol dièse !… Sol dièse… Tu le fais exprès, c’est pas possible…
- Ca me gave ce truc…
- N’empêche que je croyais pas quand même pas qu’elle nous en collerait une !…
- Moi, si !… Je la connais depuis le temps… Quand elle dit quelque chose…
- Ca fait longtemps que tu l’étudies le piano avec elle ?…
- Quatre ans… Presque cinq…
- Comment tu fais pour être aussi nulle alors ?!… Parce que presque toutes les fautes c’est toi qui les as faites…
- Tout le monde peut se tromper…
- Oui, mais en attendant je me suis ramassé une fessée à cause de toi…
- Ca t’a fait mal ?…
- Ben oui, quand même !…
- Ca te brûle ?… Fais voir!… Oh oui, elle est toute chaude… Mais moins que la mienne…
- Alors ça ça m’étonnerait !…
- Si !… Tiens, tâte !… Ah, tu vois !…
- Oui… Non… C’est pareil… A quelque chose près…
- Mais c’est rien à côté de ce que ça va être tout à l’heure si on sait pas le lui jouer son morceau !…
- Bon, mais alors vite !… Vite !… Allez !… Un… Deux… Trois… Oh, zut !… C’est moi cette fois… On n’y arrivera jamais…
- C’est pas la peine… Laisse tomber… On n’aura pas le temps de toute façon…
- Et on va encore s’en ramasser une… C’est gai !…
- Ca fait rien… Tu sais quoi ?… J’espère que ça va pas te fâcher, mais comment j’ai aimé ça te voir la recevoir tout à l’heure… Pourtant t’es pas la première, hein !… Il y en a au moins cinq ou six déjà à qui elle l’a fait devant moi… Mais toi !… Je peux pas te dire comment ça m’a bouleversée à l’intérieur…
- A cause de quoi ?…
- Je sais pas… Ta façon de gigoter des jambes ou ces espèces de petits cris de souris que tu poussais… J’avais jamais entendu ça comme ça… Plein de choses en fait… Et toi ?… Tu as aimé me voir la prendre ?
- Oh non, non !… Enfin si !… Un peu quand même… Mais pas beaucoup… Presque pas…
- Je sais pas si c’est d’en parler, mais en tout cas comment ils pointent tes seins !…
- C’est parce que j’ai un peu froid…
- Laisse-toi aller contre moi alors… Que je te réchauffe… Et eux aussi… Eux surtout… T’as vu ?… Ils tiennent complètement dans ma main… Comment ils sont attendrissants tout petits comme ça… Comment ça donne envie de les cajoler… D’être toute tendre avec… D’y poser la joue… Comme ça… Ce qu’ils sont doux !… On dirait du duvet…
- Arrête !… S’il te plaît, arrête !…
- Hein ?!… Mais pourquoi ?…
- Parce que… Ca me fait des choses…
- Et alors ?… T’aimes pas ça que ça te fasse des choses ?…
- Si, si !… Oh, si !… Mais… Mais si elle arrive l’autre ?…
- Il y a pas de risque… Quand elle part comme ça il y en a toujours pour des heures…
- On sait jamais…
- De toute façon c’est pas elle que ça va choquer… Tu l’as pas vu le tableau au-dessus du piano ?…
- Si, bien sûr que si !… C’est même la toute première chose que j’ai remarquée le premier jour en arrivant… Pourquoi elle a été mettre ça là ?…
- Parce qu’elle apprécie les œuvres d’art… C’est beau deux femmes qui s’aiment, non, tu trouves pas ?…
- Elles s’aiment pas… Elles dorment…
- Après s’être aimées…
- Comment tu respires vite !…
- C’est toi !… C’est à cause de toi… Si tu savais comme tu me donnes envie !… Laisse-moi faire !… S’il te plaît, laisse-moi faire !… Oh, s’il te plaît!… Je t’en supplie…

Elles ont glissé sur le tapis. Et elle l’a laissé faire. Descendre à petits coups de baisers piquetés le long des côtes. Remonter. Revenir à eux. En prendre les pointes entre ses lèvres. Les y faire rouler. Repartir. Longer la hanche. Aller séjourner contre la cuisse. En entreprendre l’escalade. Se rapprocher. Se rapprocher encore. Y être…
Elle s’est ouverte…
- Tu as bon goût… Tu as très très bon goût…
Elle s’est abandonnée…

Elles sont restées enlacées…
- Tu m’en veux pas ?…
- Pourquoi je t’en voudrais ?… Comment c’était bon !… J’aurais jamais cru…
- Il y a qu’une femme pour connaître vraiment le corps d’une autre femme… Et lui faire donner tout ce qu’il peut donner…
- Embrasse-moi !… J’aime trop ça quand tu m’embrasses…
Elle a souri…
- Il y est encore mon goût sur tes lèvres… Et sur tes doigts aussi je suis sûre… Fais voir !… Donne !… Qu’est-ce que je disais !… Encore plus même…
Elle en a pris un dans sa bouche. Un autre…
- C’est toi qui pourrais m’en vouloir plutôt… Parce que comment j’ai été égoïste !… Je me suis laissé tout faire… J’ai eu plein de plaisir… Et je me suis même pas occupée de t’en donner à toi…
- La v’là !… La v’là !… Elle est rentrée… Elle est en bas…
Elles ont précipitamment regagné le tabouret…
- Tu veux me faire plaisir ?… Tu veux vraiment me faire plaisir ?…
- Tout ce que tu veux…
- Fais plein de fautes quand on va jouer tout à l’heure… Autant que tu peux… Qu’elle voie bien que c’est toi… Que moi j’y suis pour rien… Et qu’il y ait que toi qui la prennes la fessée…
- Je le ferai… Oui, je vais le faire…

- Bien, alors ces demoiselles !… On leur a laissé tout le temps de travailler… Voyons un peu ce que ça donne !…

Escobarines: La grande sénéchale





- Monsieur le Grand Sénéchal est fort mécontent de toi… Je suppose que tu sais pourquoi ?…
- Il me semble, Madame la Grande Sénéchale…
- Il te semble !… Et à moi il me semble qu’il ne devrait pas seulement te sembler…
- Je ne l’ai pas satisfait…
- Tu ne l’as pas satisfait, non !… C’est le moins qu’on puisse dire…
- Je m’y suis pourtant efforcée de mon mieux…
- Les résultats n’ont pas été à la hauteur des efforts que tu prétends avoir fournis ni des espoirs qu’il avait placés en toi… Je ne te cacherai pas qu’il t’en garde beaucoup de rancœur et qu’il a envisagé à ton égard les châtiments les plus extrêmes… Si je n’avais pas intercédé en ta faveur…
- Je vous en sais gré, Madame la Grande Sénéchale…
- Il t’a fait l’honneur de te distinguer parmi les dizaines et dizaines de jeunes damoiselles qu’on lui a présentées… Il t’a établie à mon service… Il était en droit d’attendre que tu lui en manifestes une incommensurable reconnaissance…
- Mais je lui en ai, n’en doutez pas, ainsi qu’à vous, une infinie gratitude…
- Tu es loin de l’en avoir convaincu…
- J’en suis sincèrement désolée…
- Ta jeunesse et ton inexpérience expliquent sans doute bien des choses, mais elles ne sauraient constituer très longtemps des excuses… Monsieur le Grand Sénéchal te donnera très probablement une nouvelle chance – c’est en tout cas l’intention qu’il a semblé manifester - , mais si tu devais continuer à le mécontenter je ne pourrais plus répondre de rien et il faudrait t’attendre à bien des désagréments…
- Je ferai tout mon possible pour que Monsieur le Grand Sénéchal n’ait qu’à se louer de mes services…
- Je n’en attendais pas moins de toi… Tu es fort attachante et je vais m’employer à te faciliter la tâche… Guillaume, le palefrenier – auquel tu as déjà très certainement prêté la plus grande attention – est d’une exceptionnelle vigueur et tout particulièrement rompu aux jeux de l’amour… Je vais te confier à lui et le charger de ton éducation…
- Comme Madame la Grande Sénéchale voudra…
- Il t’apprendra une foule de choses dont tu ne pourras que te trouver fort bien… Et Monsieur le Grand Sénéchal aussi… A condition que tu saches – et que tu veuilles – en tirer le meilleur parti…
- Mon plus cher désir est de combler les siens…
- Ce discours t’honore… Toutefois, avant de te laisser aller, je dois – comme je m’y suis engagée auprès de lui – te châtier pour la piètre prestation que tu as fournie… Tourne-toi !… Ou plutôt non… Reste comme ça !… Agenouillée… Tes cuisses feront l’affaire pour cette fois… C’est sensible à souhait des cuisses… Regarde-moi !… C’est un ordre !… Bien dans les yeux… Je veux voir se refléter dans les tiens chacun des coups que je vais te donner… Serre les dents, oui… Ca va faire mal… Très très mal…

- Tu as été courageuse… Pas un cri… Pas une larme… Comme tu as dû les décevoir dans les cuisines à côté : elles se faisaient une telle fête de t’entendre !… Bon, mais va vite les rejoindre… Qu’elles profitent au moins du spectacle de tes cuisses meurtries… Reste un peu avec elles… Et puis va rejoindre Guillaume… Il est au courant… Il t’attend… Il va s’occuper de toi… Et moi de ta compagne d’infortune qui n’a pas cessé de se retourner encore et encore malgré l’interdiction formelle qui lui en avait été faite…

- A ton avis, toi, pourquoi t’ai-je convoquée et fait dénuder ?…
- Je l’ignore, Madame la Grande Sénéchale…
- Vraiment ?…
- Vraiment…
- Ne serait-ce pas parce que, toi aussi, tu t’es montrée très insuffisante auprès de Monsieur le Grand Sénéchal ?… Parce que la qualité des services que tu lui rends laisse beaucoup à désirer ?
- J’en serais profondément navrée… Toutefois Monsieur le Grand Sénéchal ne me paraît pas le moins du monde mécontent de la façon dont je me comporte à son égard…
- Moi, si !…
- Vous m’en voyez désolée… Puis-je en connaître les motifs ?…
- Tu les connais parfaitement…
- Non… Sauf votre respect, Madame la Grande Sénéchale…
- Qu’il utilise tant et plus, à sa guise, tes pertuis – le grand et le petit – soit !… Qu’il s’en régale tant qu’il veut… Que tu y trouves toi aussi ton compte – ou que tu le feignes – soit encore !… Mais ce que je ne saurais tolérer c’est que tu mettes à profit vos ébats amoureux pour t’insinuer dans ses bonnes grâces et en tirer toutes sortes d’avantages indus…
- Les présents que Monsieur le Grand Sénéchal juge bon de me faire…
- Sont de très grande valeur et seront restitués en temps et en heure… Je t’en donne ma parole…
- A la seule condition qu’il m’en intime personnellement l’ordre…
- Il le fera…
- Il y est manifestement, pour le moment, rien moins que décidé…
- Si tu t’imagines que je ne vois pas clair dans ton jeu… Que je n’ai pas compris, depuis bien longtemps, où tu voulais en venir…
- Madame la Grande Sénéchale semble déterminée à me prêter des intentions qui ne sont pas les miennes…
- Qui sont les tiennes… Et pour lesquelles tu vas être punie derechef…
- Que Madame la Grande Sénéchale prenne les décisions que sa conscience ou son humeur lui dictent tant qu’il lui est loisible de le faire…
- Ce qui signifie ?
- Ce que Madame la Grande Sénéchale a très exactement compris…
- Je te briserai… Je te jure que je te briserai…
- Si je puis me permettre… Mieux vaudrait que Madame la Grande Sénéchale retienne son animosité à mon égard dans les bornes du raisonnable… Monsieur le Grand Sénéchal n’apprécierait certainement pas qu’on en use avec moi comme avec la dernière des servantes… Et ce que Madame la Grande Sénéchale redoute tant pourrait alors se produire dans des délais extrêmement rapprochés…
- Viens ici !… Mets-toi en position… On va t’entendre… Sois-en certaine !… On va t’entendre… Aux cuisines… Et dans tout le château… Et tu vas te traîner à mes pieds… ramper à mes genoux en demandant grâce… Une grâce que je ne suis pas sûr d’avoir envie de t’accorder…

Escobarines: Pacte secret





Marine, Aurore et moi on a été les premières. Parce qu’on en avait marre des mecs. Mais vraiment marre !… Plus que marre. Ca te vous mène en bateau tant que ça peut les mecs. Ca te fait semblant d’avoir des sentiments et ça pense juste à tremper sa queue. Ca joue avec toi. Ca te prend. Ca te jette. Ca te démolit. Et ça en a rien à foutre… Alors bon !… Ca suffisait. Ils allaient voir ce qu’ils allaient voir. Chacun son tour…

Et un soir qu’Aurore venait encore de se faire larguer, on a fait un pacte toutes les trois. Un pacte secret d’assistance mutuelle. Chaque fois qu’il y en aurait une qui entamerait quelque chose avec un type les deux autres elles tâcheraient aussitôt de savoir de quoi il retournait vraiment. En enquêtant discrètement. En faisant parler ses copains. En le draguant à fond, histoire de voir si ça l’empêchait pas d’aller tenter quand même sa chance à droite et à gauche. En utilisant tous les moyens possibles et imaginables pour le percer à jour. Et pas seulement… Parce que dès qu’il serait clair qu’il y en avait un qui s’était carrément foutu de notre gueule alors là !… Là il avait pas fait le plus dur… On te lui concocterait une de ces petites vengeances à notre façon… Qu’il risquait de s’en souvenir un moment… On manquait pas d’imagination quand on voulait…
- Ca marchera jamais…
- Et pourquoi ça marcherait pas ?
- Parce que tout le monde sait qu’on est copines… Ils se méfieront…
Eh bien la solution alors c’était de plus l’être copines…
- Ca va pas, non ?…
Mais si !… On allait se disputer ostensiblement. Pour tout le monde on serait brouillées à mort. On se parlerait plus. On se verrait plus. Mais en réalité on serait plus soudées que jamais. En cachette…
- Mais c’est que ça peut être drôlement rigolo en plus !…

Ca l’a été. Parce qu’on venait nous trouver. De tous les côtés. Des filles surtout… « - Paraît que vous vous êtes disputées ?… » Et qu’on nous débinait tant qu’on pouvait les unes aux autres… « - Ca devait arriver… Ca devait forcément arriver… Non, mais franchement qu’est-ce que tu pouvais bien fabriquer avec des filles pareilles ?… Qu’ont rien pour elles… Rigoureusement rien… Inintéressantes comme c’est pas possible… De véritables sacs à embrouilles… En plus !… »
- Au moins on sait à quoi s’en tenir !…

Avec les mecs en tout cas ça fonctionnait du feu de Dieu notre petit système. On jouait le jeu à fond et on feignait de se haïr à mort. Ils ne nous en confiaient que plus aisément leurs véritables intentions. Le plus souvent dans des termes d’une délicatesse !… « - Marine ?… Je vais la faire couiner une semaine ou deux… Et puis je vais passer à autre chose… C’est vraiment pas le genre de truc dont t’as envie de t’encombrer Marine… »… « - Aurore ?… Tout ce que je lui demande c’est d’écarter les cuisses… S’il faut lui raconter des salades pour qu’elle le fasse je vais lui en raconter des salades… Et des belles… C’est pas franchement moi que ça va déranger… »

Elle en arrivait presque à regretter avant Aurore…
- Quand on savait pas ce qu’ils avaient dans la tête… Qu’on pouvait encore se bercer d’illusions…
- Oui… Mais au moins le jour où ce sera le bon le type ce sera sûr que c’est lui…
- Le bon… Mouais… Mais pour combien de temps ?…

Marine, elle, elle était bien décidée à profiter à fond de la situation…
- On sait… Et on est en position de force quand on sait… Ils croient me baiser ?… Non, c’est moi qui les baise… Ils croient se servir de moi ?… Non, c’est moi qui me sers d’eux… Qui tire les ficelles… Qui en fais des marionnettes pour m’amuser comme j’ai envie… Quand j’ai envie…

Longtemps on n’a été que toutes les trois. Et puis il y a eu Eloïse. Parce qu’elle était au trente-sixième dessous Eloïse. Qu’elle savait pas sur quel pied danser avec son Antoine. Qui était amoureux comme un fou le mardi et complètement désinvesti le mercredi. Elle y comprenait rien. Bon, mais on allait s’en occuper… On lui a fait jurer le secret et on l’a prise avec nous. Trois jours après on savait : il en avait deux autres son Antoine…

Avec le temps on était devenues redoutablement efficaces et performantes. Il aurait été vraiment dommage de ne pas en faire profiter des filles qui nous étaient sympathiques et qu’on voyait désespérément engluées dans des situations sentimentales sans issue. Alors on a été cinq… Puis huit… Puis dix… Pour tout le monde nous n’entretenions aucune relation les unes avec les autres. Nous nous ignorions. Nous étions, en réalité, en contact permanent. Soit par téléphone soit par Internet. Et nous nous retrouvions, tous les mardis soirs, dans la propriété des parents de Natasha dont le parc – immense – nous offrait les indispensables garanties de discrétion et de confidentialité. Quand nous en repartions la nuit était bien souvent depuis longtemps tombée…

Ca devait arriver. Ca devait forcément arriver. Plus on était nombreuses et plus on courait le risque que notre fructueuse complicité finisse – trahison ou imprudence – par s’éventer. Et c’est arrivé. Elle en était profondément désolée Gaia… Peut-être, mais le mal était fait. Bon, mais ça s’était passé comment au juste ?
- Je me suis emportée… A voir comment il continuait à se foutre de ma gueule l’autre… Ca a été plus fort que moi… Je lui ai tout balancé… Tout ce que je savais… Et que je ne pouvais savoir que parce que Katia et Eloïse… Je les ai grillées… Auprès de lui je les ai complètement grillées…
Il y avait deux ou trois filles qui étaient d’avis qu’il fallait l’exclure. Tout de suite. Parce que qu’est-ce qu’il pouvait y avoir de plus grave ?…
- Et de toute façon elle recommencera… Si elle est incapable de se contrôler… Et comment on pourrait avoir confiance en elle maintenant ?…
Mais d’autres étaient d’avis qu’il fallait lui laisser sa chance. Parce qu’elle s’était dénoncée d’elle-même… Que vu tout ce qu’il lui avait fait subir l’autre animal on pouvait comprendre qu’elle ait disjoncté… C’était humain… Qu’elle n’avait impliqué personne d’autre que Katia et Eloïse… Qu’il suffirait de laisser quelque temps sur la touche…

Par contre – là-dessus tout le monde était d’accord – par contre il fallait malgré tout une sanction. Ca s’imposait. Oui, mais laquelle ?…
- Une fessée ?
Tout le monde a fait chorus…
- Oh oui, oui, une fessée !… Elle avait bien mérité ça… C’était la moindre des choses…
Et elle Gaia ?… Elle en pensait quoi ?… Qu’on fasse ce qu’on voulait… Qu’on décide… Oui, une fessée, si on voulait… Ca lui était égal… Tout lui était égal pourvu qu’on la mette pas dehors… Qu’elle continue à être avec nous…
- Bon, ben viens là alors !…
Marine s’est agenouillée, l’a fait basculer sur sa cuisse, l’a déculottée…
- C’est moi qui commence, les filles !… Mais après ce sera votre tour… Vous aurez toutes votre tour…
Et elle a levé la main…

Escobarines: Rééducation





Vendredi 15 Octobre 2049
Une parodie de procès. On a été condamnées. Il fallait s’y attendre. Toutes les quatre. Pour activités antisociales. Activités antisociales !… C’en est bouffon… Mais en attendant on a pris deux ans de centre rééducatif. Celui de Verninay… Le pire de tous… S’ils s’imaginent qu’ils nous casseront comme ça !

Lundi 18 Octobre 2049
Ca n’a pas perdu de temps. On nous a transférées ce matin à six heures. La fouille. La douche. On nous a fait revêtir la tenue-maison. Une horrible robe-blouse marron. Avec des godillots informes et de grosses chaussettes qui retombent dessus. On ressemble plus à rien. C’est bien évidemment voulu…
On ne nous a pas mises dans la même cellule. Il fallait s’y attendre. Je me suis retrouvée avec cinq « droit commun » en pleine effervescence parce que deux gardiennes venaient de flanquer une magistrale fessée à l’une d’entre elles…
- Une fessée ?… Mais elles ont pas le droit !…
Elles ont éclaté de rire. Toutes en chœur…
- On voit que tu viens d’arriver… Elles ont tous les droits…
- Mais c’est pas légal !…
- Un conseil… si tu veux pas aller au-devant de très très gros ennuis… Ici oublie ce mot-là… Elles font ce qu’elles veulent… Mets-toi bien ça dans la tête… Tout ce qu’elles veulent…
Et il y en a une qui a cru bon de préciser…
- On n’est plus en 2010…

Elles ont voulu savoir… J’avais fait quoi pour être là ?… J’ai commencé à expliquer. Elles m’ont tout de suite interrompue…
- Oui… T’es une politique, quoi !…
Pas vraiment, non… C’était pas vraiment ça…
- Ca revient au même… Tu la fermes là-dessus… On veut pas savoir… On tient pas à avoir des emmerdes…
Je n’ai pas insisté. Et elles ?… Pourquoi elles étaient là ?… Elles ont éludé. Elles étaient devenues méfiantes d’un seul coup. Presque hostiles…

Je venais à peine de m’endormir quand la cellule s’est brutalement éclairée, la porte violemment ouverte…
- Alors ?!… Avec qui on va s’amuser nous deux ce soir ?!
Elles ont tiré des couvertures, soulevé des têtes par les cheveux…
- Mélanie, tiens !… Oui… Mélanie… Allez, amène-toi, ma chérie…
La fille s’est levée, les a suivies sans un mot. Le cliquetis des clefs. Tout s’est réteint…
- Qu’est-ce qu’elles lui veulent ?
- Faut te faire un dessin ?
- Mais faut pas se laisser faire… Faut se défendre…
- Oh, ta gueule !… Dors et fous la paix…

Mercredi 20 Octobre 2049
Une gardienne est venue m’extraire de ma cellule…
- On te réclame… Corvée de pluches…
Penchées sur un bac, dans la cour, devant la porte des cuisines, elles étaient là, toutes les trois, sous la surveillance d’une garde-chiourme armée d’un martinet…
- Si je me suis arrangée pour que vous soyez toutes les quatre réunies, les filles, c’est que je suis à 100% avec vous… Mais soyez discrètes… Aussi discrètes que possible… Dans votre intérêt… Et dans le mien… Je risque ma place… Et beaucoup plus…

Lundi 25 Octobre 2049
On se retrouve tous les jours en bas. Elle nous laisse parler. Autant qu’on veut. Ca nous fait un bien fou. On se remonte mutuellement le moral. Parce que deux ans !… Dans des conditions comme celles-là. Sans le moindre contact avec l’extérieur. Sans aucune nouvelle de nos camarades qui, eux, continuent à lutter pour le rétablissement des libertés élémentaires. Ils nous manquent. Ils nous manquent tellement…

Là-haut, en cellule, on me bat froid. On considère que j’ai obtenu un passe-droit injustifié alors que je viens tout juste d’arriver. Manifestement on se méfie de moi. On se demande quel est mon véritable statut ici et si je n’ai pas des liens privilégiés avec la direction. En clair on me soupçonne d’être une moucharde. Alors on chuchote derrière mon dos et on évite soigneusement de me faire quelque confidence que ce soit. Même m’adresser tout simplement la parole semble leur coûter un effort surhumain. Je n’insiste pas. A quoi bon ? Plus j’essaierai de les convaincre de ma bonne foi et plus je m’enfoncerai à leurs yeux…

Mardi 26 Octobre 2049
Ils ont pris et condamné Lionel…
- Mais surtout, les filles, vous ne bronchez pas… Rien, dans votre attitude, qui puisse laisser supposer que vous êtes au courant… Je vous rappelle qu’il y a des caméras de surveillance partout, qu’on est constamment épiées…
Lionel est là. Du côté des hommes. De l’autre côté des grilles. A cinquante mètres de nous. On en aperçoit, souvent, à dix heures et demi, pendant leur promenade. On les entend. On les écoute. Lionel est là maintenant. Avec eux…

Mercredi 27 Octobre 2049
Marlène s’est élancée aussi vite qu’elle a pu. Le temps que la gardienne réalise et réagisse elle était déjà presque arrivée aux grilles…
- Lionel !… Lionel !… C’est moi, Marlène !…
Auxquelles elle s’est accrochée…
- Lionel !… Lionel !…
La gardienne a eu toutes les peines du monde à la détacher, à la ramener…
- Espèce de folle !… Ah, tu nous mets dans de beaux draps !… Je suis obligée de te punir maintenant… Et comme il faut !… En espérant que ça va suffire… Que je vais pas, moi aussi, devoir payer les pots cassés…
Elle était furieuse. Elle lui a arraché sa robe et elle a cinglé. Une vingtaine de coups vigoureusement appliqués qui l’ont fait tomber à genoux. Elle s’est relevée. Elle a cherché sa robe du regard tout autour d’elle…
- Non !… Tu restes comme ça…
Elle a repris sa place et murmuré avec un sourire attendri…
- J’m’en fiche !… J’m’en fiche !… Je l’ai vu…
Derrière les grilles des hommes s’étaient massés… Qui regardaient… Que les gardiens ont pris tout leur temps pour disperser…

Elles ont surgi à cinq dans la cellule…
- Alors comme ça on passait ses matinées à comploter à qui mieux mieux !…
- Mais non, mais…
- Inutile de nier… On sait tout… Allez, à ton tour !… Viens avec nous !… On va s’occuper de ton petit derrière…
Les filles m’ont regardée partir avec un sourire ravi…