samedi 6 novembre 2010

Escobarines: Cousines ( 2 )



Gladys a quitté la fenêtre…
- Ca y est… Ca y est… Tout le monde est parti… On est tranquilles pour au moins trois heures… Qui c’est qui raconte ?…
- Toi, si tu veux…
- Ou bien toi, Eloïse…
- Oui, mais moi… Si je raconte des fessées ce sera pas des fessées reçues… Ce sera des fessées données…
- Ca fait rien… Ca peut être bien quand même…
- Ou des fessées que je vais pas tarder à donner…
- Ah oui ?!… A qui ?…
- Peut-être bien à vous… A vous deux…
- A nous ?!… Pourquoi à nous ?…
- Et elles demandent pourquoi !… Vous avez la mémoire courte, hein !… « La liseraie »… Ca vous dit rien ?…
- Ben si, si !… C’était la boîte où on allait danser quand on était en vacances chez grand mère…
- Et il s’y est passé quoi à « La liseraie » ?
- On y a pris de ces cuites !…
- Oui, mais à part ça ?…
- A part ça c’était plutôt nul… Les types, c’était vraiment pas le pied…
- Ca vous empêchait pourtant pas d’en lever…
- Oui, oh, tu parles !… Un tous les tournants de lune…
- Et pour ce que ça durait !…
- En attendant, avec vos histoires, vous me cassiez mes coups…
- Ah oui ?!… Quand ça qu’on t’a cassé ton coup ?... On s’rappelle pas…
- Moi si !… Un type beau, mais beau !… Ca faisait trois semaines que j’en étais amoureuse folle…
- Et on te l’a soufflé… C’est pas moi, je m’en souviendrais…
- Ni moi… C’est pas mon style…
- Trois semaines que je faisais des pieds et des mains pour attirer son attention… Pour croiser son chemin… Trois semaines que je le gratifiais de mon plus beau sourire…
- Ah oui, si, ça y est, j’me rappelle…
- Et ce soir-là…
- La mayonnaise a pris…
- Il m’a invitée à danser… Cinq fois… Dix fois… Il me murmurait des trucs à l’oreille… Qui me rendaient folle… Il se serrait contre moi… De plus en plus près… De plus en plus fort… J’étais dans tous mes états… J’avais envie, non, mais comment j’avais envie… Jamais j’avais eu envie comme ça…
- Ben fallait y aller… Il était où le problème ?…
- C’était vous le problème… J’étais l’aînée… Chargée de vous surveiller… Et de vous rapatrier à une heure raisonnable… Ca vous faisait assez râler… « - A notre âge on sait quand même ce qu’on a à faire… »… Je vous ai jeté un œil… Vous étiez en train de rire et de plaisanter avec tout un groupe de copains et de copines… Je pouvais bien filer… L’emmener jusqu’à ma voiture une petite vingtaine de minutes… Vous ne vous en rendriez seulement pas compte… Ca a été une heure en fait… Plus d’une heure… Presque deux… Deux heures de folie… Deux heures durant lesquelles il m’a rendue éperdûment femme… Deux heures pendant lesquelles…
- Oui, ben passe-nous les détails, tu veux ?… Tu vas nous donner envie… Et on a rien à se mettre sous la dent…
- Un dernier baiser… Et on s’est séparés… Il fallait que je rentre… Que je vous ramène… Mais on allait se revoir… Le lendemain… Et tous les jours suivants… Promis, juré… Je suis revenue dans la salle sur un petit nuage… Ivre de bonheur et tous les sens en feu… Vous étiez où ?… Nulle part… J’ai cherché… J’ai interrogé… On savait pas… Si, finalement, si… Une fille vous avait vu traverser le parking en compagnie de quatre types et vous enfoncer dans le bois… Des types ?… Quels types ?… Elle savait pas… Des types… Ce qu’une autre m’a presque aussitôt confirmé… Quatre, oui… Peut-être même cinq… Et qui avaient vraiment mauvais genre…
- Tu parles !… Deux ils étaient… Chacune le sien… Nous aussi on avait le droit de s’envoyer en l’air…
- Sauf que nous ça a duré nettement moins longtemps… Le mien il m’était seulement pas rentré dedans qu’il avait déjà giclé… Et qu’il avait manifestement plus qu’une idée, c’était de se tirer…
- Le mien il a seulement pas eu le temps d’entreprendre quoi que ce soit… Il était tellement bourré qu’il s’est endormi en m’écrasant à moitié… J’ai eu toutes les peines du monde à me tirer de dessous…
- Du coup on s’est pas attardées toutes les deux…On a filé aussi vite qu’on a pu…
- Oui, et pendant ce temps-là vous imaginez dans quel état d’angoisse je pouvais être, moi ?!… Qu’est-ce qui vous était arrivé ?… Où vous étiez passées ?… Je vous voyais déjà mortes… Violées… Egorgées derrière un buisson… J’ai couru… J’ai cherché… J’ai appelé… Remué ciel et terre… En vain… Quand le jour s’est levé j’ai renoncé… Je suis rentrée, la mort dans l’âme… Il allait falloir dire… Répondre aux questions… Celles de la famille… Des gendarmes… On allait fouiller tout le pays… Ramener vos corps à la maison… Vous étendre sur votre lit, les paupières closes, les mains jointes, le teint cireux… Tout serait – tout était – de ma faute… Autour de la grande table, en bas, il y avait grand-père… Et papa… Et oncle Roger… Et même tante Martine… « - Elles sont où les filles ?… »… Ben justement !… Justement !… J’ai voulu commencer à expliquer… J’ai fondu en larmes… « - Oh, arrête de chialer… Tu n’y couperas pas… Parce que c’est comme ça que tu les surveilles ?… On te fait confiance et toi, tu les laisses rentrer à pied… Toutes seules… En pleine nuit… Il aurait pu leur arriver n’importe quoi… Tu es complètement irresponsable, ma pauvre fille !… »… Mais alors ?!… Alors vous étiez là… Revenues… Vous étiez là-haut… Vous dormiez… J’ai encore pleuré… De joie cette fois… De soulagement… De bonheur… On m’a fait agenouiller sur le canapé, face au mur… Quelqu’un s’est approché avec le martinet, a cinglé…
- Et t’en as pris une bonne…
- Mais ça faisait rien… Ca n’avait pas d’importance… Vous étiez là… Vous étiez revenues…
- Et le type ?… Tu l’as revu ?…
- Non… Sorties en boîte interdites jusqu’à la fin des Vacances… Pour toutes les trois… Et pas question de passer outre… Vous savez comment c’était… J’ai bien essayé de le retrouver en traînant de ci de là dans la journée… En interrogeant à droite et à gauche… Ca n’a rien donné… Il vivait que la nuit de toute façon…
- Peut-être qu’il y aurait plus jamais rien eu… Il avait tiré son coup… Il en aurait plus rien eu à foutre de toi…
- Oh si, si !… J’en suis sûre…
- Vu sous un certain angle c’est vrai que c’est de notre faute… Et sous un autre pas du tout…
- Qu’elle s’en soit pris une, ça, par contre… On aurait pu l’attendre à défaut de pouvoir la prévenir… On est inexcusables… Elle est en droit de demander réparation…
- Il y a pas prescription si longtemps après ?…
- Pas pour ce type de délit… Le canapé est là, les filles… C’est le même… Installez-vous !… Je vais chercher le martinet… C’est le même aussi…

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