samedi 6 novembre 2010

Escobarines: Cousines ( 1 )





- Allez, Cynthia, raconte !… Et comme il faut, hein, sinon on te loupe pas !…
Et elle m’a caressé les fesses du bout des lanières du martinet…
- Attends !… Attends !… Qu’on l’installe bien… Que je lui coince la jambe avec les miennes… Là… Vas-y !… C’était quand ?… C’était où ?…
- A ma caisse l’an dernier…
- Hou là !… Je sens que ça va donner… Et alors ?
- Et alors il y avait une bonne femme, une vieille – la mère Bonnet, je sais pas si vous la connaissez – qu’arrêtait pas de me narguer… Elle venait tous les jours et fallait à chaque fois qu’elle passe avec moi… Et c’était tout un tas de réflexions… Que j’allais pas assez vite pour enregistrer les articles… Qu’elle était pressée… Qu’elle avait pas que ça à faire… Ou au contraire que j’allais trop vite… Qu’avec son arthrose, vu le temps humide, elle arrivait pas à suivre le rythme… Elle épluchait les notes… Je m’étais pas trompée là ?… J’étais sûre ?… Vaudrait peut-être mieux qu’elle aille voir à l’accueil… Parce qu’avec moi !… J’étais réputée pour me tromper plus souvent qu’à mon tour… Etc, etc… Elles savaient pas comment je faisais les autres filles… « - On t’admire… Comment t’arrives à garder ton calme ?… Ce serait de nous ça volerait… On peut te dire que ça volerait… »… Il fallait surtout pas… Elle attendait que ça… Elle faisait tout pour ça… Je restais impassible… Ca glissait comme sur les plumes d’un canard… Ca l’exaspérait… Et elle en rajoutait une couche… Elle s’était juré – ça se voyait gros comme le nez au milieu de la figure – de me faire craquer… Elle a fini par y arriver… La veille de Noël… Il y avait un monde fou et elle me bloquait ma caisse… Pour une histoire de chocolats et de remise offerte sur une boîte et pas sur l’autre… Ca durait… Ca durait… J’ai pas pu m’empêcher… « - Vous me faites chier !… - Oh !… »… Et elle s’est mise à hurler comme une possédée, les yeux exorbités… Non, mais comment on traitait les clients là-dedans !… C’était un scandale… Elle voulait voir le patron… Qu’on l’appelle !… Tout de suite !… Ca s’est terminé au bureau… Où j’ai dû, à contrecoeur, lui faire des excuses qu’elle a acceptées du bout des lèvres… Monsieur Lacerre l’a raccompagnée en lui faisant tout un tas de courbettes, est revenu… « - Mais enfin, Cynthia, qu’est-ce qui vous a pris ?… Vous qui êtes une employée exemplaire d’ordinaire… »… J’ai essayé d’expliquer… Le harcèlement quotidien… Les petites piques sournoises… Il m’a arrêtée d’un geste impérieux de la main… « - Ca ne m’intéresse pas… Quelles que soient les circonstances le client a toujours raison… Vous devriez le savoir depuis le temps… Je veux bien passer l’éponge pour cette fois, mais à la prochaine incartade vous n’y couperez pas… Vous serez punie comme vous le méritez… »… J’ai levé sur lui un regard interrogateur… Il a haussé les épaules… « - Une fessée évidemment !… Dans votre cas c’est ce qu’il y a de plus approprié… Non ?… Vous n’êtes pas de cet avis ?… »… A ma grande stupéfaction je me suis entendu répondre que si… Un tout petit si, timide et hésitant, presque inaudible, mais un si quand même… « - Eh bien voilà !… Tout le monde est d’accord… » Et il m’a congédiée du revers de la main… Je peux pas avoir un verre d’eau ?…
- Si, tiens !… Et alors ?… Après ?…
- Après comment je me suis trouvée conne !… Qu’est-ce qu’il devait penser de moi que j’aie pas refusé ?… Que j’aie même pas protesté… Chaque fois que je le croisais je piquais un de ces fards !… Et l’autre évidemment elle revenait… Avec un de ces petits airs de triomphe… Une vraie tête à claques… Et toujours ces petites réflexions, ces incessantes provocations pour essayer de me faire sortir de mes gonds… Je devais me mordre les lèvres pour ne pas répondre… Un mois ça a duré… Plus d’un mois… Jusqu’au jour où… « - Je t’ai croisée hier boulevard Voltaire… »… Le tutoiement… Ce tutoiement… Insupportable dans sa bouche à elle… « - Oui, je t’ai croisée… Tu as fait semblant de pas me voir… Pour éviter d’avoir à me saluer, j’imagine… - Je n’étais pas en service… - En service ou pas la moindre des politesses quand on croise une cliente c’est de lui dire bonjour… Mais tu avais probablement beaucoup mieux à faire… Vu ta tenue… Tu étais en chasse, je suppose ?… - Ma vie privée ne regarde que moi… - Alors il ne faut pas l’exposer au grand jour… Quand on s’affiche, simultanément ou à tour de rôle, avec la moitié des mâles du pays il ne faut pas s’étonner si ça fait jaser… - Oui, oh ben c’est pas vous qui risquez de vous afficher avec qui que ce soit… Avec la gueule et le caractère que vous avez… - Quelle petite conne tu fais !… »… Et elle m’a giflée… Une grande gifle qui a fait se retourner tout le monde… Je la lui ai rendue sa beigne… Aussi sec… D’instinct… Sans réfléchir… Elle a filé tout droit vers le bureau… Sans un mot… Ca n’a pas loupé… Cinq minutes plus tard Corinne débarquait à ma caisse… « - Monsieur Lacerre t’attend… Et il est dans une de ces colères contre toi !… Un conseil : le fais pas attendre… Vas-y !… Je te remplace… »… « - Ferme la porte !… »… C’est tout ce qu’il a dit… Rien d’autre… Juste ça : ferme la porte… Il m’a prise par le coude et il m’a emmenée derrière son bureau… Il a reculé sa chaise… Il m’a couchée en travers de ses cuisses… « - Pas devant elle !… S’il vous plaît, pas devant elle, je vous en supplie… »… Mais il n’a rien écouté… Il a dégrafé ma jupe qu’il a fait tomber par terre… Il a tiré un grand coup sur ma culotte qu’il m’a baissée jusqu’aux genoux… J’ai voulu mettre mes mains… Il les a emprisonnées dans l’une des siennes… « - C’est pas le moment d’en rajouter… Tiens-toi tranquille !… » Et il m’a mis la fessée… Mais alors une de ces fessées comme j’en avais jamais reçu… C’était que sa paume pourtant, mais t’avais l’impression qu’il tapait avec je sais pas quoi… Que ça pouvait pas être que ça, c’était pas possible… Elle s’était approchée l’autre… Tout près… Et elle s’était placée de façon à bien pouvoir me voir la figure en même temps que le reste… Du coup je relevais pas la tête… J’essayais… Parce que c’était plus fort que moi : je voulais voir si elle regardait… Evidemment qu’elle regardait… Et pas qu’un peu !… Et avec un air, mais un air !… T’aurais cru qu’elle allait jouir par moments…. Quand ça a été fini elle m’a tranquillement regardée me reculotter et puis elle a remercié monsieur Lacerre… « - Espérons que ça lui aura servi de leçon… Qu’elle va changer de comportement… Quoique… Avec elle… Mais comptez sur moi !… Je vous tiendrai au courant… »

Eloïse était persuadée que j’avais tout inventé…
- Jamais un directeur il irait faire un truc pareil… Il prendrait bien trop de risques…
- Oh, alors ça !…
Parce que Gladys, elle, elle était convaincue du contraire…
- Si c’était pas réel elle aurait fantasmé jusqu’au bout… Elle se la serait fait donner devant tout le monde, les autres caissières, les clients, en plein magasin…

Bon, alors ?… C’était vrai ou pas ?
- Non… Non… Bien sûr que non…
- Sûr ?… Ca avait tellement l’air de l’être !…
- Peut-être qu’elle a pas envie qu’on sache que ça s’est vraiment passé ?…
- De toute façon, dans un cas comme dans l’autre, elle a intérêt à préparer ses fesses… Parce que ou bien ça a vraiment eu lieu et elle nous ment… Ca mérite… Ou bien c’est tout imaginé et faut vraiment être complètement tordue pour aller inventer des trucs pareils… Ca mérite encore plus… Non ?… T’es pas de notre avis ?…
Oh si, que je l’étais !… Si !… Et comment !…
- Eh bien voilà !… Tout le monde est d’accord… Comme disait ton bon monsieur Lacerre…

Elle a levé le martinet. L’a abattu…

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