samedi 17 septembre 2011

Escobarines: Au bureau ( 8 )


Lundi 9 Octobre

- Tiens, tu t’es fait couper les cheveux…
- Oui… Un moment que j’y pensais… Tu trouves que ça me va pas ?…
- J’ai pas dit ça, non… Mais ça te vieillit… Ca te donne un air sérieux !… Presque intimidant…

Fabrizia est sortie en pleurs du bureau de Madame Lambert… Qui a surgi sur ses talons… Qui a déposé trois ou quatre feuillets sur ma tablette d’ordinateur…
- Tenez , Mademoselle Dumas… Vous voudrez bien me réécrire ce texte dans un Français correct, puisque votre collègue, malgré tous ses diplômes, s’avère parfaitement incapable d’aligner deux phrases de suite qui tiennent debout…

Et il fallait bien reconnaître que…
Je me suis discrètement penchée vers Clarisse…
- Elle le fait exprès ?… Pour qu’elle la punisse ?…
Clarisse a éclaté de rire et claironné…
- Oh non, non !… Là-dessus elle a pas besoin d’en rajouter…
Emilie a surenchéri…
- Attends de l’avoir lue !… Si tu y arrives… Parce que pour comprendre quelque chose à ce qu’elle raconte…
Et Sybille a conclu…
- Elle est nulle !… Elle est complètement nulle… Plus nulle qu’elle tu meurs…

- Ah, ben voilà !… Voilà !… C’est clair… C’est cohérent… Lumineux… Sans la moindre incorrection syntaxique… Dorénavant, Madame Delagrave, vous soumettrez tous vos travaux à Mademoiselle Dumas qui les supervisera et les corrigera… Il serait également souhaitable qu’elle prenne un peu de temps pour s’efforcer de vous inculquer, si tant est que cela soit possible, quelques rudiments grammaticaux…

- Comment elle avait l’air vexée !…
Sybille – on rectifiait nos maquillages respectifs toutes les deux, pendant la pause, devant la glace – a haussé les épaules…
- Tu l’aurais pas été, toi, à sa place ?!… Se faire reprendre comme ça, à son âge, avec ses vingt ans d’expérience, devant une gamine qui débute… A qui on demande de lui donner des leçons… De lui apprendre pour ainsi dire son métier… Il y a de quoi, non ?… Mais t’en fais pas… Elle adore ça avoir honte… Et pas qu’un peu… Je te parie ce que tu veux qu’elle était à tordre sa petite culotte… Et que ce soir…

- Asseyez-vous, Mademoiselle Dumas… Vous êtes, à l’évidence, extrêmement compétente… Je dirais même extrêmement brillante… Ce sont des qualités qu’il n’est évidemment pas question de vous reprocher… Dont nous n’avons ici qu’à nous louer… Reconnaissez toutefois que, dans la mesure où vos collègues ne sont manifestement pas aussi douées que vous il y a là une forme criante d’injustice… Non ?… Vous n’êtes pas de cet avis ?…
- Je ne sais pas, Madame…
- Eh bien moi, je sais… Le talent a quelque chose d’éminemment indécent… Et, qu’on le veuille ou non, qu’on s’en défende ou pas, il finit toujours par déboucher sur d’insupportables boursouflures du moi… Dès lors le meilleur service qu’on puisse rendre à celles et à ceux qui sont manifestement affligés de dons hors du commun c’est de les ramener au sens des réalités… De leur offrir des compensations qui leur fassent sentir tout ce que leurs éminentes qualités ont d’inacceptable… Vous partagez mon point de vue, n’est-ce pas ?…
- Certainement, Madame…
- Parfait… Alors vous allez vous lever… Là… Et vous déculotter… Que je… Mais qu’est-ce que ?… Vous en avez reçu une… Oui, vous en avez reçu une… Et c’est tout récent…
Elle en a lentement et délicatement épousé les contours…
- C’est Clarisse, hein ?…
- Non, Madame…
- Bien sûr que si !… Ne mentez pas…
- Je vous jure que non…
- Qui alors ?…
- Je ne sais pas…
- Vous vous moquez de qui ?… Si, c’est Clarisse !… Evidemment que c’est Clarisse… Non, mais elle se prend pour qui ?… Je le lui avais formellement interdit…
- Ce n’est pas elle…
- Taisez-vous !… Et, en ce qui vous concerne, je vous interdis… Vous m’entendez bien ?… Je vous interdis de vous laisser administrer dorénavant quelque fessée que ce soit par qui que ce soit… J’ai des projets vous concernant et je ne tiens pas à ce que vous les compromettiez par votre inconséquence… En attendant reculottez-vous !… Et retournez travailler…

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