dimanche 25 octobre 2009

Mémoires d'une toute petite queue ( 1 )

Des débuts pas très prometteurs





1- La toilette du samedi


- Le pauvre petit il a vraiment pas été gâté par la nature…
- Ca, c’est le moins qu’on puisse dire… Mais à ce point-là c’est quand même impressionnant…
Je devais avoir quatre ou cinq ans… J’étais en vacances chez grand mère, au bon air, à la campagne… Et, cette année-là, il y avait aussi tante Monique…
- En tout cas ça vient pas de notre côté à nous… Dans la famille les hommes ont toujours été généreusement pourvus…
C’était pendant la toilette du samedi… Le samedi grand mère faisait chauffer de l’eau dans de grandes bassines et me lavait à fond dans l’un des immenses bacs en ciment de la buanderie…
- Avec l’âge ça devrait quand même finir par s’arranger un peu…
- Oui, enfin ça !…

Ce tout premier souvenir est resté longtemps enfoui sous une multitude d’autres… Des tantes qui m’emportaient dans leurs bras et m’étouffaient de baisers…
- Le pauvre petit !… Perdre sa maman !… Si jeune !… Si c’est pas malheureux…
Une institutrice qui m’avait pris en grippe et ne manquait pas une occasion de me le faire sentir… Une dame qui arrivait sans bruit dans la chambre de papa, à côté, dès que j’étais couché et s’enfuyait tôt le matin avant que je sois levé…

Tout nu dans ce bac en ciment, ce jour-là, j’ignorais de quoi elles parlaient, mais les regards consternés qu’elles posaient, avec insistance, sur une partie bien précise de mon anatomie me laissaient vaguement soupçonner qu’il y avait, de ce côté-là, quelque chose qui n’allait pas… Oui, mais quoi ?…

Quand, à sept ans, à la piscine, j’ai eu l’occasion, pour la première fois d’apercevoir deux camarades nus je suis resté stupéfait… Quelles monstruosités ils avaient là entre les jambes !… Je les ai d’abord sincèrement plaints… Les pauvres !… Comme ils devaient en être encombrés !… Mais un doute s’était insinué en moi : j’ai discrètement observé, épié, enquêté et j’ai bien dû finir par me rendre à l’évidence : les autres, tous les autres, étaient - et de très loin - beaucoup mieux nantis que moi… Et je me suis alors employé à dissimuler, le plus souvent avec succès, une particularité dont je soupçonnais vaguement qu’elle m’exposerait, si elle était découverte, à d’interminables moqueries…

Ce n’était pas trop difficile : je ne fréquentais quasiment personne, je n’étais inscrit à aucune activité d’aucune sorte et revêtir la tenue de sport en gym n’impliquait pas qu’on se déshabille complètement… Restait grand mère, mais grand mère c’était grand mère… De toute façon elle savait et, dès l’instant où j’avais été en âge de me laver tout seul, elle s’était contentée de verser l’eau dans le bac, de m’apporter tout ce qu’il fallait et de superviser de loin…

J’avais onze ans quand mes cousines Florence et Véronique sont venues pour la première fois passer, elles aussi, leurs vacances chez grand mère… Je m’en étais fait par avance une véritable fête : elles n’avaient que neuf et sept ans, je ne les avais jusque là pratiquement jamais vues, mais j’allais enfin avoir des camarades de jeu… Finies les interminables journées gorgées de soleil passées à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire… J’ai très vite déchanté : je ne les intéressais pas… Elles ne me rejetaient pas, non, pire, elles m’ignoraient… Elles étaient dans leur monde à elles… Toutes les deux… J’étais un intrus qu’il fallait soigneusement tenir à distance… Et j’étais renvoyé à une solitude pire encore que celle que j’avais jusque là connue…

Quand, le tout premier samedi, grand mère m’a appelé dans la buanderie, que j’ai trouvé les filles déjà installées dans les bacs, qu’elle m’a fait signe de les y rejoindre je suis tombé des nues : il allait pour moi tellement de soi que nous ferions notre toilette à tour de rôle, elles et moi, que c’était une éventualité que je n’avais même pas envisagée… J’ai timidement suggéré…
- Je pourrais peut-être après… Quand elles auront fini…
- Parce que tu te figures qu’il va y avoir deux services rien que pour tes beaux yeux… Tu trouves que j’ai pas assez de travail comme ça ?…
Elle s’est retournée, s’est essuyé les mains…
- De quoi t’as peur ?… Qu’elles en perdent la vue ?… Ca, il y a pas de risque : il y a vraiment pas de quoi… Allez, assez de simagrées !… Dépêche-toi !… Tu me fais perdre mon temps… Et je me suis déshabillé, anéanti…Le samedi suivant aussi… Et celui d’après… Tous les samedis… Jusqu’à la fin…

C’était quelques mois plus tard… Au mariage du cousin Vincent… La famille au grand complet était réunie et, comme il arrive souvent dans ces occasions-là, vers la fin du repas, l’alcool aidant, il avait commencé à se raconter des histoires… De plus en plus osées… De plus en plus scabreuses… De plus en plus salaces…
- Et celle-là vous la connaissez ?… C’est un type qui a une queue minuscule, mais alors là, vraiment minuscule…
Florence a claironné…
- Comme Gabriel…
Tout le monde a éclaté de rire…
- Si, c’est vrai, hein, elle est toute petite… Comme ça…
Et elle a rapproché son pouce et son index presque à se toucher…
- Le reste aussi… Comme ça…
Un tout petit o avec les mêmes doigts… On s’est encore esclaffé… Longtemps…
- En tout cas elle a pas les yeux dans sa poche cette petiote !…

Elle n’avait pas les yeux dans sa poche, non !… Elle les y avait de moins en moins l’été suivant… L’année précédente elle ne m’avait jeté que des regards discrets, mouchetés, mais maintenant, toute auréolée des réactions complaisantes et amusées qu’avaient suscitées son petit numéro c’était ouvertement, avec une évidente jubilation, qu’elle poursuivait, pendant la toilette du samedi, l’étude de mon anatomie… Véronique, de son côté, n’était pas en reste… Elles chuchotaient toutes les deux, pouffaient, éclataient parfois franchement de rire…
- Allons, les filles, allons !…
Mais dès que grand mère avait tourné le dos elles reprenaient de plus belle…

J’ai profité d’un moment où j’étais seul dans la cuisine avec elle et où il me semblait qu’elle était favorablement disposée à mon égard pour tenter, une nouvelle fois, de l’amadouer… Est-ce que vraiment il ne serait pas possible le samedi que je… ?
- Ah, tu vas pas recommencer avec ça !… Je t’ai déjà dit non… C’est toute une organisation… Alors s’il faut tenir compte en plus des caprices des uns et des autres !… Tes cousines, elles font pas tant d’histoires, elles !…
Elle a remué le ragoût dans la cocotte avec la grosse cuiller en bois, haussé les épaules…
- De toute façon faudra bien que tu t’y fasses… T’es comme ça t’es comme ça… Tu crois qu’on va te ménager à l’armée ?… T’offrir une belle cabine de douche pour toi tout seul ?…

Elles s’étaient fait des copines avec lesquelles elles allaient se baigner tous les après-midi au bord du lac… Et un jour :
- Viens !… - Mais oui, viens !… Au lieu de rester là tout seul comme un con…
- Il y a personne là-bas en plus !… Que nous…
Et je les ai accompagnées… Pour une fois qu’elles voulaient bien de moi !… Quatre filles, assises en rang d’oignons, m’ont regardé approcher…
- Salut !…
- Salut !…
- Bon, allez !… On se baigne ?…
Je me suis éloigné pour enfiler mon maillot… Quand je suis revenu Florence m’a fait signe… - Viens voir là !…
- Qu’est-ce qu’il y a ?…
- Viens voir, j’te dis !… Plus près… Mais plus près !… De quoi t’as peur ?…
J’ai encore fait un pas en avant… Et, d’un seul coup, elle a descendu, à mi-cuisses, un slip de bain que je me suis aussitôt désespérément efforcé de remonter… En vain : elle avait bien assuré sa prise et elle tenait bon…
- Vous voyez, les filles !… Vous voyez… Qu’est-ce que je vous disais !…
Elles voyaient… Elles regardaient… Elles ne s’en privaient pas… Quand elle a enfin consenti à lâcher, au bout d’un temps qui m’a paru interminable, je me suis reculotté et je me suis enfui… Leurs rires m’ont poursuivi longtemps… Je n’en ai jamais parlé… A personne…

Mes cousines ne sont pas revenues l’été suivant… Au grand mécontentement de grand mère…
- C’est cousu de fil blanc cette histoire… Si Monique ne veut plus me les envoyer elle ferait mieux de le dire carrément…
Et à mon grand soulagement : j’allais enfin échapper au calvaire du samedi… On m’avait offert un vélo… Je passais mes journées dessus, à errer de ci de là, de village en village, de camping en camping… Dans une intention bien précise : voir des filles…Le plus de filles possible… Pas des filles de mon âge… Non… Elles ne m’intéressaient pas… Des grandes… Des déjà femmes….Elles s’étaient mises à provoquer, depuis quelques mois, un incroyable remue-ménage en moi… Un invraisemblable tumulte… Leurs seins surtout… J’en étais fou… Je cherchais obstinément à les deviner sous les robes, les mains moites et le cœur chaviré…

Elle marchait sur le bord de la route… Je l’avais dépassée sans lui accorder la moindre attention…
- Gabriel !… Oh, Gabriel !…
Je me suis arrêté, retourné… Elle m’a rejoint, tranquillement, sans se presser…
- Ben alors !… Tu me reconnais pas ?…
Heu… Non… Non… On s’était déjà vus ?…
- Ben oui !… L’année dernière… Au bord du lac… Tu te rappelles pas ?… T’étais vraiment trop drôle… Tu faisais une de ces têtes… Et comment tu te débattais pour remonter ton caleçon… Ce qu’on a pu rigoler !… Bon, mais tu vas quelque part, là ?… T’es pressé ?…
- Heu… Non… Non…
- Ben on discute un peu alors?… On s’assied ?…
Dans l’herbe, sur le bas-côté…
- Oui, t’étais trop marrant… Et puis alors là moi je dois dire : jamais j’en avais vu une comme ça… Ah non alors !…
Elle a arraché un long brin d’herbe qu’elle a entortillé autour de son doigt…
- Et pourtant j’en ai vu !… Plein… Et en vrai… Pas en photo… Quand je veux je peux en voir… J’ai un truc pour ça, mais je te dirai pas… C’est top secret…
Elle a chassé une guêpe, avec agacement, du revers de la main…
- T’y es retourné au lac ?… Non ?… On pourrait… On pourrait aller se baigner… Demain… Tu viendras ?… A deux heures… Je t’attendrai…

On était allongés côte à côte, seuls, en maillot, face au lac… Elle s’est redressée sur un coude…
- Tu veux pas me la refaire voir ?… Je l’ai déjà vue n’importe comment… Alors un peu plus un peu moins…
Je n’ai pas répondu… Si tu me la refais voir, moi aussi je te ferai voir quelque chose… Elle a surpris mon regard…
- Ah non, pas ça, non… Pas moi, il y a pas de risque… Non… Ma sœur… Je sais comment on peut la voir toute nue si on veut… Et elle se rend compte de rien…
- Elle a quel âge ?…
- 19… Et elle est sacrément bien foutue en plus… Alors ?…
- Quand je la verrai ?…
- Bientôt… Je te dirai…
J’ai un peu descendu mon maillot…
- Oui, mais complètement, attends !… Ca vaut pas sinon…
Je l’ai baissé… Elle s’est penchée… Tout près…
- C’est dingue !… C’est vraiment dingue… T’arrives pas à y croire… D’abord que ce soit si petit, mais surtout comment c’est fichu en plus… Ca ressemble pas du tout aux autres, mais alors là pas du tout…
Elle s’est absorbée dans sa contemplation…
- Et il y a pas de poils… Rien… A 13 ans - pas loin de 14 - tout le monde en a normalement des poils… Même moi qu’en ai que douze il y a longtemps que ça a poussé, alors t’as qu’à voir !…
Elle s’est levée…
- T’en auras peut-être jamais si ça se trouve… Probable même… Bon, allez, on va se baigner ?…

Elle a mis un doigt sur ses lèvres…
- Tu fais pas de bruit, hein, surtout !… Ca foutrait tout par terre…
On a grimpé un escalier…
- Comment elle s’appelle ?…
- Laure…
On est entrés dans une chambre… Elle m’a emmené jusqu’à la fenêtre…
- Penche-toi !… Mais pas trop… Qu’elle te voie pas… Elle bronzait, les fesses à l’air, sur une petite terrasse juste en-dessous…
- Elle te plaît ?…
Si elle me plaisait !… Oh oui, oui et pas qu’un peu !…
- Mais… elle se retourne jamais ?…
Elle a haussé les épaules…
- Bien sûr que si !… Suffit d’attendre!…
Et j’ai attendu… J’ai regardé… J’ai attendu… J’ai regardé…
- Avoue qu’elle a quand même un sacré cul!…
- Ca !…

Et elle l’a fait… Elle s’est lentement redressée sur les genoux, seins offerts, a pris tout son temps pour se laisser retomber… Je me suis gorgé d’elle… De tout… Partout… Affolé… Eperdu… Insatiable… Eva a fini par me tirer en arrière…
- Faut que tu partes maintenant… Ma mère va rentrer… C’est leur chambre ici… Si elle te trouve là…
C’était fini… Je repartais le lendemain… C’était vraiment fini… Elle m’a raccompagné jusqu’en bas…
- A l’année prochaine…
- Oui… A l’année prochaine… Oui…

Je ne pensais qu’à elle… Laure… Je murmurais inlassablement son prénom… Laure… Laure… Laure… Elle me hantait… C’était la première vraie femme que j’avais vue nue… C’était la seule… Tout le temps elle était là avec moi… Elle… Elle seule… Ses seins… Sa chatte… Ses fesses… Ca me rendait fou… Et… et ça a fini par arriver, un matin, pendant la récréation, dans les toilettes du lycée… Elle était là, avec moi… Je la voyais… Et, en même temps, je me touchais doucement tout au bout en bas… C’était agréable… Si agréable… De plus en plus agréable… Ca a fait comme une explosion… Tout a chaviré… Ca s’est arrêté… Il ne restait plus rien qu’une petite goutte blanche…

J’ai recommencé… Souvent… Aussi souvent que possible… Toujours avec elle… J’avais sous les yeux de gigantesques cernes… Je m’endormais en classe… Mes résultats scolaires étaient en chute libre… Mon père s’inquiétait…
- D’ici à ce qu’il nous couve une leucémie !…
Le médecin l’a rassuré, m’a pris à part…
- C’est de ton âge… Mais bon pas trop quand même, hein !…
Je ne pouvais pas m’empêcher… C’était plus fort que moi… Laure… Oh, Laure…

J’ai écrit à Eva… Elle allait bien ?… Ca se passait comment là-bas ?… Ca devait être complètement mort l’hiver… Déjà que l’été c’était pas terrible… Elle s’ennuyait pas trop ?… Elle faisait quoi ?… On pourrait peut-être s’écrire comme ça de temps en temps, non ?… Ca lui changerait les idées… Mais… ils lisaient pas son courrier ses parents au moins ?… Elle a répondu presque tout de suite… Ben oui, oui, c’était un trou perdu… Ca !… On pouvait pas dire le contraire… Mais bon… Non, elle s’ennuyait pas… Non… Elle avait pas le temps… Elle avait des trucs à faire… Elle me dirait peut-être un jour… Elle verrait… Quant à savoir si ses parents lisaient son courrier… Mais ça va pas, non ?… Je suis plus une gamine…

Bon… Bon… Alors… Si ses parents lisaient pas son courrier je pouvais peut-être lui demander quelque chose… Elle voudrait pas m’envoyer une photo de Laure par hasard ?… Elle en avait sûrement… Hein ?… Mais c’était dégueulasse !… J’étais un vrai salaud!… Elle savait pas ce que je voulais en faire de la photo peut-être ?!… J’en profitais qu’elle avait le dos tourné… Pourquoi je l’avais pas fait quand on était tous les deux au-dessus de la terrasse là-bas ?… Elle m’aurait regardé… Parce que tout était tellement bizarre, de ce côté-là, chez moi, que ça aussi sûrement ça devait l’être… Elle en avait des photos, oui !… Plein… Mais pour la peine elle me les enverrait pas… Ou du moins pas tout de suite… Quand elle déciderait, elle… J’allais attendre - et pas qu’un peu - et d’abord j’allais lui promettre que l’été prochain… J’ai promis… Tout ce qu’elle a voulu…

Il y en a eu une première un mois plus tard… C’était dans leur jardin, sous le pommier, près du portail… En petite robe blanche, les cheveux au vent, elle souriait dans le soleil… Je l’ai serrée contre mon cœur… Je l’ai couverte de baisers… Et je me suis enivré de plaisir, les yeux dans les siens… Une autre, un peu plus tard, dos à la mer, dans un petit maillot de bains rouge qui l’épousait au plus près… Une troisième, robe relevée haut sur les cuisses dans un grand éclat de rire… Une multitude d’autres… Je les collais, au fur et à mesure, dans un énorme cahier… J’y recopiais aussi les poèmes que j’écrivais pour elle en secret, les déclarations d’amour enflammées que je ne lui ferais jamais… Et je comptais les jours qui me séparaient de l’été, qui me séparaient d’elle… J’en rayais un, chaque soir, sur le calendrier accroché au-dessus de mon lit… Plus qu’une semaine… Plus que trois jours… Plus que deux… Plus qu’un… On y était…

- Il y a une surprise… Et une sacrée surprise…
- C’est quoi ?…
- Je te dis pas… Tu verras…
On montait l’escalier… Le cœur me battait, à tout rompre, dans les oreilles…
- Mais t’oublies pas, hein !… T’oublies pas ce que t’as promis…
- Non… Non… J’oublierai pas… Non…
La porte de la chambre… Enfin elle allait être là, nue pour moi… La fenêtre… Enfin !… Je me suis penché… Mais… mais c’était quoi ce type ?… Qu’est-ce qu’il faisait là ?… Il l’avait enlacée… Elle avait refermé les bras autour de lui… La tête renversée en arrière, les yeux mi-clos, elle haletait doucement… Lui, juché sur elle, donnait de grands coups de bassin…
- Alors ?!… Qu’est-ce t’en dis ?… Tu t’attendais pas à ça, hein ?…
Ah non, je m’attendais pas à ça, non…
- On est arrivés trop tard… Ils viennent de le faire… Je suis sûre qu’ils viennent de le faire… Tous les jours ils le font… Mais qu’est-ce t’as ?… Tu pleures ?…
- Non, c’est rien, c’est le soleil…

- Ben si tu tires une tronche comme ça pendant toutes les vacances ça va être gai !… Qu’est-ce t’as encore ?…
- J’ai rien…
- Oh, si, t’as quelque chose, si !… Et je sais même ce que c’est : t’es amoureux de ma sœur… Alors de la voir avec l’autre… Seulement ça t’as tout faux… Elle a vingt ans… Qu’est-ce que tu veux qu’elle en ait à foutre de quelqu’un comme toi ?… Fichu comme tu es en plus !… Elle en aura jamais rien à foutre… Tu ferais mieux de te retirer ça de la tête et d’en profiter… De regarder à fond… Parce qu’à part regarder t’auras jamais rien d’autre avec elle… Avec les autres filles non plus d’ailleurs… Sûrement… Jamais… Faut être réaliste…



2- Premières fois

Jamais !… Je regardais les filles au lycée, dans la rue, partout où il y en avait… Jamais !… Non, ce n’était pas possible… Non… Il y en aurait bien une un jour… Je me regardais, moi… Je me soupesais… Je me mesurais… Non !… Evidemment elle avait raison Eva !… Evidemment… Jamais !…

Plus j’avançais en âge et plus il était clair que je plaisais… J’avais, paraît-il, une belle petite gueule… Et des yeux qui ne laissaient pas les filles indifférentes… Elles me le faisaient parfois fort explicitement comprendre… Je ne donnais pas suite… Celles que je trouvais à mon goût je me contentais de les emporter précieusement avec moi et de leur faire l’amour comme un possédé, le soir, seul dans mon lit… Concrètement je ne tentais jamais rien… J’en mourais d’envie, mais la représentation – que je me donnais – du lamentable fiasco que ce serait inévitablement me tétanisait… Alors plus tard… Un jour… Oui… Un jour sûrement… Ma réputation, en tout cas, était faite : ça ne m’intéressait pas… Et il commençait à se murmurer derrière mon dos que, sans doute, je préférais les garçons…

C’est peut-être ce qui a décidé Mélanie à relever le défi et à jeter son dévolu sur moi…
- T’y as compris quelque chose, toi, aux Maths ?…
- Oui… Pas toi ?…
- Rien du tout !… Tu pourras m’expliquer ?…
- Bien sûr…
Et, à quatre heures, j’ai pris en sa compagnie, la direction du café le plus proche…
- On va chez moi plutôt ?… C’est à deux pas… On sera plus tranquilles…
Nous n’avions jusque là entretenu que des relations de bonne camaraderie et elle ne m’avait jamais manifesté d’intérêt particulier… Elle avait parfois habité mes nuits… Sans plus : ce n’était pas vraiment mon type de fille… Trop sophistiquée… Trop agressivement femelle… Et, jusqu’à ce que nous entrions dans sa chambre, je n’avais aucune raison de lui supposer quelque arrière-pensée que ce soit… J’ai sorti mon livre, mon cahier… Elle me les a arrachés des mains, jetés derrière elle…
- On s’en fout des Maths !… Comment tu me trouves ?…
- Comment ça comment je te trouve ?…
- Je te plais comme fille ?…
- Je serais difficile…
- Eh bien alors !… Reste pas planté là comme une bûche…
J’étais au pied du mur… Impossible de me dérober… Je croyais savoir, pour l’avoir lu, qu’il fallait faire durer les préliminaires, que les femmes les appréciaient tout particulièrement… Je les ai d’autant plus prolongés que je redoutais le moment fatidique où il me faudrait apparaître dans toute ma vérité… Elle s’est impatientée…
- Allez, viens maintenant !… Je suis venu… Juché sur les avant-bras, je me suis mis à l’oeuvre…
- Ben qu’est-ce tu fais ?… Viens !…
Elle a eu un doute, m’a repoussé, regardé en bas, incrédule…
- Ah ben d’accord !… D’accord !…
Elle s’est levée, rhabillée, m’a ouvert la porte…
- Bon, ben salut !… A demain… On a quoi en première heure déjà ?… Ah oui, Histoire… A demain…

Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit… Evidemment elle allait le dire… Le raconter… Evidemment… C’était même sûrement déjà fait… J’étais à peine en bas de l’escalier qu’elle avait dû s’empresser d’appeler Myriam… « - Assieds-toi !… T’es assise ?… Ecoute ça… Tu vas rire… » Et aussitôt après Valérie… Forcément ces deux-là étaient au courant… Et si ces deux-là étaient au courant c’était tout le bahut qui allait en faire des gorges chaudes… J’imaginais… Les sourires narquois… Les chuchotements derrière mon dos… Les allusions incessantes… Le lendemain je suis allé en classe la mort dans l’âme… Il ne s’est rien passé… Les jours suivants non plus…

Je n’étais pas rassuré pour autant… Elle ne l’avait pas dit… Elle pouvait encore le dire… Quand bon lui semblerait… J’entretenais avec Eva une correspondance régulière… Je lui ai raconté… Demandé… A son avis… A son avis elle allait le dire ?… Qu’est-ce que je voulais qu’elle en sache ?… Elle était pas dans sa tête !… Mais enfin, sûrement oui, qu’elle allait le dire… C’était le genre de choses dont les filles adoraient parler entre elles… Qu’est-ce que j’avais eu besoin d’aller me me fourrer dans une situation pareille aussi !… Elle m’avait prévenu… Elle m’avait pas prévenu peut-être ?…
- Si !… Eh bien alors !…

En tout cas j’étais vacciné… Une chose était claire : je ne serais jamais physiquement en mesure de donner du plaisir à une femme… Inutile de me bercer d’illusions… Et de m’exposer dorénavant, les mêmes causes produisant les mêmes effets, à de cinglantes et inutiles humiliations… Non… C’était fini… Et bien fini… Je pouvais, de toute façon, avoir toutes les femmes que je voulais… Il me suffisait de les convoquer, en imagination, et elles étaient à moi… Je le faisais… Inlassablement… J’en choisissais une, je lui caressais amoureusement le visage, je dessinais voluptueusement ses courbes, je l’affolais de désir et je la prenais… Elle hurlait son plaisir… Je passais à une autre… Une autre encore… J’étais un irrésistible Dom Juan… Cela suffisait à mon bonheur… Presque… Je le croyais… Je le voulais…

- Je t’aime, Gabriel !…
Ah non !… Non !… Ca allait pas recommencer… Quinze jours qu’elle me tournait autour, Lucie, qu’elle me faisait les yeux doux, qu’elle essayait de me faire comprendre que je l’intéressais… Quinze jours que je freinais des quatre fers, que je la tenais à distance, que je la fuyais… Et maintenant :
- Je t’aime, Gabriel !… Si, c’est vrai, tu sais !…
J’ai fixé quelque chose quelque part très loin derrière elle…
- Laisse-moi au moins une chance !… Laisse-moi te parler… Je t’embêterai pas, je te promets… Je te parlerai pas de ça… Jamais…
Elle était jolie… Elle avait partagé secrètement mes nuits à plusieurs reprises… J’ai accepté…

Et on a parlé… Seulement parlé… Dans la cour… En classe… Au café… Beaucoup parlé… D’elle… De moi… De ses rêves… De mes rêves… Je l’écoutais… Je me gorgeais d’elle et le soir, seul dans mon lit, je la rendais heureuse, je l’étais…

Ca a été sans le vouloir… Sans le faire exprès… On était assis tous les deux, côte à côte, sur la banquette de moleskine rouge… Une impulsion soudaine… J’ai passé mon bras autour de ses épaules… Elle s’est aussitôt blottie contre moi, a posé ses lèvres sur les miennes… Je me suis dérobé…
- Mais pourquoi ?… Pourquoi ?…
- Je te dirai… Je t’expliquerai…

Elle a poussé les hauts cris… Oh, mais ça avait pas d’importance, ça !… Pas du tout !… C’était pas ça qui comptait… Ce qui comptait c’était comment on s’y prenait et surtout… surtout… de s’aimer… Non, je croyais pas ?… Si, je croyais, si !…
- Eh bien alors !…
Et on est allés chez elle…

Elle me faisait taire d’un baiser…
- Mais si !… Ca va très bien… T’inquiète donc pas sans arrêt avec ça !…
Ca a duré huit jours… Et puis… elle a été moins libre… Elle avait à faire… L’examen approchait : il fallait qu’elle révise… De moins en moins libre… Presque plus…
- De toute façon j’ai besoin de faire le point pour nous, de savoir où j’en suis… Ca va être les Vacances en plus… Alors pour le moment je préfère qu’on arrête… On verra plus tard… Je te dirai…
Je l’ai croisée, deux jours plus tard, au bras de Gaëtan…

- C’est vrai que t’es sorti avec Lucie ?…
C’était dans les tout derniers jours de l’année scolaire… On était quelques rescapés à lézarder sur les pelouses du lycée…
- Qui c’est qui t’a raconté ça ?…
Elle s’est allongée à côté de moi…
- Ben elle, tiens !… Ca a pas duré longtemps à ce qu’il paraît…
- C’est comme ça…
- Tu sais ce qu’elle chante partout ?… Que t’assures pas au lit, mais alors là pas du tout… Que t’as une queue si petite que jamais elle aurait cru que ça pouvait exister… « - Il y a rien… Rien du tout… T’hallucines… Comme s’il l’avait rentrée à l’intérieur… Et alors toi, tu sens rien, mais rien… Tu sais même pas s’il est dedans ou pas… »
Elle a regardé un long moment des types qui jouaient au basket derrière…
- C’est vrai ?…
- Tu veux voir, c’est ça ?…
- Pauvre con !…

Les Vacances… Eva a éclaté de rire…
- Evidemment qu’elle voulait voir… Y en a plein des filles qu’ont envie de voir quand on leur dit comment t’es… Presque toutes… T’es une vraie curiosité… Rien qu’ici… On arrête pas de me demander… « C’est vraiment si petit que ça ?… Raconte !… Eh bien raconte, quoi !… » Et si elles avaient l’occasion d’y jeter un œil je suis bien tranquille qu’elles la laisseraient pas passer…

- On pourra pas se voir beaucoup… Je suis très prise…
Elle était amoureuse…
- De Ludovic… Et c’est sérieux… Mais je vais quand même te montrer quelque chose… Que tu puisses t’occuper… De toute façon va bien falloir que tu t’y habitues à être tout seul… Ca t’arrivera plus souvent qu’à ton tour…
J’en étais de plus en plus convaincu…

On a pris le car…
- C’est à l’autre bout du lac, là-bas, là où tout le monde va se baigner… T’y es jamais allé ?… Non ?… Il y a des cabines pour se changer… Juste contre un vieux hangar… Il est fermé à clé, mais il y a un truc pour y rentrer qu’il faut savoir… Et là tu peux les voir se déshabiller les gens… Tant que tu veux… A travers des trous… Et pas seulement se déshabiller… Parce que t’as des types comment ça les énerve toutes ces filles sur la plage autour d’eux… Ils vont dans les cabines juste pour se le faire… Et toi, t’es là… Ils le savent pas, mais t’es là…
- Il y a aussi des filles qui se le font ?…
- Ca arrive, oui, mais pas souvent…

J’ai d’abord eu une petite brune qui a très vite, de dos, enfilé son maillot… Puis, à côté, un type s’est soigneusement enduit de crème solaire… Un autre, plus tard, s’est vaguement caressé, sans réelle conviction, a rapidement abandonné… Une femme d’une cinquantaine d’années, aux formes généreuses, est restée nue, face à moi, tout le temps qu’elle a – méthodiquement – replié un à un ses vêtements…

Grand mère avait beaucoup baissé et ne quittait pratiquement plus son fauteuil près de la cheminée… Tous les matins j’allais lui faire les courses…La boulangerie… La boucherie… L’épicerie… C’est assises sur le dossier d’un banc, près de l’église, qu’elles m’attendaient au retour… Trois filles… Qui pouffaient de rire du plus loin qu’elles m’apercevaient…
- Petit !… Petit !… Petit !…
Je traversais la place aussi vite que je pouvais…
- Petit !… Petit !… Petit !…
Elles s’esclaffaient…
- Petit !… Petit !… Petit !…
Jusqu’à ce que j’aie disparu…

Je passais toutes mes après-midi là-bas à regarder inlassablement les femmes se déshabiller et se rhabiller… Il y avait les habituées dont je connaissais par cœur la pente des seins, la cambrure des fesses, la texture de la toison, chacune des attendrissantes petites manies… Je les retrouvais toujours avec le même bonheur… Il y avait les petites nouvelles découvertes avec gourmandise, apprises pas à pas avec volupté… Je regardais… Je regardais tout mon saoul… Et j’espérais… J’espérais que l’une ou l’autre finirait un jour par se prodiguer son plaisir devant moi… C’était parfois esquissé… Quelques effleurements… Quelques attouchements… Ca tournait toujours court… Je rageais… Les hommes, eux, par contre… J’avais presque tous les jours l’occasion d’en voir au moins un à l’œuvre… Tout se passait généralement très vite : ils verrouillaient la porte, laissaient tomber leurs vêtements et s’activaient frénétiquement, sans marquer le moindre temps d’arrêt, jusqu’à ce que leur plaisir surgisse… Je les regardais procéder avec beaucoup d’envie : si seulement j’avais été pourvu ne fût-ce que comme le moins bien loti d’entre eux…

Les trois filles des courses du matin s’étaient enhardies… Elles me faisaient chaque matin un brin de conduite…
- Petit !… Petit !… Petit !…
De plus en plus près… De plus en plus loin… Jusqu’à la grille chez grand mère… C’était qui ces filles ?… Eva n’en savait rien…
- Qu’est-ce que ça peut foutre qui c’est ?… Laisse-les dire !… Si tu dois faire toute une histoire chaque fois que tu fais rigoler des filles ben t’as pas fini…

Une femme à la quarantaine épanouie, aux formes généreuses… Elle était tournée vers moi, entièrement nue… Elle avait enrobé ses seins de ses mains et, du bout du pouce, en agaçait délicatement les pointes… L’œil rivé au trou dans la paroi de la cabine, le slip sur les chevilles, je l’accompagnais avec délice… Elle est descendue…C’était mes doigts sur elle, c’était mes doigts en elle… C’était nous… Que nous… Longtemps… Si longtemps… Elle est venue… Moi aussi… Elle s’est rhabillée… Elle est sortie… C’était fini…

- C’est vraiment trop de te voir faire… On dirait une femme comment tu te la presses et que tu tournes… On dirait que c’est un clito que t’as… Un gros clito, mais un clito quand même… Ca a rien du tout à voir avec quand les autres types ils se le font… Rien du tout… Ben fais pas cette tête-là !… Il y a un étage au-dessus d’où tu peux regarder ceux qui regardent…
- T’étais toute seule ?…
- Ca !… A ton avis ?…




3- L’année du bac

A la sortie du quai on m’a tiré par la manche… Une jeune femme… Blonde… Souriante…
- C’est toi Gabriel ?…
- Oui…
- Je t’ai trouvé… Et du premier coup en plus… Ton père disait que j’y arriverais pas… « - Tu l’as vu qu’en photo… C’est trompeur une photo… Et avec le monde qu’il va y avoir à la gare !… » Une fois de plus il avait tort… Mais bonjour quand même !… Deux bises…
- Bon, mais faut y aller… Je suis garée n’importe comment… Si les flics passent…

- Vous m’emmenez où ?…
- Ben à la maison, tiens !…
Elle a éclaté de rire…
- Tu verrais ta tête !… Bon, mais que je t’explique quand même !… Alors voilà : je m’appelle Clotilde… J’ai trente ans… Ton père et moi on se fréquente depuis dix mois… Ca se passe plutôt bien et, fin Juillet, on a décidé de vivre ensemble… Et, du coup, je me suis installée chez lui…
- Il aurait pu m’en parler quand même !…
- Ca !… Je me suis tuée à le lui répéter… Mais tu le connais !… Il se fait une montagne de tout… Il avait peur que tu le prennes mal… A cause de ta mère…
- Il y a quinze ans qu’elle est morte ma mère…
- Et qu’on s’entende pas, toi et moi… Paraît que j’ai un caractère de cochon… C’est ce qu’il dit en tout cas… Mais ça, tu jugeras par toi-même…

Ce qu’il redoutait surtout c’était que grand mère l’apprenne…
- Sa fille aînée c’était tout pour elle… Elle ne comprendrait pas que j’aie seulement pu envisager de refaire ma vie… Elle est âgée… Elle est malade… Elle ne s’en remettrait pas… Alors je compte sur toi hein ?!…

En classe, le jour de la rentrée, Melissa - la fille qui m’avait brocardé, à la fin de l’année scolaire précédente, au sujet de ma relation avec Lucie - est venue s’installer, d’autorité, à côté de moi, avec un grand sourire, comme si rien ne s’était passé… J’ai immédiatement soupçonné que c’était intéressé : mes résultats scolaires étaient généralement excellents, les siens, par contre, avaient toujours beaucoup laissé à désirer… J’avais vu juste : Elle s’inspirait systématiquement – et discrètement – de mes copies, pendant les contrôles, pour remplir les siennes, me sollicitait chaque fois qu’elle rencontrait une difficulté et en était même rapidement venue à me demander de rédiger ses dissertations de philo à sa place…
- J’ai rien fait… J’ai pas d’idées… Et c’est pour demain… Tu peux pas m’aider ?… Toi, t’assures là-dedans… Et pas qu’un peu !…

Tous les jours il y avait quelque chose qui lui posait problème, dans une matière ou dans une autre, et on avait fini par se retrouver tous les soirs pour travailler ensemble… On marquait, de temps en temps, une petite pause au cours de laquelle elle me parlait invariablement de Benjamin…
- Forcément… j’arrête pas de penser à lui…
Et, plus rarement, de Damien…
- Ben oui, j’en ai deux !… Ca te choque ?…
Ca me choquait pas… Non… Pas du tout…
- C’est de ta faute n’importe comment !…
- De ma faute ?…
- Tu m’aides pour les devoirs… Tu me fais pratiquement tout… Alors du coup j’ai du temps pour les mecs…

Avec Clotilde - mon père me posait presque quotidiennement la question - ça se passait plutôt bien… Très bien même… Elle était aux petits soins pour moi… Elle me préparait les plats que j’aimais… Je trouvais mon linge repassé au pied de mon lit… Elle s’intéressait à mes études, à ce que je vivais et n’hésitait pas à s’interrompre dans ce qu’elle faisait quand je manifestais le désir de bavarder un peu avec elle… Ca se passait même d’autant mieux que tous les matins nous déjeunions ensemble et qu’elle n’était alors vêtue que d’un tee shirt ras des cuisses sous lequel elle laissait les seins libres et qui découvrait inéluctablement sa petite culotte quand elle se penchait au-dessus de l’évier ou qu’elle se hissait sur la pointe des pieds pour attraper les biscottes dans le placard du haut… J’en étais ensoleillé pour toute la journée…

Dans mes lettres je parlais à Eva de Clotilde en long, en large et en travers…
- Tu es amoureux d’elle ?…
- Hein ?!… Mais ça va pas !… C’est la copine de mon père…
- Et alors ça empêche quoi ?… Tu peux bien être amoureux d’elle quand même… Ca se commande pas… J’ai pas de conseils à te donner, mais enfin moi, à ta place, je m’aventurerais pas là-dedans !… C’est un truc à avoir des tas d’histoires, ça !… De toute façon, dans ton cas, pour ce que ça peut donner !… Et puis même !… Pour tout le monde… Quand on voit où ça mène d’être amoureux !…
Ca n’allait plus du tout avec Ludo… Mais elle ne voulait pas en parler…
- N’insiste pas !… J’ai pas envie, j’te dis !…

Le jeudi matin je n’avais pas cours et je n’émergeais jamais d’un long sommeil réparateur avant midi… Mais, ce jeudi-là, exceptionnellement, j’étais réveillé à sept heures… Clotilde devait être en train de déjeuner… J’ai eu la soudaine envie de la voir, une fois de plus, dans son sempiternel tee shirt blanc… A son insu… Je suis sorti silencieusement de ma chambre, je me suis approché à pas de loup, je me suis accroupi derrière la rampe, juste en face de la porte ouverte de la cuisine… Debout, légèrement penchée au-dessus de la table , elle me faisait face… Et… elle était nue… Entièrement nue… Quand elle était seule il n’y avait plus de tee shirt… Elle allait, elle venait, sortait de mon champ de vision, y rentrait… Je regardais… Je regardais tout mon saoul… Elle a lavé son bol… Elle allait quitter la cuisine… J’ai regagné ma chambre…

Il y a eu d’autres jeudis… Il y a eu tous les jeudis… Pour rien au monde je n’aurais manqué ces rendez-vous hebdomadaires qui me l’offraient longuement et intégralement nue… Et puis… Et puis il y a eu ce jeudi-là… Qui a commencé comme tous les autres : elle a fait chauffer son café… Elle a ouvert le frigo, des placards… Elle s’est installée, après avoir longtemps tourné dans la cuisine, devant son bol qu’elle a vidé, à petites gorgées, tout en grignotant des biscottes… Elle l’a repoussé… Elle est restée assise, l’air rêveur… Longtemps… Elle a fini par glisser une main sous la table… L’autre… Ses jambes ont râclé le carrelage, se sont ouvertes… Elle a porté un doigt à sa bouche, l’a humecté… A recommencé… Son bras a vibré, bougé… De plus en plus vite… Elle a renversé la tête en arrière, sangloté en sourdine… Elle s’est levée… C’était fini…

Quand je suis descendu, à midi, on a mangé tous les deux face à face…
- Mais qu’est-ce t’as aujourd’hui ?…
- J’ai rien… Pourquoi ?…
- Tu desserres pas les dents… Et tu me regardes comme si c’était la première fois que tu me voyais…
- Ah oui ?!… Je sais pas… Je pense à des trucs…
- T’as des soucis ?…
- Non… Pas spécialement…
- Des peines de cœur alors ?…
- Non plus… Non… Laisse… Ca va s’arranger…
- J’espère… Parce que c’est pas très agréable pour moi…

Eva s’est montrée péremptoire…
- Evidemment qu’elle va recommencer !… Là ou ailleurs… Forcément… Quand tu te le fais c’est souvent… Chaque fois que tu peux… Oui, mais elle avait mon père… Non, mais alors là tu m’amuses !… Tu m’amuses vraiment !… Qu’est-ce ça empêche ?… Ca a rien à voir… Et puis enfin je voudrais pas te vexer, mais s’il est aussi bien monté que toi c’est pas souvent qu’elle doit y trouver son compte la pauvre femme…

Melissa avait Benjamin… Elle avait Damien… Elle en avait d’autres… Mes extras comme elle disait… Autour desquels elle tissait méthodiquement sa toile… J’avais droit chaque soir à un compte-rendu détaillé du déroulement des opérations…
- Tu crois que je vais y arriver celui-là ?… Et celui-là ?…
Elle y arrivait toujours… J’étais son confident attitré…
- Mon ami… Si, c’est vrai !… A toi je peux tout dire… T’es le seul… Parce que les filles c’est même pas la peine d’y penser… Dès que t’es un peu bien foutue c’est jalousie et compagnie… Ca pense qu’à t’en faire une… Quant aux types forcément ils vont essayer de coucher… Et ça fout tout par terre… Un type avec qui tu couches c’est plus pareil… Il y a plein de trucs que t’es obligée de garder pour toi… Et de ce côté-là au moins avec toi je suis tranquille… Je suis sûre qu’il y a pas de risque…

Eva a enfoncé le clou…
- Ben evidemment !… Qu’est-ce que t’imaginais ?… Qu’est-ce que tu peux espérer de mieux avec les filles ?… C’est déjà pas si mal, non ?… Retire-toi une bonne fois pour toutes de la tête qu’elles pourraient avoir envie avec toi… Il y en a pas une à qui ça viendrait à l’idée… Il y a rien il y a rien… Et même que tu tirerais dessus sans arrêt ça poussera pas… Et nous qu’est-ce que tu veux on a besoin qu’il y ait quelque chose… C’est comme ça… Alors tu peux toujours essayer avec celles qui savent pas… T’y gagneras de te faire envoyer sur les roses et foutre de ta gueule en prime… C’est ça que tu veux ?…

- Reste !… Mais si, reste !… Tu vas pas rentrer maintenant… Il est bien assez grand pour deux le lit… On se serrera n’importe comment…
Il était une heure du matin… On avait un peu travaillé, beaucoup discuté…
- Je vais à la salle de bains… Je reviens…
En petite culotte et soutien-gorge verts… Elle s’est glissée à mes côtés… On a éteint…
- Bonne nuit…
- Toi aussi…

- Qu’est-ce que tu respires vite !… Tu respires toujours comme ça ?…
- Des fois… Ca dépend…
- Tu sais quoi ?… C’est la première fois…
- La première fois que quoi ?…
- Que je dors avec un mec sans coucher… Ca fait tout bizarre… Mais c’est pas désagréable finalement… J’aurais pas cru…
Elle a poussé un long soupir…
- Tu dois me prendre pour une sacrée salope n’empêche !…
- Non… Pourquoi ?…
- Tous ces types qui défilent… J’ai compté… Huit depuis le début de l’année…
- Et alors ?!… C’est toi que ça regarde…
- Je peux pas m’empêcher de toute façon… Et puis j’ai pas envie… J’aime trop ça… J’aime les mecs… J’aime leurs queues… J’aime quand elles sont dures et qu’elles me remplissent… Tu peux pas savoir ce que ça fait… Bon, mais allez, on dort…

- Gabriel !… Oh, Gabriel !… Réveille-toi!... T’as vu l’heure ?… On va être à la bourre… Amène-toi !… On se lave vite fait et on y va… Amène-toi, j’te dis !…
Elle a laissé tomber culotte et soutien-gorge, a filé sous la douche…
- Alors tu viens !?… Qu’est-ce t’attends ?…
Elle a écarquillé les yeux…
- Ah oui !… Ah oui !… Eh ben dis donc !… J’en avais entendu parler, mais… mais… Eh ben dis donc !…
Elle a repris sa toilette, est passée longuement entre les cuisses…
- Il y a un truc que je me demande quand même c’est comment ça devient quand tu bandes… Elle s’est rincée…
- Tu peux bien me montrer… Qu’est-ce qu’on s’en fout !… Allez, quoi !… C’est tout ?… T’es à fond ?… C’est vrai ?… Mais ça change presque pas !… C’est complètement fou ce truc !…
Elle est sortie de la douche, a attrapé une serviette, s’est vigoureusement frictionnée…
- Tu sais comment elles te surnomment les filles ?… « Riquiqui »… Ca te va drôlement bien, je trouve… Non, tu crois pas ?…



Chaque jeudi matin, posté derrière la rampe, je voyais Clotilde nue… Chaque jeudi matin j’espérais qu’elle allait recommencer… Et chaque jeudi matin mes espoirs étaient déçus…
- Mais pourquoi tu mises tout sur la cuisine aussi ?!… Il y en a d’autres des pièces !… Sa chambre… Et la salle de bains… C’est souvent qu’on le fait dans la salle de bains… A cause de la douche… Ca sert à plein de choses la douche… Et puis quand tu t’envoies le jet bien fort là où il faut je peux te dire que tu te rates pas…

Elle avait raison Eva… Clotilde se le faisait dans la salle de bains… Quand elle s’y trouvait, si je pouvais m’approcher sans risque et coller mon oreille à la porte, je l’entendais, presque chaque fois, haleter, doucement gémir, laisser parfois échapper un râle…
- Oui, mais je vois rien…
- Ah ben ça !… Débrouille-toi !… Trouve une solution !… Il y a toujours une solution quand on veut…

Chaque fois qu’on avait travaillé un peu tard - et, le bac approchant, c’était de plus en plus souvent - je restais dormir chez Melissa… Avec elle… Dans son lit…
- Qu’est-ce que ça me manque n’empêche les mecs en ce moment !… Mais bon !… Il y a des priorités… Je me rattraperai après l’exam…

- Tu dors pas ?…
- Non…
- A quoi tu penses ?…
- A rien… Rien de spécial…
- Ca doit pas être facile pour toi quand même d’être couché là, à côté d’une nana à moitié à poil, d’être tout excité, - tu crois que je m’en rends pas compte ? - et d’être obligé de te dire que tu peux rien lui faire… Que même si elle voulait bien de toi tu pourrais pas… Comment ça doit être frustrant !…
- C’est comme ça !…
- Je sais pas pourquoi – je suis peut-être garce ! – mais qu’est-ce que ça me donne envie de t’affoler encore plus que tu puisses pas !… C’est de la folie !…
Elle a bougé sa cuisse sous le drap, l’a collée contre la mienne…
- T’aurais envie de voir ma chatte ?… Hein ?!…
- Oh oui, oui !…
- Mais alors pas comme sous la douche… De tout près… De juste au dessus… Ca te dit ?…
- Un peu que ça me dit !…
- Tu pourras regarder tant que tu voudras… Aussi longtemps que tu voudras… Et même… Si je vois à ta tête, dans tes yeux, que ça te rend complètement fou je te montrerai tout bien à fond… Je m’écarterai avec mes doigts… Mais alors toi, pas touche, hein !… Ou j’arrête tout de suite…
- On le fera quand ?…
- Bientôt… Avant les Vacances en tout cas… Penses-y bien en attendant…
Et elle s’est tournée de l’autre côté…

Ce mardi après-midi-là il n’était pas du tout prévu que je rentre à la maison… Sur le pas de la porte je me suis immobilisé: on parlait dans la salle de séjour… Qui pouvait bien être là, à discuter avec Clotilde ?… J’ai tendu l’oreille… Plusieurs voix… Des hommes… Des femmes… Qui susurraient… Qui gémissaient… Qui mugissaient de plaisir… La télé !… Evidemment c’était la télé… Une video… Je me suis approché sur la pointe des pieds… Nue, la croupe offerte, Clotilde était agenouillée au bord du canapé, un gode entre les cuisses… Les yeux rivés sur l’écran, d’une main elle le faisait aller et venir et, de l’autre, passée sous son ventre, elle pressait énergiquement son bouton… Je la regardais faire, pétrifié, la tête et les sens en feu…
- Oh, c’est bon !… Comment c’est bon… C’est trop bon…
Ca s’est accéléré, emballé… Elle a geint, s’est plainte, cabrée… Et elle a crié… Eperdûment… Elle est retombée avec un long soupir la tête dans les coussins… Je me suis silencieusement enfui pour ne revenir que beaucoup plus tard, à l’heure habituelle…

- Eh ben tu vois !… Ca a fini par t’arriver… Et ça t’arrivera d’autres fois parce qu’elle a l’air d’être drôlement accro… Mais t’imagines si elle s’était retournée et qu’elle t’avait vu ?… Oh, la honte pour elle !…
- Elle a pas vu que je l’avais vue, non, mais je crois bien qu’elle le sait…
- Comment ça ?…
- En repartant j’avais oublié de reprendre mon sac…
- Elle y a peut-être pas fait attention…
- Je l’avais laissé au milieu du couloir… Je l’ai retrouvé le long du mur…
- Oui, oh ben alors !… En tout cas, moi, je voudrais pas être à sa place…

Melissa m’a sauté au cou…
- Je l’ai, putain !… Je l’ai… J’y croyais pas… Et toi ?…
- Moi aussi…
- Oui, toi, c’était couru d’avance… Mais moi !… J’ai le bac… J’en reviens pas… Je vais fêter ça… Je vais te faire une de ces parties de jambes en l’air ce soir… Depuis le temps que je fais la nonne !…
- Et pour nous ?… Pour ce que t’avais promis ?… Avant les Vacances t’avais dit…
- Ah oui !… C’est vrai… Ben pas ce soir en tout cas… Ce soir je suis prise… Dans tous les sens du terme… Mais on a le temps… On trouvera bien un moment…

On était à table quand le téléphone a sonné… Papa s’est levé, a décroché…
- Oui… Oui… Bon… J’arrive… On arrive… Demain matin… Oui…
Il s’est rassis…
- Ta grand mère est morte…



4- Vacances


Grand mère était morte et, pour la première fois, je n’ai pas passé l’été « là-bas »…
- Qu’est-ce que t’irais y faire tout seul ?… Et puis c’est trop frais… Si c’est pour te cogner sans arrêt à tes souvenirs…
Et je suis resté à la maison… Je dormais jusqu’à midi… Je mangeais avec Clotilde et je remontais presque aussitôt dans ma chambre…
- Mais sors un peu !… Tu vas pas passer toutes tes vacances enfermé là-haut !…
Elle insistait…
- Avec le soleil qu’il fait en plus…

Eva avait une explication…
- Evidemment !… Tu l’emmerdes à être là tout le temps… Elle peut plus se branler comme elle veut…

Effectivement elle ne le faisait plus… J’avais beau laisser traîner mes oreilles aux abords de la salle de bains, descendre le matin en catimini la surveiller derrière la rampe… Rien… Plus rien…Elle ne déjeunait même plus toute nue…

- Elle se méfie… Finalement ça a été une sacrée connerie d’oublier ton sac…

Melissa n’était pas partie en vacances non plus, mais prétendait ne pas avoir un instant à m’accorder…
- Faut que je voie mes mecs… On a du temps à rattraper… Et puis je sais pas comment je me débrouille, mais j’arrête pas de courir… A droite… A gauche… J’ai des tas de trucs à faire… Mais rappelle… On finira bien par trouver un moment…

- Elle se fiche bien de toi, oui !… Quand elle avait besoin pour le bac elle ne jurait plus que par toi, elle était prête à te promettre tout ce que tu voulais, mais maintenant qu’elle l’a…

Je ne me décourageais pas pour autant… Je rappelais… Tous les jours… Sous l’œil amusé de Clotilde…
- C’est ta petite amie ?…
- Non… Seulement une copine…
- Pourquoi t’as jamais de petite amie ?… Ce serait normal à ton âge… Ca t’intéresse pas les filles ?…
- Bien sûr que si !…
- Eh ben alors !…

Elle revenait constamment à la charge… Chaque fois qu’une occasion se présentait elle la saisissait…
- C’est quoi qui t’arrête ?… T’es beau garçon… T’es intelligent… T’as beaucoup de charme… Il y a des tas de filles qui demanderaient que ça, tu sais… Lance-toi !… C’est pas en restant là à ruminer toute la journée…

- Peut-être qu’elle a des vues sur toi… C’est possible après tout… Va savoir…

- Mais qu’est-ce qui te retient ?…
Elle avait remis ça… Elle avait encore remis ça…
- Hein ?… Qu’est-ce qui te retient ?… T’as peur de te faire envoyer sur les roses, c’est ça ?… Excédé, je me suis levé…
- Tu veux savoir ?… Tu veux vraiment savoir ?…
J’ai baissé mon pantalon…
- C’est ça qui me retient… Je peux faire quoi avec ça, tu peux me dire ?… Rien… C’est pas faute d’avoir essayé… Je peux rien faire… Elles me l’ont assez répété les filles… Alors à part me branler… Mais ça apparemment je suis pas le seul dans cette maison…
J’ai claqué la porte… Dans ma chambre je me suis jeté à plat ventre sur mon lit… En larmes…

Elle m’y a rejoint, s’est assise tout contre moi, m’a passé une main dans les cheveux…
- Pleure pas !… Excuse-moi !… Je suis désolée… Je savais pas… Je pouvais pas savoir…
- C’est pas grave… Je commence à être habitué depuis le temps… Contre mon épaule il y avait la chaleur de sa cuisse…
- Mais alors tu m’avais vue, hein, dans le séjour ?…
- Sans le vouloir… Le cours de gym avait sauté…
- Je m’en doutais… Ton sac… Au milieu du couloir… Je t’ai choqué ?…
- Oh non, non !… Pourquoi ?… Je me le fais bien, moi…
- Ca aurait pu quand même… T’as été là longtemps ?…
- Je sais plus… Pas tellement non…
- Qu’est-ce que t’as pensé ?… Que ton père me satisfaisait pas ?…
- Je ne me suis pas posé la question…
- Je m’entends très bien avec ton père… Sur ce plan-là comme sur tous les autres… Non… Ca, c’est autre chose… De complètement différent… A moi… J’en ai besoin… J’en ai toujours eu besoin… Depuis toute petite… Je peux pas m’en passer… C’est comme ça… Elle s’est levée…
- Je peux te demander quelque chose ?… Que ça reste entre nous tout ça… Ton père est de la vieille école… C’est quelque chose d’inconcevable pour lui… Ca lui ferait beaucoup de peine… Je peux compter sur toi ?…
- Tu peux…
- Merci…

- Elle a raison… Et pas qu’un peu !… Ca a rien à voir de le faire toute seule et de le faire avec un mec… Seulement pour leur faire comprendre ça…

Melissa a appelé le lendemain…
- Tu sais où je suis ?… Au bord de la mer… Mon père m’a loué un petit truc qui donne direct sur la plage…Voilà ce que c’est d’avoir son bac… Il fait un de ces soleil en plus… Si tu venais ?… Ca te dirait pas ?… Ca me disait, oui… Beaucoup même…
- Bon, alors je t’explique pour trouver… C’est facile comme tout, tu vas voir…

- C’est toi, Gabriel ?… Entre !… Viens !… Je suis sous la douche… C’est la porte juste en face… Ca va ?… T’as fait bon voyage ?… Non, mais c’est pas vrai il mousse pas ce shampoing… Ou alors c’est la flotte…
Elle a ri…
- T’as toujours une de ces façons de me regarder, toi !… Un vrai meurt-de-faim… Ca t’a manqué tant que ça de pas me voir ?… Oui… Oui… Je sais ce que t’attends… C’est même pour ça que t’as rappliqué aussi vite… Mais tu vas y avoir droit, t’inquiète pas… T’en as tellement envie…

Elle est restée nue…
- Avec le temps qu’il fait !… Tu veux une bière ?…
Elle me l’a tendue, s’est assise au bord du lit…
- Ben reste pas debout !… Viens à côté de moi… C’est minuscule, hein !… T’as à peine la place de te retourner… Mais j’y suis pas… Juste pour dormir… Le reste du temps je suis à la plage…
Elle s’est laissé tomber en arrière, un bras sous la nuque…
- T’y as beaucoup pensé à ce que j’allais te la montrer ma chatte ?… Oui… Evidemment que t’y as beaucoup pensé… Tu penses même plus qu’à ça…
Elle a entrouvert les cuisses…
- Bouge pas !… T’approche pas encore !… Attends que je te dise…
Elle a très lentement écarté, centimètre après centimètre, sans me quitter un seul instant des yeux… Complètement… On a frappé…

- Qui ça peut être ?…
Elle s’est refermée, levée, a attrapé un peignoir en toute hâte… On a refrappé…
- Voilà… Voilà… Ah, c’est vous !… Mais qu’est-ce que vous faites là ?…
Deux types…
- Tu nous attendais pas, hein ?!…
- Ah pour ça non !…
Ils m’ont aperçu par dessus son épaule…
- Mais on dérange peut-être ?…
- Non… Non… Entrez !… C’est Gabriel… Un bon copain… Et eux c’est…
- Nous, c’est ?…
- Didier et Valentin…Deux ex… Enfin non… Deux mecs avec qui je m’éclate bien à l’occasion sans prise de tête… Voilà… Mais ça me dit pas comment vous êtes arrivés là…
- On est passés chez toi ce matin… On nous a dit que t’étais ici et on est venus…
- Exprès ?…
- Ben oui exprès… Pourquoi ?… Fallait pas ?…
- Oh si, si !…

- C’est pas tout ça, mais il y aura jamais assez à manger… Vous allez nous chercher quelque chose les garçons ?… Vous en profiterez pour faire connaissance…
On a pris des moules, des frites, du vin blanc…
- Et de l’apero… Faut pas oublier l’apero… Melissa sans son apero…
Ils ont voulu savoir comment je l’avais connue…
- Au lycée… On était dans la même classe…
- Ah, c’est toi !…
Et ils ont échangé un regard lourd de sous-entendus…

- On tiendra jamais tous autour de cette table !…
- Mais si !… Déjà moi j’ai une place toute trouvée…
Et elle s’est installée, d’autorité, sur les genoux de Valentin… On a mangé… Mangé et surtout bu… Beaucoup bu…
- Les gars, je suis saoule… Si, c’est vrai, hein, je suis saoule…
- Tant mieux !… On va pouvoir abuser de toi…
- Des promesses !… Toujours des promesses !…
- Qu’on va tenir…
Et Valentin a cherché les seins sous le peignoir… Sa main a erré, s’est attardée, a moutonné… - Arrête !… Ca me fait des choses…
- Raison de plus !…
Didier s’est levé…
- Attends, je vais t’aider…
Il est passé derrière elle, a piqueté sa nuque de petits baisers, fait glisser le peignoir le long des épaules…
- Ces seins que tu as, ma chérie !… Ces seins !… C’est à se mettre à genoux devant…
Il l’a fait… Il a posé sa tête sur sa cuisse, l’a enfouie sous le peignoir… Elle l’y a maintenue, des deux mains, la tête renversée en arrière, les yeux clos…

Ils l’ont portée sur le lit… Longtemps parcourue et reparcourue… De leurs mains… De leurs lèvres… De leurs queues… Elle s’est ouverte… Elle a doucement gémi, imploré, supplié…
- Venez maintenant !… S’il vous plaît, venez !…
Ca a été Didier… Pendant que Valentin lui caressait la joue, le cou, les seins en lui parlant tout bas à l’oreille… De l’autre côté j’ai approché la main… Elle m’a sèchement repoussé…
- Ah non !… Pas toi !… Non !…
Et elle est allée chercher son plaisir, sur Didier, à grands coups de bassin éperdus…

Elle s’est retournée, agenouillée… Croupe tendue, fesses offertes…
- Tu choisis… Où tu veux…
Valentin a choisi en haut… Elle a enfoui la tête dans les coussins, a ondulé, mugi, est retombée…

Ils se sont endormis enlacés… Tous les trois… Dans la nuit elle s’est encore plainte… Deux fois… Au petit matin j’ai rassemblé mes affaires sans bruit et je suis parti…

Clotilde était dans le séjour… Devant la télé… A quatre pattes au pied du canapé… Elle s’est retournée avec un petit cri, relevée, enfuie dans la direction de la cuisine… Je ne me suis pas arrêté… Je suis monté directement dans ma chambre…

Elle a presque aussitôt frappé, poussé la porte…
- Excuse-moi !… Je suis désolée, vraiment désolée, mais je t’attendais pas si tôt…
- Non, c’est de ma faute !… J’aurais dû appeler… Prévenir… Et je t’ai empêchée de finir en plus !…
- De quoi je vais avoir l’air, moi, maintenant ?… Tu vas croire que je passe mon temps à ça… Et toujours de cette façon-là !…
- Ah non !… Non !… C’était pas le même gode… Et on a éclaté d’un gigantesque fou rire tous les deux…

- T’es con, toi, aussi !… Pourquoi t’as fait du bruit ?… T’aurais bien dû te douter que du moment qu’elle était toute seule il y avait des chances qu’elle soit en train de se le faire… Quand même !… J’aurais bien voulu voir sa tête… Ca devait valoir son pesant d’or…
- Sa tête, oui… Mais de la voir courir avec le gode entre les cuisses alors là je te dis pas !…

Mémoires d'une toute petite queue ( 2 )

Les années fac




1- L’observatoire de carton


Deux ans avaient passé… J’étais maintenant en troisième année de fac et, pour avoir un peu d’argent à moi, je m’étais fait embaucher, comme manutentionnaire, chez un grossiste en vêtements… Mon travail consistait, le matin, à réceptionner et à déballer, en réserve, les colis expédiés par les fabricants et, l’après-midi, à préparer les commandes passées par les détaillants qu’Armand – le responsable – recevait et conseillait au rez de chaussée, juste en dessous… Quant à la fac ce serait le vendredi – mon jour de congé – et le soir…

- Et tu sais pas ce qu’il fait Armand ?… Il a pas le droit, mais il vend directement aux particuliers et il se met l’argent dans la poche… Et vu les prix t’as plein de femmes qui défilent…
- Ca me fait une belle jambe !…
- Oui, mais le truc c’est qu’il y a pas de cabines pour essayer… Il les envoie dans le bureau… Et le bureau il y a pas de plafond… De la réserve en haut tu vois tout ce qui s’y passe si tu veux…
- Tu mates ?…
- J’ose pas… C’est trop dangereux… S’il y en a une qui lève la tête et qui me voit… je perds ma place…

Je me contentais d’écouter de loin, le cœur battant… Les bruissements d’étoffe, les râpements des fermetures éclair, les claquements d’élastique mettaient le feu à mon imagination… Et puis, un jour, n’y tenant plus, j’ai fini par oser venir voler, silencieux, très vite, un petit derrière bombé, enchâssé dans sa culotte blanche, que j’ai emporté dans la pénombre comme un voleur…

Il devait bien y avoir une solution pour assister aux essayages en ne courant que des risques limités… Je l’ai cherchée… J’ai fini par la trouver : à l’aide de vieux cartons entassés, encastrés les uns dans les autres, je me suis aménagé, à l’emplacement idéal, un petit observatoire secret d’apparence parfaitement inoffensive… L’oreille constamment à l’affût de ce qui se passait en bas, je m’y précipitais dès qu’une occasion se présentait et j’y attendais impatiemment ma proie, la gorge sèche et le souffle court…

- Tout ça pour pas grand chose !… Parce que si ça vend pas de sous-vêtements là-dedans, t’as pas beaucoup de chances d’en voir à poil… Remarque, c’est pas plus mal des fois… Tu peux imaginer…

C’était pas plus mal, non… C’était autre chose… Un festival de cuisses dénudées, de soutien-gorge pleins à craquer, de petites culottes enserrant au plus près leurs trésors, que je ramenais précieusement le soir à la maison pour m’en délecter encore et encore…

Dans la section Lettres Modernes, où j’étais inscrit, nous n’étions que quelques garçons pour une multitude de filles… Un enchantement !… Je regardais… Je ne me lassais pas de regarder… Je regardais et j’imaginais… Sous ses petites jupes sexy Armelle devait porter quelque chose de très vaporeux… Sûrement… Rouge… Ou noir… Oui… Plutôt noir… Et Céline aux tenues toujours si strictes ?… Je lui supposais une petite culotte blanche très classique… A moins que… Qui sait ?… Elle cachait peut-être très bien son jeu… Quant à Dorothée elle devait opter, elle, pour des dessous à fleurs… Oui… Ca devait être son style…

Pour vérifier, pour savoir vraiment, pour voir enfin je disposais d’une carte maîtresse que j’ai délibérément abattue un vendredi matin…
- Des sapes au tiers de leur prix ça vous dirait, les filles ?…
Les yeux de Sabine et de Pervenche, en compagnie desquelles j’attendais l’arrivée du professeur de linguistique générale, se sont allumés…
- Un peu que ça nous dirait… Mais…c’est du neuf ?…
- Tout ce qu’il y a de plus neuf…
- Il y a pas d’embrouille au moins ?…
- Non… Non…
J’ai expliqué…
- Ah oui ?!… Génial !…
- Mais vous demandez pas après moi, hein, surtout, là-bas !… Vous êtes passées par hasard… Je vous ai rien dit… On se connaît pas… Ca me ferait avoir des tas d’ennuis sinon…
- T’inquiète pas !… On sera discrètes…

Ca n’a pas traîné… Dès le jeudi suivant elles étaient là… Toutes les deux… A essayer des pantalons… Des tas de pantalons… A enlever, enfiler, retirer, remettre… A m’offrir, chaque fois, la vision délectable de leur petite culotte… Sous celle de Sabine, en nylon blanc, transparaissait la tache sombre d’une toison bien fournie… Celle de Pervenche, jaune paille, est brièvement descendue, jusqu’à mi-fesses, quand elle a voulu sortir d’un jean trop étroit…

Au retour je me suis tellement épuisé de plaisir que, le lendemain, je ne me suis réveillé qu’à onze heures… Je me suis levé d’un bond… Trop tard pour les cours de la matinée… Quelqu’un me les passerait bien… Pervenche… Ou Sabine… Elles me devaient bien ça… Pervenche… Sabine… Les images de la veille sont une nouvelle fois remontées, claires, précises… Je me suis laissé tomber sur mon lit… Pervenche… Sabine… Sabine… Pervenche… Longtemps amoureusement contemplées… Ca venait… Ca approchait… C’était tout près… Des pas dans le couloir… C’était là… Impossible à arrêter… J’ai voulu me réfugier précipitamment sous les draps… Trop tard… On est entré… Clotilde… l’aspirateur à la main…
- Hein ?!… Mais t’es là ?… T’es pas parti ?…
Je coulais… Elle a vu…
- Ah ben chacun son tour !… Comme ça au moins on est quitte…
Et on est encore partis d’un grand fou rire tous les deux…

- On peut leur dire aux autres filles ?…
- Mais pas que c’est moi qui ai donné le tuyau, hein ?!…
- Juré !…
Qu’elles le disent !… Qu’elles le disent !… Tant qu’elles voulaient…
Elles le disaient… Il en venait… De plus en plus nombreuses… A deux… A trois… A quatre… Toutes seules… Elles venaient… Elles revenaient… Je les voyais… Une orgie d’elles… A la fac je leur parlais… En amphi, en TP, à la bibliothèque j’étais assis à leurs côtés… Et elles ne savaient pas… Elles ne se doutaient pas…

- Un truc que je m’explique pas quand même c’est que t’en aies pas parlé à Clotilde… T’as pas envie de la voir là en dessous ?…
Mais si !… Bien sûr que si !… Et bien sûr que je lui en ai parlé…
- Et alors ?…
- Ben alors elle dit qu’elle verra… Que pour le moment elle a tout ce qu’il lui faut…
- Ca, j’y crois pas… Une nana elle en a jamais assez des fringues… Tu crois qu’elle se doute de quelque chose ?…
- Sûrement pas !… Comment tu veux ?…

Un pas a claqué jusqu’à la porte du bureau qui s’est bruyamment refermée … C’était une femme à la quarantaine hautaine, au visage dur, revêche… Elle a posé la pile de vêtements sur la chaise…Elle a quitté sa robe et… s’est reculée juste dans l’angle mort, le seul angle mort de la pièce !… Pour ne rien perdre du spectacle, je me suis penché, penché encore, j’ai perdu l’équilibre et, dans un grand écroulement de cartons, je me suis retrouvé à quatre pattes, le nez au ras de l’arête de la cloison…
- Qu’est-ce que ?… Non, mais dis donc, toi !…
J’ai détalé, sans demander mon reste, jusqu’au fond de la réserve, où, la peur au ventre, je me suis remis fébrilement au travail…

- Gabriel, tu peux descendre voir là ?…
Debout à côté de la caisse, elle me tournait le dos… J’étais bon… Mon compte était bon…
- Tiens, tu vas aider Madame à emporter tout ça chez elle…
Trois grands sacs posés sur le comptoir…
On a marché côte à côte, sans rien dire, dans l’après-midi inondée de soleil… De temps en temps elle me coulait un regard de côté que je faisais semblant de ne pas remarquer…
- Tu n’as pas honte ?…
J’ai rougi… Je n’ai pas répondu…
- Hein ?… Tu n’as pas honte ?… Si ça tenait qu’à moi tu te prendrais une de ces fessées !… Ca te ferait passer l’envie de recommencer, je t’assure !… Tu as quel âge ?…
- 21 ans…
- Même… même… Il y a pas d’âge quand on l’a méritée… T’es pas de mon avis ?…
Elle a éclaté de rire…
- T’es trop quand tu rougis comme ça… Une vraie jeune fille… T’es puceau, hein ?!…
On a passé un porche, pris un ascenseur, elle a ouvert une porte sur une immense pièce aux murs clairs, aux fenêtres grandes ouvertes…
- Pose tout ça là… Là… Merci… Eh, mais attends !… Où tu te sauves comme ça ?… Attends !…
Son rire en cascade a dégringolé derrière moi tout au long de l’escalier…

Armand a baissé le rideau, verrouillé la porte…
- Elle t’a payé ?… Non ?… Eh bien t’as plus qu’à y retourner… C’est sur ta route n’importe comment…
La sonnette a retenti jusqu’au fond de l’appartement… Le silence… Des pas… La porte…
- Tiens, tiens, un remords ?!…
De la main elle maintenait un peignoir bleu croisé fermé sur la poitrine…
- C’est que tout-à-l’heure j’ai oublié de…
- Viens !…
Ses fesses ont ondulé devant moi…
- Eh ben viens !… Qu’est-ce que t’attends ?!…
Une chambre… Elle s’est assise au bord du lit, m’a attiré vers elle, a joué avec la boucle de ma ceinture…
- Alors il va se passer quoi maintenant ?… A ton avis ?…
- Je sais pas…
- Tu sais pas… Eh bien moi je vais te dire… Il y a deux solutions…
Elle a défait le premier bouton…
- Ou bien je te trouve à mon goût et j’ai envie de te croquer… Pourquoi pas après tout ?… Tu es joli garçon… Tu es jeune… Tu as l’air vigoureux…
Les trois autres boutons… Un à un…
- Ou bien j’estime que tu mérites une bonne leçon… J’aurais pu te faire perdre ta place tout à l’heure… Je n’ai rien dit… Tu t’en es tiré à bon compte… Trop bon compte… Il y a quand même des choses qu’on ne peut pas laisser passer comme ça… Non, tu crois pas ?…
Elle a descendu mon pantalon…
- Quelle solution ?… La première ?… La deuxième ?… Je n’ai peut-être pas encore vraiment décidé, qui sait ?… Mais toi, tu préfères quoi ?… Eh bien réponds !…
Elle a baissé résolument mon slip…
- Oui, ben la question se pose même plus… Une bonne fessée… Et encore c’est pas trop cher payé… Et ça vaut de toute façon mieux que de se faire flanquer à la porte comme un malpropre… Non ?… Tu n’es pas de mon avis ?…
- Si !…
- Tu vois que tu peux te montrer raisonnable quand tu veux… Enlève le reste… Enlève tout… Tu seras plus à l’aise… Allonge-toi… Là… Sur le ventre… Comme ça… Oui…
Elle a posé une main sur mes reins, l’y a promenée, laissée…
Une porte a claqué… J’ai sursauté…
- C’est rien… C’est mon mari qui rentre… Et finalement… finalement vaudrait tout autant que ce soit lui qui te la donne ta fessée… Ce sera plus vigoureux… Ca portera plus… Bouge pas !… Je reviens…

Un colosse… Avec des mains comme des battoirs…
- Alors, c’est lui !… Espèce de grand dégoûtant !… Chacun son tour d’avoir le cul à l’air, tu vois !…
Il s’est agenouillé de tout son poids sur moi, sur mon dos, sur mes reins…
- Tu vas t’en souvenir, petit morveux !… Je t’assure que tu vas t’en souvenir…
Je me suis crispé dans l’attente du premier coup… Qu’il a fait interminablement attendre… Qui n’est pas venu… Il s’est relevé… Elle m’a jeté mes vêtements sur les bras…
- C’est bon pour cette fois… Tu peux filer… Mais ne t’avise pas de recommencer… Parce que alors là… là… tu n’y couperais pas… Je n’ai pas demandé mon reste… Pendant que je me rhabillais sur le palier… je les ai entendus rire aux éclats derrière la porte… Et puis il y a eu des murmures… Des chuchotements… Des baisers…

J’ai renoncé, la mort dans l’âme, à mon échafaudage de cartons… C’était beaucoup trop dangereux… Si cette femme s’apercevait que je l’avais remis en place !… Eva était formelle…
- Si tu le remets en place ?… Elle te dénoncera pas… Non… De ce côté-là il y a pas de risques… La fessée ça, par contre, t’y auras droit… La fessée en échange de son silence…Et elle te loupera pas… Après, c’est à toi de voir… A toi de voir si le jeu en vaut la chandelle… Une fessée, après tout, c’est pas la mer à boire…

Les jours passaient et elle ne revenait pas… En dessous, dans le bureau, les essayages se poursuivaient, se multipliaient… Des inconnues… Des filles de la fac dont je reconnaissais, impuissant, la voix… La tentation était trop forte et, un matin, je l’ai reconstitué… Tant pis !… On verrait bien… Et puis, oui, elle avait raison Eva… Au pire une fessée ce n’était sûrement pas la mer à boire…

Bien m’en a pris… Parce que l’après-midi même… Pour la première fois… Dorothée !… Dorothée avait un charme fou et, de toutes, c’était celle que j’espérais le plus ardemment finir par voir un jour là, en dessous… Les autres filles avaient évoqué à plusieurs reprises devant elle, en ma présence, l’exceptionnel filon qu’elles avaient découvert, mais elle n’avait manifesté qu’un intérêt distrait… Je m’étais fait une raison : elle ne viendrait pas… Et elle était là… Seule… Elle chantonnait… Elle a cherché un endroit où suspendre les robes, n’en a pas trouvé, les a étalées à même le bureau par dessus les dossiers… Et elle a saisi le bas de la sienne, l’a relevée… En dessous… En dessous rien… Elle ne portait rien… En dessous c’était sa petite fente de rouquine… A découvert… A nu… A moi…

A son avis, à Eva, c’était qu’elle en portait jamais de culotte Dorothée ou c’était juste cette fois-là ?…
- Tu veux que j’en sache quoi ?… Qu’est-ce ça peut faire n’importe comment ?… T’en as bien profité… C’est l’essentiel…
Ah si, c’était important, si !…
- Parce que maintenant quand je vais la voir à la fac, que je vais être à côté d’elle, que je vais lui parler comment ça va être trop si je peux me dire qu’elle en a pas…
- Ah oui… Oui… Oh ben tu sais, si elle en avait pas ce jour-là il y a toutes les chances qu’elle en mette pas d’autres fois… Et même… qu’elle en mette jamais… Il y a des filles qui le font… J’en connais…

Il y avait eu, cet après-midi là, des commandes urgentes à préparer et je n’avais pas eu le temps matériel de jeter un œil sur les essayages dans le bureau… Je finissais tout juste de boucler les derniers cartons quand Armand m’a appelé en bas… Elle était là… Encore à côté de la caisse… Et encore avec tout un tas de sacs posés sur le comptoir…
- Tu sais ce qui te reste à faire…
Je savais, oui…

- Tu sais ce qui t’attend ?…
Je savais aussi, oui…
- Alors ça t’a pas suffi la petite leçon de l’autre fois ?… Il a fallu que tu remettes ça… Que tu reconstitues ton petit observatoire… T’étais prévenu pourtant… T’étais pas prévenu ?…
- Si !…
- Et ça t’a pas empêché de recommencer… Bon… Mais on va t’en faire passer l’envie… Je peux t’assurer qu’on va t’en faire passer l’envie…

- T’as vu qui je nous ramène ?…
- Encore lui !…
- Encore lui, oui !… Il nous a désobéi…
- Ah, c’est pas bien, ça !… Pas bien du tout…
- Il veut pas comprendre… C’est une vraie tête de mule… Mais il va comprendre… Allez, déshabille-toi, toi !… Eh bien ?!… Qu’est-ce que t’attends ?… Tu préfères que je te ramène là-bas et qu’on s’explique avec ton responsable ?… Non ?… Eh bien alors !… Là… C’est bien… Tout… T’enlèves tout…
Ils m’ont fait allonger sur le lit… Du genou il a pesé sur mes reins… Et cette fois il a tapé… Une fessée… A grandes claques retentissantes… Ca cuisait… Ca brûlait… De plus en plus fort… De plus en plus vite… J’ai crié… J’ai battu des jambes… Encore plus fort… Encore plus vite…

Elle l’a arrêté…
- Ca devrait suffire pour aujourd’hui… Relève-toi !… Tu peux te relever…
Il a constaté…
- Mais c’est qu’il bande en plus ce salaud !…
- Parce que t’appelles ça bander ?…
- Il fait avec ce qu’il a…
- Et c’est pas grand chose… Mais c’est pas une excuse… Va au coin, toi, pour la peine !… Là-bas… Les mains sur la tête… Allez !… Et tu te retournes pas… Sinon t’auras affaire à moi…

Il a dit quelque chose à voix basse… Elle a éclaté de rire… Une main m’a frôlé les fesses… Une autre… Des doigts les ont sillonnées, légers, en tous sens…
- Comment tu l’as arrangé !…
- Il l’avait pas volé… Tu as aimé ?…
- Oh oui !… Oui…
Un baiser… Le bruit de deux corps qui tombent sur le lit… Une respiration qui s’emballe… Des halètements… Des chuintements… Elle a gémi… sangloté de plaisir… Encore des baisers… Le silence… Longtemps…
- Allez !… Rhabille-toi !… C’est tout pour aujourd’hui…

Eva a beaucoup ri…
- Tu voudrais pas que je pleure, non ?… Une fessée !… Comme à un gamin de six ans !… A ton âge !… Ah non !… Comment j’aurais aimé voir ça !… Faut dire que tu l’as cherché aussi, non ?… T’étais prévenu… T’as pris le risque… Tant pis pour toi… Et maintenant ?… Qu’est-ce tu vas faire pour tes cartons ?… Tu vas les enlever ?…
- Evidemment que je vais les enlever…
- Ca, c’est pas sûr !… T’es tellement accro… Et puis peut-être que ça t’a plu finalement la fessée !…

Elle est revenue le lendemain, en tout début d’après-midi… J’étais en train de disposer une série de robes, toutes identiques, sur un portant… Elle s’est approchée…
- Ca brûle pas trop ?…
J’ai lancé un regard inquiet dans la direction d’Armand à la caisse…
- T’inquiète pas… Il peut pas entendre… Si, ça brûle, hein ?!… Et pas qu’un peu… Faut mettre quelque chose dessus… Ca soulage… Passe ce soir… J’ai ce qu’il faut… N’oublie pas… Surtout n’oublie pas !… Sinon !…

- Vas-y !… Allonge-toi !…
Docilement… A plat ventre…
- Hou là là… C’est dans un état !… T’as dû déguster !…
Elle a massé, à petits mouvements circulaires du bout des doigts d’abord, puis en cercles plus appuyés qui sont allés en s’élargissant… Je me suis abandonné sous ses mains… Une voluptueuse somnolence m’a engourdi… Elle s’est glissée entre les fesses, s’en est éloignée, y est revenue… Je les ai insensiblement écartées… Elle s’est insinuée, précise, pressante, s’est attardée, a forcé lentement le passage… Un doigt… Un autre… Je me suis redressé sur les genoux, croupe tendue, offerte…
- Mais c’est qu’il aimerait ça, ce petit vicieux !…
J’ai ondulé autour de ses doigts… La porte s’est ouverte… Deux autres mains sont venues se plaquer sur mes fesses… Il se l’est frottée contre elles, se l’est fait durcir… Elle s’est penchée tout près, a murmuré…
- Tu as envie ?…
D’un signe de tête j’ai fait signe que oui…
- Oui, vas-y !… Il a envie…
Ca a cherché… C’est rentré… Ca m’a empli… Ca a bougé… Une main est venue me branler… Ca a palpité, déchargé dedans, à grandes secousses… Il s’est retiré avec une petite claque sur chaque fesse… Elle m’a fait retomber sur le ventre…
- Voilà… Tu es un homme maintenant… Tu es content ?…

Je n’ai rien dit à Eva…





2- La corniche :

- Si la solitude te fait pas peur !… Mais tu sais, c’est resté en l’état… Exactement comme c’était le jour où ta grand mère est morte… On n’a touché à rien…
La solitude ne me faisait pas peur, non !… Mes souvenirs non plus… Et puis je me faisais une fête de revoir enfin Eva… Qui avait, depuis peu, rompu avec Ludo… Qui me réclamait à cor et à cris…
- Mais si, allez !… Ca me changera les idées…

- Coucou !…
Je venais à peine d’arriver…
- Coucou !… C’est nous !…
Florence et Véronique… Avec un monceau de bagages…
- Ben alors !… Ca a pas l’air de te faire plaisir de nous voir…
- Oh si !… Si !… C’est que… je vous attendais pas…
- Eh ben tu vois !… On est là… Et bien décidées à en profiter… On va te faire une de ces fêtes…

Elles se levaient à midi, allaient faire un tour à la plage, s’enfermaient aussitôt rentrées dans la buanderie…
- Quand tu penses qu’avec tout le pognon qu’elle avait elle a seulement jamais été foutue de s’installer une salle de bains correcte…
- Et encore faut pas se plaindre… Maintenant il y a l’eau chaude…
Elles en ressortaient vers huit heures… Sur leur trente et un…
- Bon, ben on y va… C’est vrai, tu veux pas venir ?…
- Non, non, merci…

Elles rentraient tard dans la nuit… Avec des garçons… Des filles… Tout un groupe… Ca parlait fort… Ca riait… Ca buvait… Ca chantait… Et ça finissait par s’éparpiller dans les chambres…

- Et ça baise ?… Oui, evidemment que ça baise !… Eh ben raconte, quoi !…
Je racontais…
- C’est tout ?…
- Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?… J’y suis pas, moi !… J’entends juste…
- Et de là où est ta chambre t’entends partout… A droite, à gauche, en dessous… Et t’en profites tout seul… Comme un vrai salaud que tu es…
- Tu veux venir ?… Je t’empêche pas, moi, hein !… Au contraire…

- Bon… Alors qu’est-ce qu’ils foutent ?… Ah, ça y est !… Ben c’est pas trop tôt… C’est qui là ?… Florence ?… Oui, c’est Florence… Eh ben dis donc !… Comment elle y va !… Tout le monde en profite… Mais ça avec elle j’en étais sûre… Je la connais… Faut toujours qu’elle fasse son intéressante… Elle peut pas s’empêcher… C’est qui le mec ?… Tu l’as déjà vu ?… Ecoute !… Il y en a une autre en dessous… Elle miaule… Non, mais elle miaule vraiment… Comme un chat… Tu la connais pas non plus ?… Non ?… Faudrait qu’on voie leurs têtes… Qu’on sache qui est avec qui… On en profiterait mieux après…

Ils étaient en train de déjeuner tous ensemble – tous les huit – dans la cuisine… En nous apercevant, Eva et moi, sur le pas de la porte, Florence a étouffé un fou rire derrière sa main… Véronique, elle, s’est précipitée pour embrasser Eva…
- Toi !… C’est pas vrai !… Depuis le temps !… Tu as dormi ici ?… Avec lui ?… C’est pas vrai !… Oui… Ben on se quitte plus, hein, maintenant qu’on s’est retrouvées… On va à la plage… Tu viens avec nous ?…

- Que je t’explique !… Je sais tout… C’est simple… Et compliqué à la fois… Véronique est amoureuse folle de Patrice qu’en a rien à foutre d’elle… Il couche avec Isabelle, celle qu’on a entendue miauler hier soir… Alors, faute de mieux, elle se tape Lionel… Qui baise très bien paraît-il… Florence, elle, elle a décidé de se faire le plus de mecs possible pendant ses vacances… Elle en est déjà au quatrième… Elle marque tout sur un petit carnet… Avec plein de détails… Elle m’a montré… Quant aux deux autres – Corinne et Philibert – ce sont des campeurs qu’elles ont rencontrés en boîte et qui sont plus tranquilles ici que sous la tente… Tu suis ?… De toute façon ça va ça vient… Ca change tous les soirs… Bon, mais allez, on se tait maintenant… On écoute…

- Tu sors avec ?…
- Avec qui ?…
- Ben avec Eva, tiens !… Vous dormez ensemble… Vous couchez ?…
- Et toi, avec Lionel tu couches ?…
- Ben évidemment !… Mais ça n’a rien à voir…
- Pourquoi ça n’a rien à voir ?…
- Parce que Lionel, lui… Oh, et puis merde !… Ce que tu peux être chiant quand tu t’y mets… Garde-le si tu veux pas le dire…

- Viens voir !…
Eva était penchée à la fenêtre…
- Regarde !… Ca doit être possible finalement…
- Quoi donc ?…
- Elle est assez large la corniche… En faisant bien attention… En s’accrochant au mur… Elles sont pas si loin les fenêtres… Et on peut tout voir à travers les fentes des volets… J’ai vérifié… Ce soir j’essaie…

- Ca valait le coup ?…
- Un peu que ça valait le coup… T’as pas entendu ?… Elle en est de la comédie Florence… Et il y a aucun danger… C’est un boulevard cette corniche… Avec plein d’aspérités dans le mur pour se tenir… Si tu tombes c’est vraiment que tu le fais exprès…

- A ton tour !… Ca commence Véronique… Dépêche-toi !… Tu vas manquer le meilleur…
A mon tour, oui… Oui, elle avait raison Eva… En étant prudent on risquait pas grand chose… Encore deux mètres… Encore un mètre… Le volet était là tout près avec la lumière derrière… J’allais poser la main dessus quand… tout s’est dérobé sous mes pieds…

C’est Véronique qui m’a emmené… Avec Eva… Chaque cahot m’arrachait un gémissement…
- Mais qu’est-ce qui s’est passé ?… Qu’est-ce qu’il fichait là-haut ?…
- Une crise de somnambulisme… Il en fait presque toutes les nuits… Je l’ai bien vu enjamber, mais j’ai toujours entendu dire qu’il fallait jamais réveiller un somnambule… J’aurais peut-être mieux fait finalement…

Le médecin urgentiste a élevé les radios dans la lumière…
- Fracture du poignet droit… Foulure du poignet gauche… Faut plâtrer… Il n’y a pas d’autre solution…

- Comme tu t’y prends t’y arriveras jamais…
Elle me regardait essayer maladroitement de me déshabiller…
- Et t’es capable de te casser encore quelque chose… Laisse-moi faire !… Ca vaudra mieux… Avec mille précautions…
- Là… Et maintenant au lit…

Un peu plus tard dans la nuit, Véronique a doucement arpergé son plaisir…
- Tu vois ce que t’as perdu ?… A croire que toi, dès qu’il y a une occasion de se casser la figure, tu la loupes pas…
Elle a ri tout bas…
- Tu mériterais que je te donne la fessée… Comme ta bonne femme des cartons là-bas…

- Une cuillerée pour papa !… Une cuillerée pour maman !…
Elles me donnaient la becquée… Elle me coupaient ma viande… Elles m’essuyaient la bouche… Elles m’y versaient à boire… Elles étaient aux petits soins pour moi…
- Maintenant qu’il est handicapé…
- Oh, ça, il l’a toujours été…
Et elles sont parties d’un grand fou rire toutes les trois…
- Et… mais… pour se laver ?… Il va faire comment ?… Il y arrivera pas tout seul !…
- Oh ça !… Je m’en occuperai…
- On t’aidera… On viendra t’aider… Parce qu’ils sont hauts les bacs… Sans les mains il pourra jamais y grimper… Faudra qu’on le monte dedans… Et là on sera pas trop de trois…

Elles m’ont dépiauté de mes vêtements…
- Lève les bras !… Mais lève !… Fais pas semblant… Ce que tu peux être empoté quand tu t’y mets… Qu’est-ce qu’il y a ?… Ca fait mal ?… Oh la la !… Pauvre choune !… T’en verras d’autres, va !… Bon, allez !… Attention !… On le soulève… Un !… Deux !… Trois !…
Je suis retombé lourdement sur le ciment…
- Mais non !… On s’y prend mal… Tiens-le sous les bras, Florence !… Et toi, Eva, bien en même temps que moi… On recommence…
Je suis resté suspendu en l’air… J’ai désespérément battu des chevilles sur le rebord du bac… En vain…
- On n’y arrivera jamais !…
- Mais si !… Allez, cette fois c’est la bonne !…
- Ouf !… Ca y est !… Il est lourd l’animal…

Elles m’ont fait ma toilette… Toutes les trois… En mains partout… La figure… Le torse… Le dos…
- Tu te rappelles du temps de grand mère dans le bac, le samedi ?…
- Si je me rappelle !… Ce qu’on a pu rigoler !…
- Il supportait pas qu’on le voie… Et nous évidemment on regardait tant et plus…
- La tête qu’il faisait à chaque fois !…
Le ventre… Les pieds… Les fesses…
- En tout cas c’est resté pareil… Exactement pareil… On se demandait, tu te souviens ?…
- Ca paraît même encore plus petit maintenant qu’il a grandi…

C’est Eva qui me l’a lavée… Consciencieusement… En décapuchonnant bien à fond… En glissements doux… En frottements légers…
- Il bande !…
- Mais non !…
- Je te dis qu’il bande !…
- Peut-être un peu, oui, mais pas vraiment…
Eva a tranché…
- Il peut pas plus…
- Ah, tu vois !…
Elle s’est attardée tout au bout, s’en est éloignée, y est revenue…
- Tu vas le faire jouir si tu continues…
Elle a haussé les épaules…
- De toute façon il peut pas tout seul… Sans les mains !…
Et elle s’est faite plus précise, plus insistante… Elles se sont penchées… Tout près… C’est venu…
- Mais il y a presque rien…
- Ben forcément!… C’est proportionnel…

- Bon… C’est pas tout ça, mais maintenant faut le sortir de là…
- Oui, ben on appelle les garçons, hein !… Je tiens pas à me tuer le dos… Et si on l’échappe et qu’il se casse encore quelque chose on aura tout gagné…
- Lionel !… Patrice !… Vous voulez pas venir là ?…
Ils sont venus… Isabelle aussi… Qui m’a jeté un regard stupéfait… On m’a sorti… On m’a rhabillé… Je suis retourné dans ma chambre… Sur la terrasse, en bas, longtemps je les ai entendus rire…

- Tu fais des progrès… Si, c’est vrai !… C’aurait été il y a pas encore si longtemps que ça qu’est-ce que j’en aurais entendu parler de cette après-midi dans la buanderie !… T’aurais ressassé pendant des heures… Tu t’y es enfin fait on dirait… C’est pas trop tôt… De toute façon t’as pas d’autre solution… Toute ta vie tu seras confronté à ça… Parce que tu t’en rends peut-être pas compte, mais à ce point-là tant qu’on l’a pas vu on peut pas y croire… Alors c’est obligé que ça commente, que ça rigole, que ça se moque… C’est pas forcément méchant pour autant… Et puis si ça tombe de te faire moquer de toi comme ça un jour tu finiras peut-être par trouver que c’est pas si… Mais bon, allez !… Ca commence à côté…
Et elle a enjambé la fenêtre…
- Qu’est-ce tu fais ?… T’es complètement folle !… Elle s’est cassé la gueule la corniche…
- Du côté de Véronique… Pas du côté de Florence…


Au réveil il y avait un camping-car sous la fenêtre…
- Qu’est-ce que c’est que ça ?…
« Ca », c’était Norbert…
- Un copain de Patrice… Il revient d’Afrique… Elles bavent toutes devant… Elles vont se battre comme des chiffonnières pour l’avoir… Ca promet…

Elles buvaient ses paroles, suspendues à ses lèvres, et les repas se prolongeaient jusque tard dans l’après-midi… Jusqu’à ce qu’il regagne…
- Bon, c’est pas tout ça, mais j’ai du travail…
son camping-car dont il ne ressortait que le soir pour aller en boîte avec toute la bande…

- Ce boute-en-train que c’est en plus !… Tu verrais ça !… Il te met une de ces ambiances !… Mais pour le reste… Elles sont de la revue… Elles ont beau essayer – et toutes, hein !… Faut voir la gueule des autres mecs – il en a rien à foutre… Il rentre se coucher tout seul dans son truc là-bas en dessous… Elles en sont vertes…
Elle restait longtemps à la fenêtre, dans la nuit…
- On voit rien… Il y a de la lumière, mais on voit rien…

- Tu sais pas quoi ?… Ca s’est engueulé Lionel et Véronique… Elle l’a foutu dehors… Et en beauté… T’aurais vu ça !… En tout cas elle a intérêt à s’en retrouver un autre vite fait parce que sinon ça va être mort là, le soir, à droite…

- Bon, mais c’est pas tout ça !… Faudrait peut-être te laver, toi, depuis le temps !… Ca fait combien ?… Trois… Non… Quatre jours…
Florence et Véronique se sont scandalisées…
- Quatre jours !… T’es vraiment un gros porc… Tu vas puer à force !…
- Bon, allez, on y va !… Ah si !… Ah Si !… Ca s’impose…
- Ils sont où les mecs ?…
- Partis… Je sais pas où…
- Ils sont chiants… Comment on va faire ?… En tout cas, moi, je le soulève pas… Pas question…
- Il y a Norbert dans le camping-car…
- J’y vais… Je vais le chercher…

Il les a aidées à me faire monter dans le bac… Et puis regardées faire…
- Eh ben dis donc !… Ca vaut le coup de se casser les abattis… Trois petites nanas qui te frottent partout… Je me demande si je vais pas suivre son exemple, moi !… M’arranger pour me démolir quelque chose…
- Pas la peine d’en arriver là… Il y a un autre bac à côté… Un de plus un de moins… On n’est pas à ça près…
- Faudrait pas me le répéter deux fois…
- Il y a un autre bac à côté…
- Faites gaffe !… Je vais vous prendre au mot…
- T’as qu’à de la gueule !…
- Vous l’aurez voulu…
Et il s’est déshabillé… Il a tout enlevé… Il est grimpé à côté…
- Là !… Et maintenant vous êtes bien avancées… Qui c’est qui va se dégonfler ?…
- Oh, alors là, tu nous connais pas !…

Et elles m’ont planté là… Elles l’ont copieusement aspergé… Avec de grands rires…
- Ah, on est des dégonflées… Tu vas voir si on est des dégonflées…
Savonné… Frotté…Tant et plus…
- Lève les bras !…
- Tourne-toi !…
- Encore !…
Eva s’est approchée d’en bas… S’est éloignée… Est revenue… Plus près…
- T’oseras pas !…
- Ah oui ?!… J’oserai pas ?…
Et elle l’a empoigné… A pleine main… Ca s’est dressé… De toute sa hauteur… Gigantesque…

Il s’est penché vers elle, lui a murmuré quelque chose à l’oreille… Elle a fait signe que oui… Oui… Il est sorti du bac… Il a dégouliné jusqu’à la porte… Elle l’a suivi… Véronique et Florence ont couru jusqu’au petit vasistas…
- Ils vont au camping-car !…
- Evidemment !… Tu t’attendais à quoi ?…
- La salope !… Non, mais ça te viendrait à l’idée, toi, de te faire tirer comme ça par le premier venu, juste parce qu’il claque des doigts ?…
- Oh, mais avec elle tu peux t’attendre à tout…
- En tout cas elle a bien su manœuvrer pour arriver là où elle voulait, ça, t’inquiète pas, va !…

- Il est toujours là, l’autre !… Dans le bac…
- Faut le finir !…
Elles l’ont fait… A grands coups de gant rageurs… Sans un mot…
- Et pour sortir de là-dedans t’attendras qu’ils aient tiré leur coup…
Elles ont claqué la porte…




3- Dorothée


Clotilde ne m’attendait pas à la gare… Elle était à la maison, les yeux gonflés, la mine défaite…
- Qu’est-ce qui se passe ?… Qu’est-ce qui t’arrive ?…
- Rien !…
- Ben si !… Il y a bien quelque chose…
- Tu demanderas à ton père si tu veux savoir… S’il consent à rentrer…
Il est rentré, sur le coup de neuf heures, avec son air des mauvais jours et je me suis bien gardé de lui demander quoi que ce soit… Dans leur chambre, en haut, après, il y a eu des cris, des pleurs, des supplications… Une gifle… Tout s’est tu…

- Tu le fais sur quoi, toi, ton mémoire ?…
- Faulkner…
Dorothée a écarquillé les yeux…
- C’est pas vrai !… Moi aussi…
On ne travaillait pas vraiment dans la même perspective – pas du tout même – mais… et si on confrontait nos points de vue, si on échangeait les informations et les documents dont on disposait ?… On s’en trouverait aussi bien l’un que l’autre, non ?… Et ce serait sympa en plus…

C’était sympa… On se voyait souvent… Très souvent… On passait des heures ensemble… On parlait littérature… Pas seulement… Elle avait un petit ami auquel elle semblait beaucoup tenir… Je me suis senti rassuré… Au moins je ne courais pas le risque de me retrouver encore dans une situation impossible…

- Oh, alors ça !… Ca veut rien dire du tout… Tu sais jamais comment ça tourne ces trucs-là… J’ai bien vu, moi, avec Ludo… Bon, mais alors… finalement… elle met une culotte ou pas ?…
J’en savais rien…
- Elle revient jamais s’acheter des fringues là-bas ?…
Elle venait, si !… Assez souvent même…
- Eh ben alors !… Remets tes cartons en place !… Tu me raconteras…

Mon père ne rentrait pas… Presque plus… De moins en moins… Dans la nuit il y a eu des sanglots… Redressé dans mon lit j’ai écouté… Des plaintes d’animal blessé… Je suis descendu… Assise nue sur le rebord de la baignoire, Clotilde s’efforçait maladroitement de dégager une lame de rasoir de son alvéole… J’ai bondi pour la lui arracher… Elle m’a lancé une gifle à toute volée et s’est effondrée en larmes…
- Pardon !… Je te demande pardon… J’ai mal… J’ai trop mal… J’ai si mal…
Je me suis assis à côté d’elle, l’ai attirée contre moi…
- Là… Là… C’est tout… On va aller bien sagement dormir maintenant, hein ?…
Je l’ai emportée, déposée sur son lit… Elle m’a agrippé la main…
- Pars pas !… Me laisse pas toute seule…
- Non… Non… Je suis là…
Et elle s’est doucement endormie…

- Et toi, évidemment, t’en as profité pour te rincer l’œil tant que t’as pu !… T’es resté longtemps ?… Toute la nuit, je parie… L’occasion était trop belle… T’es un salaud, je l’ai toujours dit…

Dorothée était passée au magasin…
- Oui… Hier après-midi je suis venue… On t’entendait marcher comme un dératé au-dessus… T’avais pas l’air de chômer…
- J’étais à la bourre… Si tout n’est pas prêt quand la camionnette arrive…
- Il y avait une femme qu’était là… Ca la faisait rire… Moi aussi… On a parlé du coup toutes les deux … Elle te connaît…
- Ah oui ?!… Qui c’est ?…
- Une cliente… Une brune… Dans les quarante-cinq ans… Tu l’as livrée chez elle… Plusieurs fois…
- Ah oui !… Je vois, oui !…
- Je lui ai dit que je te connaissais moi aussi… Qu’on était en fac ensemble… J’ai peut-être eu tort ?… Ca va pas te poser de problèmes ?…
- Oh non !… Je crois pas, non !…
- Elle m’a laissé son téléphone… Elle veut me faire découvrir un magasin un peu dans le genre du tien, mais pour les godasses cette fois… Je l’appellerai…

- J’ai la trouille, Eva, j’ai vraiment la trouille… T’imagines si elle lui raconte pour les cartons ?… De quoi je vais avoir l’air, moi !… Et si Dorothée en parle aux autres filles… Je suis complètement grillé… Je remets plus les pieds en fac…
- Les cartons, c’est une chose… Mais si jamais elle lui dit pour les fessées alors là je voudrais pas être à ta place…

- Je te dérange ?…
- Non… Non… Elle s’est assise au pied du lit…
- Ecoute… Ton père et moi ça va plus… Plus du tout… Tu as dû t’en apercevoir…
- Ca !…
- Il découche presque tous les soirs… Quand on se voit c’est pour s’engueuler… Il veut me quitter… Il en parle de plus en plus…
- Il a quelqu’un d’autre ?…
- Je sais pas… Je crois pas… Je sais pas… Mais dis, tu voudrais pas lui parler, toi ?…
- Lui parler ?… Pour lui dire quoi ?…
- Que je l’aime… Que je tiens à lui… Que je veux pas qu’il me quitte…
- Il le sait pas ?…
- Ben si !… Si !… Mais venant de toi ça aurait plus de poids… Toi, il t’écouterait…
- Il m’enverrait sur les roses, oui… Et me dirait de m’occuper de ce qui me regarde…
- Tu as peut-être raison… Oui, tu as sûrement raison… Je suis folle… Mais je sais plus où me tourner… Je sais plus quoi faire… Je veux pas qu’il me quitte, Gabriel… Je veux pas…

- J’ai passé l’après-midi avec Alice… On y est allées à ce magasin… Quatre paires je me suis pris… Après on a mangé une glace chez Berthier… Et on a parlé… Beaucoup parlé… De toi aussi…
- De moi ?… Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?…
- Que tu l’oubliais… « Ca fait des semaines que je l’ai pas vu… Qu’il me laisse sans nouvelles… Après tout ce que j’ai fait pour lui… » Qu’est-ce qu’elle a fait pour toi si c’est pas indiscret ?…
- Oh, rien de spécial… Elle m’a tiré d’un mauvais pas un jour… Rien d’important…
- En tout cas elle a beaucoup insisté… « Dis-lui qu’il vienne me voir… Et qu’il tarde pas trop… Parce que je pourrais finir par me fâcher à la longue… » On pourrait peut-être manger ensemble un jour tous les trois… Ca te dirait pas ?…
- Si… On verra… On en reparlera…

- Et tu vas faire quoi ?…
- Ben y aller, tiens !… J’ai pas trop le choix…
- Avec Dorothée ?…
- Ah non, non !… Tout seul…
- De toute façon tu pourras pas y couper… Un jour ou l’autre vous vous verrez tous les trois… C’est obligé…

Quelque chose est tombé dans la nuit, s’est fracassé à grand bruit… Le silence… Je suis descendu… Il y avait de la lumière dans le séjour… La vitrine, dans laquelle mon père entreposait amoureusement ses miniatures en porcelaine était par terre… Clotilde aussi… A même la moquette…
- A la tienne !…
Et elle a avalé, au goulot, une longue rasade de whisky…
- Ah, ben t’es propre !…
- Vaut mieux ça que les cachets… Je me détruis… Vas-y !… Dis-le que je me détruis… Vas-y !… Fais-moi de la morale de petit bourgeois à la con… Comme ton imbécile de père… Vous valez pas mieux l’un que l’autre… Dans le même sac… Allez, hop !… Et Dieu triera les siens… Je suis saoule… Si, c’est vrai, je suis saoule… Ca t’emmerde, hein?… Tu te demandes comment tu vas pouvoir gérer ça… Faut toujours que vous gériez tout... Eh ben moi, on me gère pas… Et celui qui m’empêchera de boire il est pas encore né… De la dernière pluie… C’est rigolo, ça !… De la dernière pluie… Tu trouves pas ?… Evidemment… Vous êtes des pisse-froid… Non, mais comment j’ai fait pour vous supporter aussi longtemps ?… Je m’admire… Tu m’admires pas ?… Non ?… Tant Pis… T’as vu ce bordel que j’ai mis ?… J’ai tout bousillé… Toutes ces petites cochonneries qu’il entasse depuis des années… En mille morceaux…
Elle a éclaté d’un interminable rire…
- En tout cas heureusement que… Excuse-moi… C’est nerveux… Oh la la… J’en peux plus, moi… J’en pleure… Heureusement que la miniature que t’as entre les jambes on l’avait pas mise là-dedans… Elle serait en miettes… J’imagine… Non, mais j’imagine le tableau…
Elle a encore bu, laissé retomber la bouteille par terre à côté d’elle…
- Tu sais quoi ?… Eh bien j’ai envie de me branler… Il supporte pas ça ton père… Il m’a vue une fois… Il te m’a fait une de ces scènes !… Ca m’a pas empêchée de recommencer… Tous les jours… Derrière son dos… Il me faut ma dose… Tu lui diras si tu veux… J’en ai rien à foutre… J’en ai plus rien à foutre de rien maintenant n’importe comment…

- Elle l’a fait ?…
- Elle l’a fait… T’aurais vu ça !… Complètement déchaînée elle était… Elle se tortillait par terre, elle mugissait, elle beuglait… Une vraie furie…
- Et quand elle a eu dessaoulé le lendemain elle devait pas être très fière ?…
- Je l’ai pas revue… Ca fait trois jours qu’elle a disparu personne sait où…

- Elle t’attend mardi soir…
- Qui ça ?…
- Ben Alice, tiens !… Qui tu veux ?… Elle avait pas l’air trop contente… « S’il veut pas venir me voir qu’il le dise carrément !… Seulement qu’il fasse bien attention !… Je pourrais me montrer beaucoup moins gentille… Et j’ai des arguments, il le sait »… Qu’est-ce qu’elle entend par là ?…
- Oh, rien !… Une vieille histoire entre nous…
- Tu veux pas aller la voir ?…
- Si !… J’irai… Si !…
- Elle est super géniale cette femme en plus !…

- Elle reviendra plus Clotilde alors !…
Elle était passée prendre ses affaires et avait laissé un mot vengeur, en gros caractères bleus, bien en évidence sur la table de la cuisine… Papa a soupiré…
- Elle reviendra pas, non !… Il y a pas de risque… Après l’explication qu’on a eue tous les deux… Ni elle ni une autre d’ailleurs… Parce que j’en ai plein le dos, moi, mais vraiment plein le dos des femmes… Il y en a pas une pour racheter l’autre…

- Ah, te voilà enfin !… Ben c’est pas trop tôt… Non, mais qu’est-ce que c’est que ces façons de se faire prier ?!… Pour qui tu te prends ?… Oh, mais tu vas me payer ça, mon garçon… Et au prix fort… Déshabille-toi !… Tout… T’as l’habitude maintenant…

J’avais l’habitude, oui !… J’ai obéi sans rechigner… Et je suis resté là, bras ballants…
- Allez !… En position !…
Sur le canapé du salon… Une longue fessée… Beaucoup plus longue que lui la fois précédente… Interminable…
- Là !… Tu peux te relever… File au coin là-bas !… Les mains sur la tête !… Allez !… Derrière moi je l’ai entendue aller et venir, se servir à boire, déplacer quelque chose… Elle a quitté la pièce, est revenue une vingtaine de minutes plus tard, a ouvert un tiroir, un autre, s’est approchée…
- Tu vas avoir droit à une petite leçon supplémentaire… Parce que tu as fait preuve de beaucoup de mauvaise volonté… Je n’ai rien dit… Ni à Armand ni à qui que ce soit… J’étais quand même en droit d’espérer un peu plus de reconnaissance… Alors j’ai décidé, pour te punir, d’offrir le spectacle de ton petit croupion rougi à quelqu’un qui saura apprécier le mal que je me suis donné pour le mettre dans cet état…
- Oh non !…
- Eh si !… C’est comme ça… Et ce n’est pas négociable…
- C’est qui ?… Je le connais ?…
- Elle… C’est une femme…
- Je la connais ?…
- Peut-être… Peut-être pas…
- C’est pas ?…
- A qui tu penses ?… Eh bien dis-le…
- C’est pas Dorothée ?…
- Va savoir… Tu aimerais que ce soit elle ?…
- Oh non !… Non !… S’il vous plaît, pas Dorothée…
- Ben pourquoi ?… Elle en crève peut-être d’envie qu’est-ce que t’en sais ?… Tu peux bien lui offrir ce petit plaisir, non ?… Non ?… Ce que tu peux être égoïste !… De ça aussi il va falloir te guérir… Mais on s’y emploiera… En attendant Dorothée ou pas tu verras bien… Et tu prendras les choses comme elles sont…

On a sonné… Elle est allée ouvrir… On a parlé… Il y a eu des pas… Qui se sont approchés… On est entré…
- Qu’est-ce que c’est que ça ?…
- Ca ?… Ca, c’est ce grand garçon, tu sais, dont j’ai pris l’éducation en mains…
- Ah oui !… Il a pas été très sage, on dirait…
- Il m’en fait voir !… Mais il m’en fait voir !… Ah, je suis pas au bout de mes peines… Mais c’est pour son bien… Il me remerciera plus tard…
- Tu as pas fait semblant en tout cas… Il a le derrière dans un état !…
- Il y a que ça qu’il comprend… Si seulement il consentait à se montrer enfin raisonnable !…

Elles ont bu du thé… Elles ont bavardé… Elles ont plaisanté…
- Là… C’est bon !… Tu peux venir avec nous !…
Je me suis retourné… C’était une femme d’une cinquantaine d’années qui m’a fixé droit dans les yeux, un sourire moqueur juché au coin des lèvres… Qui m’a tranquillement détaillé, de la tête aux pieds, tout le temps que j’ai mis pour arriver jusqu’à elles…
- Eh bien, dis bonjour à Amélie, qu’est-ce que t’attends ?… Et fais-lui la bise !… Ce que tu peux être empoté quand tu t’y mets !…

- Comment j’aurais aimé être là !… Un sacré bon moment elles ont dû passer toutes les deux… Toi aussi d’ailleurs !… Me dis pas le contraire… Rien qu’à la façon dont tu racontes…




4- La piscine


Véronique et Florence passaient leurs vacances au Canada… Cette fois j’étais bel et bien seul chez grand mère… Avec Eva qui m’y a aussitôt rejoint…
- De toute façon on va pas le rester longtemps seuls… Norbert doit passer… Et puis je te ferai faire la connaissance de Jessica… Tu verras… Vous avez des tas de points communs tous les deux… Mais en attendant je vais te faire voir quelque chose…

C’était tout au bout d’un chemin de terre en pleine campagne… Une grande villa, à l’écart de tout, au milieu des arbres… Elle a mis un doigt sur ses lèvres…
- Chut !… Fais pas de bruit !…
On a fait le tour par un sentier derrière, on s’est glissés sous un grillage, introduits dans ce qui avait l’air d’être une vieille grange à l’abandon… On a escaladé une échelle de meunier… De là-haut, par une ouverture dans le mur, on avait une vue imprenable sur une luxueuse piscine…
- Et voilà… Il y a plus qu’à attendre… Il est dix heures… Ca va pas tarder à se lever…

La première s’est étirée dans le soleil… Elle avait une cinquantaine d’années… Elle était nue… Elle a vérifié la température de l’eau du bout du pied, s’y est laissé glisser, à longues brassées voluptueuses… Une autre est apparue, presque aussitôt, nue aussi, en compagnie d’un homme aux cheveux grisonnants… Ils se sont allongés, côte à côte, sur des chaises longues… Et puis, beaucoup plus tard, deux filles, d’une vingtaine d’années, qui se sont poursuivies dans l’eau en grandes éclaboussures…
- La prochaine fois, a murmuré Eva, la prochaine fois on apportera des jumelles…

- Elle va passer Jessica tout à l’heure… Mais avant faut que je te dise… Je lui ai tout raconté…
- Tout raconté quoi ?…
- Les cartons… Alice… Les fessées… Tout…
- Hein ?!… Mais pourquoi t’as fait ça ?…
- Parce que Jessica elle en prend, elle aussi, des fessées… Comme ça vous pourrez en parler tous les deux… Elle adore ça en parler… Et montrer quand elle vient d’en prendre une…

Elles en ont parlé presque tout de suite…
- Alors ?!… Hier soir ?…
- Ben alors… oui… Le grand jeu… Ca a chauffé… Et pas qu’un peu… Ca chauffe encore…
- Tu fais voir ?…
Elle ne s’est pas fait prier… Elle s’est levée, elle nous a tourné le dos et elle a tranquillement baissé son pantalon… C’était écarlate… Sur toute la surface…
- Oh, la vache !…
Eva s’est approchée, en a dessiné les contours du bout du doigt…
- Ben dis donc !… Ca a pas fait semblant…
Elle s’est tournée vers moi…
- C’est pareil quand c’est toi ?… Aussi rouge ?… Plus ?… Moins ?… Faudra bien que je finisse par t’en donner une un jour… Que je voie ce que ça te fait à toi… Ou alors que quelqu’un te la donne devant moi… Oui… Que quelqu’un te la donne plutôt… Ce serait encore mieux…

J’ai voulu savoir… C’était qui qui la lui mettait la fessée à Jessica ?…
- C’est Martha…
- Et c’est qui Martha ?…
- Martha, c’est Martha… Qu’est-ce que je peux te dire de plus ?… Elle a cinquante ans… Avant elle était prof de danse… C’est comme ça que je l’ai connue… On a gardé le contact… Et puis voilà…
- C’est quand qu’elle te la donne ?…
- Quand je fais des trucs qu’elle veut pas… Mais moi, je les fais exprès… Pour qu’elle me punisse justement…

Elle est restée dormir…
- Ce sont pas les chambres qui manquent !…
Le lendemain elle était levée la première et on a déjeuné tous les deux sur la petite table, dehors, dans le soleil…
- Tu sais, elle aimerait drôlement t’en voir prendre une, Eva… Elle m’en parle souvent… Et toi !… Pas quelqu’un d’autre… Toi !… « Il est vraiment fait pour ça… C’est le type que tu te dis que ça lui va comme un gant… Ah, elle a bien su le percer à jour cette Alice là-haut… »… Je te connais pas beaucoup, juste par ce qu’elle m’a dit de toi, mais elle a pas tort, je trouve… Tu voudrais pas ?… Ca te ferait pas plaisir de lui faire plaisir à Eva ?… T’en as déjà eu n’importe comment… Alors une de plus une de moins… T’as pas aimé ça en recevoir ?…
- Non… Si… D’une certaine façon oui… Et d’une certaine façon, non…
- Exactement comme moi… Je supporte pas ça la fessée – ça fait trop mal – mais en même temps comment j’adore !… J’adore parce que j’aime pas… C’est compliqué, hein ?… Et puis ce qu’il y a aussi… c’est Martha… Quand je vois dans quel état ça la met de la donner je suis trop contente que ce soit à cause de moi… Tu peux pas savoir ce que ça me fait…

- On sort… Entre filles… On a à faire…
- Vous allez où ?…
- Si on te le demande tu diras que t’en sais rien…
Elles ne sont rentrées qu’à la nuit tombée sans rien vouloir dire, ni l’une ni l’autre, de ce qu’elles avaient fait de leur après-midi…

- Dis, Jessica…
- Oui ?…
Elle revenait de la buanderie, prête à aller se coucher…
- Ca se passerait comment ?…
- Comment ça se passera ?… Oh, t’inquiète !… Je m’occupe de tout… Je vais voir avec Martha… Elle sera drôlement contente, tu sais !… Jamais encore elle l’a fait à un type… Et Eva !… Oh, alors là, Eva !… Je cours lui dire…

- Tu viens ?…
- Où ça ?…
- A la villa avec la piscine… En tout cas nous on y va… Et cette fois on prend les jumelles… Oui, oui, je venais… Bien sûr que je venais…

Il y avait les deux filles… Le type… L’une des deux femmes… Pas l’autre… Tout le monde tout nu… Je sautais de l’une à l’autre… Insatiable… La gorge sèche… Bon, mais fallait pas exagérer… Elles voulaient voir, elles aussi… J’ai tendu les jumelles à gauche… Personne… A droite… Non plus… Elles étaient passées où ?… Tant pis… Tant pis pour elles… Elles savaient pas ce qu’elles perdaient… Et je me suis voluptueusement absorbé dans ma contemplation…

Un pas dans l’escalier . Sans me retourner j’ai demandé…
- Ben alors !… Qu’est-ce que vous faisiez ?…
Une main s’est posée sur mon épaule…
- Non, mais faut pas se gêner !… Tu veux que je t’aide ?…
C’était… l’autre femme… Qui s’est résolument emparée des jumelles… Qui les a dirigées sur la piscine…
- On voit bien d’ici, dis donc !… On voit drôlement bien !…
J’ai voulu m’éclipser discrètement…
- Allons !… Allons !… On reste là… Bien sagement…
Elle s’est tournée vers moi…
- Alors comme ça tu passes tes journées à nous observer !…
- Hein ?!… Ah, mais non !… Pas du tout !… Non !… C’était juste aujourd’hui… Par hasard…
- C’est ça !… T’as vu de la lumière et t’es rentré… Tu me prends vraiment pour une imbécile, hein !… Bon, mais allez, assez joué… Tu te déculottes !…
- Hein ?!… Que je me…
- Tu as très bien compris…
La tête d’Eva est apparue en haut de l’escalier… Puis celle de Jessica… Ah oui… J’avais compris, oui… Me déculotter… Oui… Voilà… Oui…

Elle m’a rendu les jumelles…
- Tiens !… Continue !…
Je l’ai regardée, ahuri…
- Eh bien continue puisque je te le dis !…
J’ai repris ma place… J’ai cherché… J’ai mis au point…
- T’as choisi laquelle ?…
- La brune…
- Célia… Oui… Evidemment… C’est la seule qui soit tournée vers nous… Elle te plaît ?…
- Oh oui !…
- Et moi ?… Je te plais ?… Tu m’as regardée souvent les autres jours ?…
- Oh non !… Non…
- Menteur !…
Et elle a claqué… Une grande claque… A pleine main… A pleines fesses…
- Tu m’as regardée ?…
- Un peu…
Une autre grande claque…
- Tu m’as regardée souvent ?…
- Oui…
- Ah, je préfère… Mais tu sais que c’est pas bien du tout ce que tu fais ?… Hein ?… Tu le sais ?…
- Oui…
- Eh bien pourquoi tu le fais alors ?… Je vais te le dire pourquoi… Parce que tu es un sale petit vicieux… Et les petits vicieux dans ton genre je vais te montrer, moi, comment on les traite…
Et elle a tapé… A toute volée… A grands coups qui m’ont jeté contre le mur, fait piquer du nez contre les pierres… Qui m’ont arraché des cris… Quand elle a arrêté, que je me suis retourné, Eva et Jessica étaient là… Tout près… Les yeux brillants…

- Bon… Mais maintenant, toi, à ton tour !…
Le sourire de Jessica s’est figé sur ses lèvres…
- Hein ?… Mais pourquoi ?…
- Et tu demandes pourquoi !… On t’a jamais dit que c’est pas beau de rapporter ?… De dénoncer ses petits camarades ?…
Elle a baissé la tête… Du bout de l’index elle l’a obligée à la relever…
- Alors tu sais ce qui te reste à faire… Eh bien… J’attends…
- S’il vous plaît, Martha, punissez-moi !… Je l’ai mérité…
Et elle a descendu sa culotte… Elle s’est agenouillée, elle a relevé sa robe et elle a tendu son derrière…

- Faut que je fasse un vœu, moi !… C’est la première fois que j’en vois une de fessée…
- Deux !… T’en as eu deux pour le prix d’une…
- Deux, oui !…
- Laquelle t’as préférée ?… La mienne ou celle de Gabriel ?…
- Oh, la sienne !… Parce que toi tu gigotes plus, c’est vrai, tu brailles comme si on t’écorchait, mais lui ça faisait trop longtemps que j’avais envie de voir… Depuis le temps qu’il me raconte…
- Moi aussi je te raconte… Et depuis plus longtemps que lui…
- Oui, mais c’est pas pareil… Non, c’est pas pareil…

- Oui… Je me lève toujours tôt… Surtout l’été… C’est l’habitude…
- Mais t’es pas obligée de m’attendre pour déjeuner, hein !…
- Oh, si !… Si !… C’est plus sympa… On peut discuter…
- Mais alors tu les connais tous les gens de la piscine là-bas ?…
- Ah ben oui… Oui… Martha bien sûr… Le type, c’est son frère… L’autre femme c’est sa belle-sœur…
- Et les deux filles ?…
- Ce sont des anciennes du cours de danse… Comme moi…
- Elles en reçoivent aussi des fessées ?…
- Evidemment !… Elles seraient pas là sinon…

- Dites-moi un truc, là, tous les deux… Elles sont dans quel état vos fesses ce matin ?… Ca a dû virer depuis hier, non ?…
Ben oui, ça avait viré, oui, forcément…
- Eh ben faites voir, quoi !… On a fait voir…
- Ah oui dites donc !… Oui… Des vraies cartes de géographie…
Son doigt m’a effleuré, léger, parcouru…
- Ca fait mal ?…
- Non… Pas trop… Ca chauffe un peu… Et c’est sensible quand je m’assieds…
Elle est passée à Jessica…
- Toi, évidemment avec la peau que tu as !… Tu dois le sentir passer, non ?…
- Oui… Mais c’est le moment que je préfère comme ça après quand t’emmènes ta fessée partout avec toi…

- Ca gueule à la villa… Et pas qu’un peu !…
- Qui ça ?…
- Les filles… De pas avoir été là l’autre jour… « C’est dégueulasse… C’est nous qu’il matait… On avait quand même le droit de voir quand il se l’est ramassée, non ?… » Elles ont pas tort, remarque !… Mais comme je leur ai dit : « Ce n’est que partie remise… Il y retournera, c’est obligé… Il pourra pas s’empêcher… Il est bien trop accro… Et ce jour-là… »… Hein que tu vas y retourner !?…
- Je sais pas…
- Comment ça tu sais pas !?… Elles te plaisent pas ?…
- Si, mais…
- Mais quoi ?!… C’est la fessée qui te fait peur ?…
- Oh non !… Non !…
- Eh ben alors !… Où est le problème ?…

Elles m’ont laissé tout seul là-haut… Et beaucoup de temps… En bas les deux filles se poursuivaient tout autour de la piscine avec de grands rires, se jetaient l’une l’autre à l’eau, aspergeaient délibérément, au passage, la femme allongée sur le transat… Melissa les a rejointes… Elles ont longuement discuté, toutes les trois, en levant, de temps à autre, ostensiblement la tête vers moi…

Il y a eu le pas dans l’escalier…
- Allez, viens, mon garçon !…
Je l’ai suivie… Du plus loin qu’elle nous ont vus arriver les filles se sont jetées sur leurs vêtements avec des piaillements effarouchés… Elle m’a saisi par l’oreille, amené jusque devant elles… Eva a surgi de nulle part…
- Bon… Tu vas commencer par expliquer à ces jeunes filles ce que tu faisais là-haut…
- Je regardais…
- Tu regardais quoi ?…
- Elles…
- Oui… Et ce n’est pas la première fois… Je t’ai déjà donné une leçon, mais apparemment elle n’a pas suffi… Alors… Eh bien on va recommencer… Déshabille-toi !…
Elles m’ont regardé faire, avec des gloussements, en riant sous cape…
- Et c’est vous, les filles, qui allez opérer puisque c’est après vous qu’il en avait… Qui veut commencer ?…
- Moi !… Moi !…
Et ça a été Celia…