dimanche 25 octobre 2009

Mémoires d'une toute petite queue ( 3 )

Les années Mathilde



1- L A L I M A N D E


A force de trop tirer sur la corde Armand avait fini par la casser… Son petit commerce parallèle avait pris, au fil du temps, une telle ampleur qu’il avait éveillé les soupçons… On avait fait procéder à une vérification comptable approfondie et il avait été licencié sur le champ… Je n’avais pas accès à la caisse… On ne pouvait donc me suspecter de quoi que ce soit… Le directeur, qui m’avait reçu, avait même vanté les exceptionnelles qualités dont j’avais fait preuve dans l’exécution des tâches qui m’étaient confiées…
- Et vous êtes capable de prendre des initiatives… C’est rare aujourd’hui… Et précieux… Vous avez fait des études de Lettres… Vous vous destinez à l’enseignement ?…
- Oh non… Pas spécialement, non…
- Ecoutez… Je gère une grande surface pas très loin d’ici… Le secteur librairie a pris beaucoup d’extension… Il faudrait un bras droit à mon chef de rayon… Quelqu’un de sérieux, de compétent… En qui il puisse avoir toute confiance… Je ne vous demande pas une réponse immédiate… Réfléchissez à ma proposition…

C’était tout réfléchi et, le lundi suivant, je prenais possession de mon nouveau poste de travail… Avec Gilbert, le chef de rayon, je me suis aussitôt remarquablement entendu… On partageait une même passion pour les mêmes écrivains et, dans de nombreux domaines, on avait des conceptions analogues… Quant aux trois collègues – trois femmes – que j’allais être amené à côtoyer tous les jours elles m’avaient accueilli à bras ouverts et le courant était tout de suite très bien passé…

- Evidemment !… Les nanas avec un mec elles font toujours ce qu’il faut… Des fois que… On sait jamais… Une grande surface t’en as pas que trois des filles en plus !… T’as tout un réservoir… Le problème, c’est que là tu vas pas pouvoir mater… Ca s’y prête pas… Encore que toi, tel que je te connais, t’es bien fichu d’aller inventer un truc invraisemblable pour y arriver quand même !…

Irina était en veine de confidences… Entre deux clients elle m’entretenait de ses problèmes conjugaux…
- Je le comprends plus… Mais qu’est-ce qu’il veut à la fin !… Il dit qu’il m’aime… Il veut pas me quitter… Mais en même temps on dirait qu’il fait tout pour nous rendre la vie impossible… Pour que je me détache de lui… Aide-moi, Gabriel !… Aide-moi à m’y retrouver… Toi qu’es un homme…
Eva s’est esclaffée…
- Oui, ben alors là elle a tiré le bon numéro !…


Ce soir-là je m’étais un peu attardé à discuter avec Gilbert après la fermeture… Je regagnais ma voiture garée sur le petit parking derrière… Il en restait une autre à l’autre bout là-bas… Une fille était prostrée dessus… Je me suis approché…
- Ca va pas ?…
- Si !…
Entre deux sanglots…
- Ca a pas l’air !…
- Ce sont des cons !… Ce sont tous des cons !… J’en ai marre, mais marre !…
Elle a relevé la tête… C’était l’une des caissières de la jardinerie…
- C’est au boulot que t’as des problèmes ?…
- Oui… Non… C’est rien… Je m’en fous de toute façon… Oh, et puis fiche-moi la paix, toi aussi !… Je t’ai rien demandé… Occupe-toi de tes fesses…
Elle s’est engouffrée dans sa voiture et elle a démarré en trombe…

Le lendemain soir, elle m’attendait sur le parking…
- Excuse-moi pour hier… J’étais complètement à cran… A force d’encaisser il y a des moments où ça déborde…
- A force d’encaisser quoi ?…
- Oh, rien !…
- Ca te soulagerait peut-être de vider ton sac…
- T’es gentil, mais…
Un type – un manutentionnaire de la jardinerie – s’est approché…
- Excusez-moi !… Dis, la limande, tu les chercheras pas les géraniums… Je les ai mis dans l’autre réserve… C’est beaucoup plus frais… Allez, salut… A demain…
- Et voilà !… T’as la réponse… C’est comme ça toute la journée… La limande… La planche à pain… Les œufs sur le plat… J’ai droit à tout… Et encore celui-là il est gentil… Il y en a d’autres ça l’est beaucoup moins… Je le sais que j’ai pas de seins… C’est pas la peine de me le rabâcher sans arrêt… C’est déjà assez dur comme ça…
Et elle a fondu en larmes…
- Excuse-moi !…
Elle a ouvert sa portière…
- A propos je m’appelle Mathide… Personne m’appelle jamais par mon prénom… Personne… Jamais… Je suis sûre qu’ils le connaissent même pas…

- Ah ben tu vois !… Tu vas avoir trouvé chaussure à ton pied finalement… Elle a pas de seins… T’as pas de queue… Vous êtes faits pour vous entendre…

Irina a refermé sa caisse…
- Ca te dirait pas de venir dîner à la maison un soir ?… Tu ferais la connaissance de mon mari… Tu me dirais comment tu le trouves… Ce que t’en penses…

- Gabriel, c’est pour toi…
- Allo !?… Oui ?!…
- Gabriel ?… C’est Mathilde… Tu vas ?…
- Et toi ?… Tu travailles pas aujourd’hui ?…
- J’ai craqué… Je suis en arrêt… Et justement !… C’est pour ça que je t’appelle… Tu pourrais pas me faire passer un bouquin ?… Je m’emmerde quelque chose de rare…
- Bien sûr que non !… Tu veux quoi ?…
- Un truc facile à lire… Choisis, toi !… T’as l’habitude… Ca t’ennuiera de me l’apporter ?… Ca te fait pas un grand détour…

- Oh, mais c’est sympa comme tout chez toi !…
- Tu trouves ?…
- Ah oui !… Oui !… Mais toi par contre t’as une de ces mines !…
- J’ai neuf de tension… Ca fait des nuits que je dors pas…
- Tu prends tout ça beaucoup trop à cœur… T’occupe pas d’eux !…
- C’est facile à dire !… On voit que c’est pas toi qui les supportes toute une journée… Et puis tu crois que c’est marrant, toi, de te retrouver toute seule chez toi, après, le soir, à te dire que toute ta vie elle sera comme ça… Que t’auras jamais un mec, en plus, fichue comme tu es… Ils veulent qu’on en ait les hommes de la poitrine… C’est hyper important pour eux… Et moi j’ai rien… Mais ce qui s’appelle rien…
- Il y en a bien quand même pour qui c’est pas aussi essentiel que ça !…
- T’as qu’à y croire !… Il y en a qui le disent, oui, mais tu finis toujours par t’apercevoir que c’est pas vrai… Qu’ils te mentent… Ou qu’ils se mentent… Non… Je resterai toute seule… Et j’en crève… Tu peux pas savoir quel enfer c’est ma vie il y a des jours…
- Oh, si !…
- Non !… Personne peut savoir… Personne… Hein ?… Mais qu’est-ce que tu fais?… T’es pas bien ?…
- Et avec ça je peux pas te comprendre peut-être ?… Tu crois vraiment que je peux pas te comprendre avec ça ?…
Elle a écarquillé les yeux…
- C’est pas vrai !… Non, mais c’est pas vrai !…
- Ben si !… La preuve !…
- Attends !… Attends !…
Elle a retiré son chandail… Rien… Rien… C’était plat comme la main… Pas même une toute petite boursouflure… On s’est regardés et on est partis, tous les deux, d’un immense éclat de rire… Qui a interminablement duré…
- J’en pleure, moi, tiens !…
Elle s’est essuyé les yeux…
- Ah, ça fait du bien… Comment ça fait du bien… Il y a longtemps que j’avais pas rigolé comme ça…

Elle a voulu que je reste…
- Me laisse pas toute seule !… Pas ce soir… J’ai pas envie d’être toute seule ce soir… On a dîné ensemble…
- T’en as jamais eu des femmes alors du coup !…
- Ben non !… Non… Jamais… Jamais vraiment… Comment tu veux ?… Et toi, des hommes ?…
Elle a haussé les épaules…
- Deux… Deux en tout… Un qu’arrêtait pas de s’apitoyer sur mon sort et un autre qui disait qu’il s’en foutait, que ça lui était égal, mais qui passait son temps à rigoler de moi avec les copains… Alors bon… Je m’en suis tenue là… Je m’en tiendrai là…

- Ben et alors après ?… Raconte !… Vous avez dormi ensemble ?… Que dormi ?… Non, mais t’es vraiment con, hein !… On fait pas plus con… T’as pas des mains ?… T’as pas une bouche ?… T’as pas une langue ?… Elle a pas une foune ?… T’as pas compris qu’elle attendait que ça ?… Depuis le temps que personne l’a touchée… Même que t’aies pas tout ce qu’il faut ça t’empêchait pas de lui faire quand même du bien, non ?…

- J’en étais sûre… J’étais sûre que tu t’entendrais avec mon mari… Je le sentais… Comment vous avez parlé tous les deux !… Plus moyen de vous arrêter… Il t’a trouvé très sympathique… Et toi ?…
- Oh oui !… Oui !… Moi aussi !… J’ai passé une excellente soirée…
- Tu reviendras alors ?…
- Bien sûr… Quand tu voudras…
- Et… tu crois qu’on a des chances de rester ensemble, lui et moi ?…
- Vu de l’extérieur comme ça tout paraît aller comme sur des roulettes…
- Vu de l’extérieur, oui… Mais… Tu sais pas ce qu’on fera la prochaine fois ?… Je prétexterai que je suis crevée… J’irai me coucher… Je vous laisserai tous les deux… Tu finiras bien par savoir ce qu’il a vraiment dans la tête… Pourquoi il se détache de moi comme ça…

- Tu t’embarques dans un drôle de truc là… Ca te retomberait sur le coin de la figure… Parce que les histoires de couple dès que tu t’en mêles…

- Les femmes ?… Pires… Pires que les mecs… Bien pires… Elles ont une de ces façons de te les balancer sous le nez certaines !… De se déshabiller devant toi dès qu’elles en ont l’occasion… Exprès… Pour t’humilier… Et les réflexions !… Toujours avec cet insupportable petit air de pas y toucher… Dans le rôle de la bonne copine qui s’intéresse à toi, qui compatit et qui jubile tant qu’elle peut au fond d’elle-même… Si elles croient que je le sais pas !… Si elles croient que je le vois pas !… Non, je les déteste !… Toutes…. Je les déteste elles et leurs nibards… Tu sais pas ce qu’elles m’ont fait pour mes dix-huit ans ?… Elles s’y sont mises à une dizaine et elles m’ont offert un cadeau… Qu’elles m’ont regardée déballer, toutes en cercle autour de moi… Et tu sais ce qu’il y avait dans le paquet ?… Un sous-tif… Un 105D… Je les ai encore là leurs rires… Là… Ils partiront jamais… Tiens, attends, tu vas voir !…

Elle est revenue de sa chambre avec un grand album photos qu’elle a ouvert sur ses genoux… A la première page c’était une photo de classe…
- Tiens, regarde !… Elles sont toutes là… Toutes… Il y avait celle-là !… Et celle-là !… Et celle-là !…
A hauteur de la poitrine elles avaient toutes été transpercées d’une multitude de petits trous d’épingles… Elle a tourné les pages… D’autres filles… D’autres femmes… D’autres seins… Parfois nus… Toujours rageusement piquetés sur toute leur surface… Elle a refermé l’album et elle a éclaté en sanglots…

Je l’ai attirée contre moi…
- Tu me prends pour une folle, hein !?…
- Mais non !… Pas du tout…
- Tu le fais aussi, toi, avec les queues des mecs ?…
- Pas vraiment comme ça, non !… Mais ça revient un peu au même…
- Comment t’as dû en baver !… Peut-être pire que moi, même, si ça tombe…
On s’est pressés l’un contre l’autre… Nos lèvres se sont trouvées… Je l’ai tout doucement caressée… Le visage… Le cou… Les bras… Les cuisses… Entre les cuisses…

Elle m’a embrassé, s’est posée au creux de mon épaule…
- Il y avait longtemps… Comment il y avait longtemps… Même que ce soit qu’avec la bouche qu’est-ce que c’est bon !… Mais tu sais – en chuchotement à l’oreille – ça les empêche pas d’être drôlement sensibles les bouts… Peut-être d’autant plus justement… Et… Et j’ai jamais laissé personne les toucher… Jamais… Je voulais pas… Mais toi, tu pourras…

- Bon, ben moi je vous laisse bavarder entre hommes… Je tiens plus debout… Je vais me coucher…
- Elle t’a drôlement à la bonne, tu sais !… Et Gabriel par ci… Et Gabriel par là…
- On travaille toute la journée ensemble… Alors forcément…
- Oh, mais je te reproche rien, hein !… Rien du tout… Au contraire… Je suis ravi qu’elle ait des atomes crochus avec toi… C’est si rare entre collègues… En général ça se tire plutôt dans les pattes… J’en sais quelque chose… Non… Et puis elle traverse une période difficile en ce moment… Elle voit tout en noir… Rien ne va jamais… Tu peux bien te mettre en quatre… Tu lui décrocherais la lune que ça lui suffirait pas… Et je fatigue, moi, à force… Je fatigue… Je finis par baisser les bras… Et puis de toute façon dès que ça vient de moi… Alors peut-être que toi – toi, elle t’écoute – peut-être que toi tu arriveras à lui refaire prendre pied dans le réel… Sinon… ben sinon je sais vraiment pas où on va…

- Tu paries qu’elle écoutait derrière la porte ?… Je te le dis : fais gaffe !… Fais bien gaffe !… A l’arrivée c’est sûr que c’est toi qui vas trinquer… Et Mathilde ?… Tu m’en parles plus du tout de celle-là !…

Je n’en avais pas envie… Mathilde je préférais la garder pour moi… On se retrouvait tous les soirs… On profitait des longues soirées de Juin pour se promener, des heures durant, main dans la main, le long des quais… Puis, on rentrait chez elle…
- Finalement t’habites ici en réalité… Ce serait aussi simple que tu t’y installes carrément, non ?…

On sortait du restaurant… Un couple étudiait attentivement le menu devant l’entrée… Elle s’est arrêtée à leur hauteur, s’est brusquement retournée et a donné un violent coup de coude dans la poitrine de la femme qui a grimacé de douleur et laissé échapper un cri…
- Oh, pardon !… Excusez-moi !… Je vous avais pas vue…
- Tu l’as fait exprès ?…
- Evidemment que je l’ai fait exprès… T’as vu ces mamelles qu’elle avait… Et comment elle te mettait ça en avant… Souvent je leur fais à celles-là… Elles le cherchent, non ?…

Dans la chambre, au retour, elle est venue se blottir contre moi…
- Tu sais comment je faisais avant quand j’étais toute seule ?… Je me servais de trucs… Ca te choque ?… Non ?… Ben oui, c’est idéal, attends !… C’est bien épais juste comme il faut… Et au moins t’es sûre que ça va rester dur tout le temps que t’as besoin… L’inconvénient, c’est que t’as pas le mec qui va avec… Tu peux pas sentir sa peau, te serrer contre lui, te voir dans ses yeux… Elle m’a parcouru le torse de petits baisers…
- Mais avec toi je pourrais avoir les deux si tu voulais… Tu voudrais pas ?…
- Bien sûr que si !… Mais comment ?…
- Avec ça !…
Et elle a sorti de sous le lit un imposant gode-ceinture…
- Je l’ai acheté exprès pour nous en plus !… Ca te vexe pas ?… Tu peux pas autrement n’importe comment… Attends !… Attends !… Je vais te le mettre…

Nouée à moi, elle a eu un plaisir comme jamais…
- Et toi aussi !… Ben oui !… Forcément !… Parce que ça te frottait dessus en même temps…






2- Aux prises


- C’est Eva… Tu sais bien… Je t’ai parlé d’elle…
- Ah oui, oui !…
- A moi aussi il m’a beaucoup parlé de toi…
- Vous allez voir… Vous allez très bien vous entendre toutes les deux…
- Il y a pas de raison qu’on s’entende pas… Mais dis… Je voudrais te demander un truc… Elle arrive demain Jessica… On pourra pas venir ici quand même ?… Comme avant ?… Parce que sinon ça va tout nous compliquer là bas…
- Ben évidemment !… Evidemment !… Il y a rien de changé… Et c’est pas la place qui manque…

Comme à son habitude Jessica était levée la première et, comme l’année précédente, on a déjeuné tous les deux, dehors, sur la petite table, au soleil…
- Elle va pas mal le prendre ta copine là-haut ?…
- Oh non, non !… Pourquoi elle le prendrait mal ?…
- Je sais pas… Moi, je serais en vacances avec mon mec et je me réveillerais toute seule dans le lit j’apprécierais pas trop…
- Elle dort… Elle a besoin de récupérer…
- Faut dire qu’après la nuit qu’elle a passée !… Comment ça donnait !… Tu caches bien ton jeu, toi, hein, finalement !…

- Evidemment !… Quand on s’aide avec des trucs c’est facile !… On n’avait pas entendu arriver Eva qui s’approchait, son bol de café à la main…
- Mais… comment tu sais ça, toi ?…
- Ben je vous ai vus, tiens !… J’allais pas louper l’occasion… Il y a une corniche là-haut je te rappelle… Qui, du côté où tu l’as pas bousillée, est en parfait état… En tout cas on peut pas dire… question lolos c’est carrément le néant cette fille…

- Vous venez avec nous ?…
- Où ça ?…
- A la plage…
Mathilde a sèchement refusé…
- Oui, ben pas moi en tout cas !… Mais vas-y, toi, Gabriel, si tu veux…
- Ben non, non… Je reste avec toi…
Elles n’ont pas insisté… On les a regardées s’éloigner, la serviette sur l’épaule…
- Elles vont me détester…
- Mais pas du tout !… Qu’est-ce que tu vas chercher ?!…
- Ben si !… C’est obligé, attends !… Il y a des années que vous passez vos vacances ensemble… Moi, j’arrive là-dedans… Je suis l’intruse… Et en plus je joue les emmerdeuses… Mais la plage je peux pas… C’est au-dessus de mes forces…

- Tu te souviens ?…
On était à table…
- Tu te souviens l’année où on était obligées de te donner à manger comme un bébé ?… Il t’a pas raconté celle-là, Mathilde ?… Monsieur s’était tapé une crise de somnambulisme et il avait dégringolé par la fenêtre… Résultat : les deux abattis cassés… Il pouvait plus s’en servir du tout… Il fallait même qu’on le lave avec ses cousines… Et qu’on l’aide à faire pipi… Mais reconnais quand même !… On était des vrais nounous pour toi… Et on avait du mérite… Parce que qu’est-ce que tu pouvais être grognon…

- S’il te plaît !… Pourquoi tu veux pas?…
- Si !… Mais plus tard !… Une autre fois… Quand on sera rentrés…
- Pourquoi ?… De quoi t’as peur ?… Ca te fera pas mal… C’est un petit… Et avec ça ça va glisser tout seul… Je ferai doucement en plus… J’aimerais trop ça te le faire… Allez, quoi !… Tu vas voir comment c’est trop bon… Je me suis abandonné… En va et vient voluptueux… J’ai enfoui la tête dans l’oreiller…



Jessica a fini de beurrer consciencieusement ses trois tartines…
- Eh ben dis donc !… T’en tires une tronche ce matin !… Il y a quelque chose qui va pas ?…
- Hein ?!… Oh non !… Mais dis-moi !… Elle est venue sur la corniche Eva hier soir ?…
- Eva ?!… Non… Non… Hier soir c’était moi … Chacun son tour, attends !… Et je regrette pas… Ca valait le coup d’œil…
Elle a éclaté de rire…
- Ben fais pas cette tête-là !… T’es trop, toi, quand même dans ton genre… T’es le premier à vouloir mater les autres, mais dès qu’on veut te le faire à toi… On a bien le droit d’en profiter, nous aussi, non ?…

- Et en dessert vous voulez quoi ?… Des glaces ?… Il en reste ?…
- Dis, Eva, tu l’as connu comment, toi, Gabriel ?…
- Comment je l’ai connu ?… La première fois que je l’ai vu c’était à la plage… Il était le seul garçon au milieu de toute une flopée de filles… Son maillot de bain arrêtait pas de descendre… Il était obligé de le tenir à deux mains… Jusqu’au moment où il a voulu faire je sais pas quoi et où il lui est tombé sur les chevilles… On devait avoir dix ans… Quelque chose comme ça… Alors je te dis pas cette partie de rigolade !… Et toi, Jessica ?…
- Chez une prof de danse que je connais… C’est Eva qui l’avait amené… Mais pourquoi tu demandes ça ?…
- Non… Comme ça… Pour rien…

Elles sont parties se baigner et on est montés tous les deux dans la chambre…
- Dis, Gabriel, il y a eu quoi avec ces filles avant ?…
- Mais rien du tout !… Qu’est-ce tu veux qu’il y ait eu ?…
- Je sais pas… Je sens des trucs… Comme si il y avait un secret entre vous…
- Elles t’ont dit quelque chose ?…
- Non… Pourquoi ?… Il y a quelque chose à dire ?…
- Ce sont de bonnes copines, c’est tout…
- En tout cas elles peuvent pas me voir… Ca fait pas l’ombre d’un doute…

- Vous allez où ?…
- Nous laver… On peut encore ?…
- Il y a déjà Mathilde dans la buanderie…
- Et alors ?… Où est le problème ?… Il y a largement de la place pour trois, non ?…
- Oui, mais…
- Mais quoi ?…
- Non, rien…

- Pourquoi tu les as pas empêché de venir ?…
- J’ai essayé, mais elles ont rien voulu savoir…
- De toute façon je savais que ça finirait par arriver… Depuis le temps qu’elles cherchent une occasion de m’humilier…
- Qu’est-ce qui s’est passé ?…
- Oh rien !… Rien !… Sauf que t’aurais vu comment elles m’ont regardée !… Et ce coup d’œil qu’elles ont échangé entre elles…
- Tu te l’es imaginé…
- J’ai rien imaginé du tout… Et comment elles se sont précipitées pour sortir les leurs de nichons… Ce sont de belles petites salopes, oui !… Mais je leur revaudrai ça !… Tu peux être sûr que je leur revaudrai ça…

- Mathilde ?!…
- Oui ?!…
- On peut te dire quelque chose ?… On t’a vue tout à l’heure dans la buanderie…
- Oui… Et alors ?…
- Et alors… On te dit ça, c’est pour toi… Mais t’as pensé à la chirurgie esthétique ?… Ils obtiennent des sacrés résultats maintenant…
- J’y ai pensé, oui, merci… Je vous ai pas attendues… Le seul problème, c’est qu’une anesthésie j’ai neuf chances sur dix de rester sur le billard…
- Il y a sûrement une solution… Tu peux pas laisser ça comme ça…
Elle s’est levée d’un bond…
- Merde !… Vous me faites tous chier !…
Et elle est partie en claquant la porte…

- Ben qu’est-ce qui lui prend ?…
- Tu veux aider les gens et ça te retombe dessus…
- Qu’est-ce qu’on en a à foutre, nous, qu’elle ait pas de nibards… Cette comédie dans la buanderie tout à l’heure avec ça !… T’aurais dit qu’être à poil devant nous il pouvait rien exister de pire…
- Heureusement qu’elle sait pas pour là-haut !… Parce que alors là !…


Dans la chambre elle pleurait…
- Là… Allez… C’est pas grave…
- Si, c’est grave, si !… Parce que tu vas être fâché contre moi en plus maintenant…
- Mais non, je suis pas fâché…
- C’est vrai ?…
- Bien sûr que c’est vrai… Pourquoi je serais fâché ?…
- Parce que… Parce que je peux pas les supporter les deux autres…
Elle s’est pelotonnée contre moi…
- Je suis bien avec toi… Je suis si bien… C’est vrai, tu sais !… Qu’est-ce tu regardes comme ça ?…
- Rien… Pourquoi ?…
- Tu quittes pas la fenêtre des yeux…
- Ah oui ?… Je sais pas…
- Caresse-moi !… Caresse-moi !… J’ai trop envie…

Jessica a posé les deux coudes sur la table du petit déjeuner…
- Elle est jamais levée avant onze heures Mathilde… Si on allait là-bas ?…
- Où ça là-bas ?…
- Ben à la piscine, tiens !… Elle râle drôlement que tu viennes plus Martha…
- Tu sais bien que c’est pas possible…
- Pourquoi pas possible ?…
- Parce que si on va là-bas je vais forcément me prendre une fessée, c’est couru…
- Et alors ?…
- Ben et alors…
- Ah oui… je vois… Il y aura des marques et elle va s’en apercevoir l’autre chieuse… On se demande ce que vous fichez ensemble… Parce que tu lui parles de rien finalement… Tu lui racontes rien… Vous faites rien tous les deux… Parti comme c’est parti ça va pas aller bien loin votre histoire… Et elle nous gâche nos vacances en plus… Nous non plus on fait rien du coup… On profite de rien… A part te regarder l’engoder, de temps en temps, le soir… Tu parles !… Non… Ce qu’on peut se faire chier !… Bon… Tu fais ce que tu veux, mais moi en tout cas je vais là-bas…

- Alors ?…
- Alors… ben alors c’est moi qui l’ai prise… A cause de toi en plus !… Parce que j’ai pas réussi à t’amener… Tu veux voir ?…
- Si Mathilde descend…
- Elle nous gâchera tout celle-là, hein !… Tout… T’as pas envie de voir ?…
- Bien sûr que si !…
- Eh bien alors !… Qu’est-ce tu te poses tant de questions !…
Et elle a baissé son pantalon… Ca avait été presque tout au même endroit… En plein milieu…
- Elle y a pas été de main morte Martha… Je peux te dire que ça chauffe…
Elle m’a laissé tout mon temps pour regarder…
- Là… C’est bon ?…
S’est tournée vers moi en se reculottant…
- Dommage pour toi que tu veuilles pas venir… Parce que demain c’est le tour de Celia… C’est prévu… Et quand c’est Celia…

- Viens voir !… Non, mais viens voir !…
A la fenêtre de la chambre…
- Qu’est-ce qu’il y a ?…
- Regarde !… Non, mais regarde !…
Juste en dessous Eva et Jessica bronzaient, les seins nus…
- T’as vu ?… Elles me cherchent… Tu diras pas qu’elles me cherchent pas !…
- Mais non !… Il fait beau… Et ici personne peut les voir…
- Si !… Moi !… Mais ça va pas se passer comme ça !…
Et elle a dévalé l’escalier…

Elle a surgi presque aussitôt au-dessus d’elles, mains sur les hanches, a dit quelque chose que je n’ai pas pu entendre… J’ai ouvert la fenêtre… Jessica s’était relevée, lui faisait face…
- Répète pour voir !…
- C’est pas parce que t’as pas de nibards que ça te donne tous les droits…
Une gifle est partie, sèche, brutale, aussitôt rendue… Elles se sont jetées l’une sur l’autre comme des furies, ont roulé par terre…
- Tu vas me le payer, salope !… Tu vas me le payer…
C’est Mathilde qui a eu le dessus… Presque tout de suite… Elle s’est assise à califourchon sur son ventre, lui a immobilisé les bras…
- Et maintenant ?!… Et maintenant on fait moins la fière, hein !…
- Ah oui ?!…
Et Jessica lui a craché à la figure…
- Oh alors là !… Alors là !…
Et elle lui a lancé de grandes claques, de toutes ses forces, sur les seins qui ont ballotté dans tous les sens…
- Tiens !… Tiens !… Tiens !…
- Non, mais ça va pas ?… Arrête !… Arrête !…
Elle a continué de plus belle, s’est brusquement interrompue, a penché la tête dessus… Un hurlement…
- Elle m’a mordue… Cette folle m’a mordue…

- Comment je l’ai dérouillée !… Non, mais t’as vu comment je l’ai dérouillée ?!… Tu peux être tranquille qu’elle va pas revenir s’y frotter…
- Tu l’as vraiment mordue ?!…
- A pleines dents… Comme dans une pomme… Même que ça saignait… Elle a dû le sentir drôlement passer… Mais je regrette pas… Ah non alors !… Depuis le temps que ça me démangeait… En tout cas qu’est-ce que ça m’a donné envie !… Tiens, touche !… T’as vu ?… On a basculé sur le lit… Elle a délivré éperdument son désir et on s’est endormis, au cœur de l’après-midi, blottis l’un contre l’autre…

Quand je me suis réveillé il était six heures… Elle n’était plus là, à mes côtés… Seule en bas, dans la cuisine, Eva préparait à dîner…
- Elles sont passées où ?…
- Dans la buanderie… Elles se lavent…
- Toutes les deux ?!…
- Toutes les deux, oui… Oh, mais t’inquiète pas !… Ca se passe bien… J’ai joué les intermédiaires… J’ai passé deux heures à faire le va-et-vient de l’une à l’autre… Elles sont réconciliées… Enfin presque… Elles discutent… Elles se lavent et elles discutent… N’empêche… N’empêche qu’elle savait bien ce qu’elle faisait en s’en prenant à Jessica ta Mathilde, t’as pas besoin de t’en faire… Elle savait bien qu’avec moi elle aurait pas le dessus… Et je peux te dire qu’elle l’aurait pas eu…

Elle marchait de long en large dans la chambre…
- Ce qu’on peut être conne des fois !… Non, mais ce qu’on peut être conne !… Comment je l’avais mal jugée Jessica… Comme quoi une bonne peignée des fois ça permet de s’expliquer vraiment… De dire ce qu’on a sur le cœur… Ah, on a parlé !… Pour parler on a parlé… On en a même sauté le repas, t’as vu ?… Non, tu sais quoi ?… Eh bien je crois qu’on va devenir amies finalement !…

Jessica a fait la moue…
- Non, j’y vais pas ce matin… J’ai pas envie… Non… Et puis avec Martha il y a des trucs qui passent plus…
- Quels trucs ?…
- Oh, des trucs… Disons qu’il y avait quelque chose entre nous…
- Vous sortiez ensemble ?…
- Oui… Voilà…
- Et vous avez rompu ?…
- Pas vraiment, non… Mais c’est plus comme avant… Elle a d’autres filles, mais bon, je l’ai toujours su… Je lui ai jamais reproché… C’est pas ça… Non, mais tu vois, avant on se disait plein de choses… On était très complices… Mais maintenant je sens bien qu’elle me supporte, c’est tout… Parce qu’elle peut pas faire autrement… Qu’elle veut pas me faire de mal… Mais si je lui disais, moi, que j’arrête ça lui ferait ni chaud ni froid… Elle serait soulagée…

Quand Mathilde est descendue on n’avait pas encore fini de déjeuner… Elles se sont embrassées…
- Tu sais, j’y ai repensé cette nuit à tout ce qu’on a dit hier… Il y a deux ou trois trucs j’aimerais bien qu’on revienne dessus… Tu veux pas venir faire un tour ?…
- Bien sûr !… Bien sûr !…
Elles se sont éloignées dans l’allée, ont disparu derrière le portail…

A midi elles n’étaient toujours pas rentrées…
- Oui, ben on mange !… On les attend pas…
Face à face tous les deux, Eva et moi, de chaque côté de l’immense table de chêne…
- A croire que finalement on est faits l’un pour l’autre, toi et moi… Parce que – t’as remarqué ? – des tas de gens croisent notre route… Ils vont, ils viennent, ils disparaissent… Le seul véritable point d’ancrage pour toi, depuis qu’on est tout mômes, c’est moi… Et, d’une certaine façon, ça vaut dans l’autre sens aussi… Alors peut-être qu’on finira notre vie ensemble… Quand t’auras enfin compris que c’est pas la peine de t’obstiner avec les femmes – Mathilde comme les autres – parce que t’es pas vraiment un homme et que tu ne le seras jamais… Et que ça – elles auront beau proclamer haut et fort le contraire – elles ne te le pardonneront jamais… Quand moi j’aurai enfin admis, de mon côté, une bonne fois pour toutes, qu’aucun homme – je parle des vrais – ne m’arrivera jamais à la cheville, qu’aucun n’aura jamais assez de personnalité pour pouvoir rivaliser avec moi… Avec toi au moins je sais à quoi m’attendre ou plutôt à quoi ne pas m’attendre…

On a chargé les bagages dans la voiture… Jessica et Mathilde sont, une dernière fois, tombées dans les bras l’une de l’autre…
- On s’écrit, hein, promis ?…
- Promis… Et on se voit… Dès qu’on peut…





3- Photos


- Et toi, tes vacances ?…
Irina a haussé les épaules, soupiré…
- Dans un sens bien, oui !… Faut pas se plaindre… Un coin tranquille… La mer… Le beau temps… On te fera voir les photos quand tu viendras… Mais à part ça !… A part ça il y a rien de changé avec Loïc… Tu sais, quand, en un mois, alors que t’as tout ton temps, que t’as rien à faire, ton type te fait que deux fois l’amour tu te poses quand même pas mal de questions…

Mathilde se couchait tard… De plus en plus tard… Se coulait silencieusement dans le lit…
- Qu’est-ce tu faisais ?…
- J’écrivais…
- A qui ?…
- A Jessica…
- Encore !…
- J’ai plein de choses à lui dire… Et elle aussi… J’ai jamais eu d’amie, moi !… C’est la première fois… Alors j’ai du temps à rattraper…

Des calanques… Des voiliers… Une plage… Toujours la même…
- Oui… On avait la paix… Il y avait jamais personne…
Une villa aux volets bleus…
- Pas un bruit… Et un prix vraiment très très raisonnable…
La mer… La mer… Encore la mer…
- Un vrai bouillon… Tout le temps… On a eu quoi ?… Deux jours de pluie… A tout casser… Irina étendue sur le sable en maillot… Rouge… Puis noir… Encore rouge… Irina qui nous a laissés…
- Moi, si j’ai pas mon compte de sommeil…
- Comment tu la trouves ?… Physiquement je veux dire…
- Oh bien !… Très très bien…
- Oui, hein ?… Je peux dire que j’ai une sacrée veine… Une femme comme ça c’est pas donné à tout le monde… Tu verrais le nombre de types qui se retournent sur elle dans la rue…

- Ben pourquoi il la tire pas alors si elle est si bien que ça ?… Je comprends pas tout là…

- T’as déjà fait des trucs avec un type, toi ?…
C’était dimanche… On paressait au lit…
- Quels trucs ?…
- Je sais pas, moi !… Le caresser… Le sucer…
- Pourquoi tu demandes ça ?…
- Comme ça… Pour savoir…
- Et toi, avec une femme ?…
- Peut-être que j’aimerais… Tu crois que j’aimerais ?…
- Ca… Il y a que toi qui peux savoir…
- Ca te choquerait ?… Tu m’en voudrais ?…
- Je crois pas, non…
- Tu crois pas ou t’es sûr ?…

- Elle, elle a une idée derrière la tête… Et elle est maligne… Je peux te dire qu’elle est maligne…
- Comment ça ?…
- Tu devines pas ?…
- Non !…
- Eh bien je te laisse chercher alors… Tu le sauras bien assez tôt de toute façon …

- Finalement, tout compte fait, tu passes beaucoup plus de temps avec ma femme que moi !… Et ça doit pas être toujours facile de travailler toute une journée à côté d’elle comme ça !…
- Oh si, si !… Ca nous pose pas le moindre problème…
- Non… Ce que je veux dire… c’est que… bien foutue comme elle est… il doit y avoir des moments… On est entre hommes… Tu me feras pas croire que t’as jamais envie avec elle… Franchement ?…
- Ca arrive, oui…
- Forcément !… Ca peut pas être autrement… Et, le soir… Ou même, quelquefois, dans la journée, tu vas dans les toilettes et… Non ?… Bien sûr que si que tu le fais !… On le fait tous… Moi comme les autres… Toutes mes collègues y sont passées… Toutes celles qui en valent la peine en tout cas… Et tu sais de quoi je rêve ?… C’est de les voir à poil… Ca me rendrait fou, ça !… Te dire que celle-là, là, qui bosse en face de toi et qui se doute de rien, eh bien tu sais exactement comment elle est faite… T’as tout vu… Ca te tenterait pas, toi ?… T’aurais pas envie de la voir Irina ?… Attends… Attends… Je vais vérifier si elle dort…
Il est revenu avec une douzaine de photos dans une grande enveloppe marron…

Elle conseillait un client… Elle était tournée vers moi… Sous la robe qui les dessinait les seins étaient fermes et ronds, légèrement veinés de bleu… Les pointes en étaient d’un brun clair, subtil, à peine plus marqué que celui de leurs larges aréoles… En dessous… En dessous elle était toute lisse… A l’exception d’un minuscule petit échantillon frisé tout en haut… Quand la fente s’ouvrait c’était sur des ciselures rosées en pente douce, finement découpées… Elle m’a souri, rejoint à la caisse…
- Vous avez discuté longtemps hier soir tous les deux… T’as réussi à savoir quelque chose ?…
- Pas vraiment, non… Mais je le cerne de mieux en mieux… Et je le mets progressivement en confiance…

- Finalement t’es toujours sur les bons coups, toi, hein !… Dès qu’il y a quelque chose à voir c’est sur toi que ça tombe… Mais faut bien que tu compenses aussi !… Parce que si t’avais pas ça !…

Penchée par dessus la rambarde Mathilde regardait les gens monter, descendre, en un flot ininterrompu…
- Bon… On y va ?…
- On a bien cinq minutes… Qui en ont duré vingt…
- Comment ça me fascine les seins !… Je supportais pas ça avant… Celles qui en avaient je sais pas ce que je leur aurais fait !… Je leur en ai fait baver d’ailleurs… Je t’ai pas tout dit… Mais maintenant je passerais des heures et des heures à les regarder… J’ai envie de les toucher, de les caresser, de poser ma tête dessus… Ce serait un peu comme s’ils devenaient les miens d’une certaine façon… Comment t’expliques que ça ait pu changer d’un seul coup à ce point-là, toi ?… Tu sais pas ?… Moi non plus… J’y comprends rien…

- Elle te tend la perche… Elle arrête pas de te tendre la perche…
- Quelle perche ?…
- Et il demande quelle perche !… Tu le fais exprès… C’est pas possible autrement…
- Je vois pas…
- Jessica…
- Quoi, Jessica ?!…
- T’as rien remarqué ?…
- Non…
- Il date de quand ce revirement dont elle te parle Mathilde ?…
- Depuis qu’on est rentrés… Depuis qu’elles s’écrivent…
- Ca date très exactement du jour où elles se sont battues… Il s’est passé des choses ce soir-là dans la buanderie… Mais tu sais rien… Je t’ai rien dit…

- Tu écris encore à Jessica ?…
- Oui…
- Je vais finir par me poser des questions…
Elle est restée penchée sur sa feuille…
- Quelles questions ?…
- C’est plus qu’une amie Jessica pour toi, hein ?!…
- C’est une amie avant tout…
- Avant tout quoi ?…
Elle m’a fixé droit dans les yeux…
- Je me trompe peut-être, mais je crois pas que ça te choque…
- Et tu l’aimes ?…
- Ca, c’est justement ce que j’arrive pas à savoir… Il y a des jours je me dis que oui… Il y en a d’autres c’est sûr que c’est non… J’arrive pas à y voir clair… Tu m’aideras ?… Il y a que toi qui peux m’aider…

- Quand tu vas bosser tu les emmènes avec toi les photos d’elle que je t’ai données ?… Oui, évidemment que tu les emmènes… Toute la journée tu lui parles, tu es près d’elle, tu respires son parfum et, forcément, il arrive un moment où t’y tiens plus… Il faut que t’ailles les voir… Il faut que t’ailles la voir… Et tu te… Tu as de ces cernes sous les yeux… C’est impressionnant… Mais tu sais que c’est un truc, ça, auquel elle est drôlement accro, elle aussi ?… Tous les jours elle se le fait… Plusieurs fois par jour… Et je suis bien tranquille que, là-bas, elle va aux toilettes plus souvent qu’à son tour… Non ?… Je me trompe ?… Ah, tu vois !… Et je te parie tout ce que tu veux que c’est à toi qu’elle pense… Peut-être pas à chaque fois, non, mais souvent… Avoue que ça manque quand même pas de sel comme situation !…

- Je me demande bien où il veut en venir, là… Parce que n’importe qui à ta place irait tenter sa chance… Alors ou bien il veut la tester… Ou bien il cherche un prétexte pour se débarrasser d’elle… Ou bien ça l’exciterait comme un fou que sa femme se fasse sauter par un autre… Dans tous les cas, de toute façon, il a tout faux… Parce qu’avec toi, mon pauvre Gabriel, il a vraiment pas misé sur le bon cheval…

- Tu peux pas savoir comme je suis contente qu’on en ait parlé pour Jessica !… Ca me faisait un de ces poids !…
- Mais alors il s’est passé quoi au juste ?…
- On a fait l’amour toutes les deux dans la buanderie le soir du jour où je l’ai mordue… Et puis les jours suivants… Chaque fois qu’on a pu… Jusqu’à la fin des Vacances… Et ça a été un truc comme jamais j’ai connu… De la folie… Rien que d’y penser ça me met des frissons partout… T’es pas vexé au moins ?…
- Non… Pourquoi je serais vexé ?…
- Ben parce que… Ce que je suis en train de te dire en gros c’est qu’avec toi c’est pas terrible… C’est vrai d’ailleurs… Enfin non… C’est pas mal quand même, mais ça n’a rien à voir… Parce que les trucs que tu peux me faire finalement… Me goder j’ai pas besoin de toi… Ca va très bien toute seule… Et avec la bouche ben qu’est-ce tu veux ?… Avec elle c’est beaucoup mieux… Il y a pas de comparaison… C’est une femme… Elle sait exactement où et comment faut faire…
- Oui… Et puis elle a des seins…
- Elle a des seins, oui !…

Irina revenait de là-bas… Des toilettes… Pour la troisième fois…
- Tu lui as dit quelque chose à Loïc ?…
- Non… A quel propos ?…
- Je sais pas… Parce qu’il redevient amoureux… Passionné… Comme avant… Et il m’a laissé entendre que tu n’y étais pas pour rien…
- Je vois pas…
- Oh, ça n’a pas d’importance… Ce qui compte, c’est le résultat… Mais nous laisse pas tomber maintenant, hein !… On a besoin de toi…

- Tu sais… Pour ce qu’on a dit l’autre jour… J’y ai repensé… Faudrait pas que tu croies qu’il y a que le sexe qui compte pour moi… C’est important, oui !… Et puis c’est tellement fort avec elle… Tellement nouveau… Mais c’est pas pour autant que je t’apprécie pas… Je peux parler de tout avec toi… Je peux me confier… C’est très fort ce que je ressens pour toi…
- Et pour elle ?…
- Pour elle aussi…
Elle a marqué un temps d’hésitation… Et puis :
- Je crois bien que je l’aime finalement…

- Et si tu restais dormir ?…
On avait longuement discuté tous les deux… Il avait sorti d’autres photos… Sur l’une d’elles – un peu floue, un peu sombre, prise de trop loin – on devinait qu’elle était en train de se masturber… Il me l’avait donnée…
- Tu l’emmèneras là-bas…
Il était plus de minuit…
- Oui… Si tu restais dormir ?… On lui dira qu’on avait un peu bu… Que t’as pas voulu prendre de risques… Je vais aller m’occuper d’elle… On entend tout d’une chambre à l’autre…
- Mais… elle dort…
- Oh, alors là !… Pour ça tu peux toujours la réveiller… Elle demande pas mieux…

- Et alors ?…
- Et alors… Effectivement on entendait tout… Jusqu’au moindre soupir… Et je peux te dire qu’il y avait pas que des soupirs… Ca partait dans tous les sens… Un vrai feu d’artifice… Elle hoquetait… Elle suffoquait… Elle agonisait… Elle a griffé… Elle a mordu… Une vraie furie…
- Oui… Ben t’as plus qu’une chose à faire… C’est les inviter cet été… Ils demanderont pas mieux…

- Je pourrai quand même venir en vacances ?…
- Pourquoi ça « quand même » ?…
- Parce que… Parce que si je viens je voudrai dormir avec Jessica… Forcément… T’auras quand même Eva… Et puis on sera souvent ensemble tous les quatre…
- Bien sûr que tu pourras venir…
Elle m’a sauté au cou…
- Merci… Oh, merci…

- Vous faites quoi cet été ?…
Irina ne s’est pas interrompue…
- Rien de spécial… On sait pas encore… Peut-être l’Ardèche… C’est pas sûr… Pourquoi ?… - Et si vous veniez à Fontbrune avec moi… Il y a de la place… La maison est grande…
Elle a tout de suite accepté…
- Oui… Et puis vous pourrez parler tous les deux, Loïc et toi… Je crois pas que tu t’en rendes vraiment compte, mais c’est fou l’influence que tu as sur lui… Ca lui fait un bien immense… Notre couple s’en ressent… Et pas qu’un peu… Jamais je t’en serai assez reconnaissante…

- Oui… Eh bien moi, je serais de toi, je me dépêcherais de faire arranger la corniche… Va y avoir du spectacle… Et des deux côtés… On va pas s’ennuyer…





4- Le baron


Véronique s’était mariée en Décembre… Avec un monsieur De quelque chose… Dans un château où s’étaient retrouvés plus de cinq cents invités dont je n’avais pas pu éviter de faire partie… Et elle avait commencé une nouvelle vie, faite de lunchs à petits fours, de soirées bridge et de croisières lointaines endimanchées… Aussi ne m’était-il pas venu une seule seconde à l’idée qu’elle pourrait envisager de venir passer l’été à Fontbrune… Et pourtant…
- On y sera début Juillet… Pierre-Antoine a envie de vraies vacances… Et je lui ai tellement parlé de là-bas…

- Eh ben ça va être gai d’avoir ça par les pieds !…
- Surtout qu’il y aura Thibaud… Son frère… Et celui-là il est pas piqué des vers…
- T’es vraiment obligé de les laisser venir ?…
- Elle est chez elle autant que moi…

Mathilde n’avait pas du tout envie de les connaître…
- De quoi tu veux parler avec des gens comme ça ?… On n’a rien en commun… Et puis de toute façon, pratiquement, tu veux faire comment ?… Ils vont prendre les deux autres chambres là-haut… Nous, avec Jessica, on va être reléguées en bas… Il y a pas de portes… C’est un vrai moulin… Alors côté intimité…
- Je vous laisserai ma chambre…
- C’est ça !… Pour qu’on soit coincés entre eux… Comment tu veux qu’on puisse se laisser aller ?… Deux filles ensemble en plus des gens comme ça ils vont apprécier… Non… On en a parlé Jessica et moi… J’irai chez elle… On se débrouillera… Ca nous empêchera pas de passer… Chaque fois qu’on pourra…

- On peut pas vraiment lui donner tort… C’est la meilleure solution… La seule raisonnable… Pour tout le monde… Et même… Pour Loïc et Irina t’as décidé quoi ?…
- Je me pose la question…
- Te la pose plus… Trouve un prétexte quelconque… N’importe quoi… Reporte… A plus tard… Ca va tout gâcher sinon… Non, tu crois pas ?…
- Si !… Et toi ?… Tu vas faire quoi dans l’histoire ?… Tu vas me lâcher aussi ?…
- Alors là pas question !… Ah non !… Non !… Je sens qu’on va bien s’amuser…

Le premier soir Véronique est venue me retrouver dans la buanderie pendant mes ablutions… - Dis… Si tu pouvais rester discret pour avant… Il y a des choses… Je préfère qu’il soit pas au courant Pierre-Antoine…
- Lesquelles ?…
- Tu le sais très bien…
- Il croit qu’il t’a eue vierge ?…
- Quand même pas, non… Je peux compter sur toi ?…
- Ca coule de source…
- Merci… Tu peux en toucher deux mots à Eva ?…

Il était aux anges Pierre-Antoine… Tout le ravissait… Il passait des heures dans le jardin à découvrir des évidences…
- On sait pas regarder… On prend pas le temps… Il y a plus de philosophie et de sagesse dans une fourmilière que dans tous les bouquins du monde…
Il soupirait…
- Une vie de fous on mène… On devrait avoir le cran de tout envoyer promener, tiens !… Ici on prendrait le temps de vivre au moins…
Véronique haussait les épaules…
- Je te connais… Tu tiendrais pas huit jours…

Thibaud, lui, c’était Eva qui le ravissait… Il la dévorait des yeux, traînait tant qu’il pouvait dans son sillage, se précipitait pour l’aider à décharger la voiture dès qu’elle rentrait des courses… Il était manifestement sous le charme…
- Il manque pas d’air quand même !… En principe, pour tout le monde, je suis supposée être avec toi…
- Il est amoureux qu’est-ce que tu veux !… En secret… Tu paries qu’il est persuadé que ça se voit pas ?…
- Oui, ben il peut toujours rêver… C’est vraiment pas le genre de type avec qui t’as envie qu’il se passe quoi que ce soit… Je suis sûre qu’il est puceau en plus… Ca se voit comme le nez au milieu de la figure…

Pierre-Antoine et Thibaud étaient partis faire des photos…
- On sait pas où… Au hasard… On verra bien…
Eva avait filé chez Jessica…
- Voir un peu ce qui se passe là-bas… On n’a pas de nouvelles…
Véronique était au fond du jardin… Je l’y ai rejointe… Elle avait pleuré…
- Ca va ?…
- Ben oui, ça va… Pourquoi ça irait pas ?…
- Je sais pas… T’es toute triste depuis que t’es arrivée… T’as pas l’air heureuse…
- Alors là t’as tout faux… J’ai jamais été aussi heureuse… Jamais…
- Franchement… on dirait pas…

- Faudrait d’abord qu’elle se l’avoue à elle-même qu’elle a fait une connerie… Et une belle… Il transpire l’ennui de partout ce mec… Comment tu veux être heureuse avec ça ?… Et t’as vu sa tronche ?!… Va baiser avec, toi !… D’ailleurs ils baisent pas… On n’entend jamais rien… Ou alors elle prend jamais son pied… Ce qui revient au même… Et ça fait six mois qu’ils sont mariés !… Qu’est-ce ça sera dans trois ans !… En tout cas, de ce côté-là, je peux te dire qu’il y en a deux qui s’éclatent !… Et pas qu’un peu !… Elles sont sur un petit nuage… Et si tu veux les voir t’as intérêt à te déplacer… Elles viendront pas… C’est pas qu’elles veulent pas… C’est qu’elles y pensent pas… Elles sont dans leur bulle…

- Ah, Gabriel !… Ce que je suis contente de te voir !… Tu sais pas ?… Il est en train de se passer plein de trucs pour moi… Et d’abord j’ai trouvé du boulot…
- T’as trouvé du boulot ?!…
- Oui… Ici… Pas loin… En ville… Dans une jardinerie… Comme là-bas, mais en plus petit… Du coup je vais déménager… Tu m’aideras ?… Et je vais m’installer avec Jessica… On cherche un appartement… Oh, mais on trouvera… Il y en a plein… Mais on préfère prendre notre temps… Faut vraiment que ça nous plaise… Qu’est-ce t’en penses ?… C’est bien, hein ?…
- C’est bien, oui… C’est très bien…

- Ils l’ont fait cette nuit à côté pendant que tu dormais…
- Ah oui ?!…
- Oui… Je suis allée y jeter un œil sur la corniche… Oh, mais t’as rien perdu… Il la grimpe en direct, il souffle comme un phoque, il se vide et il s’endort… Et elle, pendant ce temps-là, elle regarde le plafond… Quand tu penses qu’avec Lionel tu l’entendais brailler pendant des heures… Que toute la maison en tremblait… On peut pas dire qu’elle ait vraiment gagné au change… Mais bon… elle a choisi… Elle voulait le luxe, le pognon, être une Madame… Fallait bien prendre le bonhomme qui allait avec…

- Vous formez quand même un drôle de couple tous les deux !…
Véronique et Eva faisaient leur toilette dans la buanderie, Pierre-Antoine était parti photographier le coucher de soleil sur le lac… On buvait une bière, Thibaud et moi, sur le perron…
- Comment ça un drôle de couple ?…
- Je sais pas… Comme si vous étiez pas vraiment ensemble… Comme si vous y croyiez pas vous-mêmes…
Il a vidé son verre d’un trait…
- Elle est vraiment très importante Eva pour toi ?…
- Pourquoi tu me demandes ça ?…
- Oh, pour rien… Comme ça…
- Je la connais depuis toujours Eva… Alors forcément qu’elle est importante…

- S’il était pas aussi coincé il y a longtemps qu’il aurait tenté sa chance… Mais finalement je vais peut-être bien m’occuper de son cas… Ca nous distraira un peu…
- Comment ça t’occuper de son cas ?…
- Faut que je te fasse un dessin ?…
- Tu vas…
- Je vais, oui… Dépuceler un type de son âge l’idée me déplaît pas… Ca doit avoir un certain charme… Je te dirai…
- Il l’est peut-être plus puceau…
- Alors ça ça m’étonnerait… C’est un truc qu’une femme elle sent tout de suite… Et de toute façon s’il l’est plus ça doit être tout comme…

Son dessert aussitôt avalé Pierre-Antoine s’est levé…
- Bon, ben moi j’y retourne… Avec la lumière qu’il y a je vais faire des clichés superbes… Eva, elle, elle avait décidé d’aller se baigner…
- Quelqu’un veut venir ?… Thibaud s’est aussitôt proposé…
- Bon… Eh ben allez !… Amène-toi !…
Quant à Véronique il y avait longtemps qu’elle avait pas fait un petit tour en ville…
- Tu veux que je te ramène quelque chose ?…
- Non… Non… Merci… Je vais aller bouquiner un peu…

Sur le coup de cinq heures je me suis ravisé… Et si je descendais voir Mathilde ?… C’est Jessica qui m’a accueilli sur le pas de la porte…
- Ah, c’est toi !… Elle est pas là… Elle a attaqué son nouveau boulot… Ce matin… T’étais pas au courant ?…
- Non… Tu me payes un café ?…
- Si tu veux…
Mais le cœur n’y était manifestement pas…
- Ca a pas l’air d’aller… Qu’est-ce qu’il y a ?…
- Rien…
- T’as peur que je t’en veuille pour Mathilde ?… C’est ça ?…
- Non…
- C’est quoi alors ?…
- Ecoute… Je peux pas t’expliquer, mais vaudrait mieux que tu t’en ailles…
- Qu’est-ce que je t’ai fait ?…
- Mais rien !… Tu m’as rien fait… Seulement… Bon… Il y a un couple là, derrière, dans la chambre… Et je crois que ça les gênerait beaucoup de tomber sur toi en sortant…
- Ah, ben fallait le dire !… J’y vais… J’y vais… Mais… C’est pas Mathilde au moins ?…
- Bien sûr que non que c’est pas Mathilde…
La porte s’est ouverte… C’était Véronique… Véronique avec Lionel…

- Evidemment que je suis au courant… C’est même moi qui leur ai arrangé le coup… Quand le mec il assure pas faut bien finir par trouver une solution…
- Et toi, avec Thibaud, ça s’est passé comment ?…
- Comme j’avais prévu…
- Vous avez couché ?…
- Non… Mieux que ça…
- Mieux que ça ?…
- Mieux que ça, oui !… Tu peux pas savoir le pied que tu prends quand un type tu sens que t’es en train de t’emparer complètement de lui… Que si tu manœuvres bien t’en feras ce que tu veux… Tout ce que tu veux… Comme tu veux… Quand tu l’auras décidé… Comme tu l’auras décidé…

Véronique m’a rejoint dans la buanderie… S’est assise sur le rebord du bac d’à côté…
- Il y a qu’ici qu’on peut parler… Sans risque d’être dérangés…
- Il va rien dire Pierre-Antoine ?…
- Il est pas là Pierre-Antoine… Il fait des photos… Il y a plus que ça qui compte… Et puis qu’est-ce que tu veux qu’il dise ?… Il le sait qu’avec toi il y a aucun risque…
Elle m’a regardé me laver quelques instants sans rien dire…
- Tu me juges mal, hein ?!…
- Je n’ai pas à te juger… C’est ta vie… Tu la mènes comme tu l’entends…
- C’est ma vie, oui !… Si j’avais su !… Je savais… Le pire, c’est que je savais !… Je suis pas faite pour ce monde-là… Je l’ai cru… J’ai fait semblant… Et maintenant…
- Divorce !…
- C’est pas si simple…
Elle a fondu en larmes… J’ai passé un bras autour de ses épaules…
- C’est dur !… Si tu savais comme c’est dur !… Et personne à qui me confier… Jamais…
- Si tu veux je suis là… Je t’écouterai… Tant que tu voudras…
- Tu es gentil !… Elle m’a déposé un rapide baiser sur le front et elle s’est enfuie…

- A propos…
On venait de se coucher…
- A propos… Ca y est avec Thibaud…
- Ah ! Et alors ?…
- Et alors… bof !… Il s’y prend exactement comme son frère… Copie conforme…
- Il était puceau ?…
- Vu le temps qu’il a mis à trouver l’entrée il y a aucun doute là-dessus…


Dans un grand crissement de freins une camionnette s’est arrêtée dans la cour… Les portières ont claqué…
- C’est nous !…
Mathilde et Jessica…
- Tu viens, Gabriel ?… On monte me déménager… De toute façon va bien falloir que t’enlèves tes affaires…

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