dimanche 25 octobre 2009

Mémoires d'une toute petite queue ( 7 )

Les années Estelle




1- Fontbrune


- Il y en a forcément une des trois sur la corniche… Et à tous les coups c’est Eva… Oui, forcément c’est Eva… Elle aura voulu être la première…
- Laquelle c’est Eva ?…
- Celle qui tournait le dos à la cheminée à table tout à l’heure…
- Ah oui ?!… Eh bien on va offrir du spectacle à Eva alors…

Comme à son habitude Jessica était levée de bonne heure et elle a déjeuné avec moi, dehors, sous l’acacia …
- Ca va avec Mathilde ?… Vous êtes bien toutes les deux ?…
- Ca va, oui…
- T’as pas l’air vraiment convaincue…
- Il vient de moi le problème… Elle est adorable… On est très complices… Mais j’ai toujours cette idée qui traîne derrière la tête que peut-être – sûrement – il y a quelqu’un quelque part avec qui ce serait encore mieux… Celle-ci… Ou bien celle-là… Et que ce serait vraiment idiot de passer à côté… Alors je me laisse tenter… Et je tombe de haut… Chaque fois je tombe de haut… Je jure que c’est la dernière fois… Mais… c’est plus fort que moi…
- Et elle prend ça comment, elle ?…
- Elle est pas toujours au courant…
- Et quand elle l’est ?…
- Elle fait avec… Du mieux qu’elle peut… Faudrait que j’arrive à me contenter de ce que j’ai, je le sais bien… Pour elle… Et pour moi… Seulement ça !…

- Tu vas pas la reconnaître notre plage… On n’y est plus tout seuls… Mais ça change pas grand chose… Tout le monde y fait ce qu’il veut…
Eva et Mathilde ont gardé leurs maillots… Jessica a retiré le haut… Jasmine aussi… Et elle a voulu que j’enlève le bas…
- Tu peux bien !… Il y en a d’autres des nanas à poil…
Deux ou trois de l’autre côté là-bas, à la lisière du bosquet…
- Mais reste sur le ventre, hein !… Qu’on se rende pas compte…
Elle s’est assise à côté de moi, s’est appuyée sur un coude…
- Ca y est !… J’en étais sûre… Ca y est !… Et ça a pas perdu de temps… Ca rapplique de tous les côtés, mine de rien, l’air affairé… Et comment ça te reluque !… Trois fois qu’il passe celui-là… Et il va revenir… Tu paries qu’il va revenir ?… Tiens, qu’est-ce que je disais… T’as un de ces succès, toi, dis donc !…

- Impressionnant…
- Quoi donc ?…
Jessica a fini de beurrer sa tartine…
- Jasmine… Ses seins… La perfection !… Quand tu la vois comme ça tu te dis que c’est pas possible, que c’est vraiment une femme…
- Et pourtant, physiquement, je peux t’assurer qu’il y a une anomalie…
- On a du mal à y croire…
- T’as un moyen simple de vérifier… C’est même surprenant que tu l’aies pas encore fait…
- Oui, ben il y a pas de risque… Parce qu’elle est dans un état maintenant la corniche !… T’as pas vu ?… Elle s’effrite de partout… Nous, on tient pas à se casser la figure… On t’en laisse l’exclusivité…
- Merci… C’est gentil…

- Oh si, elles sont déçues, si !… Et pas qu’un peu… Ca fait des semaines qu’elles attendent ça… Qu’elles arrêtent pas d’en parler… Surtout Mathilde… « - Voir deux mecs ensemble, en vrai, qui font pas semblant, comment ça doit être trop… - Surtout deux comme eux… - C’est un peu comme nous finalement dans un sens… - Dans un sens, oui… Et dans un autre pas du tout… Parce que ce sont quand même des mecs… - Si on veut… C’est justement ça l’intérêt… Comment j’ai hâte… Non, mais comment j’ai hâte d’assister à ça… »… Seulement avec le gel qu’il y a eu cet hiver c’est vrai que la corniche en a pris un sacré coup… Elle est impraticable… Et des deux côtés… Mais il y a d’autres solutions… La terrasse par exemple… Tu peux t’y attarder le soir avec Jasmine… Leur chambre donne dessus… Elles vont se régaler…

Le dîner à peine terminé Mathilde et Jessica sont parties se coucher… Eva aussi… Presque aussitôt… Sur le pas de la porte, elle nous a menacés du doigt…
- Et soyez pas trop sages, hein !… Sinon…
Avant de disparaître elle a allumé, inondé la terrasse de lumière… Je me suis approché de Jasmine qui était allongée sur une chaise-longue juste sous la fenêtre… Agenouillé à côté d’elle, je lui ai piqueté le cou de baisers… Les épaules… Les seins… Je les ai dénudés… Mordillés… J’en ai glissé les pointes entre mes lèvres… Je les y ai gardées… Longtemps… Et puis je suis descendu… Je l’ai caressée sous la robe… A travers la culotte… Sous la culotte… Dont je l’ai dépouillée… Elle a cherché ma bouche, l’a habitée, y est impérieusement partie à la conquête de son plaisir qu’elle a libéré sur mon front, sur mes paupières, sur mes joues… On n’a plus bougé… Dans la chambre, en face, il y a eu des gémissements, des plaintes, des rugissements de bonheur…

Jessica a plissé les yeux dans le soleil…
- En tout cas je peux te dire que Mathilde elle a apprécié hier soir…
- Et pas toi ?…
- Oh, moi !… Moi, ce que j’ai surtout apprécié c’est de la voir complètement déchaînée, elle… J’aime trop quand elle est comme ça… Tu peux pas savoir ce que ça me fait…
Elle a longuement tourné sa cuillère dans son bol…
- Et le jour où elle va voir Jasmine te prendre alors là !… Parce que ça c’est un truc !… Tu entendrais comment elle en parle !…

- Ben voyons !… De là où j’étais placée je pouvais vous voir, vous, et les voir, elles… Et je peux t’assurer qu’elle n’a rien perdu du spectacle, elle non plus… Et qu’elle attend la suite avec au moins autant d’impatience que Mathilde… Surtout que je leur ai annoncé une surprise pour ce soir…
- Une surprise ?… C’est quoi ?…
- C’est que Jasmine s’enfoncera devant elles – mais faut pas leur dire : c’est une surprise – entre tes deux petites fesses copieusement rougies… Elles seront ravies… Et elles seront pas les seules… Allez, va vite la retrouver Jasmine… Qu’elle prépare le terrain… Elle t’attend… Elle m’a suivi dans la chambre… Elle est restée jusqu’au bout…

Dehors, sur la terrasse, on a longtemps étiré la soirée… On a laissé s’installer la nuit… Eva a allumé… Tout ce qu’elle a pu allumer… Elle a approché la chaise-longue, l’a tournée vers la table… Jasmine s’est aussitôt levée, m’a pris par la main, entraîné… Elle s’est assise… Elle a défait la boucle de ma ceinture… Elle a descendu mon pantalon… Derrière moi on a murmuré…
- Oh, il en a pris une !…
- Et une belle !…
Il y a eu un rire étouffé… Jasmine s’est allongée, m’a attiré contre elle, fait allonger sur elle… Elle a passé les mains derrière mes genoux et m’a replié les jambes… Elles se sont approchées… Toutes les trois… Tout près…

- C’est qui te l’avait donnée la fessée ?… Eva ou Jasmine ?…
- Jasmine…
- Oui… Evidemment… Eva, elle, elle décide, elle supervise, elle régente, mais tu la verras jamais faire quoi que ce soit elle-même… Elle est au-dessus de tout ça…
Elle a écaillé, du bout de l’ongle, une petite boursouflure de peinture sur le rebord de la table…
- N’empêche… N’empêche qu’elle aurait quand même pu nous laisser y assister à ta fessée… Soi-disant qu’elle voulait nous faire la surprise… Tu parles !… Elle savait très bien qu’on aurait préféré être là…
Elle s’est retournée pour regarder passer un tracteur sur le chemin derrière…
- En tout cas ça va pas tarder…
- Qu’est-ce qui va pas tarder ?…
- Mathilde avec Jasmine… Va y avoir quelque chose… C’est clair qu’elle en crève d’envie… Elle s’en défend trop… Mais bon… Normal, elle, elle est bi… Et avec Jasmine il y a les deux dans le même…
Elle s’est levée…
- Je serais mal placée pour lui reprocher quoi que ce soit, vu que de mon côté… Mais je suis pas vraiment tranquille… Au départ c’est du cul, oui, mais après tu sais jamais comment ça peut tourner… Alors je vais entrer à fond dans le jeu… C’est la seule solution… Le seul moyen de garder un oeil sur ce qui se passe…

Eva a surgi dans ma chambre…
- Tu viens ?…
- Où ça ?…
- Tu verras bien…
- Et elles ?…
- Elles, elles restent là…
- Toutes les trois ?…
- Toutes les trois, oui…
- Et moi ce que j’en pense de tout ça, ce que je ressens ça compte pas… Ca n’a pas d’importance…
- Alors là je te rassure tout de suite… Ca n’en a strictement aucune… Pour personne… Tu le sais pas depuis le temps ?… Allez, viens, on y va…

Elle m’a emmené à la plage… Qui était noire de monde… Des hommes et des femmes… Les uns nus… Les autres en maillot… Elle l’a traversée sur toute sa longueur, s’est dirigée tout droit sur un groupe de femmes – elles étaient trois – qui nous ont regardé approcher en souriant…
- Salut…
- Salut… - Eh bien tu les reconnais pas ?…
Non… Non… Elles me disaient rien… Non… Je voyais pas…
- Mais si !… Réfléchis !… Et on est exactement au même endroit en plus !…
- Au même endroit que quoi ?…
- Que la fois où Véronique t’a descendu ton maillot…
Elles ont souri plus large…
- Elles étaient là ce jour-là… Toutes les trois… On en parle des fois ensemble… Souvent… On en rit encore… La tête que tu faisais !… Impayable… Heureusement que t’as évolué depuis… Te mettre à poil, même quand il y a du monde, ça te pose plus aucun problème… La preuve : le mega coup de soleil que tu t’es ramassé sur les fesses hier… Vous verriez ça !… C’est impressionnant… Montre-leur… Allez, montre-leur… Ou plutôt non… Laisse-moi faire… Ca nous rappellera des souvenirs…
Et elle a tiré sur mon caleçon qui m’est tombé sur les chevilles…
- Là… Tourne-toi maintenant !… Comment veux-tu qu’elles se rendent compte sinon ?… Elles se sont esclaffées…
- Hou là là !… Eh ben dis donc !… Il a dû le sentir passer… C’est toi qui l’a mis dans un état pareil ?…
Elle n’a pas répondu… Elle m’a fait signe de venir m’allonger à côté d’elle…

Mathilde était seule sur la terrasse, affalée sur une chaise-longue…
- Alors ?!… C’était bien tous les trois ?… T’as pris ton pied ?…
- Oh, ce qu’elle peut être chiante Jessica avec ça… Elle veut absolument me faire faire des trucs avec quelqu’un d’autre… Sans arrêt elle remet ça sur le tapis… Et je sais bien ce qu’elle a derrière la tête… C’est pour pouvoir me le flanquer à la figure, après, chaque fois que elle, elle ira voir ailleurs…
- Vous avez rien fait du coup avec Jasmine alors !?…
- Ben non… Non… Avec elle à côté qu’attend que ça comment tu veux ?… Ca me bloque… Ca me bloque complètement…
- Et si elle était pas là ?…
Elle s’est levée sans répondre…





2- Au magasin

Au retour des Vacances elle attendait devant la porte du magasin …
- Ca t’a manqué tant que ça ?…
Elle n’a pas répondu… Elle n’a pas baissé les yeux non plus…
- Oui, hein !… T’en as rêvé pendant un mois… T’as pas arrêté de te le faire en en rêvant…
- Non ?… Je me trompe ?…
- Non…
Elle m’a emboîté le pas…
- Et t’es déjà trempée, je suis sûr…
Je l’ai attirée derrière la caisse… J’ai passé la main sous la robe… Je suis entré dans la culotte… Elle n’a pas opposé la moindre résistance…
- Oh la la, oui, dis donc !… Et pas qu’un peu !… Allez, va vite dans la cabine… Je te rejoins…

Elle y était nue, ses vêtements soigneusement repliés sur le tabouret… J’ai posé mes mains sur ses épaules… Elle a frémi…
- Et maintenant qu’est-ce qu’elle va faire la petite branleuse ?…
- Oh oui, oui, parlez-moi comme ça !… J’aime… Vous pouvez pas savoir ce que j’aime…
- Montre-moi !… Montre-moi comment tu sais bien t’amuser avec ta petite chatte…
Sur laquelle elle est descendue… Elle s’est frénétiquement activée sur son bouton…
- Tripote-toi !… Tripote-toi bien comme la sale petite vicieuse que tu es…
Elle s’est laissé tomber sur le tabouret, s’est ouverte en grand, écartée avec ses doigts…
- Quelle cochonne !… Non, mais quelle cochonne tu fais !…
Ses yeux sont devenus fous…
- Oui… Une salope… Je suis une vraie salope… Dites-le moi !…
Je le lui ai répété tout le temps qu’elle a hoqueté son plaisir à grands sanglots éperdus…

Elle s’est blottie contre moi, a enfoui la tête dans mon cou…
- Comment ça fait honte de faire ça devant quelqu’un !… Jamais j’aurais cru que je pourrais… Mais c’est parce que vous êtes une femme aussi… Et plus âgée que moi… Sinon…
- Et c’est si bon d’avoir honte, non ?…
- Si !… C’est bien mieux que tout… Je suis folle… Tout ce que vous me faites pas dire !… Tout ce que vous me faites pas faire !…
- Et ça ne fait que commencer… Comment tu t’appelles ?… Je connais même pas ton prénom…
- Estelle…
- Eh bien on va la faire mourir de honte la petite Estelle…
- Oui, mais alors seulement devant des femmes… Jamais des hommes… Vous me promettez, hein !…

La porte du magasin s’est brusquement ouverte…
- C’est moi, Jasmine… Tu es où ?…
- Ici !… Dans la cabine…
Estelle s’est jetée sur ses vêtements…
- Non, non, non… Tu restes comme ça…
J’ai écarté le rideau… Jasmine s’est approchée…
- T’as raté quelque chose, tu sais… Cette petite délurée vient de m’offrir un de ces spectacles !… Mais ce n’est que partie remise… Il y aura d’autres occasions…

On a frappé… C’était Mathilde… Avec un énorme sac de voyage…
- Ben qu’est-ce tu fais là, toi ?… Entre !…
Elle s’est laissé tomber sur le canapé…
- Ca va ?… Elle est pas là Jasmine ?…
- Non… Elle est chez elle Jasmine…
- Chez elle !… Mais je croyais que vous viviez ensemble, moi…
- On se voit souvent… Très souvent même… Mais chacun chez soi…
- Oui… Bon… Dis-moi… Ca te serait possible de m’héberger quelques jours ?… Parce que… ça va pas trop bien avec Jessica en ce moment… J’ai besoin de prendre un peu de recul… De savoir où j’en suis…

- Ca va pas du tout elle veut dire !… Elles se sont engueulées grave… Depuis le temps que ça couvait… Et ça m’étonnerait que ça reparte… Vu tout ce qu’elles se sont dit… Enfin on sait jamais… Avec elles !… En tout cas, toi, pas la peine de te faire d’illusions… C’est pas parce qu’elle déboule chez toi et que vous avez vécu un petit bout de temps en simili-couple qu’elle va te retomber dans les bras… J’ai suffisamment parlé de toi avec elle pour savoir que tu n’as pas l’ombre d’une chance…

- Zut !… Quelqu’un…
Juste au moment où Estelle allait prendre son envol… Je l’ai précipitamment abandonnée… J’ai regagné la caisse… Deux femmes, d’une cinquantaine d’années, qui ont erré au hasard, indécises, entre les portants… De la cabine se sont presque aussitôt échappés des gémissements étouffés… Elles ont hoché la tête, échangé un long regard réprobateur…
- Eh ben il y en a une qu’a pas l’air de s’ennuyer là-dedans !…
D’une voix forte…
- Oui… On aura tout vu… On aura vraiment tout vu…
Et elles sont sorties en claquant la porte…

Elle a passé la tête par l’embrasure du rideau…
- Elles sont parties ?…
- Elles sont parties, oui…
- Je croyais pas qu’elles pouvaient entendre… Je pensais que je faisais pas de bruit…
- Oui, mais emportée par ton élan…
- C’est trop excitant aussi de se le faire quand on sent qu’il y a des gens autour, qu’on les entend marcher, parler…
Elle s’est rhabillée, a quitté la cabine…
- Heureusement qu’elles se sont pas éternisées parce que je serais restée coincée là-dedans, moi !… Jamais j’aurais osé sortir…
Elle avait à peine fini sa phrase que la porte s’est rouverte, qu’elles ont réapparu… Elles l’ont toisée, figée à côté de la caisse… De la tête aux pieds…
- Elle a bien le genre à ça !…
- Et effrontée en plus !… Tu crois qu’elle baisserait les yeux ?…
- Moi, j’aurais une gamine qui se comporte comme ça je t’assure qu’elle te prendrait de ces paires de gifles !…
Et elles sont reparties…
- Elles voulaient rien acheter… Qu’est-ce qu’elles sont revenues faire ?…
- Voir ta frimousse de petite branleuse sûrement… Toi qui aimes avoir honte, t’es servie… Elle s’est appuyée au comptoir, a relevé une mèche…
- Vous savez quoi ?… Eh ben ça m’a redonné drôlement envie…

- Tu me parles pas beaucoup !…
- Hein !… Mais je fais que ça !… Depuis que je suis arrivée j’arrête pas…
- Non, mais de toi je veux dire… On croirait jamais qu’on a vécu ensemble…
- Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?… On se supporte plus avec Jessica, c’est tout… Il y a rien à ajouter… On n’arrête pas de s’engueuler… Et pour des conneries en plus… Il y a pas grand chose à faire… Si !… Partir chacune de son côté…
- Elle a quelqu’un d’autre ?…
- Elle en a plein d’autres… Toutes celles qui lui tombent sous la main… Elle a jamais pu résister… Elle se tape de ces nanas des fois… J’aurais honte, moi, à sa place…
- Non, mais je veux dire… Quelqu’un… Que ce soit sérieux…
- Non… Oh, non !… Enfin, si !… Cette Martha… Sa prof de danse quand elle était ado… Elle a jamais aimé qu’elle… Elle aimera jamais qu’elle… Ah, elle en aura fait des dégâts cette bonne femme… Elle en aura bousillé du monde !… En tout cas moi ça m’aura servi de leçon… Cette fois c’est bon !… Je m’investis plus… Avec personne… Quand on voit ce que ça donne… Non… Je vais faire comme tout le monde… M’envoyer en l’air avec tout ce qui passe… Hommes… Femmes… Qui j’aurai envie… Quand j’aurai envie…

- Tu parles !… Elle est amoureuse comme une folle, oui !… Ou du moins elle croit l’être…
- Ah oui ?!… De qui ?…
- Et il demande de qui !… Non, mais t’as quoi devant les yeux ?… Tu t’es aperçu de rien ?… T’as rien vu ?… Elle acceptait tout de Jessica… Tout… Et d’un seul coup il y a plus rien qui va… Elle a tous les défauts du monde Jessica… Et depuis quand ?… Depuis cet été… Depuis qu’elle a vu Jasmine… Et comme par hasard quinze jours plus tard c’est chez toi qu’elle débarque… Pourquoi à ton avis ?…
- Mais elle m’a rien dit… Elle m’en a pas parlé…
- Evidemment !… Non, mais il y a des moments où t’es nettement plus con que la moyenne…

- Elles sont pas revenues les deux femmes de l’autre jour ?…
- Non… Je les ai pas revues…
- Elles reviendront, vous croyez ?…
- Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ?… Tu aimerais qu’elles reviennent ?…
- Oh non, non !…
- Menteuse !… Mais il y en a d’autres des femmes… Plein d’autres… Devant qui on peut lui faire faire plein de choses honteuses à la petite Estelle… Dont les yeux se sont embués…

On finissait de dîner quand Mathilde s’est décidée à poser la question qui lui brûlait les lèvres…
- On la verra Jasmine ?…
- Oui… Sûrement…
- Quand ?…
- Je sais pas… Elle a de la famille chez elle en ce moment…
- Ils restent longtemps ?…
- En principe ils repartent demain…
Son visage s’est éclairé…
- C’est pour elle que t’es venue, hein !?…
- Ah, mais non, non, pas du tout… Enfin si !… Quand même un peu… Pour vous deux… Pour vous voir ensemble… Comme là-bas… Mais toute seule cette fois… Sans avoir l’autre là à m’épier sans arrêt…
- Et à t’empêcher de faire, à force d’insister pour que tu le fasses, ce que tu crèves d’envie de faire…
- T’en penserais quoi, toi ?… Tu serais jaloux ?… C’est sérieux avec elle ?… Je veux pas te la prendre, tu sais… C’est juste que j’arrête pas d’y penser et que tant qu’on l’aura pas fait… Mais après… hop, je disparais… Je vous laisse…

- T’as qu’à y croire !… Après elle tisse patiemment sa toile et elle l’entortille la Jasmine… Et avec ta bénédiction en plus… Faut le faire quand même !… Elle est douée…

Estelle essayait… Essayait à tour de bras… Une véritable boulimie… Le tabouret était jonché de culottes, de strings, de shortys, de soutien-gorge… Elle en rapportait… En ramenait… Recommençait… Des clientes entraient… Je les servais… Ou les renseignais… Elles repartaient… Ou s’attardaient entre les portants… Une jolie brune d’une trentaine d’années avait levé deux ou trois fois les yeux sur le rideau ondulant au gré des essayages d’Estelle, l’avait longuement suivie du regard au cours de l’un de ses multiples allers et retours…
- Celle-là !…
- Oh non !… Non !… On attend encore…
- On attend quoi ?… Il faut bien finir par se décider…
- Comment elle va réagir, vous croyez ?…
- Ca, c’est la surprise… Mais tu fais bien comme on a dit, hein !?…
- Oui… Et vous, vous me raconterez… Avec tous les détails… Promis ?…
- Promis…
Et, en quittant la cabine, j’ai, comme par inadvertance, fait glisser le rideau sur la tringle, ouvrant un jour d’une bonne trentaine de centimètres…

La jeune femme brune s’en est aussitôt approchée, faisant mine de brusquement découvrir les articles exposés juste en face et, choisissant le meilleur angle de vision, elle s’est absorbée, en apparence, dans leur examen attentif… A l’intérieur Estelle, bien calée contre la paroi, du bon côté, prenait tout son temps… Elle retirait, restait nue, se penchait en avant, se redressait, se retournait, renfilait, recommençait… Ca a duré une bonne dizaine de minutes et puis, comme si elle venait seulement de s’apercevoir que le rideau n’était pas tiré jusqu’au bout, elle l’a remis en place… La jeune femme a alors abandonné, manifestement à regret, son poste d’observation, et, décrochant quelque chose au hasard, s’est engouffrée dans la cabine voisine… C’est malheureusement le moment qu’a choisi une représentante pour venir m’étaler sous le nez, tout sourire, sa nouvelle collection…

Elle en était encore toute rose d’excitation…
- Elle se l’est fait… Elle se l’est fait aussi dans la cabine… On l’a fait ensemble chacune de notre côté… Même qu’elle se force à pas faire de bruit je l’entendais… Drôlement bien même… Moi non plus j’en ai pas fait… A peine… Je mordais ma culotte pour pas en faire… A cause de la représentante… C’est venu presque en même temps toutes les deux… Mais pourquoi elle est partie si vite après ?… J’avais même pas fini de me rhabiller… On aurait pu parler…

Mathilde m’a à peine laissé le temps d’arriver…
- Eva a appelé… Faudrait que tu descendes là-bas de toute urgence… Que t’y sois demain à quatre heures… Des papiers à signer chez le notaire avec ta cousine Véronique… T’aurais dû recevoir une convocation, mais il y a eu un disfonctionnement… C’est ce qu’elle a dit…
- Bon, ben j’ai plus qu’à prévenir Jasmine que je serai pas au magasin demain…
- Je peux le faire… Ca t’avancera… Et lui proposer d’aller l’aider si elle a besoin…
- C’est pas vraiment nécessaire…
- Oui, mais…
- Fais ce que tu veux… Moi, faut que j’aille préparer mes affaires…




3- Propriétaires

Véronique m’attendait à la gare en compagnie de sa belle-mère qui ne nous quittait pas d’une semelle…
- Oui… Si on veut pas finir par avoir de sérieux problèmes il faut absolument régler la succession de grand mère et prendre une décision pour la maison… On est les deux seuls héritiers maintenant et il y a pas trente-six solutions : ou on la vend ou tu la gardes ou je la garde…
- Ah non, non… On la vend pas… On y a trop de souvenirs… Et je me vois vraiment pas passer mes vacances ailleurs qu’ici…
- J’avoue qu’à moi aussi ça me fendrait le cœur de la laisser partir…
- Eh ben on la garde en indivision alors… Comme ça on y viendra quand on voudra…
Elle a jeté un rapide coup d’œil à sa belle-mère, baissé la voix…
- Oh moi, c’est pas demain la veille…
Et, encore plus bas…
- Je t’écrirai, c’est promis… Je t’expliquerai…

Jessica m’a littéralement sauté dessus…
- Elle est pas descendue avec toi, Mathilde ?…
- Ben non… Non… Tu vois bien…
- Quelle petite garce !… Quelle petite saloperie !… Elle est en train de se faire enfiler par l’autre espèce de demi-portion là-haut derrière mon dos, c’est ça, hein?…
- Quand je suis parti elle l’avait seulement pas encore vu…
- Et toi, con comme tu es, tu leur as laissé le champ libre… Tout ça pour une maison dont personne a rien à foutre… T’avais seulement pas posé le cul dans le train qu’ils s’envoyaient en l’air, tu parles !… Et quand je pense qu’ici devant moi, avec moi, elle a jamais voulu… Je le sentais venir le coup… Je le sentais depuis le début… Je te l’avais dit qu’il fallait que je garde un œil sur tout ça… Que ça sentait le roussi avec cette Jasmine… Qu’elle en était amoureuse Mathilde ça se voyait comme le nez au milieu de la figure… Sauf que ça durera pas… Je donne pas un mois avant qu’elle revienne me manger dans la main… Et alors là… alors là… Elle va me le payer… Je peux te dire qu’elle va me le payer…

C’est Eva qui m’a raccompagné à la gare…
- T’es pris entre deux feux, toi… Si c’est pas trois… Je suis curieuse de savoir comment tu vas te sortir de tout ça… Parce que t’as vraiment pas la pointure… Et, pour compliquer encore la situation, t’es toujours amoureux de Mathilde… T’as jamais cessé de l’être… Non ?… Je me trompe ?…

Mathilde n’était pas à l’appartement quand je suis rentré… Elle a surgi au magasin le lendemain sur le coup de dix heures…
- Ca va ?… Ca s’est bien passé ?… Je peux t’aider un peu si tu veux… Je l’ai aidée Jasmine hier… Toute la journée… On s’est super bien entendues… Et puis après… Après le soir on a…. Mais dis, je voudrais te demander quelque chose… Depuis le temps qu’on se connaît et tout ce qu’on a vécu tous les deux on peut se parler franchement… Alors voilà… Ca te ferait quoi à toi si je l’aimais Jasmine ?…
- Tu l’aimes ?…
- Non… Peut-être… Je sais pas… Je me demande… Tu réagirais comment ?… Tu m’en voudrais ?…
- Ca se commande pas les sentiments… Et de toute façon entre Jasmine et moi il n’y a jamais rien eu de cet ordre-là… On s’apprécie… Beaucoup… On partage énormément de choses, mais on ne se doit rien… On ne s’est rien promis… Chacun sa vie… On n’a jamais envisagé autre chose…
- Ca te ferait rien alors ?…
- C’est pas le mot… Mais si vous devez être heureux ensemble…
- Oh, on n’en est pas encore là… Il y a rien eu du tout… Enfin juste du cul… Mais elle, elle prendrait ça comment, tu crois, si je l’aimais ?…
- C’est à elle qu’il faut poser la question…
- Oui, ben alors là sûrement pas !… Je suis pas idiote… Je veux pas avoir l’air de me jeter à sa tête… Faut que ça vienne tout seul… Et toi, tu lui dis rien, hein, surtout !… Ca reste entre nous…
- Tu attends quoi de moi au juste ?… Que je m’efface ?… Que je vous laisse tous les deux ?…
- Oh non, non !… Au contraire… Pas maintenant… Pas tout de suite… Ca va sentir le coup fourré à plein nez sinon… Non… Que vous soyez exactement comme avant tous les deux… Avec moi en plus… De plus en plus en plus… Ensuite… Ensuite on verra…

Elle nous a longuement regardés, appuyée sur un coude, la tête dans la main… Et puis elle lui a caressé les seins, elle a pris sa queue dans sa bouche et elle a voulu…
- S’il te plaît, Jasmine, s’il te plaît, j’ai trop envie…
A quatre pattes, la tête dans l’oreiller, la croupe en l’air…
- Derrière !… Fais-le moi derrière… J’aime trop ça…
Elle a ondulé, sangloté, rugi et elle s’est paisiblement endormie entre nous…

- T’aurais tout donné pour ça, hein ?… Tu étais prêt à toutes les bassesses… Toutes les compromissions… Juste pour être un peu auprès d’elle… Mathilde… L’effleurer… La voir dans son plaisir… Comme avant… Comme quand vous vous donniez l’illusion d’être en couple… Mieux vaut Jasmine que Jessica, hein ?… Oui… Pour un temps… Parce que tu vas forcément finir sur la touche… Comme toujours…

Quand Estelle est arrivée j’étais en train de fermer…
- C’est trop tard ?…
- Pour toi c’est jamais trop tard…
- Non… Non… Je veux pas vous retarder… Je reviendrai demain… Je voudrais juste… J’ai tellement envie de faire pipi…
- Eh ben viens !…
- C’est où ?… Vite, s’il vous plaît… Ca presse vraiment…
- Mais non… Pas tant que ça… Tiens, regarde… Regarde ce que j’ai reçu ce matin… C’est mignon comme tout, non, tu trouves pas ?…
- Si, mais…
- Essaie-le !… Je suis sûr que ça te va à ravir…
- Après… Après… Je peux plus me retenir là… Je vais faire dans ma culotte…
- Il y en a pour deux secondes…
Elle s’est brusquement décidée, a couru vers la cabine où elle s’est déshabillée en toute hâte… Elle m’a arraché le shorty des mains, s’est figée, a murmuré…
- Je peux pas… Je peux plus… Debout, les jambes légèrement écartées…
- Oh, la grande dégoûtante !… Faire ça ici… Comme ça… Tu n’as pas honte ?…
Dru… Interminable…
- Sale petite pisseuse !… Tu aurais pu te retenir quand même…
De la tête elle a fait signe que non…
- On peut toujours quand on veut…
Encore quelques gouttes… Ca s’est arrêté… Je l’ai attirée contre moi… Elle s’y est blottie, y est restée…
- Comment je suis contente de vous avoir rencontrée, vous pouvez pas savoir… Vous comprenez tout, vous… Il y a pas besoin d’expliquer…
Mes lèvres se sont posées sur les siennes… Elle ne s’est pas dérobée…

- A quoi tu joues là ?… Tu es complètement à contre-emploi, mon cher… Et quand on est à contre-emploi ça finit toujours, d’une façon ou d’une autre, par vous retomber sur le coin de la figure…

Dans sa lettre Véronique se confondait en excuses…
- Ca faisait longtemps, hein !… Non, mais comment je t’ai laissé tomber !… J’ai honte… Mais tu sais, j’ai traversé une période vraiment pas facile… Des tas de questions se bousculaient dans ma tête… J’avais besoin d’y voir clair… Toute seule… Comme une grande… Sans interférences extérieures… Même pas toi… Si j’ai fini par m’y retrouver ?… Oui… Je suis bien dans ma vie… Apaisée… Sereine… Heureuse ?… Presque… Pierre-Antoine n’est ni meilleur ni pire qu’un autre… C’est un homme tout simplement… Avec ses qualités et ses défauts… Comme tout le monde… J’ai appris à faire avec… Je fais avec… Pour le peu que je le vois… Il voyage beaucoup… Pour ses affaires… Qui sont florissantes… Je ne vais pas m’en plaindre… Du coup c’est avec ma belle-mère que je passe le plus clair de mon temps… Une femme que j’avais très mal jugée… Que j’ai appris à connaître et à apprécier… Qui m’aide à mûrir… A mûrir, oui !… Parce qu’il faut bien que je me rende à l’évidence même si c’est vraiment pas facile : à bientôt quarante ans, je suis encore complètement immature… Prête à m’amouracher du premier venu, comme à quinze ans, sans me soucier de rien ni de personne… A céder à n’importe quelle impulsion… A n’importe quel désir… A n’en faire puérilement qu’à ma tête… A me mettre irrémédiablement en danger dès que se présente une occasion de le faire… J’ai besoin d’être cadrée… Sans doute – sûrement – ne l’ai-je pas suffisamment été quand c’était le moment… Elle me cadre… Bien… Dans mon intérêt… Elle est dotée d’une autorité naturelle à laquelle on n’échappe pas… A laquelle je n’ai pas envie d’échapper… Que je la remercie au contraire du fond du cœur d’exercer à mon endroit…

Eva a aussitôt proposé :
- Tu veux la traduction, en français, de tout ce galimatias ?… Eh bien elle l’enferme dans sa chambre pour l’empêcher de courir… Elle a même fini par l’attacher sur son lit la nuit… Parce qu’elle se tirait par la fenêtre, quand tout le monde dormait, tellement ça la tenait… Elle se ramasse des fessées pour un oui ou pour un non… Elle obéit au doigt et à l’œil… Et ça lui convient très bien… Ce dont j’ai toujours été persuadée… C’est génétique chez vous…
- Mais comment tu sais tout ça, toi ?… Tu revois Thibaud ?…
- Un peu… Quelquefois… Par ricochet… Oh, mais Thibaud… Non… C’est Véronique que je vois… Et sa belle-mère… Une femme charmante… On s’est découvert une foule de points communs toutes les deux… Elles sont venues trois ou quatre fois ici… Et je suis montée trois ou quatre fois là-haut…
- Mais tu m’as rien dit !…
- Quand est-ce que tu comprendras enfin que c’est moi qui décide de ce que j’ai à te dire ou pas ?…

- Mais si, tu vas le faire, mais si !…
- Et si quelqu’un rentre ?…
- Bien sûr que quelqu’un peut rentrer… A tout moment… Ou passer sur le trottoir, s’arrêter devant la vitrine et jeter un œil à l’intérieur… C’est ce qui fait tout l’intérêt de la chose…
- Je peux pas garder au moins ma culotte ?…
- Ah ben non !… Non… Rien… Toute nue… C’est pas drôle sinon… Allez, vas-y !…
Elle s’est bravement lancée, jetée sur le premier article venu et précipitamment réfugiée à l’intérieur de la cabine…
- Oui, pas mal… Pas mal pour un début… Mais faut pas courir comme ça… Faut prendre tout ton temps… Posément… Allez, on recommence… Et tu vas plus loin cette fois… Jusqu’au bac là-bas…
Elle l’a fait – un peu plus lentement – sans tourner la tête ni à droite ni à gauche… Elle est revenue…
- Vous voyez… J’y arrive…
- Presque… Tu marches encore beaucoup trop vite… Et puis prends ton temps pour choisir… Comme si tu étais habillée… Hésite… Compare…
- Comment c’est stressant !…
- C’est justement là qu’est le plaisir, non ?… Allez, jusqu’au fond du magasin cette fois…

C’est là qu’elle se trouvait, en arrêt devant un étalage de petites culottes quand la porte s’est ouverte… C’était Mathilde… Mathilde à qui j’ai aussitôt fait un signe de connivence, un doigt sur les lèvres… A qui j’ai discrètement murmuré…
- Chuuut… On ne se connaît pas… Fais la cliente…
Elle est entrée dans le jeu sans comprendre…
- Je peux faire un tour ?… Jeter un œil ?…
- Bien sûr… Allez-y !…
Et elle s’est coulée entre les portants…
- Mais… Qu’est-ce que c’est que ça ?…
Ca, c’était Estelle qui s’était d’abord dissimulée tant bien que mal, en l’entendant entrer, derrière un mannequin en carton publicitaire, et qui, en la voyant approcher, battait rapidement en retraite… J’ai soupiré…
- C’est pas vrai !… C’est pas vrai qu’elle a recommencé…
Je me suis levé, dirigé vers la cabine dont j’ai écarté le rideau… Tu te rhabilles, toi !… Tu te dépêches de te rhabiller et tu dégages… Je veux plus te voir ici, espèce de sale petite dégoûtante… Excusez-la, Madame !… Excusez-la !… J’ai beau avoir l’œil… Elle arrive toujours à ses fins… Quitte à se déshabiller entre les rayons dès que j’ai le dos tourné…
Elle est passée devant nous les yeux baissés, s’est éloignée sans se retourner sur sur le trottoir…

- Pourquoi tu l’as virée ?… C’était pas bien méchant… Et ça te donne l’occasion de te rincer l’œil… Elle est pas mal foutue en plus…
- Oh, elle reviendra… Son grand plaisir, c’est d’avoir honte… Alors je le lui offre chaque fois qu’une occasion se présente…
- Et t’en profites allègrement au passage… C’est de bonne guerre…




4- Tensions


Au téléphone Jessica était furieuse…
- Tu pourrais me tenir au courant de ce qui se passe quand même !… Je n’ai aucune nouvelle d’elle… Pas un mot… Pas un appel… Rien… Je suis morte d’inquiétude, moi !… Elle est où ?… Toujours chez toi ?…
- Toujours… Oui…
- Et elle s’envoie toujours en l’air avec l’autre abruti ?…
- Peut-être… Je sais pas… Je surveille pas ce qu’elle fait…
- Tu te fiches de moi ?… Et qu’est-ce qu’elle te dit ?… Elle parle pas de rentrer ?…
- Non…
- Mais enfin c’est invraisemblable ça… Elle a laissé toutes ses affaires ici… Elle a pas démissionné de son boulot… Soi-disant qu’elle partait quelques jours… Pour faire le point… Pour savoir où elle en était… Où on en était toutes les deux… Ca va faire un mois… Et depuis silence radio… Avoue que j’ai quand même droit à des explications, non ?… Alors tu peux lui dire de ma part qu’elle a intérêt à m’en donner… Et sans tarder… Sinon je monte les chercher moi-même… Et je vais pas faire le voyage à vide…

- Des explications ?… Quelles explications ?… J’ai été assez claire il me semble… Et si elle est pas capable de regarder la vérité en face, s’il faut qu’elle se fasse un film sur nous qu’est-ce que j’y peux, moi ?… Bon… Mais qu’elle y vienne !… Qu’elle y vienne… Je peux te dire qu’elle va être reçue…

C’était l’heure de pointe du samedi… Six ou sept femmes déambulaient entre les rayons, hésitaient, allaient essayer, revenaient… Estelle a passé la porte, s’est approchée de la caisse tout sourire… La gifle – une gifle généreuse, lancée à toute volée, – l’a cueillie par surprise… - Ca, c’est pour la façon inqualifiable dont tu t’es comportée l’autre jour…
Des regards amusés se sont posés sur elle, s’y sont attardés tandis qu’elle se frottait la joue… Deux jeunes femmes ont échangé quelques mots à voix basse, ont gloussé sans la quitter des yeux… Elle s’est enfuie…

Elle est revenue en fin d’après-midi…
- Alors ça t’a plu ?…
- Oh oui, oui !… Je m’y attendais pas en plus !…
- Tu as eu très honte ?…
- Ben devant tous ces gens !… Mais vous savez ce qui me fait le plus honte ?… C’est que vous sachiez, vous, comment j’aime ça avoir honte…

Véronique tenait à me prévenir suffisamment tôt…
- On signe définitivement le 12… J’y serai le 10… Si tu pouvais t’arranger pour venir aussi vers cette date-là qu’on puisse se voir et discuter un peu… A condition que ma belle-mère nous en laisse le loisir… Parce qu’elle me surveille comme le lait sur le feu et qu’elle se méfie de toi, c’est rien de le dire… J’en ai besoin pourtant… J’ai besoin de ton regard sur ce que je vis, sur ce que je ressens… Elle m’a « prise en mains » pour m’obliger à mûrir et à me comporter en adulte responsable et je lui suis, la plupart du temps, infiniment reconnaissante de ce qu’elle fait pour moi… La plupart du temps… Parce qu’il m’arrive aussi d’avoir de violentes crises de rebellion qui, si elles ne se manifestent pas à l’extérieur, ne m’en ravagent pas moins à l’intérieur… Dans ces moments-là je me hais… Je me hais de la haïr alors qu’elle me donne tant… Quand, mais quand cesserai-je d’être cette adolescente éternellement révoltée contre une autorité qui lui est nécessaire et qui s’exerce pour son bien ?… Mais, en même temps, il y a une petite voix en arrière-fond que je n’arrive pas à faire taire, qui me susurre obstinément que j’ai raison, que personne n’a le droit de me contraindre malgré moi à quoi que ce soit… De m’interdire quoi que ce soit… Une petite voix qui m’ordonne de reprendre et d’affirmer ma liberté… Ca se chamaille et se déchire tant que ça peut en moi… Et je ne sais pas… Je ne sais plus… Je suis perdue…

- Sa liberté ?… Mais elle peut la reprendre quand elle veut sa liberté… Personne ne l’en empêchera… Personne ne la retiendra… Même pas Pierre-Antoine… Seulement elle ne le fera pas… Elle ne le fera jamais… Elle va se contenter de jouer tant et plus avec l’idée et ça lui suffira… Libre Véronique ?… Elle serait complètement désemparée et n’aurait rien de plus pressé que de se mettre en quête d’une aile protectrice à l’abri de laquelle aller se réfugier…

On a sonné…
- A cette heure-ci !… Qui ça peut être ?…
Ca a insisté… Mathilde a enfilé un peignoir… Jasmine s’est réfugiée sous les draps…
- Ben va ouvrir !…
C’était Jessica…
- Salut !… Je dérange ?… Oui, hein !… On m’attendait pas… Elle est où ?… Tu vas me la chercher ?… Faut que je lui parle… Et je veux pas le voir l’autre…
Dans la chambre Mathilde a écarquillé les yeux…
- Hein !… Jessica !… Mais qu’est-ce qu’elle fait là ?… Oui, ben fous-la dehors !… J’ai rien à lui dire… Et puis si, tiens !… Je vais régler le problème… Une bonne fois pour toutes…
Il y a eu de brefs éclats de voix… La porte a claqué…
- Voilà… Ca y est !… Elle nous emmerdera plus…
Et elle a posé sa tête contre la poitrine de Jasmine…

Le problème n’était pas réglé… Pas pour Jessica en tout cas qui, le lendemain, à la première heure, surgissait au magasin…
- Elle n’est plus elle-même, c’est clair… Elle est dans un état second… Il l’a complètement ensorcelée… Je la sens en danger… Et grave… Pas toi ?… Oui, oh toi, de toute façon… En tout cas, moi, ça mettra le temps qu’il faudra, mais je repars pas sans elle… Pas question que je la laisse entre les griffes de cet espèce d’abruti…

Estelle a surgi au moment où, agenouillé, je donnais le dernier tour de clé à la porte du magasin…
- Ca devient une manie d’arriver comme ça à la fermeture… Me dis pas que t’as encore envie de faire pipi…
- Non… Non… Ca va pour le moment…
- De toute façon j’aurais pas rouvert… C’est l’heure de passer à table… Je vais au restaurant… Tu viens ?… Je t’invite…
Elle m’a répondu d’un grand sourire…

Elle a reposé son verre…
- Vous pouvez pas savoir comment je suis heureuse d’être là avec vous !…
- Oui… Ca change du magasin, hein !…
- Oh, mais c’est bien aussi là-bas… Drôlement bien même… Jamais j’aurais cru vivre ça un jour, moi !… Qu’une femme me fasse faire des tas de choses comme ça… Toutes celles qu’elle veut… Et que ce soit justement celles que j’ai dans la tête… Comme si vous lisiez en moi… Ca me fait peur même des fois…
- Et un homme ?… Si j’avais été un homme ?…
- Oui, ben alors là il y a jamais rien qui se serait passé… Jamais…

- Elle te l’envoie pas dire… Sauf qu’il y a forcément un moment où ça va coincer… Parce que vu le tour que ça prend entre vous elle va pas tarder à vouloir autre chose… Et qu’il faudra que tu sois vraiment très très fort pour qu’elle se rende compte de rien…

Jasmine a demandé…
- Elle va rester longtemps Mathilde ?…
- J’en ai pas la moindre idée… Pourquoi ?…
- Non… Pour rien… Comme ça… Je me posais la question… Vous avez vécu ensemble… Elle est revenue chez toi… Alors peut-être que…
- Oh non, non… C’est du passé Mathilde… Pour elle comme pour moi… Je l’héberge, c’est tout… Le temps qu’elle se retourne, qu’elle s’organise, qu’elle trouve des solutions…
- Est-ce qu’elle en cherche seulement ?…
- Ben c’est pas vraiment facile, tu sais !… Avec Jessica qui arrête pas de la harceler…
- Tu crois que c’est vraiment fini toutes les deux ?…
- Pour Mathilde, oui !… Ca fait pas l’ombre d’un doute…

- Et voilà !… Il sait tout ce qu’il voulait savoir… Il avait besoin de se donner bonne conscience… C’est fait… Il n’a plus qu’à la cueillir en toute tranquillité… Ce qui, vu son état d’esprit à elle, ne devrait pas poser de problème particulier… Je donne pas huit jours avant qu’elle soit installée chez lui avec armes et bagages, qu’ils filent le parfait amour et qu’ils te mettent sur la touche… Tu vas déranger… Au moins au début… Après… Après tu es payé pour savoir que l’avenir est imprévisible… A moins que dans ton cas il ne le soit que trop…

Véronique n’arrêtait pas de rêver de la maison de grand-mère…
- Avant jamais… Mais maintenant que c’est la nôtre toutes les nuits… Je suis là-bas… Avec toi… On est tout gamins… Il y a aussi grand-mère… Qui veut absolument me faire avouer quelque chose que j’ai fait… Qu’elle est sûre que j’ai fait… J’ai beau me torturer les méninges, je n’arrive pas à trouver quoi… Et pourtant je l’ai fait… Aucun doute là-dessus… Grand-mère est furieuse… Et elle me fouette… Elle me fouette à tout-va… Je me réveille en sursaut… En nage… Le cœur battant à tout rompre… Et je mets des heures à me rendormir… Quand j’y arrive… J’en regrette presque d’avoir racheté cette maison où je ne mettrai de toute façon jamais les pieds… Ma vie est ailleurs…

- Vous n’étiez pas là hier !…
- Non… J’avais un rendez-vous important…
- Vous avez loupé quelque chose, vous savez !… Parce que la femme qui tenait le magasin à votre place…
- C’était pas Jasmine ?…
- Non… C’était la femme de l’autre jour… Celle qu’est arrivée quand vous m’avez fait promener toute nue dans le magasin…
- Mathilde…
- C’est ça, oui… Elle m’a tout de suite reconnue… Vous m’avez bien eue n’empêche… Je savais pas que c’était une amie à vous…
- Si tu l’avais su la situation aurait eu beaucoup moins de piquant, non, tu crois pas ?…
- On a un peu parlé toutes les deux et puis il y a une autre bonne femme qu’est arrivée comme une furie… « - Je savais bien que je finirais par te trouver là… Je savais bien !… - Ca suffit maintenant!… Tu me lâches… Tu te casses et tu me lâches… »
Et elle lui a ouvert la porte en grand… « - Allez, fous le camp !… - Oui, ben ça sûrement pas !… Je t’aime, moi !… Et je laisserai pas cet espèce de cinglé te détruire… Je vais te tirer de là… Je te jure que je te tirerai de là… - Dégage, mais dégage, j’te dis !… »
Et elle l’a attrapée par le bras pour la flanquer dehors… Mais elle voulait pas l’autre… Elle résistait tout ce qu’elle savait… Elle s’est accrochée à un présentoir – celui-là, là – qui a dégringolé… Alors c’est par les cheveux qu’elle l’a tirée… Elles ont roulé toutes les deux par terre, en braillant et en se traitant de tous les noms, et elles se sont battues comme des chiffonnières… Ah, ça y allait !… A coups de pied, à coups de poings, à grandes gifles… Jamais j’avais vu un truc pareil, moi !… Pour finir, Mathilde s’est retrouvée assise à califourchon sur le ventre de l’autre femme… « - Et maintenant ?… On fait moins la fière, hein ?… Et maintenant ?… Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?… Eh bien je vais te rappeller des souvenirs… » Et elle lui a déchiré tout le haut de sa robe… Elle lui a arraché son sous-tif… « - Non, Mathilde, non !… Tu vas pas faire ça !?… - Je vais me gêner… » Elle s’est penchée et elle lui a mordu un grand coup le sein… Et puis l’autre… Et puis encore le premier… A tour de rôle… Dix fois… Douze fois… Elle hurlait l’autre par terre… Elle se débattait tant qu’elle pouvait…Elle suppliait… « - Arrête, s’il te plaît, arrête… » Mais elle arrêtait pas… Sauf qu’à la fin il a bien fallu… « - Là… Pour solde de tout compte… »… Comment elle a détalé l’autre… Je crois pas qu’elle revienne s’y frotter… Mais dites, c’était quoi ces souvenirs dont elle parlait ?… Vous savez ?…
- Je te raconterai… En attendant ça a l’air de t’avoir bien plu, toi, tout ça… Vu comment tu en parles…
- J’aurais pas aimé être à sa place à la femme…
- Au contraire… Tu aurais adoré… Allez, va vite dans la cabine… Je te rejoins…

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