Les années EVA
1- Un week end à Fontbrune
Quand je suis arrivé Eva et la belle-mère de Véronique étaient attablées, seules, dans la grande pièce du bas…
- Elle ne descendra pas, non !… Elle est consignée dans sa chambre…
J’ai voulu savoir pourquoi…
- Arrête de poser des questions comme ça tout le temps… C’est fatigant…
- Bon, ben je vais monter la voir alors !…
- Non… Non… Tu restes ici…
Et elles ont continué leur conversation sans plus se soucier de moi…
Le lendemain Eva m’a réveillé à six heures…
- On part… Toutes les deux… On sera absentes jusqu’à ce soir… Véronique restera dans sa chambre… Tu lui fiches la paix… Tu ne t’occupes pas d’elle… Et t’avise pas de passer outre… Tu aurais affaire à nous…
Et elle a dévalé l’escalier…
- Gabriel !… Gabriel !… Elles sont parties ?…
En chuchotements légers de l’autre côté de la cloison…
- Oui…
- Eh ben viens alors !…
- Elles veulent pas…
- Elles le sauront pas… Comment tu veux ?… Allez, viens !…
- Mais t’es attachée !…
Sanglée, par les poignets, aux barreaux du lit…
- Ben oui !… Oui… Tu vois… Je suis attachée…
- Tu veux que je te détache ?…
- Tu pourrais pas… Elles ont emmené la clé… Et puis de toute façon je veux pas… Monte près de moi… Qu’on discute un peu tous les deux… Installe-toi bien !… Là… Je les mérite pas, tu sais !… Je les mérite vraiment pas… Quand je vois tout ce qu’elles font pour moi… Comment elles prennent soin de m’éviter les pièges dans lesquels je me précipite à pieds joints dès qu’on me laisse un peu la bride sur le cou… Sans elles je partirais complètement à la dérive… Elles sont l’ossature que je n’ai pas… Que je n’ai jamais eue… Que je n’aurai jamais… Je leur dois tant… Je leur dois tout… Etre libre ?… J’ai pas envie… J’ai plus envie… Pour faire quoi ?… Pour la remplir avec quoi ma liberté ?… J’essaie des fois dans ma tête… Je trouve rien… Rien qui en vaille la peine… A part m’envoyer en l’air… Que ça… Qu’elles me détachent, qu’elles me laissent sans surveillance et j’y cours… Je fonce faire Pierre-Antoine cocu… Avec n’importe qui… Le premier venu… Je me dégoûte… Tu peux pas savoir comme je me dégoûte… Arriver à 45 ans bientôt et n’avoir aucun but, aucune passion dans la vie… Aucun intérêt pour rien… A part ça… Je ne suis rien… Je n’existe pas… Pour personne… Sauf pour elles… J’existe de n’être rien… Tu comprends ?… Je sais pas… Je crois pas… C’est pas grave… Va me chercher un café, tiens !…
Je le lui ai fait boire à petites gorgées en lui soutenant la tête…
- Merci…
Elle s’est laissé retomber…
- Et toi ?… Tu existes ?… Tu existes pour qui ?… Ben toi non plus tu n’existes pas… Pour personne… Oh, t’as plein de monde qui t’a toujours tourné autour, ça c’est sûr… Des tas de nanas – il y en aurait une liste longue comme ça ! – qui te donnent l’illusion d’être comme tout le monde… Ou de pouvoir le devenir… En réalité tu n’as pas – tu n’as jamais eu – la moindre importance pour elles… Elles t’utilisent en fonction de leurs besoins ou de leurs attentes et elles te jettent quand tu leur sers plus à rien… Bon, mais on va pas s’apitoyer sur notre sort… Si tu allais nous préparer quelque chose à manger plutôt ?… Un de ces petits plats amoureusement mijotés dont tu as le secret… Je crève de faim, moi !…
Je lui ai donné la becquée… Elle a ri…
- Chacun son tour !… Tu te rappelles l’année où tu t’étais cassé les deux poignets en tombant de la corniche ?… Qu’on te faisait manger à tour de rôle ?…
- Si je me rappelle !…
- Tu faisais quoi là-haut ?… T’étais vraiment somnambule ?… Non, hein !?… Je m’en suis toujours doutée… J’étais avec qui ce soir-là déjà ?…
- Lionel…
- Ben oui, évidemment Lionel… Et tu avais eu le temps de voir quelque chose au moins ?… Même pas !… Tout ça pour rien alors !… En tout cas elle en aura vu cette chambre, elle !… Si les murs pouvaient parler… Non, merci, non… J’ai plus faim…
Et, les yeux fixés au plafond, elle s’est absorbée dans une longue songerie… J’ai redescendu le plateau, fait la vaisselle, suis allé m’étendre quelques instants sur la terrasse au soleil…
- Jamais on aurait dû parler de ça… Jamais… Je venais de remonter…
- Ca me rappelle trop de souvenirs… Ca remue trop de choses… Ca me donne trop envie… Elle a soupiré…
- Tu sais depuis combien de temps j’ai pas eu d’homme ?… Deux ans… Vingt-cinq mois exactement… Il peut plus Pierre-Antoine… Et de toute façon même quand il pouvait ça changeait pas grand chose… Il me reste toute seule… Mais elles veulent pas… Elles m’empêchent… C’est pour ça qu’elles m’attachent… J’y arrive quand même des fois… Pas souvent, mais j’y arrive… J’en peux plus, Gabriel… J’ai trop envie… S’il te plaît, aide-moi… Aide- moi à me retourner sur le ventre… J’y arrive pas toute seule… J’ai pas d’appui… Là… Merci… Glisse-moi les oreillers en dessous maintenant… Les deux… Et… à toi je peux bien demander ça… tu m’enlèverais pas ma culotte ?… C’est bon… Laisse-moi maintenant…
Je n’ai pas rabattu le drap… J’ai laissé la porte entrebaîllée et je l’ai regardé chevaucher voluptueusement les coussins à grandes ondes moutonnantes… A croupe déployée… A fesses bondissantes… Disloquée… Elle a gémi… Elle a mordu l’oreiller… Elle a sangloté de plaisir… Quand elle a eu fini je me suis éclipsé sur la pointe des pieds…
Elle ne m’a rappelé que beaucoup plus tard…
- Faudrait que tu me remettes dans le bon sens… Parce que si elles rentrent… Les oreillers aussi… Et que tu me renfiles ma culotte… Là… Pars maintenant… Pars… Qu’elles te trouvent pas là…
- Tu es allé voir ta cousine dans sa chambre !…
- Non, non !… Pas du tout !… J’ai pratiquement pas bougé de la mienne…
- C’est elle qui est venue alors !…
- Attachée comme elle est sur son lit elle aurait eu du mal…
- Ah oui !… Et comment tu le sais qu’elle était attachée si t’es pas allé la voir ?…
J’ai bredouillé qu’on s’était un peu parlé à travers la cloison…
- Te fatigue pas !… De toute façon avec toutes les miettes que vous avez laissées sur le tapis… Bon… Mais on réglera ça tout-à-l’heure…
Elles nous ont fait descendre… Rester longtemps immobiles, bras ballants, près de la grande table…
- Bien… Vous êtes tous les deux fautifs… Vous avez tous les deux mérité d’être punis… Mais, à l’évidence, Gabriel est beaucoup plus coupable que Véronique qui s’est contentée de subir passivement une présence à laquelle elle ne pouvait pas se soustraire… Si on veut bien faire preuve d’une extrême indulgence on peut même considérer qu’elle est, d’une certaine façon, la victime de son cousin… Et qu’elle est en droit d’exiger réparation… C’est donc elle qui va administrer à Gabriel la correction qui lui est due… Etant entendu que si elle s’y refusait elle reconnaîtrait par là même sa pleine et entière responsabilité dans ce qui s’est passé et qu’elle encourrait la même sanction… A elle de décider… A toi de décider… Prends tout ton temps… On revient…
- Je vais quand même pas te faire ça !…
J’ai haussé les épaules…
- Quitte à en prendre une !… Que ce soit elles ou toi… Au moins comme ça toi tu y échapperas…
- Tout est de ma faute… Si je t’avais pas appelé…
- J’aurais bien fini par venir quand même… J’allais le faire n’importe comment…
- Je vais jamais pouvoir, moi !…
- J’aimerais quand même mieux que ce soit toi… Et de loin… Tu taperas moins fort…
- Très bien… Comme tu voudras…
Et Eva lui a tendu le martinet… Elle m’a fait déshabiller…
- Eh ben !… Qu’est-ce que tu attends ?… Tout… T’enlèves tout… Même les chaussettes, oui… Mets-toi contre le mur… Bien collé… Là…Et bouge plus… Le premier coup s’est fait attendre…
- Alors ?… Tu te décides ?… Timidement… Juste un léger effleurement… Elles ont éclaté de rire…
- Si tu t’y prends comme ça !…
Une deuxième tentative légèrement plus appuyée… Encore des rires…
- Attention !… Tu vas lui faire mal…
Une troisième un peu plus franche…
- Elle se fout carrément de nous oui !…
- On va lui en faire passer l’envie… Déshabille-toi !… Allez !… Et toi, te retourne pas… Reste le nez au mur…
Derrière il y a eu des bruissements d’étoffe…
- Vas-y maintenant… Vas-y !… Et fais pas semblant… Sinon c’est toi qui prends…
Elle a tapé plus fort… Elle a essayé…
- Qu’est-ce qu’on t’a dit ?…
Et il y a eu un autre coup, en écho, qui lui a arraché un cri…
- Allez !…
Elle a réessayé…
- Tu te moques vraiment du monde…
Et elles l’ont cinglée… Une dizaine de coups, à toute volée, précipités, les uns derrière les autres… Alors elle aussi… En rafale… J’ai serré les dents pour ne pas hurler…
- Ah, ben voilà !… Tu vois, ça vient… Mais t’arrête pas !… T’arrête pas en si bon chemin… Elle ne s’est pas arrêtée… J’ai crié…
- C’est bon… Ca suffit… Il a son compte…
Elle a laissé tomber le martinet…
- Excuse-moi !…
Dans un souffle…
Le notaire nous a abreuvés de sourires… Il avait bien connu notre grand mère…
- Une femme charmante… Qui avait son caractère… Mais on a toujours eu d’excellentes relations tous les deux… Même si quelquefois…
Il était en tout cas ravi que nous reprenions la maison…
- Avouez qu’il aurait été dommage de la laisser partir à des étrangers… Et puis vous êtes cousins… On peut au moins être sûrs d’une chose, c’est que vous divorcerez pas tous les deux…
Elles ont voulu fêter ça…
- Ca s’arrose !…
Au champagne… On a levé nos coupes… On a trinqué…
- Et maintenant ?… Maintenant que vous êtes propriétaires vous allez faire quoi ?… Hein ?…Comment ça on allait faire quoi ?… Qu’est-ce qu’elles voulaient qu’on fasse ?… Rien… Comme avant… J’y viendrais l’été… Véronique aussi… Peut-être… Si elle pouvait… - A moins que…
- A moins que quoi ?…
Non… Rien… Elles savaient pas… Mais parfois l’avenir était si imprévisible…
- Qu’est-ce qu’elles ont voulu dire par là ?…
On discutait à travers la cloison… Elles s’étaient absentées et nous avaient attachés sur nos lits respectifs…
- Chacun dans sa chambre… Comme ça au moins on sera sûres que vous serez pas tentés d’aller encore inventer un tour de votre façon…
- Hein ?… Qu’est-ce qu’elles ont voulu dire ?… A ton avis ?… Elles avaient une idée derrière la tête, c’est clair, mais laquelle ?…
Je n’en avais pas le moindre soupçon…
- Qu’un jour on habitera ici ?… C’est pas l’envie qui m’en manque, mais c’est impossible… Même à la retraite Pierre-Antoine viendra jamais s’y enterrer… Et toi tu as ton boulot, toute ta vie là-haut… C’est peut-être pas ce que t’as fait de mieux d’ailleurs… Ni moi non plus… J’y pense des fois… Je pense à ce qu’aurait pu être ma vie si je n’avais pas épousé Pierre-Antoine… Mais bon… On peut pas revenir en arrière…
2- Mutations
Au magasin Mathilde trônait derrière la caisse…
- Qu’est-ce tu fais là, toi ?…
- Je bosse… Ca se voit pas ?… Je suis embauchée… Depuis lundi…
- Ben… et moi ?…
- Viré… Fallait pas t’absenter… Mais non, oh, fais pas cette tête-là… Je déconne… Non… Jasmine ouvre une autre boutique… Un truc qu’a fait faillite… Qu’elle a eu pour une bouchée de pain… Toi, tu tiendras ici, elle là-bas et moi je ferai la navette entre les deux… En fonction des besoins… Après faudra voir… Faudra voir comment ça va tourner…
- Si je comprends bien tu te mets en ménage avec Jasmine ?…
- Je vais habiter avec elle, oui !… Ca t’ennuie ?… Tu m’avais dit que…
- Oh, que non !… Vous faites bien ce que vous voulez… Mais est-ce que c’est pas un peu prématuré ?… Vous vous connaissez à peine…
- Oui, oh mais ça !… On n’a pas du tout l’intention de se prendre la tête… De s’emprisonner l’un l’autre… C’est le meilleur moyen de se casser la figure…
- T’as pas toujours tenu ce discours…
- J’ai évolué… C’est pour ça : il y a rien de changé pour toi, tu sais !… Vous pourrez vous voir autant que vous voudrez… Continuer à être exactement comme avant tous les deux… C’est pas moi qui y trouverai quoi que ce soit à redire… Au contraire… Au contraire, oui… J’adore ça voir deux mecs ensemble… Je vous ai sous la main… Je vais pas m’en priver… Et, de mon côté, ce serait bien le diable si j’arrivais pas à me dégotter une belle petite nana dont m’occuper devant Jasmine… Je lui dois bien ça… Ah oui, à propos, il y a Estelle qui est passée… Plusieurs fois… Elle a demandé après toi… On a pas mal discuté toutes les deux… Comment elle t’a à la bonne !… C’est rien de le dire… Elle te porte carrément aux nues, oui…
- Et maintenant qu’est-ce qui va se passer ?… Tu sais pas ?… Non ?… Cherche bien !… Mais oui, tu y es presque… Ben oui, obligé, c’est couru… C’est avec Estelle qu’elle va vouloir offrir le spectacle à Jasmine et, à un moment ou à un autre, d’une façon ou d’une autre, Estelle va forcément découvrir que Jasmine n’est pas seulement la belle jeune femme qu’elle prétend être… Par ricochet, elle aura obligatoirement des doutes sur ton identité à toi… Des doutes qu’elle voudra lever… Qu’elle finira par lever et, une fois de plus, tu seras grillé…
- Mais qu’est-ce que je peux faire alors ?…
- Rien… Absolument rien… La seule solution consisterait à les empêcher de se voir, mais tu n’as ni la personnalité ni l’imagination qui te permettraient d’y parvenir… Non… Ce que tu peux faire c’est reconnaître enfin – ce ne serait pas trop tôt – que tu t’aventures obstinément sur un terrain qui ne relève absolument pas de ton domaine de compétence… Admets une bonne fois pour toutes que je suis – et depuis toujours – le seul pôle réel de stabilité dans ton existence… Et tires-en les conséquences…
- Ca vous plaît ?…
- Je serais difficile…
Estelle avait tenu à m’emmener au restaurant…
- Je vous invite… C’est mon tour…
Et elle avait fait les choses en grand… Cadre raffiné… Cuisine d’exception… Serveurs en livrée…
- Mais dites-moi là… La femme qui s’est battue au magasin l’autre fois…
- Mathilde ?…
- Mathilde, oui, c’est ça… Elle y travaille maintenant ?…
- Comme si tu le savais pas !…
- Vous allez pas vous en aller au moins ?…
- Tu me regretterais ?…
- Oh oui !… Et pas qu’un peu !… Vous savez trop bien me faire honte… Ce que ça a pu me me manquer pendant tous ces jours où vous avez été absente !…
- Il n’y en a eu que cinq…
- C’était long…
- Eh bien on va rattraper le temps perdu alors…
- Quand ?… Demain ?…
- Non… Tout de suite…
- Ici ?…
- Ici, oui… Elle a jeté un bref coup d’œil aux occupants à conversations feutrées des tables voisines…
- Mais comment ?…
- Oh, c’est très simple, tu vas voir !…
Et je l’ai giflée… Une gifle sonore, énergiquement lancée… Un silence soudain… Tous les regards ont convergé vers nous… Curieux, amusés ou réprobateurs… Des fourchettes sont restées suspendues en l’air… Cramoisie, elle a piqué du nez dans son assiette… Autour de nous, lentement, les uns après les autres, les repas ont repris leur cours… Les conversations aussi…
- Tu vois que c’était pas bien compliqué…
- Je m’y attendais pas en plus… C’est mille fois mieux quand on s’y attend pas… Et… c’est la deuxième…
- Tu aimes ça les claques, hein ?…
- Quand c’est vous qui les donnez, oui… Mais dites, qu’est-ce que vous croyez qu’ils ont pensé les gens ?…
- A ton avis ?…
- Je sais pas… Que vous êtes ma mère… Oui… Sûrement… Et que, même à mon âge, vous me mettez encore des gifles…
- Que tu acceptes sans broncher…
- On me regarde encore autour ?…
- Oui… Le couple à droite, près de la fenêtre… Il arrête pas… Et tu les fais beaucoup rire… Et puis une femme au fond… De l’autre côté aussi on parle de toi… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Tu sais où sont les toilettes ?…
- Oui… Faut traverser toute la salle… Et après c’est à droite, au bout du couloir…
- Eh ben tu vas y aller alors…
- Oh non !… J’oserai jamais maintenant…
- Mais si !… Ou je te remets une gifle… C’est comme tu veux… Tu choisis…
Elle s’est levée…
- Vous êtes diabolique !… Comment vous faites pour me comprendre aussi bien ?…
Pierre-Antoine avait une maîtresse…
- Une maîtresse, oui !… Pierre-Antoine !… Tu te rends compte ?… J’ai découvert ça avant-hier… Et moi qui culpabilisais !… Quand je pense – non, mais quand je pense – que moi on m’enferme, on m’attache et que lui pendant ce temps-là… C’est la meilleure… Je suis trop bête, tiens !… Pierre-Antoine !… Tu sais que j’arrivais pas à y croire au début ?… Et pourtant si !… Il a une maîtresse… Une rouquine d’une trentaine d’années… Quelconque… Vraiment très quelconque… Tu te retournerais pas dessus dans la rue… Et il la saute… Moi, il y a des mois qu’il m’a pas touchée et il va sauter ça… Grand bien lui fasse… Grand bien leur fasse… Parce que s’il s’y prend avec elle comme il s’y prenait avec moi elle doit pas atteindre le Nirvana tous les jours… Mais tu sais quoi ?… Eh bien je m’en fous… Complètement… Pierre-Antoine il y a belle lurette que j’éprouve plus rien pour lui… Si j’ai jamais vraiment éprouvé quoi que ce soit d’ailleurs… Alors qu’il fasse sa vie de son côté si ça lui chante… Ca m’est parfaitement égal… Mais je peux t’assurer que moi, par contre, maintenant je vais faire la mienne… Et c’est sûrement pas la vieille qui va m’en empêcher…
- Bien sûr que si !… Elle est complètement sous sa coupe… Il suffit d’un froncement de sourcils, d’un claquement de doigts, d’un léger haussement de ton pour que Véronique se liquéfie devant elle… Et Pierre-Antoine ou pas ça va continuer… Il a rien à voir là-dedans Pierre-Antoine… Il n’a jamais été qu’un prétexte… C’est entre elles deux – et uniquement entre elles deux – que ça se passe…
Il n’y avait personne à la caisse et on riait aux éclats dans la cabine… Estelle y était nue… Mathilde tenait une petite culotte mauve à la main…
- Ah, ça y est ?!… T’es revenu… Qu’est-ce qu’il t’a dit le toubib ?… C’est rien de grave ?… Bon, ben je file moi alors… Jasmine m’attend là-bas…
Estelle s’est reculottée…
- Elle est drôlement sympa !…
- Elle est sympa, oui, mais méfie-toi quand même !…
Elle a ouvert de grands yeux…
- De quoi ?…
- Je ne veux pas trahir des secrets qui ne m’appartiennent pas, mais elle serait capable de t’entraîner dans de drôles d’histoires…
- Quel genre d’histoires ?…
- Je peux pas te dire… J’ai pas le droit… Mais si elle veut t’emmener quelque part… Chez elle… Ou ailleurs… N’accepte pas… Surtout n’accepte pas…
- Vous êtes jalouse, c’est ça ?…
- Ce n’est pas la question…
- Si, vous êtes jalouse, si !… Oh, mais n’ayez pas peur… Il y a que vous qui savez me faire honte comme il faut…
- Je divorce… Non… IL divorce… Il m’a tranquillement annoncé ça hier soir entre la poire et le fromage… « - Mais vous n’aurez absolument aucun souci financier, Véronique… J’y veillerai… A condition, bien entendu, que vous n’entraviez en rien la procédure… » J’entraverai rien du tout… Qu’il aille donc s’installer avec sa rouquine si ça lui chante… Puisque, à l’évidence, c’est elle qui est derrière tout ça… Oh, elle a su le manœuvrer, va !… Je l’imagine bien se pâmant tant et plus dans ses bras en hoquetant de soi-disant plaisir… Et l’autre qui a jamais été foutu de faire jouir qui que ce soit tu penses qu’il se sent plus… Et elle a plus qu’à encaisser les bénéfices… Seulement si elle se figure que je vais lui laisser empocher le pactole sans lever le petit doigt !… Je vais être gourmande… Très gourmande… J’ai quand même bien droit à ça après tout ce que j’ai dû supporter pendant toutes ces années, non, tu crois pas ?… En attendant il faut que j’envisage ma nouvelle vie… Je vais en faire quoi ?… J’en sais rien… C’est encore trop frais tout ça… Tout est embrouillé dans ma tête… La seule chose dont je sois vraiment sûre c’est que je vais descendre habiter la maison de grand-mère… A condition évidemment que tu n’y voies pas d’inconvénient puisqu’elle t’appartient tout autant qu’à moi… Une fois que je serai là-bas, que j’aurai retrouvé mes marques, j’y verrai sans doute beaucoup plus clair… Et je peux te dire qu’il va pas me manquer Pierre-Antoine… Ah non alors !… Aussi bizarre que ça puisse paraître c’est ma belle-mère que je vais regretter… Et pas qu’un peu !…
- Elle m’aura, moi !… Et je peux t’assurer qu’elle perdra pas au change…
- Vous aviez raison pour Mathilde… Elle m’a invitée…
- Ah, tu vois !… Et qu’est-ce que tu vas faire ?…
- Je sais pas… Vous m’avez fait peur avec vos histoires… Qu’est-ce que je risque au juste ?… - De te retrouver au milieu de messieurs dont tu auras le plus grand mal à te dépatouiller…
- Oh, mais non !… Il y aura qu’elle et Jasmine elle m’a dit…
- Libre à toi de la croire…
- Et elle est comme moi Mathilde… Elle aime pas les hommes…
- Ne te fie pas trop aux apparences… Tu pourrais bien avoir une sacrée surprise…
- Je sais plus quoi faire, moi, du coup…
- Ce que tu veux, mais je t’aurai prévenue…
- C’est demain en plus que je dois y aller!…
- Trouve un prétexte… Donne-toi au moins le temps de la réflexion…
- Oui… Je vais inventer quelque chose… Parce que si c’est pour me retrouver au milieu de tout un tas de bonshommes merci bien !…
Véronique était installée…
- Enfin si on veut !… J’attends le gros de mes affaires pour mercredi… Ca se passe plutôt bien avec Pierre-Antoine… Il est convaincu que sa rouquine est totalement désintéressée… Elle n’a pas encore dû oser apparaître sous son vrai jour… Du coup il se montre très généreux avec moi… J’accepte tout… Je signe tout… Je pousse même à la roue de peur qu’il se ravise… Ca devrait être rapidement réglé… Pour le reste je suis toujours dans le brouillard… Eva passe beaucoup de temps avec moi… Tu la connais : elle est très directive… Plus que ma belle-mère peut-être encore… Différemment… Ce que ma belle-mère voulait c’était m’empêcher de courir… C’était, pour elle, la seule chose qui comptait… Eva, elle, m’impose de faire, dans tous les domaines, ce qu’elle a décidé que je devais faire… C’est ce dont j’ai besoin… Surtout en ce moment… J’ai besoin d’être une petite fille qui obéit et que son obéissance protège de tous les dangers… Je sais que tu me comprends… Ah, si seulement je pouvais parler un peu avec toi !… Et si tu descendais ?… Ca doit pas être trop difficile pour toi de te libérer… Essaie !… Allez, viens !… Je t’attends…
- Mais oui !… On t’attend… Et amène cette fameuse Estelle… Qui ne demandera pas mieux… Ca la soustraira aux insistantes sollicitations de Mathilde… Et, pour toi, ça retardera un peu les échéances…
3- Découvertes
Tout – tout de suite – a enchanté Estelle… La maison…
- C’est fou ce qu’il y a comme pièces !… Vous vous y perdiez jamais ?…
Le jardin…
- J’en aurais eu un comme ça, moi, quand j’étais petite j’y aurais passé mes journées !…
Les prés… Les bois… Les chemins creux…
- Quand on habite ici ça doit être comme si on était toujours en vacances…
Véronique…
- Elle me plaît trop votre cousine… On discute exactement comme si on avait le même âge toutes les deux…
Et Eva…
- Même si elle me fait un peu peur cette dame… Elle a une de ces façons de regarder… On a toujours l’impression qu’on a fait quelque chose de mal…
- Tu n’as pas honte ?…
Estelle s’est troublée, a rougi, levé sur Eva un regard interrogateur…
- Tes pieds… Non, mais t’as vu tes pieds ?… Faut aller t’acheter des chaussures, ça s’impose… Je t’emmène… Mais d’abord on va aller te préparer… Viens avec moi !…
Véronique les a suivies du regard jusqu’à ce qu’elles disparaissent à l’angle de la terrasse…
- Et si tu restais ?…
- Si je restais ?…
- Ici… Définitivement… Comme moi… Avec moi… Maintenant que la maison est à nous… Tu aurais une autre qualité de vie, non, avoue !…
- Tu sais très bien que c’est impossible…
- Pourquoi ça impossible ?… - J’ai mon boulot là-haut…
- Eva en parlera à son père… Il t’embauchera… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Elle lui fait faire tout ce qu’elle veut à son père…
- Je peux pas laisser tomber Jasmine comme ça…
- Il y a une nouvelle donne maintenant que Mathilde et Jasmine filent le parfait amour et tu le sais très bien… Tu déranges… Tu dérangeras de plus en plus… On te mettra pas dehors, non… On s’arrangera pour que tu partes… De toi-même… Alors autant prendre les devants, non, tu crois pas ?…
- Oui, mais…
- Oui, mais il y a Estelle, c’est ça, hein ?… Seulement un jour ou l’autre elle découvrira le pot-aux-roses Estelle et ce jour-là…
- Vous êtes où ?…
- Ici… Dans ma chambre…
- Je peux entrer ?…
- Bien sûr… Elle avait les yeux tout brillants d’excitation…
- Elle m’a emmené acheter des chaussures la dame…
- Ca… j’avais compris…
- Et pour y aller elle a voulu que je m’habille comme ça… Une petite robe rouge haut des cuisses…
- Et que je mette rien en dessous… Evidemment la vendeuse elle a vu… Et alors la dame elle a fait semblant de découvrir aussi que j’avais pas de culotte… Elle a fait tout un scandale… Elle m’a traitée de tout… De tout… Devant tout le monde qui entendait et qui nous regardait… Et il était grand le magasin en plus !…
- C’était bien, hein ?!… Ca t’a plu ?…
- Oh oui !…
- Viens !…
Elle s’est laissé attirer sur le lit… J’ai enfoui ma tête entre ses cuisses…
- Hou la la !… Je reviens de loin, moi !… Comment c’est bon de s’abandonner comme ça… De se laisser complètement faire… Elle s’est redressée sur un coude…
- A votre tour… Vous voulez ?… Je l’ai embrassée, doucement repoussée…
- Non… Non… Tu es gentille… Une autre fois…
Eva m’a arrêté dans mon élan…
- Tu vas où ?…
On finissait de déjeuner sur la terrasse…
- Au petit coin…
- Tu peux bien faire là… On est entre femmes… Eh bien !… Qu’est-ce que t’attends ?… Prends pas cet air empoté…
Je me suis accroupi à contre-cœur… J’ai relevé la robe… Le moins haut possible… En dessous je me suis sorti sur le côté de la culotte… Elle s’est levée… Elle s’est approchée… Elle m’a posé le pied sur la poitrine et elle a poussé… De toutes ses forces… J’ai basculé en arrière… Estelle a écarquillé les yeux, poussé un petit cri de fond de gorge… Elle a renversé sa chaise et elle s’est enfuie… J’ai voulu la suivre…
- Reste ici !… Je m’en occupe…
Elles l’ont raccompagnée à la gare…
- Pas toi, non !… Pas toi !… Elle veut plus te voir… Même pas te dire au revoir… Après ce que tu lui as fait… La mener comme ça en bateau pendant des mois !… Elle ne te le pardonnera jamais…
- Il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre de toute façon… Et au moins maintenant l’abcès est crevé… Une bonne fois pour toutes… C’est mieux pour toi… Parce que c’est insupportable de devoir appréhender comme ça constamment que tout soit découvert… De tricher en permanence… Avec toi-même et avec les autres… Il serait quand même grand temps que tu t’acceptes enfin tel que tu es, non, tu ne crois pas ?… Sur tous les plans… Que vous vous acceptiez enfin tous les deux tels que vous êtes… Toi aussi, Véronique !… On va sérieusement s’en occuper… Bon, mais vous débarrassez la table et vous allez vous coucher… On a une foule de choses à faire demain…
- Tu as bien compris ?…
- Oui…
- Et celui-là !… Pas un autre… Vas-y !…
Et Eva s’est éclipsée… Il regardait la plage, appuyé à la balustrade… Je me suis accoudé à ses côtés…
- Qu’est-ce qu’il y a comme jolies femmes, hein !… Pas facile de faire son choix…
Il a soupiré…
- Le problème c’est de faire le bon de choix… Parce que si c’est pour sortir le grand jeu et qu’elle se défile au moment de passer à la casserole…
- Vous l’avez vue celle en maillot noir sous le parasol bleu ?…
- Où ça ?…
- A droite là… Juste en dessous…
Il a braqué ses jumelles sur Véronique, est resté un long moment à la contempler…
- Belle femme !… Très belle femme !…
- C’est la mienne…
- Mes compliments !… Vous devez pas vous ennuyer…
- Elle, si !…
Il m’a regardé d’un air interrogateur… J’ai haussé les épaules…
- Quand on n’a pas été gâté par la nature…
- Ah !…
- Mais alors là vraiment pas !… Je suis dans l’incapacité totale de lui donner du plaisir… Et elle en souffre la pauvre… D’autant qu’elle a de gros besoins… De très gros besoins…
Son œil s’est brusquement allumé…
- On est entre hommes… Si je peux rendre service…
- Vous pouvez, oui…
Il est reparti sans bruit à l’aube et Véronique a aussitôt frappé, à petits coups légers, contre la cloison…
- Tu viens ?… Dans le lit encore tout plein d’eux elle s’est calée contre mes fesses…
- Réchauffe-moi !… Je suis glacée… J’ai toujours froid après… Elle s’est encastrée entre mes cuisses…
- Hou… Comment ça fait du bien !… On a dû t’empêcher de dormir, non ?… Mais ça faisait si longtemps aussi… J’avais presque oublié comment c’était un homme… Alors pour une fois que j’en avais un sous la main !… Et un qui s’y prenait pas mal du tout en plus… Je l’ai épuisé le pauvre… Il pouvait carrément plus à la fin… Faut dire que quatre fois dans la même nuit…
- Cinq…
- Comment tu le sais ?… T’étais sur la corniche ?…
- Non, mais on entend tout d’à côté…
- Ca te tentait pas la corniche ?…
- Eva a pas voulu… Mais elle y était sûrement elle… Bon… Mais j’y vais…
- Où ça ?…
- Dans ma chambre… Si jamais elle nous trouve encore ici tous les deux…
- Elle le sait… Elle m’a dit : « - Et après… quand tu seras bien pleine de foutre tu feras venir Gabriel… Qu’il sache, au moins une fois dans sa vie, ce que c’est qu’être au lit auprès d’une femme comblée… »… A ton avis pourquoi elle m’a flanqué ce type dans les bras ?… C’est juste pour ça ?… Elle t’a parlé de quelque chose ?…
- Non… Rien… Elle a juste voulu que je te le ramène « - Celui-là… Et pas un autre »…
- Je comprends pas trop… Pendant des mois et des mois elles ont tout fait, ma belle-mère et elle, pour m’empêcher d’avoir quelque activité sexuelle que ce soit et maintenant…
- Tu divorces… La donne est différente…
- Peut-être… Je sais pas… C’est elle qui décide n’importe comment…
Elle s’est tue… Et on s’est endormis lovés l’un contre l’autre…
- Tu as eu ton compte ?… Non, hein !?… Pas vraiment… Tu as tellement de retard à rattraper aussi… Mais Gabriel va retourner te chercher ce qu’il faut… Comment tu le veux ?… Grand ?… Baraqué ?… Oui… Evidemment… Bon, mais reste là… Attends-nous … On va te ramener ça…
Elle a fini par arrêter son choix sur un beau brun à la carrure d’athlète qui courait, seul, autour du petit stade de la rue des Tilleuls…
- Lui !… Et te loupe pas, hein !…
J’ai attendu qu’il ait fini ses tours de piste et je me suis approché…
- Belle journée, hein !… Il s’est penché, sans me répondre, sur son sac de sport…
- Je voudrais vous demander quelque chose… Ca vous ennuierait de me rendre un service ?… - Quel service ?…
- C’est un peu particulier…
- Dites toujours…
- C’est pour ma femme… Je suis dans l’incapacité totale de la satisfaire et…
- Ah, t’es impuissant…
- Pas vraiment, non, mais…
- Mais ça t’excite qu’on tire ta femme devant toi, c’est ça, hein ?… Et tu lui laisses pas le choix… Tu l’obliges à en passer par où tu veux… T’es vraiment une ordure… Les types dans ton genre tu sais ce qu’ils méritent ?… C’est qu’on leur casse la gueule…
- Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ?… Tu es dans un état !… Il est pas cassé ton nez au moins ?… Fais voir !… Mais fais voir, on t’dit !…
Elle l’a empoigné… J’ai hurlé…
- Oh, sois pas doudouille comme ça !… Non, tu vas déguster un moment, mais c’est pas bien méchant… La lèvre, par contre, il te faudrait peut-être des points… Il te l’a éclatée quelque chose de rare… Quoique… Non… Non… Ca cicratisera bien tout seul… La pommette aussi… Allonge-toi !… On va te soigner…
- Bon… Et maintenant si tu nous expliquais ce qui s’est passé…
Elles m’ont attentivement écouté…
- Oui… Tu t’y es pris comme un manche, quoi !… Et c’est Véronique qui en subit les conséquences… Tu le sais pas, depuis le temps, combien c’est important pour elle ?… Et, par ta faute, elle va en être privée… Tu l’as fait exprès… Je suis sûre que tu l’as fait exprès…
- Hein ?… Ah, mais non, non, pas du tout !…
Elle a haussé dédaigneusement les épaules…
- Ben voyons !… Et elle a sorti d’un tiroir un martinet qu’elle a tendu à Véronique…
- A toi de jouer… Fais-lui payer ça…
Le soir, elle est venue me rejoindre dans mon lit…
- Tu m’en veux ?…
- Mais non !…
- Bien sûr que si que tu m’en veux… Comment j’ai tapé fort !… J’ai pas pu m’empêcher… J’en avais trop envie… Jamais j’aurais cru… Déjà l’autre jour quand elles m’avaient obligée à le faire ça avait commencé… Mais alors là cette fois-ci…
Elle m’a posé une main sur une fesse, a suivi les boursouflures du bout du doigt…
- Ca fait mal, hein ?… Je sais ce que c’est… J’y suis passée… Mais pourquoi je deviens comme ça, moi maintenant ?… Et avec toi en plus !… Peut-être à cause d’avant quand on arrêtait pas de se moquer de toi ?…
Elle a posé la main dessus… L’a négligemment flattée…
- Qu’est-ce que ça a pu nous faire rire !…
4- Décisions
De son vivant – bien avant ma naissance – personne n’était jamais entré dans le bureau de grand père… Même pas grand mère… Après son décès non plus… Elle l’avait laissé, sans y pénétrer, dans l’état où il se trouvait le jour de sa mort et en avait condamné la porte… Pour nous, enfants, c’était une pièce mythique dont nous supposions qu’elle recélait des mystères terrifiants et dont nous ne nous approchions qu’en cas d’absolue nécessité… Quand nous sommes devenus propriétaires de la maison, Véronique et moi, nous ne nous sommes même pas posé la question : il allait de soi que nous ne toucherions pas à cette pièce et que nous n’y entrerions pas…
C’est là qu’Eva m’a convoqué le lendemain matin… Assise derrière un immense bureau en chêne, elle m’a fait signe d’approcher…
- Eh bien avance !… Ca va pas te manger…
Je l’ai fait… Avec le sentiment de commettre un épouvantable sacrilège… Sans oser lever les yeux sur la pièce interdite… Comme d’une planche de salut je me suis emparé d’une chaise…
1- Un week end à Fontbrune
Quand je suis arrivé Eva et la belle-mère de Véronique étaient attablées, seules, dans la grande pièce du bas…
- Elle ne descendra pas, non !… Elle est consignée dans sa chambre…
J’ai voulu savoir pourquoi…
- Arrête de poser des questions comme ça tout le temps… C’est fatigant…
- Bon, ben je vais monter la voir alors !…
- Non… Non… Tu restes ici…
Et elles ont continué leur conversation sans plus se soucier de moi…
Le lendemain Eva m’a réveillé à six heures…
- On part… Toutes les deux… On sera absentes jusqu’à ce soir… Véronique restera dans sa chambre… Tu lui fiches la paix… Tu ne t’occupes pas d’elle… Et t’avise pas de passer outre… Tu aurais affaire à nous…
Et elle a dévalé l’escalier…
- Gabriel !… Gabriel !… Elles sont parties ?…
En chuchotements légers de l’autre côté de la cloison…
- Oui…
- Eh ben viens alors !…
- Elles veulent pas…
- Elles le sauront pas… Comment tu veux ?… Allez, viens !…
- Mais t’es attachée !…
Sanglée, par les poignets, aux barreaux du lit…
- Ben oui !… Oui… Tu vois… Je suis attachée…
- Tu veux que je te détache ?…
- Tu pourrais pas… Elles ont emmené la clé… Et puis de toute façon je veux pas… Monte près de moi… Qu’on discute un peu tous les deux… Installe-toi bien !… Là… Je les mérite pas, tu sais !… Je les mérite vraiment pas… Quand je vois tout ce qu’elles font pour moi… Comment elles prennent soin de m’éviter les pièges dans lesquels je me précipite à pieds joints dès qu’on me laisse un peu la bride sur le cou… Sans elles je partirais complètement à la dérive… Elles sont l’ossature que je n’ai pas… Que je n’ai jamais eue… Que je n’aurai jamais… Je leur dois tant… Je leur dois tout… Etre libre ?… J’ai pas envie… J’ai plus envie… Pour faire quoi ?… Pour la remplir avec quoi ma liberté ?… J’essaie des fois dans ma tête… Je trouve rien… Rien qui en vaille la peine… A part m’envoyer en l’air… Que ça… Qu’elles me détachent, qu’elles me laissent sans surveillance et j’y cours… Je fonce faire Pierre-Antoine cocu… Avec n’importe qui… Le premier venu… Je me dégoûte… Tu peux pas savoir comme je me dégoûte… Arriver à 45 ans bientôt et n’avoir aucun but, aucune passion dans la vie… Aucun intérêt pour rien… A part ça… Je ne suis rien… Je n’existe pas… Pour personne… Sauf pour elles… J’existe de n’être rien… Tu comprends ?… Je sais pas… Je crois pas… C’est pas grave… Va me chercher un café, tiens !…
Je le lui ai fait boire à petites gorgées en lui soutenant la tête…
- Merci…
Elle s’est laissé retomber…
- Et toi ?… Tu existes ?… Tu existes pour qui ?… Ben toi non plus tu n’existes pas… Pour personne… Oh, t’as plein de monde qui t’a toujours tourné autour, ça c’est sûr… Des tas de nanas – il y en aurait une liste longue comme ça ! – qui te donnent l’illusion d’être comme tout le monde… Ou de pouvoir le devenir… En réalité tu n’as pas – tu n’as jamais eu – la moindre importance pour elles… Elles t’utilisent en fonction de leurs besoins ou de leurs attentes et elles te jettent quand tu leur sers plus à rien… Bon, mais on va pas s’apitoyer sur notre sort… Si tu allais nous préparer quelque chose à manger plutôt ?… Un de ces petits plats amoureusement mijotés dont tu as le secret… Je crève de faim, moi !…
Je lui ai donné la becquée… Elle a ri…
- Chacun son tour !… Tu te rappelles l’année où tu t’étais cassé les deux poignets en tombant de la corniche ?… Qu’on te faisait manger à tour de rôle ?…
- Si je me rappelle !…
- Tu faisais quoi là-haut ?… T’étais vraiment somnambule ?… Non, hein !?… Je m’en suis toujours doutée… J’étais avec qui ce soir-là déjà ?…
- Lionel…
- Ben oui, évidemment Lionel… Et tu avais eu le temps de voir quelque chose au moins ?… Même pas !… Tout ça pour rien alors !… En tout cas elle en aura vu cette chambre, elle !… Si les murs pouvaient parler… Non, merci, non… J’ai plus faim…
Et, les yeux fixés au plafond, elle s’est absorbée dans une longue songerie… J’ai redescendu le plateau, fait la vaisselle, suis allé m’étendre quelques instants sur la terrasse au soleil…
- Jamais on aurait dû parler de ça… Jamais… Je venais de remonter…
- Ca me rappelle trop de souvenirs… Ca remue trop de choses… Ca me donne trop envie… Elle a soupiré…
- Tu sais depuis combien de temps j’ai pas eu d’homme ?… Deux ans… Vingt-cinq mois exactement… Il peut plus Pierre-Antoine… Et de toute façon même quand il pouvait ça changeait pas grand chose… Il me reste toute seule… Mais elles veulent pas… Elles m’empêchent… C’est pour ça qu’elles m’attachent… J’y arrive quand même des fois… Pas souvent, mais j’y arrive… J’en peux plus, Gabriel… J’ai trop envie… S’il te plaît, aide-moi… Aide- moi à me retourner sur le ventre… J’y arrive pas toute seule… J’ai pas d’appui… Là… Merci… Glisse-moi les oreillers en dessous maintenant… Les deux… Et… à toi je peux bien demander ça… tu m’enlèverais pas ma culotte ?… C’est bon… Laisse-moi maintenant…
Je n’ai pas rabattu le drap… J’ai laissé la porte entrebaîllée et je l’ai regardé chevaucher voluptueusement les coussins à grandes ondes moutonnantes… A croupe déployée… A fesses bondissantes… Disloquée… Elle a gémi… Elle a mordu l’oreiller… Elle a sangloté de plaisir… Quand elle a eu fini je me suis éclipsé sur la pointe des pieds…
Elle ne m’a rappelé que beaucoup plus tard…
- Faudrait que tu me remettes dans le bon sens… Parce que si elles rentrent… Les oreillers aussi… Et que tu me renfiles ma culotte… Là… Pars maintenant… Pars… Qu’elles te trouvent pas là…
- Tu es allé voir ta cousine dans sa chambre !…
- Non, non !… Pas du tout !… J’ai pratiquement pas bougé de la mienne…
- C’est elle qui est venue alors !…
- Attachée comme elle est sur son lit elle aurait eu du mal…
- Ah oui !… Et comment tu le sais qu’elle était attachée si t’es pas allé la voir ?…
J’ai bredouillé qu’on s’était un peu parlé à travers la cloison…
- Te fatigue pas !… De toute façon avec toutes les miettes que vous avez laissées sur le tapis… Bon… Mais on réglera ça tout-à-l’heure…
Elles nous ont fait descendre… Rester longtemps immobiles, bras ballants, près de la grande table…
- Bien… Vous êtes tous les deux fautifs… Vous avez tous les deux mérité d’être punis… Mais, à l’évidence, Gabriel est beaucoup plus coupable que Véronique qui s’est contentée de subir passivement une présence à laquelle elle ne pouvait pas se soustraire… Si on veut bien faire preuve d’une extrême indulgence on peut même considérer qu’elle est, d’une certaine façon, la victime de son cousin… Et qu’elle est en droit d’exiger réparation… C’est donc elle qui va administrer à Gabriel la correction qui lui est due… Etant entendu que si elle s’y refusait elle reconnaîtrait par là même sa pleine et entière responsabilité dans ce qui s’est passé et qu’elle encourrait la même sanction… A elle de décider… A toi de décider… Prends tout ton temps… On revient…
- Je vais quand même pas te faire ça !…
J’ai haussé les épaules…
- Quitte à en prendre une !… Que ce soit elles ou toi… Au moins comme ça toi tu y échapperas…
- Tout est de ma faute… Si je t’avais pas appelé…
- J’aurais bien fini par venir quand même… J’allais le faire n’importe comment…
- Je vais jamais pouvoir, moi !…
- J’aimerais quand même mieux que ce soit toi… Et de loin… Tu taperas moins fort…
- Très bien… Comme tu voudras…
Et Eva lui a tendu le martinet… Elle m’a fait déshabiller…
- Eh ben !… Qu’est-ce que tu attends ?… Tout… T’enlèves tout… Même les chaussettes, oui… Mets-toi contre le mur… Bien collé… Là…Et bouge plus… Le premier coup s’est fait attendre…
- Alors ?… Tu te décides ?… Timidement… Juste un léger effleurement… Elles ont éclaté de rire…
- Si tu t’y prends comme ça !…
Une deuxième tentative légèrement plus appuyée… Encore des rires…
- Attention !… Tu vas lui faire mal…
Une troisième un peu plus franche…
- Elle se fout carrément de nous oui !…
- On va lui en faire passer l’envie… Déshabille-toi !… Allez !… Et toi, te retourne pas… Reste le nez au mur…
Derrière il y a eu des bruissements d’étoffe…
- Vas-y maintenant… Vas-y !… Et fais pas semblant… Sinon c’est toi qui prends…
Elle a tapé plus fort… Elle a essayé…
- Qu’est-ce qu’on t’a dit ?…
Et il y a eu un autre coup, en écho, qui lui a arraché un cri…
- Allez !…
Elle a réessayé…
- Tu te moques vraiment du monde…
Et elles l’ont cinglée… Une dizaine de coups, à toute volée, précipités, les uns derrière les autres… Alors elle aussi… En rafale… J’ai serré les dents pour ne pas hurler…
- Ah, ben voilà !… Tu vois, ça vient… Mais t’arrête pas !… T’arrête pas en si bon chemin… Elle ne s’est pas arrêtée… J’ai crié…
- C’est bon… Ca suffit… Il a son compte…
Elle a laissé tomber le martinet…
- Excuse-moi !…
Dans un souffle…
Le notaire nous a abreuvés de sourires… Il avait bien connu notre grand mère…
- Une femme charmante… Qui avait son caractère… Mais on a toujours eu d’excellentes relations tous les deux… Même si quelquefois…
Il était en tout cas ravi que nous reprenions la maison…
- Avouez qu’il aurait été dommage de la laisser partir à des étrangers… Et puis vous êtes cousins… On peut au moins être sûrs d’une chose, c’est que vous divorcerez pas tous les deux…
Elles ont voulu fêter ça…
- Ca s’arrose !…
Au champagne… On a levé nos coupes… On a trinqué…
- Et maintenant ?… Maintenant que vous êtes propriétaires vous allez faire quoi ?… Hein ?…Comment ça on allait faire quoi ?… Qu’est-ce qu’elles voulaient qu’on fasse ?… Rien… Comme avant… J’y viendrais l’été… Véronique aussi… Peut-être… Si elle pouvait… - A moins que…
- A moins que quoi ?…
Non… Rien… Elles savaient pas… Mais parfois l’avenir était si imprévisible…
- Qu’est-ce qu’elles ont voulu dire par là ?…
On discutait à travers la cloison… Elles s’étaient absentées et nous avaient attachés sur nos lits respectifs…
- Chacun dans sa chambre… Comme ça au moins on sera sûres que vous serez pas tentés d’aller encore inventer un tour de votre façon…
- Hein ?… Qu’est-ce qu’elles ont voulu dire ?… A ton avis ?… Elles avaient une idée derrière la tête, c’est clair, mais laquelle ?…
Je n’en avais pas le moindre soupçon…
- Qu’un jour on habitera ici ?… C’est pas l’envie qui m’en manque, mais c’est impossible… Même à la retraite Pierre-Antoine viendra jamais s’y enterrer… Et toi tu as ton boulot, toute ta vie là-haut… C’est peut-être pas ce que t’as fait de mieux d’ailleurs… Ni moi non plus… J’y pense des fois… Je pense à ce qu’aurait pu être ma vie si je n’avais pas épousé Pierre-Antoine… Mais bon… On peut pas revenir en arrière…
2- Mutations
Au magasin Mathilde trônait derrière la caisse…
- Qu’est-ce tu fais là, toi ?…
- Je bosse… Ca se voit pas ?… Je suis embauchée… Depuis lundi…
- Ben… et moi ?…
- Viré… Fallait pas t’absenter… Mais non, oh, fais pas cette tête-là… Je déconne… Non… Jasmine ouvre une autre boutique… Un truc qu’a fait faillite… Qu’elle a eu pour une bouchée de pain… Toi, tu tiendras ici, elle là-bas et moi je ferai la navette entre les deux… En fonction des besoins… Après faudra voir… Faudra voir comment ça va tourner…
- Si je comprends bien tu te mets en ménage avec Jasmine ?…
- Je vais habiter avec elle, oui !… Ca t’ennuie ?… Tu m’avais dit que…
- Oh, que non !… Vous faites bien ce que vous voulez… Mais est-ce que c’est pas un peu prématuré ?… Vous vous connaissez à peine…
- Oui, oh mais ça !… On n’a pas du tout l’intention de se prendre la tête… De s’emprisonner l’un l’autre… C’est le meilleur moyen de se casser la figure…
- T’as pas toujours tenu ce discours…
- J’ai évolué… C’est pour ça : il y a rien de changé pour toi, tu sais !… Vous pourrez vous voir autant que vous voudrez… Continuer à être exactement comme avant tous les deux… C’est pas moi qui y trouverai quoi que ce soit à redire… Au contraire… Au contraire, oui… J’adore ça voir deux mecs ensemble… Je vous ai sous la main… Je vais pas m’en priver… Et, de mon côté, ce serait bien le diable si j’arrivais pas à me dégotter une belle petite nana dont m’occuper devant Jasmine… Je lui dois bien ça… Ah oui, à propos, il y a Estelle qui est passée… Plusieurs fois… Elle a demandé après toi… On a pas mal discuté toutes les deux… Comment elle t’a à la bonne !… C’est rien de le dire… Elle te porte carrément aux nues, oui…
- Et maintenant qu’est-ce qui va se passer ?… Tu sais pas ?… Non ?… Cherche bien !… Mais oui, tu y es presque… Ben oui, obligé, c’est couru… C’est avec Estelle qu’elle va vouloir offrir le spectacle à Jasmine et, à un moment ou à un autre, d’une façon ou d’une autre, Estelle va forcément découvrir que Jasmine n’est pas seulement la belle jeune femme qu’elle prétend être… Par ricochet, elle aura obligatoirement des doutes sur ton identité à toi… Des doutes qu’elle voudra lever… Qu’elle finira par lever et, une fois de plus, tu seras grillé…
- Mais qu’est-ce que je peux faire alors ?…
- Rien… Absolument rien… La seule solution consisterait à les empêcher de se voir, mais tu n’as ni la personnalité ni l’imagination qui te permettraient d’y parvenir… Non… Ce que tu peux faire c’est reconnaître enfin – ce ne serait pas trop tôt – que tu t’aventures obstinément sur un terrain qui ne relève absolument pas de ton domaine de compétence… Admets une bonne fois pour toutes que je suis – et depuis toujours – le seul pôle réel de stabilité dans ton existence… Et tires-en les conséquences…
- Ca vous plaît ?…
- Je serais difficile…
Estelle avait tenu à m’emmener au restaurant…
- Je vous invite… C’est mon tour…
Et elle avait fait les choses en grand… Cadre raffiné… Cuisine d’exception… Serveurs en livrée…
- Mais dites-moi là… La femme qui s’est battue au magasin l’autre fois…
- Mathilde ?…
- Mathilde, oui, c’est ça… Elle y travaille maintenant ?…
- Comme si tu le savais pas !…
- Vous allez pas vous en aller au moins ?…
- Tu me regretterais ?…
- Oh oui !… Et pas qu’un peu !… Vous savez trop bien me faire honte… Ce que ça a pu me me manquer pendant tous ces jours où vous avez été absente !…
- Il n’y en a eu que cinq…
- C’était long…
- Eh bien on va rattraper le temps perdu alors…
- Quand ?… Demain ?…
- Non… Tout de suite…
- Ici ?…
- Ici, oui… Elle a jeté un bref coup d’œil aux occupants à conversations feutrées des tables voisines…
- Mais comment ?…
- Oh, c’est très simple, tu vas voir !…
Et je l’ai giflée… Une gifle sonore, énergiquement lancée… Un silence soudain… Tous les regards ont convergé vers nous… Curieux, amusés ou réprobateurs… Des fourchettes sont restées suspendues en l’air… Cramoisie, elle a piqué du nez dans son assiette… Autour de nous, lentement, les uns après les autres, les repas ont repris leur cours… Les conversations aussi…
- Tu vois que c’était pas bien compliqué…
- Je m’y attendais pas en plus… C’est mille fois mieux quand on s’y attend pas… Et… c’est la deuxième…
- Tu aimes ça les claques, hein ?…
- Quand c’est vous qui les donnez, oui… Mais dites, qu’est-ce que vous croyez qu’ils ont pensé les gens ?…
- A ton avis ?…
- Je sais pas… Que vous êtes ma mère… Oui… Sûrement… Et que, même à mon âge, vous me mettez encore des gifles…
- Que tu acceptes sans broncher…
- On me regarde encore autour ?…
- Oui… Le couple à droite, près de la fenêtre… Il arrête pas… Et tu les fais beaucoup rire… Et puis une femme au fond… De l’autre côté aussi on parle de toi… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Tu sais où sont les toilettes ?…
- Oui… Faut traverser toute la salle… Et après c’est à droite, au bout du couloir…
- Eh ben tu vas y aller alors…
- Oh non !… J’oserai jamais maintenant…
- Mais si !… Ou je te remets une gifle… C’est comme tu veux… Tu choisis…
Elle s’est levée…
- Vous êtes diabolique !… Comment vous faites pour me comprendre aussi bien ?…
Pierre-Antoine avait une maîtresse…
- Une maîtresse, oui !… Pierre-Antoine !… Tu te rends compte ?… J’ai découvert ça avant-hier… Et moi qui culpabilisais !… Quand je pense – non, mais quand je pense – que moi on m’enferme, on m’attache et que lui pendant ce temps-là… C’est la meilleure… Je suis trop bête, tiens !… Pierre-Antoine !… Tu sais que j’arrivais pas à y croire au début ?… Et pourtant si !… Il a une maîtresse… Une rouquine d’une trentaine d’années… Quelconque… Vraiment très quelconque… Tu te retournerais pas dessus dans la rue… Et il la saute… Moi, il y a des mois qu’il m’a pas touchée et il va sauter ça… Grand bien lui fasse… Grand bien leur fasse… Parce que s’il s’y prend avec elle comme il s’y prenait avec moi elle doit pas atteindre le Nirvana tous les jours… Mais tu sais quoi ?… Eh bien je m’en fous… Complètement… Pierre-Antoine il y a belle lurette que j’éprouve plus rien pour lui… Si j’ai jamais vraiment éprouvé quoi que ce soit d’ailleurs… Alors qu’il fasse sa vie de son côté si ça lui chante… Ca m’est parfaitement égal… Mais je peux t’assurer que moi, par contre, maintenant je vais faire la mienne… Et c’est sûrement pas la vieille qui va m’en empêcher…
- Bien sûr que si !… Elle est complètement sous sa coupe… Il suffit d’un froncement de sourcils, d’un claquement de doigts, d’un léger haussement de ton pour que Véronique se liquéfie devant elle… Et Pierre-Antoine ou pas ça va continuer… Il a rien à voir là-dedans Pierre-Antoine… Il n’a jamais été qu’un prétexte… C’est entre elles deux – et uniquement entre elles deux – que ça se passe…
Il n’y avait personne à la caisse et on riait aux éclats dans la cabine… Estelle y était nue… Mathilde tenait une petite culotte mauve à la main…
- Ah, ça y est ?!… T’es revenu… Qu’est-ce qu’il t’a dit le toubib ?… C’est rien de grave ?… Bon, ben je file moi alors… Jasmine m’attend là-bas…
Estelle s’est reculottée…
- Elle est drôlement sympa !…
- Elle est sympa, oui, mais méfie-toi quand même !…
Elle a ouvert de grands yeux…
- De quoi ?…
- Je ne veux pas trahir des secrets qui ne m’appartiennent pas, mais elle serait capable de t’entraîner dans de drôles d’histoires…
- Quel genre d’histoires ?…
- Je peux pas te dire… J’ai pas le droit… Mais si elle veut t’emmener quelque part… Chez elle… Ou ailleurs… N’accepte pas… Surtout n’accepte pas…
- Vous êtes jalouse, c’est ça ?…
- Ce n’est pas la question…
- Si, vous êtes jalouse, si !… Oh, mais n’ayez pas peur… Il y a que vous qui savez me faire honte comme il faut…
- Je divorce… Non… IL divorce… Il m’a tranquillement annoncé ça hier soir entre la poire et le fromage… « - Mais vous n’aurez absolument aucun souci financier, Véronique… J’y veillerai… A condition, bien entendu, que vous n’entraviez en rien la procédure… » J’entraverai rien du tout… Qu’il aille donc s’installer avec sa rouquine si ça lui chante… Puisque, à l’évidence, c’est elle qui est derrière tout ça… Oh, elle a su le manœuvrer, va !… Je l’imagine bien se pâmant tant et plus dans ses bras en hoquetant de soi-disant plaisir… Et l’autre qui a jamais été foutu de faire jouir qui que ce soit tu penses qu’il se sent plus… Et elle a plus qu’à encaisser les bénéfices… Seulement si elle se figure que je vais lui laisser empocher le pactole sans lever le petit doigt !… Je vais être gourmande… Très gourmande… J’ai quand même bien droit à ça après tout ce que j’ai dû supporter pendant toutes ces années, non, tu crois pas ?… En attendant il faut que j’envisage ma nouvelle vie… Je vais en faire quoi ?… J’en sais rien… C’est encore trop frais tout ça… Tout est embrouillé dans ma tête… La seule chose dont je sois vraiment sûre c’est que je vais descendre habiter la maison de grand-mère… A condition évidemment que tu n’y voies pas d’inconvénient puisqu’elle t’appartient tout autant qu’à moi… Une fois que je serai là-bas, que j’aurai retrouvé mes marques, j’y verrai sans doute beaucoup plus clair… Et je peux te dire qu’il va pas me manquer Pierre-Antoine… Ah non alors !… Aussi bizarre que ça puisse paraître c’est ma belle-mère que je vais regretter… Et pas qu’un peu !…
- Elle m’aura, moi !… Et je peux t’assurer qu’elle perdra pas au change…
- Vous aviez raison pour Mathilde… Elle m’a invitée…
- Ah, tu vois !… Et qu’est-ce que tu vas faire ?…
- Je sais pas… Vous m’avez fait peur avec vos histoires… Qu’est-ce que je risque au juste ?… - De te retrouver au milieu de messieurs dont tu auras le plus grand mal à te dépatouiller…
- Oh, mais non !… Il y aura qu’elle et Jasmine elle m’a dit…
- Libre à toi de la croire…
- Et elle est comme moi Mathilde… Elle aime pas les hommes…
- Ne te fie pas trop aux apparences… Tu pourrais bien avoir une sacrée surprise…
- Je sais plus quoi faire, moi, du coup…
- Ce que tu veux, mais je t’aurai prévenue…
- C’est demain en plus que je dois y aller!…
- Trouve un prétexte… Donne-toi au moins le temps de la réflexion…
- Oui… Je vais inventer quelque chose… Parce que si c’est pour me retrouver au milieu de tout un tas de bonshommes merci bien !…
Véronique était installée…
- Enfin si on veut !… J’attends le gros de mes affaires pour mercredi… Ca se passe plutôt bien avec Pierre-Antoine… Il est convaincu que sa rouquine est totalement désintéressée… Elle n’a pas encore dû oser apparaître sous son vrai jour… Du coup il se montre très généreux avec moi… J’accepte tout… Je signe tout… Je pousse même à la roue de peur qu’il se ravise… Ca devrait être rapidement réglé… Pour le reste je suis toujours dans le brouillard… Eva passe beaucoup de temps avec moi… Tu la connais : elle est très directive… Plus que ma belle-mère peut-être encore… Différemment… Ce que ma belle-mère voulait c’était m’empêcher de courir… C’était, pour elle, la seule chose qui comptait… Eva, elle, m’impose de faire, dans tous les domaines, ce qu’elle a décidé que je devais faire… C’est ce dont j’ai besoin… Surtout en ce moment… J’ai besoin d’être une petite fille qui obéit et que son obéissance protège de tous les dangers… Je sais que tu me comprends… Ah, si seulement je pouvais parler un peu avec toi !… Et si tu descendais ?… Ca doit pas être trop difficile pour toi de te libérer… Essaie !… Allez, viens !… Je t’attends…
- Mais oui !… On t’attend… Et amène cette fameuse Estelle… Qui ne demandera pas mieux… Ca la soustraira aux insistantes sollicitations de Mathilde… Et, pour toi, ça retardera un peu les échéances…
3- Découvertes
Tout – tout de suite – a enchanté Estelle… La maison…
- C’est fou ce qu’il y a comme pièces !… Vous vous y perdiez jamais ?…
Le jardin…
- J’en aurais eu un comme ça, moi, quand j’étais petite j’y aurais passé mes journées !…
Les prés… Les bois… Les chemins creux…
- Quand on habite ici ça doit être comme si on était toujours en vacances…
Véronique…
- Elle me plaît trop votre cousine… On discute exactement comme si on avait le même âge toutes les deux…
Et Eva…
- Même si elle me fait un peu peur cette dame… Elle a une de ces façons de regarder… On a toujours l’impression qu’on a fait quelque chose de mal…
- Tu n’as pas honte ?…
Estelle s’est troublée, a rougi, levé sur Eva un regard interrogateur…
- Tes pieds… Non, mais t’as vu tes pieds ?… Faut aller t’acheter des chaussures, ça s’impose… Je t’emmène… Mais d’abord on va aller te préparer… Viens avec moi !…
Véronique les a suivies du regard jusqu’à ce qu’elles disparaissent à l’angle de la terrasse…
- Et si tu restais ?…
- Si je restais ?…
- Ici… Définitivement… Comme moi… Avec moi… Maintenant que la maison est à nous… Tu aurais une autre qualité de vie, non, avoue !…
- Tu sais très bien que c’est impossible…
- Pourquoi ça impossible ?… - J’ai mon boulot là-haut…
- Eva en parlera à son père… Il t’embauchera… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Elle lui fait faire tout ce qu’elle veut à son père…
- Je peux pas laisser tomber Jasmine comme ça…
- Il y a une nouvelle donne maintenant que Mathilde et Jasmine filent le parfait amour et tu le sais très bien… Tu déranges… Tu dérangeras de plus en plus… On te mettra pas dehors, non… On s’arrangera pour que tu partes… De toi-même… Alors autant prendre les devants, non, tu crois pas ?…
- Oui, mais…
- Oui, mais il y a Estelle, c’est ça, hein ?… Seulement un jour ou l’autre elle découvrira le pot-aux-roses Estelle et ce jour-là…
- Vous êtes où ?…
- Ici… Dans ma chambre…
- Je peux entrer ?…
- Bien sûr… Elle avait les yeux tout brillants d’excitation…
- Elle m’a emmené acheter des chaussures la dame…
- Ca… j’avais compris…
- Et pour y aller elle a voulu que je m’habille comme ça… Une petite robe rouge haut des cuisses…
- Et que je mette rien en dessous… Evidemment la vendeuse elle a vu… Et alors la dame elle a fait semblant de découvrir aussi que j’avais pas de culotte… Elle a fait tout un scandale… Elle m’a traitée de tout… De tout… Devant tout le monde qui entendait et qui nous regardait… Et il était grand le magasin en plus !…
- C’était bien, hein ?!… Ca t’a plu ?…
- Oh oui !…
- Viens !…
Elle s’est laissé attirer sur le lit… J’ai enfoui ma tête entre ses cuisses…
- Hou la la !… Je reviens de loin, moi !… Comment c’est bon de s’abandonner comme ça… De se laisser complètement faire… Elle s’est redressée sur un coude…
- A votre tour… Vous voulez ?… Je l’ai embrassée, doucement repoussée…
- Non… Non… Tu es gentille… Une autre fois…
Eva m’a arrêté dans mon élan…
- Tu vas où ?…
On finissait de déjeuner sur la terrasse…
- Au petit coin…
- Tu peux bien faire là… On est entre femmes… Eh bien !… Qu’est-ce que t’attends ?… Prends pas cet air empoté…
Je me suis accroupi à contre-cœur… J’ai relevé la robe… Le moins haut possible… En dessous je me suis sorti sur le côté de la culotte… Elle s’est levée… Elle s’est approchée… Elle m’a posé le pied sur la poitrine et elle a poussé… De toutes ses forces… J’ai basculé en arrière… Estelle a écarquillé les yeux, poussé un petit cri de fond de gorge… Elle a renversé sa chaise et elle s’est enfuie… J’ai voulu la suivre…
- Reste ici !… Je m’en occupe…
Elles l’ont raccompagnée à la gare…
- Pas toi, non !… Pas toi !… Elle veut plus te voir… Même pas te dire au revoir… Après ce que tu lui as fait… La mener comme ça en bateau pendant des mois !… Elle ne te le pardonnera jamais…
- Il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre de toute façon… Et au moins maintenant l’abcès est crevé… Une bonne fois pour toutes… C’est mieux pour toi… Parce que c’est insupportable de devoir appréhender comme ça constamment que tout soit découvert… De tricher en permanence… Avec toi-même et avec les autres… Il serait quand même grand temps que tu t’acceptes enfin tel que tu es, non, tu ne crois pas ?… Sur tous les plans… Que vous vous acceptiez enfin tous les deux tels que vous êtes… Toi aussi, Véronique !… On va sérieusement s’en occuper… Bon, mais vous débarrassez la table et vous allez vous coucher… On a une foule de choses à faire demain…
- Tu as bien compris ?…
- Oui…
- Et celui-là !… Pas un autre… Vas-y !…
Et Eva s’est éclipsée… Il regardait la plage, appuyé à la balustrade… Je me suis accoudé à ses côtés…
- Qu’est-ce qu’il y a comme jolies femmes, hein !… Pas facile de faire son choix…
Il a soupiré…
- Le problème c’est de faire le bon de choix… Parce que si c’est pour sortir le grand jeu et qu’elle se défile au moment de passer à la casserole…
- Vous l’avez vue celle en maillot noir sous le parasol bleu ?…
- Où ça ?…
- A droite là… Juste en dessous…
Il a braqué ses jumelles sur Véronique, est resté un long moment à la contempler…
- Belle femme !… Très belle femme !…
- C’est la mienne…
- Mes compliments !… Vous devez pas vous ennuyer…
- Elle, si !…
Il m’a regardé d’un air interrogateur… J’ai haussé les épaules…
- Quand on n’a pas été gâté par la nature…
- Ah !…
- Mais alors là vraiment pas !… Je suis dans l’incapacité totale de lui donner du plaisir… Et elle en souffre la pauvre… D’autant qu’elle a de gros besoins… De très gros besoins…
Son œil s’est brusquement allumé…
- On est entre hommes… Si je peux rendre service…
- Vous pouvez, oui…
Il est reparti sans bruit à l’aube et Véronique a aussitôt frappé, à petits coups légers, contre la cloison…
- Tu viens ?… Dans le lit encore tout plein d’eux elle s’est calée contre mes fesses…
- Réchauffe-moi !… Je suis glacée… J’ai toujours froid après… Elle s’est encastrée entre mes cuisses…
- Hou… Comment ça fait du bien !… On a dû t’empêcher de dormir, non ?… Mais ça faisait si longtemps aussi… J’avais presque oublié comment c’était un homme… Alors pour une fois que j’en avais un sous la main !… Et un qui s’y prenait pas mal du tout en plus… Je l’ai épuisé le pauvre… Il pouvait carrément plus à la fin… Faut dire que quatre fois dans la même nuit…
- Cinq…
- Comment tu le sais ?… T’étais sur la corniche ?…
- Non, mais on entend tout d’à côté…
- Ca te tentait pas la corniche ?…
- Eva a pas voulu… Mais elle y était sûrement elle… Bon… Mais j’y vais…
- Où ça ?…
- Dans ma chambre… Si jamais elle nous trouve encore ici tous les deux…
- Elle le sait… Elle m’a dit : « - Et après… quand tu seras bien pleine de foutre tu feras venir Gabriel… Qu’il sache, au moins une fois dans sa vie, ce que c’est qu’être au lit auprès d’une femme comblée… »… A ton avis pourquoi elle m’a flanqué ce type dans les bras ?… C’est juste pour ça ?… Elle t’a parlé de quelque chose ?…
- Non… Rien… Elle a juste voulu que je te le ramène « - Celui-là… Et pas un autre »…
- Je comprends pas trop… Pendant des mois et des mois elles ont tout fait, ma belle-mère et elle, pour m’empêcher d’avoir quelque activité sexuelle que ce soit et maintenant…
- Tu divorces… La donne est différente…
- Peut-être… Je sais pas… C’est elle qui décide n’importe comment…
Elle s’est tue… Et on s’est endormis lovés l’un contre l’autre…
- Tu as eu ton compte ?… Non, hein !?… Pas vraiment… Tu as tellement de retard à rattraper aussi… Mais Gabriel va retourner te chercher ce qu’il faut… Comment tu le veux ?… Grand ?… Baraqué ?… Oui… Evidemment… Bon, mais reste là… Attends-nous … On va te ramener ça…
Elle a fini par arrêter son choix sur un beau brun à la carrure d’athlète qui courait, seul, autour du petit stade de la rue des Tilleuls…
- Lui !… Et te loupe pas, hein !…
J’ai attendu qu’il ait fini ses tours de piste et je me suis approché…
- Belle journée, hein !… Il s’est penché, sans me répondre, sur son sac de sport…
- Je voudrais vous demander quelque chose… Ca vous ennuierait de me rendre un service ?… - Quel service ?…
- C’est un peu particulier…
- Dites toujours…
- C’est pour ma femme… Je suis dans l’incapacité totale de la satisfaire et…
- Ah, t’es impuissant…
- Pas vraiment, non, mais…
- Mais ça t’excite qu’on tire ta femme devant toi, c’est ça, hein ?… Et tu lui laisses pas le choix… Tu l’obliges à en passer par où tu veux… T’es vraiment une ordure… Les types dans ton genre tu sais ce qu’ils méritent ?… C’est qu’on leur casse la gueule…
- Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ?… Tu es dans un état !… Il est pas cassé ton nez au moins ?… Fais voir !… Mais fais voir, on t’dit !…
Elle l’a empoigné… J’ai hurlé…
- Oh, sois pas doudouille comme ça !… Non, tu vas déguster un moment, mais c’est pas bien méchant… La lèvre, par contre, il te faudrait peut-être des points… Il te l’a éclatée quelque chose de rare… Quoique… Non… Non… Ca cicratisera bien tout seul… La pommette aussi… Allonge-toi !… On va te soigner…
- Bon… Et maintenant si tu nous expliquais ce qui s’est passé…
Elles m’ont attentivement écouté…
- Oui… Tu t’y es pris comme un manche, quoi !… Et c’est Véronique qui en subit les conséquences… Tu le sais pas, depuis le temps, combien c’est important pour elle ?… Et, par ta faute, elle va en être privée… Tu l’as fait exprès… Je suis sûre que tu l’as fait exprès…
- Hein ?… Ah, mais non, non, pas du tout !…
Elle a haussé dédaigneusement les épaules…
- Ben voyons !… Et elle a sorti d’un tiroir un martinet qu’elle a tendu à Véronique…
- A toi de jouer… Fais-lui payer ça…
Le soir, elle est venue me rejoindre dans mon lit…
- Tu m’en veux ?…
- Mais non !…
- Bien sûr que si que tu m’en veux… Comment j’ai tapé fort !… J’ai pas pu m’empêcher… J’en avais trop envie… Jamais j’aurais cru… Déjà l’autre jour quand elles m’avaient obligée à le faire ça avait commencé… Mais alors là cette fois-ci…
Elle m’a posé une main sur une fesse, a suivi les boursouflures du bout du doigt…
- Ca fait mal, hein ?… Je sais ce que c’est… J’y suis passée… Mais pourquoi je deviens comme ça, moi maintenant ?… Et avec toi en plus !… Peut-être à cause d’avant quand on arrêtait pas de se moquer de toi ?…
Elle a posé la main dessus… L’a négligemment flattée…
- Qu’est-ce que ça a pu nous faire rire !…
4- Décisions
De son vivant – bien avant ma naissance – personne n’était jamais entré dans le bureau de grand père… Même pas grand mère… Après son décès non plus… Elle l’avait laissé, sans y pénétrer, dans l’état où il se trouvait le jour de sa mort et en avait condamné la porte… Pour nous, enfants, c’était une pièce mythique dont nous supposions qu’elle recélait des mystères terrifiants et dont nous ne nous approchions qu’en cas d’absolue nécessité… Quand nous sommes devenus propriétaires de la maison, Véronique et moi, nous ne nous sommes même pas posé la question : il allait de soi que nous ne toucherions pas à cette pièce et que nous n’y entrerions pas…
C’est là qu’Eva m’a convoqué le lendemain matin… Assise derrière un immense bureau en chêne, elle m’a fait signe d’approcher…
- Eh bien avance !… Ca va pas te manger…
Je l’ai fait… Avec le sentiment de commettre un épouvantable sacrilège… Sans oser lever les yeux sur la pièce interdite… Comme d’une planche de salut je me suis emparé d’une chaise…
- Non… Tu restes debout…
Sans plus me prêter attention elle a continué à feuilleter une liasse de papiers qu’elle a finalement repoussée…
- Oui… Oui… J’ai décidé de m’installer officiellement ici avec vous… Simple formalité puisque ça fait des années que j’y suis pratiquement à demeure… Je garde la chambre verte et je prends ce bureau qui ne sert à rien ni à personne… Si je t’ai demandé d’y venir c’est pour te tenir au courant de ce que j’ai décidé vous concernant elle et toi… On entre dans une phase nouvelle… S’il s’est avéré nécessaire, pendant une longue période, de réprimer la sexualité débordante de Véronique il m’apparaît tout aussi indispensable de lui laisser maintenant libre cours… C’est en la laissant pleinement être ce qu’elle est que je prendrai, dans le contexte actuel, le mieux le pas sur elle… Que je m’en emparerai totalement… A condition, bien évidemment, d’exercer le contrôle le plus srict sur ce qui se passe… C’est moi qui déciderai avec qui elle aura des relations, de quelle nature, quand et comment… Ton rôle à toi va consister à te mettre, dans tous les domaines, au service exclusif de ta cousine, ce qui, si tu avais eu un grain de jugeotte, aurait dû être le cas depuis longtemps… Plus question de te lancer dans ces invraisemblables aventures dont tu as le secret et qui t’ont toujours mené – et pour cause – dans une impasse… Elles ont eu leur intérêt… Pour te faire prendre conscience d’un certain nombre de choses… Elles n’ont plus de raison d’être… Il n’y a plus pour toi que ta cousine… Et seulement ta cousine… Me suis-je bien fait comprendre ?…
- Oui…
- C’est tout… Tu peux disposer… Ah, j’oubliais… J’ai parlé à mon père… Tu commences lundi… Jasmine est prévenue que tu ne reviendras pas… File !…
Sans plus me prêter attention elle a continué à feuilleter une liasse de papiers qu’elle a finalement repoussée…
- Oui… Oui… J’ai décidé de m’installer officiellement ici avec vous… Simple formalité puisque ça fait des années que j’y suis pratiquement à demeure… Je garde la chambre verte et je prends ce bureau qui ne sert à rien ni à personne… Si je t’ai demandé d’y venir c’est pour te tenir au courant de ce que j’ai décidé vous concernant elle et toi… On entre dans une phase nouvelle… S’il s’est avéré nécessaire, pendant une longue période, de réprimer la sexualité débordante de Véronique il m’apparaît tout aussi indispensable de lui laisser maintenant libre cours… C’est en la laissant pleinement être ce qu’elle est que je prendrai, dans le contexte actuel, le mieux le pas sur elle… Que je m’en emparerai totalement… A condition, bien évidemment, d’exercer le contrôle le plus srict sur ce qui se passe… C’est moi qui déciderai avec qui elle aura des relations, de quelle nature, quand et comment… Ton rôle à toi va consister à te mettre, dans tous les domaines, au service exclusif de ta cousine, ce qui, si tu avais eu un grain de jugeotte, aurait dû être le cas depuis longtemps… Plus question de te lancer dans ces invraisemblables aventures dont tu as le secret et qui t’ont toujours mené – et pour cause – dans une impasse… Elles ont eu leur intérêt… Pour te faire prendre conscience d’un certain nombre de choses… Elles n’ont plus de raison d’être… Il n’y a plus pour toi que ta cousine… Et seulement ta cousine… Me suis-je bien fait comprendre ?…
- Oui…
- C’est tout… Tu peux disposer… Ah, j’oubliais… J’ai parlé à mon père… Tu commences lundi… Jasmine est prévenue que tu ne reviendras pas… File !…
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